– Salut, ça va?
– Non, ça va pas.
Pendant toute la période où sa mère était en chimio grave à l’hôpital, mon ami Marc, agacé par la vacuité du rituel salutatoire («Ça va?» «Bien et toi?») a répondu: «Ça va pas.» En général, son interlocuteur, après une pause gênée, faisait comme si de rien n’était et continuait la conversation. Alors Marc disait:
– Tu ne veux pas savoir pourquoi ça ne va pas? Ma mère est en fin de vie et c’est dur.
Il ne faisait que susciter une gêne encore plus compacte.
C’est vrai, ça, qu’est-ce que les gens attendent quand ils demandent «Ça va?», questionne mon ami. Rien, Marc, tu le sais bien: «Ça va?» n’est pas une question. C’est un syntagme à fonction phatique, c’est-à-dire qu’il ne sert qu’à établir le contact. Marc n’est pas bête, et il ne veut pas être indélicat. N’empêche, ça l’énerve. Alors il a opté pour la réponse humoristique, piquée à Hugo Pratt:
– Salut, ça va?
– Si tu as trois heures, je te réponds.
En ce moment, pour moi, côté boulot, ça va moyen. Les amis le savent – ils lisent les journaux, tant qu’il en reste – et se demandent comment s’enquérir de mon état.
C’est délicat, je compatis. Pour éviter d’acculer l’amie à la question crue du diagnostic («Quelles sont tes chances de survie?»), je suggère la formule «Comment tu vis tout ça?». C’est empathique et ça laisse une marge de choix du registre.
De mon côté, je me demande comment répondre à un «Ça va?» en temps de crise. Souvent, j’opte pour un «Et toi?» tout nu. Ça m’épargne le «Bien!», qui me resterait en travers de la gorge, tout en m’évitant le péché de larmoiement. Pour les plus proches, je vais jusqu’à: «Ça secoue pas mal, je te raconterai.» Le champ reste ainsi ouvert à un empressé «Tout de suite, raconte!» aussi bien qu’à un distrait «Oui, il faut qu’on se voie».
Le plus compliqué, ce sont les «Ça va?» par SMS. Ils ne sont plus si phatiques que ça, n’empêche. Deux secondes pour poser la question, mais combien de minutes pour faire une vraie réponse? Mon amie Michèle propose: «Tant bien que mal.» C’est élégant.
P.-S. Merci pour vos innombrables messages. Merci de tout cœur pour ces preuves d’attachement. A la question: où vous retrouve-t-on? Je ne peux pas encore répondre. Mais je vous tiens au courant, sur ma page Facebook. A bientôt. Ça ira.
anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti
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