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Staccato: Les torchons de saint Sébastien

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Jeudi, 6 Mars, 2014 - 06:00

Le martyre de saint Sébastien, vous visualisez? Prenez n’importe lequel, l’iconographie en regorge. Celui du Pérugin au Louvre, ou l’un des trois de Mantegna: ce corps très blanc, très nu et très sensuellement déhanché, ces yeux qui lèchent le ciel tandis que les flèches percent la jeune chair. Un parfum de SM dans le bénitier, 80 kilos de douleur exhibée.

Les journalistes aujourd’hui me font penser à saint Sébastien. Transpercés de toutes parts par les flèches de la conjoncture et de la critique. Mais aussi enclins à en rajouter dans l’auto-
flagellation. On dirait qu’ils aimaient ça.

Jean-François Kahn aime-t-il ça? Probablement pas. Le fondateur de Marianne et chroniqueur à L’Hebdo signe un livre sévère sur la dérive qui guette les métiers de l’information. L’époque des grands débats idéologiques, où chaque journal portait un projet d’avenir est derrière nous, dit-il. Nous traversons un désert de l’utopie, où la presse s’uniformise et tend à faire hystériquement mousser le moindre fait divers à coups d’émotions de synthèse.

Soyons clairs: il a raison. Simplement, je me demande combien de gens vont considérer L’horreur médiatique (Ed. Plon) pour ce qu’il est, à savoir un hommage au métier d’informer. Et combien ne feront, en voyant son titre, que se sentir confortés dans leur conviction: un abonnement au fitness, c’est plus utile qu’un abonnement au journal.
J’ai envie de rappeler un truc tout bête: le journalisme est un métier utile.

Tenez, un exemple simple. Il y a quelques semaines, 24 heures et la Tribune de Genève nous apprenaient que le créationnisme n’est pas seulement enseigné dans quelques régions rétrogrades des Etats-Unis, mais également dans sept écoles privées en Suisse romande. Si des établissements dispensent bel et bien, sans être inquiétés, cet enseignement comme une théorie scientifique, c’est que les départements de l’éducation n’ont pas fait leur travail de surveillance sur les programmes. Cela mérite vérification, et les cantons semblent enfin vouloir l’effectuer, grâce à 24 heures et à la TDG. On peut remercier ces journaux d’avoir fait leur travail en pointant un dysfonctionnement institutionnel.

Bien sûr, dans certains milieux chrétiens, ce même travail est ressenti comme une insupportable intrusion à visée sensationnaliste. Dans un débat radiophonique, un président d’école a tenu, en termes plus polis il est vrai, le discours suivant: ça fait des années que le créationnisme est enseigné en Suisse romande dans la joie et la bonne humeur et tout à coup, ces chacals de journaleux nous tombent dessus et inventent un problème pour vendre leur torchon.

De sa part, c’est de bonne guerre. Quand on veut échapper aux critiques, on mélange les torchons de l’hystérie médiatique et les serviettes de l’information.

Pour ma part, je dis: dans l’atmosphère de dénigrement qui plombe le ciel de l’info, prenons garde à ne pas tous faire pareil. Sinon, ça risque de faire mal. Et non, personnellement, je n’aime pas ça.

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