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Staccato: la tête ailleurs

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 06:00

C’est nouveau, ça vient de sortir. Le plagiat par négligence, cette notion si poétique surgie du scandale qui a secoué l’an dernier l’Université de Neuchâtel, est promis à un brillant avenir.

Le Conseil d’Etat a en quelque sorte intronisé le concept la semaine dernière dans l’annonce de son verdict: le professeur de la faculté de sciences économiques s’est rendu coupable de plagiat «par manque de rigueur» en publiant un livre farci de copiés-collés. Mais c’est la faute à son nègre, qui a escamoté des notes, et le prof, il n’a juste rien relu.

C’est grave, le manque de rigueur pour un gardien du temple de la rigueur scientifique? Non, puisque le prof est réintégré bien que blâmé (en réalité, il y a prescription sur sa faute, mais tout ce qu’on retient, c’est qu’il est toujours là).

Mon gymnasien de fils peine à comprendre, lui qui subit quotidiennement les sermons de ses profs agitant le spectre de l’expulsion à chaque demi-phrase empruntée à Wikipédia. Mais je lui ai dit: tu deviens toi-même professeur, et il n’y aura plus personne (ou presque) au-dessus de toi pour agiter des spectres, c’est la loi de l’élévation dans la sérénité. Mes explications l’ont rassuré et maintenant, il aimerait bien devenir prof, surtout parce qu’il déteste se relire avant de rendre un travail.

 

Le plagiat par négligence est une notion enthousiasmante. C’est l’antithéorie du complot, qui voit, derrière chaque fléau, une intention maligne. Le plagiat par négligence postule que le mal n’advient pas parce que la part diabolique de l’homme le veut et l’organise. Non, le mal déboule tout seul comme un grand. L’homme peut certes l’arrêter, mais suivant quand et comment, il ne le fait pas, parce qu’il a la tête ailleurs.

Le plagiat par négligence ouvre la voie à une floraison de variations issues du même postulat. Je propose:

L’adultère par distraction. Monsieur rentre du bureau dans son 4x4, il a l’esprit envahi par les soucis managériaux, c’est tard, c’est l’hiver, il croit reconnaître sa villa de style villageois, son lit et le brushing méché de sa femme endormie. Il ne s’aperçoit qu’après coup avoir pénétré dans le lit du voisin, qui… qui est où, au fait?

L’empoisonnement par naïveté. Je vends, mettons, de la choucroute sous vide. Mon fournisseur en wienerli me fourgue de la vache enragée estampillée pur cochon. Je lui fais confiance. Quelle autre faute ai-je commise que celle d’un excès de foi en la nature humaine?

Le génocide par étourderie. Les dictateurs, on croit qu’ils ne pensent qu’à ça, la politique, mais ce sont des hommes comme les autres. Ils ont leurs femmes, leurs sudokus, leurs aigreurs d’estomac. Et comme personne n’ose jamais leur poser de questions, il suffit qu’ils disent «Débarrassez-moi ça» avec un geste vague pour susciter de graves malentendus.

Vous allez me dire: leurs hommes de main, avant de procéder, prennent sûrement la précaution de leur faire signer un ordre écrit. Je suppose que oui. Mais que voulez-vous, il y a des gens, ils ne relisent rien.

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