Les sondages, c’est comme les horoscopes: il faut y croire pour y voir quelque chose de probant. Les deux servent à rassurer les angoissés en classant névrotiquement les populations, les mœurs et les opinions selon la doxa du moment.
Dans un récent sondage réalisé pour le magazine Grazia, Harris Interactive France (le «leader européen des études interactives») prétend que «74% des Françaises se disent prêtes à renoncer à une soirée sexe pour profiter d’un grand restaurant». Ce qui permet à Grazia d’affirmer: «Deux femmes sur trois préfèrent bien manger que coucher.»
Faut-il être con! Comment peut-on imaginer qu’il faille choisir entre manger et coucher? Que les deux ne participent pas de la même pulsion gourmande, provoquent les mêmes émotions, se font EN MÊME TEMPS?
Quand on baise, on baise aussi Avec la bouche et la langue, on embrasse entre les jambes, où se dégustent des arômes souvent marins chez les femmes, mais aussi de miel, de chèvrefeuille et parfois de rouille lorsqu’il y a un peu de sang. Chaque femme a sa flaveur, ses flaveurs même, en fonction de la saison, de l’humeur. Chaque homme aussi. Et pas qu’entre les jambes, entre les fesses également, où ça goûte le sous-bois, l’humus, la mousse. Et sous les bras, où l’aisselle – pourvu qu’elle n’ait pas été rendue stérile par les déodorants – est épicée, saline, avec souvent une belle et profonde amertume. Et partout où l’envie et l’appétit guident les amants, fluides et sécrétions s’avalent avec délices, les chairs sont mordillées, les turgescences sucées.
Le sexe est aussi un festin, oui. Et un festin, lui, n’en est pas un s’il n’est pas un peu sexuel. Si un mets, par son apparence, ses odeurs, ses textures et ses saveurs ne nous fait pas bander, mouiller, frémir et frissonner de désir, vaut-il la peine d’être avalé?
Alors, entre bien manger et coucher, aucun choix ne s’impose; c’est fromage ET dessert, boire ET manger, et toujours l’ivresse.
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