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Attaque au couteau en Bavière: la piste du déséquilibré privilégiée

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Les autorités allemandes privilégiaient la piste de l'acte d'un déséquilibré après une agression au couteau qui a fait un mort et trois blessés mardi à l'aube en Bavière. Le mobile islamiste, un temps évoqué, paraissait écarté.

L'agresseur a été décrit par la police comme un Allemand de 27 ans n'ayant pas d'origine étrangère. L'homme souffre de problèmes psychologiques, est au chômage et vit de l'aide sociale depuis deux ans.

"Nous n'avons jusqu'ici aucune indication qu'il puisse y avoir un complice. Nous n'avons aucune indication qu'il ait pu appartenir à un réseau islamiste", a indiqué Petra Sandles, vice-directrice de la police judiciaire de Bavière, lors d'une conférence de presse convoquée après les faits survenus dans la localité de Grafing, près de Munich.

Selon la police, l'homme a reconnu avoir crié "Allah Akbar" (Dieu est grand, en arabe) et "Vous, les mécréants, vous devez mourir" lors des agressions. Mais il "a donné lors de l'interrogatoire une impression de confusion", a souligné la responsable.

"Un psychopathe givré"

"Tout cela ne colle pas vraiment et il y a des interrogations sur l'accessibilité à une sanction pénale (du suspect)", a indiqué Ken Heidenreich du parquet de Munich. Il a ajouté que ses services devraient désormais décider de demander "un mandat de dépôt ou un internement dans un hôpital psychiatrique".

La police a indiqué n'avoir aucune indication sur une radicalisation islamiste récente de l'individu. Aucun document en ce sens n'a été retrouvé sur lui, dans son téléphone ou son ordinateur.

Ses cibles ont par ailleurs été choisies "au hasard", selon Petra Sandles. "C'est un psychopathe complètement givré", a résumé un inspecteur sous couvert de l'anonymat, interrogé par l'AFP.

Le parquet local a, un temps, donné corps à l'éventualité d'une piste terroriste en mettant en avant dans la matinée une possible motivation islamiste de l'agresseur. Il est ensuite revenu sur cette interprétation dans l'après-midi après les premiers interrogatoires du suspect.

Problèmes de drogue

Les autorités locales ont alors évoqué des "problèmes psychiques et de drogues" du suspect, arrêté sur les lieux de l'agression. L'homme s'était déjà fait remarquer de la police quelques jours plus tôt par son comportement étrange dans une autre région d'Allemagne. Il avait été vu à cette occasion par un psychiatre, selon les enquêteurs.

Le suspect a agressé quatre hommes vers 05h00 du matin, le premier dans un train, le second sur le quai de la gare de S-Bahn de Grafing, puis les deux derniers à l'extérieur de cette station, selon la police. Un homme de 56 ans a succombé à ses blessures. Les blessés sont âgés entre 43 et 58 ans.

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Keystone
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Mardi, 10 Mai, 2016 - 17:24
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brf015
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Quand l’adoption échoue

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:51

Vécu.L’amour ne suffit pas toujours. Selon certains experts, près de 15% des enfants adoptés rompent avec leurs parents après des années de conflit. Dans un ouvrage qui vient de paraître, une mère témoigne des difficultés à élever sa fille, traumatisée par l’abandon.

Marie Maurisse

«Peut-on divorcer de sa fille?» Si Judith Norman se pose cette terrible question, au début de son livre, c’est qu’elle est à bout. Sa fille Mina, âgée de 32 ans, vient de l’assommer avec un téléphone. La jeune femme, qui souffre de troubles du comportement et a déjà commis 17 tentatives de suicide, fait vivre l’enfer à ses parents et surtout à sa mère, qu’elle insulte régulièrement sans raison. Ce qui fait dire à Judith Norman, dans un accès de fureur, l’horrible phrase: «Je vais te tuer, ma fille, je vais te tuer parce que tu nous pourris la vie!»

Pendant plus de cinq mois, cette Française rompt les liens avec Mina et s’interroge sur ce qui a pu causer cette souffrance, y compris en se demandant ce qu’elle a pu rater dans l’éducation de son enfant. Son livre, intitulé Mauvaise mère, est paru en février aux Editions Les liens qui libèrent et, pour Judith Norman – un pseudonyme, car sa fille n’est pas au courant de la parution –, il est avant tout un «appel à l’aide, car je me sens abandonnée».

Pourtant, l’arrivée de Mina dans cette famille soudée, après un premier enfant né naturellement, a représenté un immense bonheur. «Nous l’avons attendue plus de trois ans, explique Judith Norman au téléphone. Et quand nous sommes allés la chercher en Ethiopie, je n’arrivais pas à me détacher d’elle. C’est mon enfant et, même si je ne l’ai pas eue dans mon ventre, je l’ai portée dans mon cœur.»

Les cinq premières années sont idylliques. La petite Mina se montre vive et câline et elle s’intègre très bien dans sa nouvelle famille. «Les problèmes ont commencé avec l’entrée à l’école, car elle a souffert de racisme, se souvient sa mère. Et c’est allé de pire en pire.»

A l’adolescence, la crise d’identité est brutale et la petite Mina devient haineuse. «J’ai eu droit, comme tous les parents adoptants, au «T’es pas ma mère», affirme Judith Norman. Les reproches fusaient en permanence: «Pourquoi tu m’as fait venir? J’ai rien demandé… Pourquoi ma sœur a-t-elle plus de choses que moi?», etc. Nous étions étouffés par elle, on voyait de moins en moins de monde. Et ses crises étaient de plus en plus fréquentes et de plus en plus violentes. A 14 ans, elle m’a giflée. Son problème, c’est qu’elle a été abandonnée par sa mère. Et moi, quelque part, je remplace cette mère et je suis donc susceptible de l’abandonner encore. C’est pour cela qu’elle me teste, qu’elle me provoque.»

Briser un tabou

Après cinq mois sans voir sa fille, Judith Norman a finalement repris contact avec elle. Mais la santé psychique de Mina ne s’est toujours pas améliorée et seuls les traitements médicamenteux parviennent à la calmer. Aujourd’hui, son père et sa mère survivent comme ils peuvent et tentent de ne pas se laisser dépasser par la culpabilité et la dépression. «Je ne regrette rien et ce sera toujours ma fille», assure cependant Judith Norman.

Certes, cet exemple est extrême et l’auteure du livre le reconnaît elle-même: tout, dans le mal-être de Mina et ses difficultés relationnelles, ne peut pas être imputable à l’adoption. Mais les mots si bruts de la Française ont le mérite d’exister dans la mesure où ils brisent le tabou d’une pratique souvent décrite comme une expérience longue mais positive, voire fabuleuse.

Sur les forums de discussion, sous couvert d’anonymat, d’autres parents adoptifs avouent être démunis. «Surtout ne pas penser qu’avec l’amour on arrive à tout, estime une mère. Nous avons fait le malheur d’un être qui en plus n’avait rien demandé…»

Il est déjà très dur d’être parents. Mais il se révèle peut-être encore plus difficile d’être des parents adoptifs. Marion Tièche, psychologue à l’association Espace A, accompagne des familles adoptives et des familles d’accueil à Genève et à Lausanne. Elle estime que l’on trouve «une fragilité particulière dans les familles adoptives pour des raisons multiples, notamment en raison du parcours qu’enfant et parents ont effectué avant leur rencontre ».

Rupture définitive

En 2014, 191 adoptions seulement ont eu lieu en Suisse – un chiffre en forte baisse. Adopter un bébé à l’étranger est devenu très compliqué. C’est encore possible avec la Thaïlande ou la Russie, par exemple, mais les enfants sont rarement âgés de moins de 3 ou 4 ans et ont parfois connu plusieurs institutions, donc plusieurs ruptures avant leur adoption. Les nouveaux parents, de leur côté, peuvent aussi avoir eu des expériences douloureuses liées à l’infertilité.

«Le plus souvent, heureusement, les blessures mutuelles cicatrisent et les liens familiaux se tissent, constate Marion Tièche. Mais parfois, la blessure de l’un vient gratter celle de l’autre et les relations peuvent devenir de plus en plus difficiles.» Par le biais de l’association, elle voit régulièrement des enfants adoptés qui coupent les ponts avec leur famille à la suite de conflits récurrents.

Bien sûr, les enfants de sang se fâchent aussi parfois avec leur famille… Mais les risques sont plus grands dans le cas de l’adoption. Plusieurs spécialistes, dont la psychologue française Sophie Marinopoulos, qui a édité le livre de Judith Norman, estiment entre 10 et 15% le taux d’échec des adoptions, c’est-à-dire lorsqu’il y a rupture entre les parents et les enfants. Au Service social international, Rolf Widmer, président du conseil de fondation, est un spécialiste de ces questions. Il confirme que, «malheureusement, 15% est une estimation correcte». Bien souvent, ces situations interviennent après l’adolescence, voire quand l’enfant devient adulte.

Un an pour se décider

Mais il arrive que l’adoption échoue dès le début. La France vient de publier des statistiques officielles: environ 2% des enfants adoptés sont rendus aux services sociaux, soit une quarantaine depuis deux ans. En Suisse, il n’existe pas de données sur le sujet. Une fois l’enfant chez eux, les parents ont un an pour se décider: après cette date, l’adoption devient définitive et irrévocable. Au Service social international, Rolf Widmer se souvient du cas, il y a onze ans, d’un couple ayant adopté un enfant colombien et qui a finalement décidé de se séparer de lui après quelques mois.

Pourtant ces exemples sont rares, contrairement aux Etats-Unis où le «rehoming» est plus fréquent: des parents adoptifs «revendent» leur enfant sur le Net… Pour éviter des catastrophes, Rolf Widmer insiste: les parents ne doivent pas hésiter à s’entourer et à raconter leurs difficultés. Et surtout, «ils doivent accepter qu’ils n’adoptent pas seulement un enfant. Ils adoptent aussi son passé et son pays.» 

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Pourquoi votre avion est en retard

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:55

Le terroriste moyen-oriental présumé était un économiste turinois. Ses mystérieux gribouillis, une équation différentielle, pas un plan en arabe crypté pour faire exploser l’avion. La passagère assise à côté de lui, dont les soupçons ont cloué au sol pendant deux heures le vol Philadelphie-Syracuse d’American Airlines la semaine dernière, s’est ridiculisée aux yeux de la planète, qui a buzzadoré son histoire.

On se bidonne pour ne pas pleurer, bien sûr. Le comportement de cette trentenaire étasunienne – blonde à l’allure sportive, même pas vieille et gâteuse – offre un exemple glaçant des effets de la paranoïa, pas seulement sur nos jugements, mais sur nos perceptions mêmes. Ou comment le cerveau, imprégné de messages xénophobes, voit se détraquer son curseur d’identification des signes de «différence».

Je regarde la photo de guido menzio, 40 ans, natif de Turin et professeur d’économie à l’Université de Pennsylvanie. Il a la boucle ébouriffée et la barbe distraite du matheux qui ne sait pas se faire cuire un œuf. Le teint banalement mat. Bon. Pas blond, pas rasé, et à part ça?

D’après le récit de l’économiste, un détail semble avoir troublé tout particulièrement sa voisine de cabine: il était anormalement concentré sur ses calculs. Elle a essayé d’engager la conversation, mais il lui a fait une réponse minimale. Aha. Un gars qui n’a pas d’écouteurs dans les oreilles, pas le nez collé à son smartphone et qui néglige une occasion de draguer une blonde, voilà qui est hautement suspect. Si, en plus, il parle anglais avec un petit accent, il y a vraiment de quoi tirer la sonnette d’alarme, pas vrai? Good grief! Parti comme on est, ce n’est pas demain la veille que les avions redécolleront à l’heure.

C’est ce qui frappe Guido Menzio. Quand il commente sa mésaventure, il s’étonne de l’amateurisme des procédures de sécurité. Qu’une Trumpette un brin allumée le prenne pour un djihadiste, passe encore. Mais que le pilote la prenne au sérieux au point de retarder le décollage sans l’ombre d’une vérification, ça, il trouve baroque. Avant de faire perdre des heures à des dizaines de passagers, il aurait suffi, dit-il, de googliser son nom.

Il a raison, rationnellement. Il oublie ce qu’on appelle, parfois par pudeur, le contexte culturel.

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Qui a peur du grand méchant big data?

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:56

Hier, je suis allée acheter notre réserve familiale habituelle de capsules de café. Je suis repartie avec mes capsules et, en prime, deux paquets de biscuits offerts, vu ma fidélité. J’aurais pu jeter les biscuits à la figure du vendeur en costume, lui crier des choses définitives comme: «Salaud! Tu la respectes, ma vie privée? Tu arrêtes de faire le voyeur? Ça te regarde que j’aie déjà bu 3000 dosettes de Volluto et 5500 de Ciocattino? Tu vas arrêter de regarder par le trou de la serrure? Le café que je bois ne regarde que moi! Tes biscuits, tu te les gardes!»

Mais voilà. Je ne l’ai pas fait. J’ai ramené les biscuits chez moi et les ai mangés devant la télévision. Me voilà une victime naïve et consentante de plus du grand méchant big data qui nous vole notre âme.

Toute cette semaine, la RTS mène une opération spéciale intitulée «Big data: adieu vie privée». C’est clair: tout le monde a peur du grand méchant big data. Qui dit big data dit appropriation de données personnelles, transparence obligatoire, algorithmes en mouchards diaboliques, surveillance généralisée. L’enfer est mort, vive le big data, nous y rôtissons déjà.

Je ne partage pas cette vision anxiogène du monde. Déjà, sans le big data, je n’aurais pas eu mes paquets de biscuits gratuits. Mais, surtout, tout le monde confond la vie dite «privée» avec la vie du consommateur que nous sommes par ailleurs.

Dites vie privée, et tout le monde vous répond achats en ligne, réservations d’hôtels ou de billets d’avion, films ou matchs de foot achetés à la télévision, cartes de fidélité dans les supermarchés. Mais la vie privée, ce n’est pas ça. Ça, c’est votre vie d’Homo consumeristus. Les publicitaires ont tellement bien réussi leur coup que nous avons totalement intégré le slogan sous-jacent à chaque affiche pour des fringues, chaque pop-up commercial: «Dis-moi ce que tu achètes, je te dirai qui tu es.»

L’heure est grave et je suis obligée de convoquer la cavalerie: «Je pouvais désormais en témoigner: en vérité, les murs étroits des prisons ne peuvent pas tracer de limite aux ailes de notre imagination», écrit le Nobel et survivant des camps de concentration Imre Kertész. Autrement dit: «Le sage est libre même en prison.» (Epictète). Autrement dit: «Quitte à tout prendre, prenez mes gosses et la télé [...] Et même jusqu’à ma vie privée / Vous n’aurez pas / Ma liberté de penser.» (Florent Pagny). Autrement dit: ne sont enfermées dans la prison numérique du big data que les données brutes que vous lui avez confiées, sans l’essentiel: le bouquet de fleurs sur monfleuriste.com, pour qui était-il? Visait-il à se faire pardonner, à remercier, à déclarer son amour, à endormir la méfiance? Vos rêves d’enfant ne sont pas dans le big data. Ni la première fois où votre cœur a battu pour un-e autre, les fantasmes de vos nuits blanches, vos pensées du matin.

Pour le reste, éteignez votre ordinateur.

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«Les médecines complémentaires peuvent aider à construire son propre projet de santé»

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:57

Interview.Ilario Rossi, anthropologue de la santé, explique les raisons poussant les Suisses à s’intéresser toujours plus aux médecines complémentaires.

Depuis une trentaine d’années, on voit émerger, en Suisse, un engouement toujours plus important pour les médecines complémentaires. Ce phénomène s’explique-t-il par une déception de certaines personnes vis-à-vis du système de santé conventionnel, jugé trop technique? Ou celui-ci répond-il un à changement profond de nos sociétés occidentales?

Réponses avec Ilario Rossi, anthropologue de la santé à l’Université de Lausanne et coauteur de l’ouvrage Cancer et pluralisme thérapeutique, qui vient de paraître aux Editions L’Harmattan.

Selon plusieurs études, un tiers des Suisses auraient recours au moins une fois par année aux médecines complémentaires. Les votations de 2009 ont également montré un appui massif de la population pour ce type de thérapies. Comment expliquer cet intérêt?

Il est important de préciser qu’il ne s’agit pas d’un phénomène nouveau. La coexistence de différentes formes de soins a toujours existé dans l’histoire de l’Occident. Toutefois, elle présente aujourd’hui des caractéristiques nouvelles. Le recours à cette pluralité thérapeutique s’inscrit désormais dans une mouvance historique et culturelle qui s’exprime par la mobilité croissante des personnes, des savoirs, des pratiques et des techniques. Cette même mobilité permet la circulation toujours plus importante des modèles médicaux et thérapeutiques au niveau international.

Quant à la Suisse, pays plurilinguistique, pluriculturel et ouvert sur le monde, elle a été un bassin de réception particulièrement important de ces nouvelles compétences thérapeutiques et médicales. C’est la raison pour laquelle, depuis quelques décennies, nous avons vu apparaître une multitude de techniques nous venant de partout et ayant été reformulées et adaptées à la réalité helvétique.

Dans un même temps, nous assistons aussi à une revalorisation de nos propres savoirs ancestraux…

En effet, il a été possible d’observer un renouvellement de l’intérêt pour notre propre héritage thérapeutique, et plus particulièrement autour de ce que l’on appelle les soins populaires, à savoir les guérisseurs, les rebouteux et autres faiseurs de secret. A l’époque, ces savoirs étaient limités à un rayon d’action circonscrit, à des réalités géographiques bien précises, plus spécifiquement dans le milieu rural. A présent, ces soins se renouvellent dans la confrontation à d’autres savoirs et d’autres pratiques thérapeutiques et s’exportent de leurs lieux d’origine pour investir l’ensemble de notre territoire et plus particulièrement les agglomérations urbaines.

Vous expliquez aussi l’engouement pour les médecines complémentaires par l’émergence de nouvelles valeurs dans notre société.

Oui. Jusqu’à la moitié du XXe siècle environ, les valeurs en vigueur étaient la discipline, le respect de la hiérarchie, ou encore la soumission aux pouvoirs décisionnels. Ces mêmes valeurs sont actuellement remplacées par des référentiels individuels, comme l’autonomie, la responsabilité de soi et la libre initiative, qui donnent à chacun la promesse de pouvoir être l’acteur de sa propre existence. C’est un grand changement de culture, qui a également des répercussions dans le domaine de la santé.

C’est-à-dire?

Tout en faisant confiance à la médecine conventionnelle, toujours plus de personnes s’ouvrent à de nouvelles formes d’expérimentations corporelles et de connaissance de soi par le biais de différentes thérapies, comme l’homéopathie, la médecine chinoise ou l’ayurvéda, par exemple. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui utilisent les médecines complémentaires dans le but de construire de manière autonome et responsable leur propre projet de santé, préventif ou curatif, afin de s’assurer un bien-être personnel. Ces changements de paradigmes nourrissent la pluralité du marché de la santé en Suisse. Pensez-vous que cet intérêt s’inscrive aussi en réaction à une médecine conventionnelle parfois perçue comme trop technologique? On peut effectivement voir cet engouement pour les médecines et thérapies complémentaires comme une forme d’autorégulation sociale, face à des sociétés toujours plus technologisées, scientificisées et efficientes, dans lesquelles les biotechnologies sont survalorisées… Il semble évident que plus ce dernier pôle se renforce, plus les personnes sont portées à expérimenter d’autres formes de soins et donc d’autres modalités de vivre leur corps, dans la quête d’un certain équilibre.

Dans le cadre de votre dernier ouvrage, vous vous êtes penché sur l’utilisation toujours plus fréquente des médecines complémentaires par des patients atteints de cancers.

Les recherches menées avec mes collègues démontrent que de nombreux patients pris en charge au sein de services d’oncologie ont également recours aux médecines non conventionnelles. En Suisse, ce constat concerne au moins une personne sur deux. Pour la grande majorité de ces individus, la médecine scientifique est considérée comme la plus pertinente et la plus performante pour lutter contre le cancer. Très peu de patients sont en opposition totale avec les traitements oncologiques. Mais, d’un autre côté, ils estiment que la prise en charge de la maladie ne peut se réduire exclusivement à la lutte contre la pathologie en tant que telle.

Il existe plusieurs raisons qui poussent les patients à faire appel à ces thérapies, notamment pour soulager la douleur et la souffrance, atténuer les effets secondaires des chimiothérapies ou autres traitements, ou encore prévenir et lutter contre les risques de récidives, notamment par l’alimentation et l’introspection. D’autres se positionnent davantage dans une quête de sens pratique pour soigner les causes supposées de la maladie. Alors que certains se perçoivent, par le recours à des thérapies autres, comme les vrais acteurs de la lutte contre la maladie et de la quête de guérison.

Cette attitude proactive de la part du patient aurait également des effets positifs en termes de pronostic.

Il a été observé que lorsqu’un patient atteint d’une maladie chronique est proactif, son pronostic est souvent plus favorable par rapport à un patient qui serait passif, s’en remettant entièrement aux compétences du médecin et de la médecine.

Vous constatez aussi une ouverture plus grande du milieu médical…

Jusque dans les années 90, lorsque l’on parlait de médecines complémentaires dans le milieu médical, on était confronté à un jugement de valeur radical, essentiellement axé sur le fait que tout ce qui n’est pas science n’existe pas, ce qui n’est pas raison relève de l’irrationnel.

Aujourd’hui, les perceptions sont plus nuancées, ou encore plus ouvertes. Les professionnels de la santé prennent désormais acte de l’importance et des enjeux du recours à un pluralisme thérapeutique de la part de leurs patients. Ils s’y intéressent davantage parce qu’ils sont davantage intéressés par la vie des personnes qu’ils soignent. Mais pas seulement: d’un point de vue thérapeutique et clinique, les médecines complémentaires constituent un intérêt scientifique indéniable, avec l’essor de ce que l’on nomme la «médecine intégrative», qui vise à l’utilisation de toutes les approches thérapeutiques appropriées et validées par la méthodologie scientifique, en vue de soins optimaux. 

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Pied de nez aux racistes

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:58

Il faudra songer à supprimer les lois antiracistes. Si l’on veut que les juges n’y perdent pas leur latin. Parce que le racisme, en Europe, est l’objet d’une totale banalisation.

On découvre un prétendu racisme «anti-Frouzes» en Suisse romande, des racismes «anti-Flamands» et «anti-francophones» en Belgique. A chacun, à chaque groupe de s’inventer sa fixation haineuse.

Mais il y a plus sérieux. La France, plus qu’aucun autre pays européen, est démangée par une aversion anti-islamique qui s’exprime sans plus aucune précaution. Ajoutez à cela la haine anti-juive, vociférante et meurtrière des djihadistes, plus retenue mais courante chez bien des musulmans tranquilles, cela donne un paysage émotionnel peu ragoûtant.

Paysage entretenu chaque jour par les lanceurs de petites phrases, par le déferlement des réseaux sociaux. L’élection à la mairie de Londres de Sadiq Khan, musulman, fils de chauffeur de bus pakistanais, a pris au dépourvu les commentateurs qui ne se lassent pas d’expliquer que les peuples sont au bord de la révolution tant ils ne supportent plus les migrants et les musulmans en particulier. La contradiction venue de Grande-Bretagne est un beau pied de nez.

Mais certains agitateurs médiatiques retombent sur leurs pieds. Ainsi Alain Finkielkraut a confié ceci à la radio juive RCJ: «La victoire d’un musulman pauvre face à un riche juif me rend amer.» Explication: la fortune ne devrait pas disqualifier un candidat, d’autant plus qu’au bout des meilleures écoles, il serait porteur de la plus fine culture occidentale. Et si Khan a gagné, c’est probablement parce qu’il a été porté par l’antisémitisme, dont l’académicien ne doute pas qu’il ravage le Labour britannique.

Une autre grande gueule de cette mouvance, Robert Ménard, maire de Béziers, voit dans l’événement le signe du «grand remplacement» en cours. D’après le titre du livre de Renaud Camus. Entendez le remplacement de la chrétienté par l’islam.

Sur la Toile, il y a beaucoup plus crade. Un site publie une photo pas nette où l’on voit Khan et une femme voilée à l’arrière-plan. Commentaire: à peine la cérémonie officielle terminée, le maire qui avait posé avec son épouse cheveux au vent l’aurait renvoyée se voiler. Truquage grossier. Ces plumitifs attendent maintenant que l’on découvre d’autres concubines, ce sera bientôt le harem à l’hôtel de ville!

La France a-t-elle déjà connu de tels accès de frénésie raciste? L’historien israélien Shlomo Sand le suggère dans un livre récent*. Il y pourfend, souvent avec humour, les stars médiatiques du sujet, de Houellebecq à Eric Zemmour en passant par Bernard-Henri Lévy. Leur apologie d’une France unie, centralisatrice et uniforme, en quête d’une «identité commune», le fait sourire. Car le pays s’est construit sur des vagues d’immigration, d’Italiens, d’Espagnols, de Polonais, de juifs d’Europe centrale qui n’étaient guère mieux vus que les Arabes d’aujourd’hui.

On peut, on doit être critique avec certains traits d’islam incompatibles avec notre société. Mais l’allergie à cette religion, et pas seulement celle, compréhensible, aux islamistes forcenés, a pris des proportions vénéneuses. Shlomo Sand fait le parallèle avec l’antisémitisme d’avant-guerre. Il cite l’écrivain collabo Brasillach: «Soudain nous apercevions que les ghettos d’Europe centrale avaient déversé là leurs juifs à chapeau de fourrure, leur crasse, leur patois, leurs commerces, leurs boucheries kasher…» Le dégoût qu’éprouvent à la visite de certains quartiers arabes d’aujourd’hui tant d’obsédés d’une France purifiée rappelle les tirades d’hier. Jusque dans le thème de l’envahissement. On parlait du complot juif comme on parle maintenant du complot musulman.

«L’Europe, conclut Sand, tente aujourd’hui de s’affirmer en accusant les «étrangers musulmans» de vouloir conquérir le continent «judéo-chrétien». Or la peur et la haine, quels que soient leurs motifs, ont toujours constitué l’un des cocktails les plus explosifs dans l’histoire humaine.» Il faut le corriger. Pas toute l’Europe. Les Londoniens viennent de témoigner d’une sagesse encourageante. Et bien des peuples sont encore assez forts et sereins pour ne pas se laisser entraîner dans l’excitation d’une France blessée, désorientée, manipulée.


* «La fin de l’intellectuel français?». De Shlomo Sand (traduit de l’hébreu). Ed. La Découverte, 276 p.

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Témoignages. «Cela m’apporte du réconfort, l’impression de ne plus être à l’hôpital»

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 05:59

JESSICA BONVIN MUSIO, 36 ans.Hospitalisée au CHUV pour une leucémie. Utilise l’homéopathie, l’aromathérapie et les massages en complément.

Le 30 décembre dernier, la vie de Jessica Bonvin Musio bascule. Ce jour-là, à l’aube du passage à la nouvelle année, cette jeune mère de deux enfants de 10 et 8 ans apprend qu’elle est atteinte de leucémie. A la pose du diagnostic, implacable, succèdent deux hospitalisations de quatre et six semaines afin de subir des chimiothérapies. Puis une nouvelle très récemment, plus courte cette fois, en vue d’une autogreffe de moelle osseuse.

Parallèlement à son traitement conventionnel, la Valaisanne fait appel aux médecines complémentaires, notamment dans le cadre de ses séjours dans le Service d’hémato-oncologie du CHUV, à Lausanne. Sur les conseils de son médecin homéopathe, et avec l’accord de l’équipe soignante, elle utilise des granules de type Nux vomica et Arsenicum album, deux traitements utilisés dans le but de protéger son foie durant les séances de chimiothérapie. Par ailleurs, on lui propose l’utilisation d’huiles essentielles, dispensées sur de petits cotons sous forme d’aromathérapie, afin de lui apporter apaisement et détente. «On ne peut pas tout soigner avec les médecines complémentaires, mais cela représente une aide à mes yeux. J’ai notamment eu très peu d’effets secondaires durant mes deux premières chimiothérapies.» Et puis il y a les massages, dispensés dans le Service d’hémato-oncologie par Richard Girard, infirmier. «Ça m’apporte du réconfort, un moment de bien-être. Et cela me donne également l’impression, pour un temps, de ne plus être à l’hôpital.»

L’utilisation de ce type de thérapies ne représente pas une nouveauté pour la jeune femme: «Petite, ma maman me soignait avec de l’homéopathie. J’ai eu une phase un peu rebelle en étant adolescente mais, en devenant moi-même mère, j’ai pu constater que la médecine traditionnelle n’apportait pas forcément de solutions à tous les problèmes de santé. Je suis donc assez naturellement retournée à cette méthode, qui marche bien sur mes enfants.»


«Cela m’a permis de soulager mes douleurs et d’arrêter les antalgiques.»

NATHALIE, 42 ans. Patiente du Centre d’antalgie à Nyon, où elle suit des séances d’acupuncture et d’hypnose pour soulager des douleurs chroniques.

«Quand je me rendais au parc à pied avec mes enfants, je me demandais toujours si j’allais réussir à faire le chemin du retour.» A la suite d’une chute, puis d’un accident de voiture il y a quelques années, Nathalie souffre de douleurs chroniques très invalidantes dans la région des lombaires et au niveau de la nuque. Entravée dans ses activités quotidiennes, elle ne peut alors envisager de marcher longtemps sans prendre le risque de s’exposer à une douleur extrême.

Malgré une opération, qui permet de soulager une hernie cervicale, des douleurs neurogènes subsistent, qui irradient jusque dans la jambe droite. Nathalie entend alors parler, par des collègues, du Centre d’antalgie de l’Hôpital de Nyon, dirigé par la doctoresse Laurence Van Tulder, également anesthésiste. «Au départ, je ne savais pas trop ce qui allait m’être proposé. Quand on m’a décrit tout le panel à disposition, qui s’étendait de la pratique de l’acupuncture aux infiltrations, en passant par l’utilisation d’antidouleurs, j’ai trouvé cela extrêmement positif et rassurant.»

Laurence Van Tulder opte alors pour une approche par l’acupuncture. Nathalie n’a jamais expérimenté cette technique auparavant mais elle est ouverte à tester tout ce qui pourrait atténuer sa douleur. «Depuis juillet 2015, je fais des séances d’acupuncture une fois par semaine qui me soulagent énormément. L’un des effets positifs les plus importants est que j’arrive désormais à fonctionner avec ma douleur. Celle-ci est devenue acceptable dans ma vie quotidienne, ce qui m’a permis d’arrêter tous les antidouleurs que je prenais jusque-là. Je peux à nouveau avoir des activités avec mes enfants, remarcher. Cela active vraiment un cercle vertueux. Et puis ce n’est pas qu’une rencontre avec des aiguilles mais aussi avec une très belle équipe.» En parallèle, Laurence Van Tulder pratique aussi parfois l’hypnose sur sa patiente. «Cela me permet de me relaxer et d’accueillir davantage la douleur jusqu’à ce qu’elle passe.»


«L’acupuncture m’offre un soutien tant physique qu’émotionnel.»

ANTOINETTE, 45 ans.Hospitalisée à l’Hôpital de la Tour, à Genève, pour un risque de fausse couche. Utilise l’acupuncture et l’ostéopathie.

Un long parcours du combattant partagé entre doutes et espoirs. Dix années de démarches éprouvantes dans le but d’avoir un enfant et durant lesquelles Antoinette n’hésite pas à faire appel aux médecines complémentaires. «J’ai eu la chance d’avoir un gynécologue ouvert à ce type de méthode. C’est lui qui m’a conseillé le recours à l’acupuncture comme un appui aux traitements de procréation médicalement assistée.»

La Genevoise est alors suivie par le Dr Dong, spécialisé dans ce genre d’accompagnement. «Ça m’a apporté un soutien tant physique qu’émotionnel, et cela sans avoir recours à une forme de médication. Cet aspect était particulièrement important à mes yeux, compte tenu de la quantité d’hormones qui m’était déjà administrée dans le cadre de mes traitements.» Puis vient l’ultime tentative, à la suite d’un don d’ovule réalisé en Espagne. Antoinette n’ose plus vraiment y croire, mais elle tombe enceinte. A 11 semaines de grossesse, elle est toutefois hospitalisée en urgence à l’Hôpital de la Tour en raison d’une hémorragie massive. «Tout était prêt pour réaliser un curetage, on m’avait déjà endormie. Heureusement, mon gynécologue a eu le réflexe de faire un ultrason et il a constaté que le cœur du bébé battait encore!» Le placenta s’est, quant à lui, décollé aux trois quarts de la paroi utérine, ce qui oblige Antoinette à rester allongée afin d’éviter tout risque de fausse couche.

L’Hôpital de la Tour lui offre alors la possibilité de continuer ses séances d’acupuncture par le biais du Dr Dong, qui y pratique, et lui propose aussi d’avoir recours à l’ostéopathie. «Je sens vraiment la différence les jours où l’on me pose des aiguilles. Cela diminue les saignements, ainsi que les céphalées et les nausées. De plus, cela permet également de faire travailler de manière optimale les intestins, qui ont tendance à devenir très paresseux en position couchée. Quant à l’ostéopathie, la pratique de manipulations douces m’apporte beaucoup de détente. J’ai l’impression que l’on me rallonge le dos, ce qui est très agréable.»

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Les médecines complémentaires font leur entrée à l’hôpital

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Jeudi, 12 Mai, 2016 - 06:00

Dossier.Si les médecins ont longtemps boudé les médecines complémentaires, ils sont aujourd’hui toujours plus nombreux à se former à ces disciplines.

Dans les haut-parleurs, I Will Always Love You résonne, version saxophone très easy listening. Parqués dans un coin, quelques déambulateurs viennent rappeler l’âge des participants: 80 à 85 ans en moyenne. Cerceaux, ballons et autres bâtons sont distribués par Jaï Tharicharu, professeur de taï-chi, vingt ans de moins que ses élèves au compteur. Un pantalon militaire bleu marine enfoncé dans les chaussettes, il égrène, avec un enthousiasme communicatif, les exercices qui, sous une apparence ludique, visent à renforcer les cuisses, travailler la souplesse des articulations, mobiliser la nuque... «Je considère tout le monde de la même manière. A mes yeux, vous n’êtes pas des personnes âgées dépourvues de force, vous êtes normaux.» Des sourires s’inscrivent sur les visages. 

Les mouvements sont tout de même adaptés à la condition physique des seniors. Ici, tout se passe assis, mais non sans un certain dynamisme. «J’ai même un participant qui a commencé le taï-chi à 102 ans. Tout est possible, il faut juste trouver la bonne solution», ajoute le truculent Jaï. La scène se passe à l’Hôpital de Loëx, près de Bernex. La structure, qui fait partie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), propose depuis plus de vingt ans des cours de taï-chi à des seniors vivant encore à domicile mais qui se rendent une fois par semaine dans l’hôpital de jour de gériatrie communautaire. «Au début, nos patients ne voient pas toujours les bénéfices de cette pratique, explique Christine Le Roy, infirmière responsable de l’unité.

Pourtant, après quelques séances, ils constatent déjà des progrès dans l’amplitude des mouvements, par rapport à leur équilibre, mais aussi une amélioration de leurs fonctions digestives, notamment pour les problèmes de constipation.» Des bénéfices corroborés non seulement par les participants présents ce jour-là, mais aussi par une étude publiée dans le très sérieux Bristish Medical Journal en 2012, axée sur le rapport coût-efficacité des médecines complémentaires. Le taï-chi, discipline enregistrée par la Fondation suisse pour les médecines complémentaires (ASCA) et par le Registre des médecines empiriques (RME), y est en effet considéré comme pouvant conduire à une réduction des coûts liés à la prévention des chutes chez les personnes âgées résidant en EMS.

Tout comme les HUG, les institutions hospitalières de Suisse romande s’intéressent toujours davantage à l’intégration des médecines complémentaires dans leurs structures; 50% des hôpitaux romands offrent ainsi au moins une thérapie non conventionnelle à leurs patients. Certains timidement, principalement par le biais de médecins décidant individuellement de se former à ces méthodes, d’autres avec une volonté beaucoup plus assumée.

C’est le cas du CHUV, à Lausanne, qui fait office de pionnier en Suisse romande. Depuis 2010, l’hôpital universitaire a mis en place une commission permanente des médecines complémentaires, pour faire suite au plébiscite quasi soviétique (78,4%) de la population vaudoise lors des votations de 2009 sur la prise en compte des médecines non conventionnelles. Une initiative suivie par la création, en juillet 2015, du Centre de médecine intégrative et complémentaire (CEMIC), placé sous la responsabilité de Pierre-Yves Rodondi, interniste et spécialiste des médecines complémentaires, formé aux Etats-Unis.

Soulager la douleur

Les missions principales du CEMIC: coordonner l’offre au sein du CHUV et de la Policlinique médicale universitaire, mais aussi étudier certaines indications spécifiques des médecines complémentaires, à l’exemple des douleurs chroniques ou encore des symptômes associés au cancer, comme la fatigue, la douleur et l’anxiété.

«La prise en charge de la douleur est une des motivations principales qui ont poussé l’instauration des médecines complémentaires à l’hôpital, confirme Pierre-Yves Rodondi. On sait que, par rapport à cette problématique bien particulière, la médecine conventionnelle ne règle pas tout. A partir de là, la question est de savoir ce que l’on peut amener de plus pour le patient. Et, dans ce sens, certaines thérapies complémentaires offrent des approches vraiment très intéressantes fondées sur des données scientifiques solides.»

Parmi elles: l’acupuncture et l’hypnose. Deux méthodes ayant fait leurs preuves, notamment par le biais de nombreuses études en neurosciences. Remboursée par l’assurance obligatoire des soins, l’acupuncture est l’une des techniques les plus utilisées par la population suisse. La doctoresse Laurence Van Tulder la propose régulièrement à ses patients dans sa consultation d’antalgie de l’Hôpital de Nyon, ainsi que deux fois par mois au CHUV.

Au bénéfice de trois formations, en anesthésie, en médecine intensive et en antalgie, elle a par la suite suivi deux ans de cours d’acupuncture gratifiés par un diplôme reconnu par la Fédération des médecins suisses (FMH). «L’acupuncture me permet, outre les traitements conventionnels comme les antalgiques classiques, d’offrir d’autres solutions aux patients se trouvant dans une situation de souffrance physique et psychologique. Cette pratique répond à une tendance actuelle, celle d’écouter davantage l’individu, et non pas de le traiter sur la base de statistiques. L’approche, très holistique, est également moins invasive pour le patient.»

La meilleure indication à l’acupuncture? «Lorsqu’une douleur est aiguë et qu’elle n’est pas encore installée, ce qui est beaucoup plus facile à traiter. Une douleur présente depuis une dizaine d’années demandera un suivi plus long. Cette méthode se révèle encore particulièrement efficace dans les cas de sciatalgie (une douleur sur le trajet du nerf sciatique, ndlr), de lombosciatalgie aiguë, ou encore lors de cervicalgies et de cervicobrachialgies.»

Quant à l’hypnose, qui fait aussi l’objet d’une formation reconnue par la FMH, elle représente une autre technique complémentaire de choix en ce qui concerne le traitement de la douleur (lire notre dossier du 29 octobre 2015). Aujourd’hui, plusieurs hôpitaux romands proposent, dans leurs services d’antalgie notamment, des consultations ambulatoires d’hypnose pour les patients souffrant par exemple de douleurs chroniques, aiguës, ou dont on ignore la cause exacte. Les HUG ont été les premiers à introduire cette technique en Suisse romande, dans les années 1970. Le CHUV, quant à lui, possède notamment le service européen le plus à la pointe en matière d’hypnose intégrée au traitement des brûlés. 

Patrick Hasler est médecin anesthésiste à l’Hôpital neuchâtelois (HNE). Il a récemment fait le choix de débuter une formation d’hypnose sur trois ans dispensée par l’Institut romand d’hypnose suisse. «Il y a vingt ans, alors que j’étais assistant en anesthésie aux HUG, j’ai pu observer le travail d’Alain Forster, pionnier en Suisse romande de l’hypnose en milieu hospitalier. J’ai trouvé cela vraiment intéressant, car cela représente un outil simple mais très puissant à la disposition du patient.»

L’un des objectifs de l’hypnose est de permettre aux personnes la pratiquant de devenir plus indépendantes par rapport aux médicaments ou au personnel soignant, afin de se sentir plus autonome dans le contrôle de la douleur. Divers travaux l’ont démontré: en pratiquant régulièrement l’autohypnose, la perception de la douleur se modifie progressivement, pour prendre de moins en moins de place dans le vécu du patient.

Pallier le manque d’options thérapeutiques

Méthode complémentaire la plus utilisée en Suisse, l’ostéopathie a également fait son entrée à l’hôpital, bien que de manière encore discrète. Au CHUV, par exemple, seul le Département de gynécologie-obstétrique offre, depuis 2008, cette prestation aux patientes enceintes ou post-accouchement, par l’intermédiaire de Samia Ravasi, sage-femme et ostéopathe diplômée. «Cette technique a été implantée dans ce service notamment en raison du peu d’options thérapeutiques qu’il est possible d’offrir aux femmes durant leur grossesse. On reçoit ici des patientes qui ne se seraient peut-être pas rendues en cabinet privé par méconnaissance du fait que l’on peut aussi pratiquer cette technique sur les femmes enceintes. Aujourd’hui, les médecins ont pu constater que cette thérapie manuelle était sérieuse. Ils n’hésitent plus à nous envoyer des patientes.»

Les motifs de consultation les plus fréquents? Les lombalgies, les sacro-lombalgies, ainsi que les syndromes ligamentaires. En pratiquant l’ostéopathie deux jours par semaine dans l’enceinte du CHUV depuis huit ans, Samia Ravasi a déjà assuré plus de 4000 consultations, dont celle de Cristina Macina, jeune mère d’un bébé de 2 mois. «J’ai bénéficié d’une séance après avoir accouché, car j’avais des douleurs à l’épaule liées notamment à la position durant l’allaitement. Dès que je suis sortie du cabinet, c’était complètement parti. Mon bébé a également pu être traité par cette technique dans le cadre de l’hôpital, en raison d’une mobilité réduite au niveau des cervicales. Ça l’a également beaucoup aidé.»

Apporter du bien-être

Outre le soulagement de la douleur, les médecines complémentaires peuvent également apporter un soutien psychologique et physique important durant une prise en charge hospitalière. Hong Guang Dong, diplômé de l’Université de médecine chinoise de Pékin et de la Faculté de médecine de l’Université de Genève exerce aujourd’hui en cabinet privé et à l’Hôpital de la Tour, à Genève. Il a été le premier acupuncteur à travailler au sein d’un hôpital universitaire en Suisse, plus particulièrement dans le cadre de la clinique de la médecine de la reproduction du Département de gynécologie et d’obstétrique.

En 1996, Hong Guang Dong commence sa collaboration avec le professeur Aldo Campana, alors chef du département de la maternité. Ce dernier s’interroge sur les bénéfices de l’acupuncture dans le processus de procréation médicalement assistée. «Nous avons ainsi pu constater que cette technique offrait un bon soutien psychologique, notamment lors des fécondations in vitro, relate le Dr Dong. Plusieurs études sont également venues confirmer que cela pouvait augmenter les chances d’implantation. Cela fonctionne également très bien pour la symptomatologie de la ménopause, comme les bouffées de chaleur, notamment pour les patientes qui n’ont pas envie ou qui ne peuvent prendre un traitement hormonal en raison, par exemple, d’un cancer hormono-dépendant.»

Pour Hong Guang Dong, il est toutefois fondamental, entre autres pour le traitement de l’infertilité, qu’un premier bilan soit d’abord posé par la médecine allopathique. «Il faut prendre les avantages des deux sciences, c’est ce qu’il y a de mieux pour le patient.» Parfois, les médecines complémentaires viennent aussi s’intégrer dans des environnements hospitaliers que l’on pourrait croire, a priori, peu propices à ce type d’approche.

C’est le cas du Service d’hémato-oncologie du Service des maladies infectieuses du CHUV, qui traite des patients présentant des leucémies aiguës et chroniques, des lymphomes, myélomes ou devant subir une autogreffe. Ici, les patients sont particulièrement fragiles, protégés de toutes formes d’agents pathogènes par des mesures de précaution très contraignantes. Ils n’en restent pas moins en attente de méthodes qui pourraient venir les apaiser, ou aider à soulager les effets secondaires parfois extrêmement violents des traitements anticancéreux. Richard Girard, infirmier, fait partie de ce service depuis 2003.

En 2005, avec une petite équipe de collègues motivés, il lance une démarche afin de pouvoir proposer aux patients une approche par massothérapie, réflexologie, relaxation guidée et aromathérapie. «L’idée était de pouvoir leur apporter du bien-être et de la détente, car les personnes touchées par ce genre de maladies vivent dans le stress, l’incertitude constante de savoir si les traitements vont marcher ou non.

Leur corps est souvent meurtri, et plus personne, parfois même leur entourage, n’ose les toucher de peur de leur transmettre des microbes. Alors que le besoin de contact, lui, se fait sentir.» Hors de question toutefois de se lancer à la légère. «Nous avons mis au point un protocole extrêmement rigoureux afin de réaliser ces soins de manière optimale, car les personnes atteintes de leucémie sont très sensibles aux hématomes. C’est pourquoi nous contrôlons toujours le niveau de plaquettes des patients avant de déterminer avec quelle force nous allons réaliser les massages. Dans ce sens, il serait impensable d’engager des gens de l’extérieur ne possédant pas de connaissance d’hématologie et d’oncologie.» Richard Girard est aujourd’hui le seul à pratiquer des soins de détente dans le service, mais une partie de l’équipe soignante a reçu une formation de base en aromathérapie. «Cela peut soulager, à tout moment de la journée, les maux de tête, les nausées, stimuler l’appétit ou encore aider en cas de choc psychologique ou de déprime, ajoute l’infirmier. Quel que soit le niveau de croyance initiale des patients à ce type d’approche, une fois qu’ils considèrent cela comme efficace, ils deviennent très demandeurs.»

Offre encore disparate

Si l’engouement du corps médical semble aujourd’hui bien présent, en raison des données scientifiques toujours plus nombreuses prouvant l’efficacité de certaines médecines complémentaires dans des indications données, force est de constater que l’offre dispensée dans les hôpitaux est encore extrêmement disparate. «Que ce soit au CHUV ou dans les autres hôpitaux romands, nous avons pu observer que l’utilisation des médecines complémentaires est encore grandement dépendante de la bonne volonté des personnes ayant validé ces techniques ou qui les pratiquent, décrit Pierre-Yves Rodondi. Par exemple, quand le chef de service change ou que le thérapeute part à la retraite, la thérapie, même si elle a démontré son efficacité, peut tout à fait disparaître, alors qu’il faudrait parvenir à prodiguer ce type de soins aux patients en continu.»

C’est justement pour assurer une homogénéité dans l’offre clinique qu’un postulat a été déposé, en février dernier, par Christa Calpini, députée PLR au Grand Conseil vaudois. Accepté à la grande majorité, celui-ci demande notamment l’équité d’accès aux médecines complémentaires pour les patients du CHUV. Pour ce faire, le texte vise la mise en fonction, d’ici à fin 2016-début 2017, d’un centre de médecine complémentaire en mesure de proposer des soins aux patients, quel que soit le service dans lequel ils se trouvent.

«Nous manquons d’un réel projet clinique permettant d’assurer une continuité des soins, défend Christa Calpini. L’idéal serait par exemple de pouvoir avoir une unité mobile se déplaçant au chevet du malade. Si l’on observe ce que font certains établissements en Suisse alémanique, comme les hôpitaux universitaires de Berne ou de Zurich, dont les instituts de médecine complémentaire proposent des soins aux patients depuis le milieu des années 1990, ou encore le Centre de médecine intégrative de l’Hôpital cantonal de Saint-Gall mis en place en 2009, on constate que, par comparaison, l’offre dans les hôpitaux publics de Suisse romande est encore trop faible.» 

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Marisa, profession amoureuse

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:48

Récit. A 86 ans, Marisa Bruni Tedeschi publie «Mes chères filles, je vais vous racon­ter…» à l’attention de Carla et Vale­ria. Des confessions intimes et impudiques qui font mouche.

C’est une vieille dame indigne qui raconte sa vie. Marisa Bruni Tedeschi, née Borini à Turin en 1930, veuve depuis 1996, jure qu’elle n’a rien inventé. Qu’elle voulait juste «raconter sa vie» à ses filles lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elles ne connaissaient rien de son enfance ni de sa vie de jeune fille, jusqu’à la naissance de Valeria, l’aînée, en 1964. Et puis elle a continué à traverser le temps et à raconter. Paru le 4 mai, tiré initialement à 20 000 exemplaires, Mes chères filles, je vais vous racon­ter… connaît un démarrage fulgurant.

Et, plus rare, ratisse large en intéressant autant la presse féminine (Madame Figaro, Marie-Claire, Elle), la presse people (Point de Vue, Gala) que la presse généraliste dite sérieuse (Le Point, Le Journal du Dimanche, Ouest France, Libération).

Ce succès s’explique, et explique pourquoi vous allez aussi craquer.

Dans Mes chères filles, je vais vous racon­ter…, il est d’abord question de secrets de famille, fonds de commerce de toutes les bonnes histoires, et miroir cathartique des secrets de nos propres familles. Le plus lourd concerne sa fille Carla Bruni-Sarkozy, née en 1967, fille biologique non pas d’Alberto, épousé en 1958, mais de Maurizio Remmert, qui avait 19 ans et la beauté des anges lorsqu’il séduisit la jeune mère de famille de 35 ans qu’elle était. Marisa tombe enceinte mais ne songe pas à divorcer de son mari, qu’elle aime. Maurizio se marie avec une autre et part vivre au Brésil. Alberto élève le bébé comme le sien, sans que Marisa lui avoue jamais la vérité.

Ce n’est que peu avant sa mort, en 1996, qu’il lui dit qu’il a toujours su et souhaite libérer la famille du secret. Carla ne l’apprend qu’après son décès, et en voudra à sa mère de ne pas avoir pu en parler à son père de son vivant. Depuis, elle a rencontré Maurizio, l’a invité à son mariage avec Nicolas Sarkozy et l’héberge lorsqu’il vient à Paris.

Autre secret de famille: la maladie de Virginio, le fils de Marisa, mort du sida il y a dix ans, juste après Alberto. Qui est décédé sans savoir que son fils, qu’il adorait mais avec lequel il n’arrivait pas à communiquer, était gravement malade.

Ode à la passion, à l’art et à la liberté, le livre de Marisa fait preuve d’un franc-parler bienvenu et d’une audace rafraîchissante. Venant qui plus est d’une grand-maman de 86 ans, c’est irrésistible. «Natu­rel­le­ment, certains passages peuvent choquer. Mais tant pis, à 86 ans, je crois que je peux dire ce que je veux! […] Je n’ai été ni Mère Teresa ni Marie Curie… J’ai menti, j’ai trompé, mais je ne pense pas avoir fait de mal», écrit-elle, avant de balancer des sorties comme «La fidélité, c’est un peu barbant», sur le plateau de l’émission de Sophie Davant.

Une résistante résiliente

Marisa est du coup considérée comme un «bon client» des médias, qui se bousculent au portillon. A raison. Femme de caractère, ancienne pianiste professionnelle, elle pratique toujours le piano deux heures par jour, avec une préférence pour Bach, nage plusieurs fois par semaine, refuse de fêter son anniversaire depuis que, gamine, une invitation à son anniversaire le 1er avril a tourné au fiasco, les copines invitées ayant décidé de lui faire une blague et de ne pas venir. Et qui peut se targuer de commencer une carrière d’actrice de cinéma, avec succès, à plus de 70 ans? Présente cette année à Cannes pour le film La pazza gioia de Paolo Virzì, en lice à la Quin­zaine des réali­sa­teurs, elle s’est laissé convaincre en 2002 par sa fille Valeria de faire des essais pour son film Il est plus facile pour un chameau... Depuis, elle adore.

Elle parle de son «caractère profondément optimiste». Aujourd’hui, on dit «résilience», et c’est une des autres raisons qui font que Mes chères filles, je vais vous raconter… se lit comme le journal exemplaire d’une résistante résiliente que la vie et ses drames n’ont jamais cassée. L’enfance se passe avec la guerre et le fascisme dans une famille profondément antifasciste, le père obligé de porter la chemise noire devant Mussolini, les bombardements, l’exode de ville en ville pour fuir les fascistes puis les Allemands, qui faillirent les fusiller, elle et sa famille, pour avoir caché deux juifs, le décès brutal de son père d’un AVC en pleine guerre.

Et puis, plus tard, un professeur de piano qui la contraint à des attouchements, l’existence dorée qui s’écaille lentement mais sûrement, la vente des maisons et des collections d’art, le terrorisme avec les enlèvements d’enfants par les Brigades rouges, l’exil en France, et la mort tragique de son fils tant aimé. Le jour où Marisa apprend que Virginio est atteint du sida, elle ferme son piano, incapable d’y jouer pendant les quinze ans qu’a duré la maladie.

Le cœur et ses sens

Marisa est désormais une people, par la grâce du mariage, en 2008, de sa fille Carla avec un président de la France alors en exercice. Les voyeurs que nous sommes tous lisent aussi, du coup, Mes chères filles, je vais vous raconter… pour de très mauvaises raisons. Marisa n’est pas dupe. Mieux: après son mariage, qui lui a assuré une vie brillante à travers le monde, au contact des plus grands artistes de son temps (Rostropovitch, Noureïev, Georg Solti), elle était vaccinée et plus rien ni personne ne pouvait l’impressionner. Encore mieux: elle est restée d’une curiosité et d’une candeur sans faille et le récit ému qu’elle fait du voyage d’Etat chez la reine d’Angleterre auquel Carla et Sarkozy la convient est un régal.

Enfin, mais surtout, Marisa est une grande amoureuse et cette pratique de l’amour élevé au rang de religion a tout pour convaincre les désenchantés de l’an 2016. Mariée à Alberto, amoureuse de lui, qui a dû lutter pour l’imposer dans sa famille d’industriels turinois puissants, elle ne se prive pas, avec son accord, de suivre les inclinations de son cœur et de ses sens. Un jour, quelques années après l’affaire Maurizio Remmert, elle lui avoue être tombée folle­ment amou­reuse du pianiste Arturo Bene­detti Miche­lan­geli. Alberto la laisse vivre sa passion. Et lorsque Miche­lan­geli la quitte, Alberto, «extraordinaire», la console. De nouvelles grandes passions, elle en rêve.

«Fina­le­ment, le plus diffi­cile est de réali­ser, en vieillis­sant, qu’un beau jour, celles-ci n’ap­par­tiennent plus qu’au passé. Je suis veuve depuis vingt ans. A mon âge, que puis-je faire? Aimer un jeune, c’est beau­coup trop tard. Et un vieux, non. Je n’ai plus envie de passer du temps à soigner quelqu’un et à l’avoir dans les pieds!»

Rencontre avec Marisa Bruni Tedeschi mercredi 1er juin, 17 h, Payot Genève Rive Gauche.

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Jacqueline Chelliah, la businesswoman du brunch

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:49

Séverine Géroudet

Portrait. D’une inébranlable bonne humeur, Jacqueline Chelliah fait des miracles. La pétulante Genevoise a réussi à imposer son Funky Brunch de Genève à Paris. Prochaine étape: New York.

Le 29 mai prochain, le jardin d’un magnifique domaine genevois encore gardé secret accueillera près de 300 personnes pour un Funky Brunch inédit. Il s’agira de la première édition en plein air de ces événements culinaires festifs et nomades depuis leur lancement, en 2013. Et c’est un mystérieux chef étoilé genevois qui élaborera le menu de cette garden-party dominicale. Nul doute que le succès sera au rendez-vous, vu l’engouement suscité par les Funky Brunchs précédents, qui ont tous affiché complet.

Derrière ce concept ingénieux, on retrouve une Romande de 32 ans, Jacqueline Chelliah, qui n’a pas volé le surnom de Jackie Wonder, tant sa personnalité et son parcours impressionnent. Née à Genève d’une mère nigériane de 17 ans, Jacqueline est adoptée par un couple métisse. Sa mère est Suisse alémanique et son père Malaisien, originaire du Sri Lanka. Une fillette adoptée d’origine indienne et une petite sœur née d’une grossesse inespérée viennent compléter cette «famille Benetton», comme la qualifie Jacqueline. «Grandir dans cet environnement m’a inculqué une vision très ouverte et globale du monde, et que rien n’était impossible.» 

Du sport aux agendas

En 2002, bac international en poche, la jeune femme se destine à des études de droit, mais change d’avis au dernier moment pour intégrer un programme d’études en gestion d’événements sportifs à l’Ecole hôtelière de Glion (VD). «J’ai promis à mes parents réticents qu’en terminant ces études, j’intégrerais le Comité international olympique (CIO).» Et quand Jacqueline Chelliah se donne un objectif, rien ne peut l’arrêter. En 2005, après des stages aux Jeux olympiques d’Athènes et au Musée olympique, elle obtient un poste au CIO. Mais l’énergique Genevoise a la bougeotte. Son bagou et sa détermination la mènent à la Fédération internationale de basketball, puis à l’UEFA, pour laquelle elle prend part à l’organisation de l’Euro 2008.

«Après cette expérience incroyable, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux dans le domaine du sport. Il était temps de changer de route. L’envie de créer ma propre entreprise a germé.» La jeune femme se lance alors dans l’élaboration d’une ligne de carnets combinant agenda et journal intime. «Un coach de poche, pour encourager les gens à prendre leur vie en main.» Le lancement des Jamathi Diaries fait le buzz dans les médias. La Fnac, Payot puis Manor décident de les distribuer. Les ventes s’essoufflent cependant et, bien qu’auréolé du Prix pour futurs entrepreneurs de Genilem, le projet s’arrête en 2010. Jacqueline y laisse des plumes.

Du marketing aux brunchs

Mais celle que ses proches qualifient de battante se remet vite en selle. Elle travaille quelque temps dans le domaine de la communication et du marketing, puis s’offre un long voyage à travers le monde. A son retour en 2013, elle est engagée à la RTS comme assistante de production. Cette même année, elle imagine, avec son amie Rana, un projet de brunch inédit, les Funky Brunchs.

La première édition, organisée le 1er décembre 2013 dans un bar des Pâquis, attire 120 personnes à la surprise des deux associées. Et, dès le lendemain, tout le monde réclame la date du prochain brunch. «Là, nous avons réalisé que nous tenions quelque chose.» Les deux associées peaufinent alors leur concept. L’atout des Funky Brunchs? L’ambiance, assurée par un DJ, les animations pour les enfants, deux services et le fait que les brunchs se déroulent dans un lieu différent à chaque édition, révélé au dernier moment, ce qui entretient le mystère.

Les Funky Brunchs s’enchaînent dès lors à un rythme effréné, réunissant toujours plus d’adeptes. Des petits restaurants de quartier aux palaces genevois, le concept caméléon s’adapte à tous les décors et s’exporte dans toute la Suisse romande. En 2015, alors séparée de son associée et engagée à 100% dans le projet, Jackie Wonder vise plus grand. Objectif: Paris. Et quand Jacqueline dit, Jacqueline fait. La jeune femme parvient à séduire le Mandarin oriental et son chef, Thierry Marx. La presse française s’en fait l’écho, tout le monde en parle, le brunch, qui a lieu le 11 octobre, est un véritable succès.

Créatrice d’idées

Après cette apothéose, la Genevoise, qui a frôlé le burn-out, prend du recul, établit un véritable business plan et réfléchit à la manière de développer son concept. En avril 2016, les Funky Brunchs reprennent de plus belle. «Pas plus d’un par mois par contre, et planifié sur le long terme.» Veut-elle s’assagir pour autant? Pas tout à fait. «Je réfléchis à des produits dérivés. Je travaille actuellement au lancement de Funky Brunchs pour les entreprises et développe un concept qui mêlera brunch et art à Monaco.» A la fin de l’année, les Funky Brunchs fêteront leurs trois ans. Cet anniversaire, l’entrepreneuse aimerait le célébrer à New York, avec une édition exceptionnelle.

Pour son ami Filip Opdebeeck, entrepreneur dans le domaine du vin rencontré sur les bancs du coaching Genilem, nul doute qu’elle y parviendra: «Rien n’arrête Jacqueline. C’est une fonceuse. Elle renverse les barrières avec une confiance inébranlable, tout en demeurant profondément humaine, spontanée et très drôle.» Le rendez-vous est donc donné en décembre à New York. Et pour la suite? La jeune femme s’imagine vendre son concept d’ici à quelques années, tout en continuant d’entreprendre. «J’aimerais être reconnue en tant que créatrice d’idées.» Mais elle envisage aussi de se poser. Objectif d’ici à cinq ans: être propriétaire de son appartement, fonder une famille et vivre entre Genève et l’étranger. 

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Affaire Légeret: un livre révèle un nouveau témoin

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:51

Interview. Dans un ouvrage qui paraît ce jeudi, le journaliste d’investigation Jacques Secretan revient sur l’affaire Légeret et dénonce une erreur judiciaire, après des mois d’enquête.

L’affaire Légeret – Un assassin imaginaire, c’est le titre du livre qui sort ce jeudi 19 mai en librairie, sous la plume du journaliste d’investigation Jacques Secretan, auteur d’autres ouvrages qui traitent d’erreurs judiciaires. Tenace, le Lausannois a refait toute l’enquête sur l’affaire François Légeret, ce Vaudois d’origine indienne condamné à la prison à vie pour avoir tué sa mère adoptive et l’amie de cette dernière, Marina Studer, ainsi que sa propre sœur aînée Marie-José Légeret, dont le corps n’a pas été retrouvé à ce jour. Agé aujourd’hui de 51 ans, il n’a jamais cessé de proclamer son innocence.

Au cours de ses recherches, le journaliste a trouvé un nouveau témoin qui confirme que Ruth Légeret et sa fille étaient en vie le 24 décembre 2005 peu avant 17 heures, un élément capital, puisque les enquêteurs ont situé l’heure du double homicide aux environs de midi ce jour-là, une tranche horaire pour laquelle François Légeret n’avait pas pu donner un emploi du temps satisfaisant. Le scénario à charge était le suivant: meurtre de Ruth Légeret au cours d’une dispute, d’ordre financier, qui aurait dégénéré en bousculade dans un escalier, et assassinat des deux témoins gênants. Jacques Secretan a également soumis le rapport d’autopsie des deux femmes retrouvées mortes à deux médecins légistes de renommée.

Ces derniers ont émis les plus grandes réserves quant à la possibilité d’aller au-delà des conclusions des deux praticiens qui avaient procédé aux autopsies: coups reçus, ou chocs contre des objets, ou encore combinaison des deux. Aller au-delà des conclusions de ses subordonnés, c’est pourtant ce qu’a fait, avec assurance, le professeur Patrice Mangin lors des deux procès, en 2008 et 2010. Après des mois d’investigation minutieuse, le journaliste est persuadé de l’innocence de François Légeret. Il dénonce une erreur judiciaire, met le doigt sur de nombreuses incohérences et pose des questions pertinentes.

Comment vous est venue l’idée de ce livre?

Un mois après la parution de mon ouvrage sur l’affaire Ségalat 1, en juin 2015, j’ai reçu une lettre de François Légeret. Son amie lui avait donné mon livre. Il écrivait pour me dire qu’il avait trouvé ma démarche courageuse. Il ajoutait: «Je vous recevrai volontiers.» J’ai mentionné à l’éditeur mon projet d’écrire sur son affaire. Je le croyais coupable du meurtre de sa mère et de l’amie de cette dernière. Coupable, mais mal jugé et condamné à une peine disproportionnée. J’avais en revanche de gros doutes sur sa culpabilité concernant la disparition de sa sœur. L’éditeur m’a dit: «Ça nous intéresse.»

Comment avez-vous travaillé?

J’ai vu François Légeret une dizaine de fois en prison. C’était à chaque fois pour des entretiens d’une heure et demie. Nous étions face à face, assis à une table. C’est un homme respecté par les gardiens et les autres prisonniers, auxquels il donne des coups de main juridiques. Je lui ai dit: «Je ne sais pas si vous êtes coupable ou innocent. La question centrale est de comprendre votre affaire.» J’ai passé des dizaines d’heures à lire minutieusement toutes les pièces du dossier. J’ai également lu deux ouvrages scientifiques sur l’ADN et révisé les bases de la génétique. Ensuite, je suis allé voir les principaux témoins et les endroits significatifs; j’ai calculé les temps et distances.

Quels éléments inédits avez-vous découverts?

Essentiellement, un nouveau témoin. Mais d’abord j’aimerais dire que si François Légeret avait été jugé par un système judiciaire honnête et professionnel, il aurait obligatoirement été remis en liberté à l’issue de son deuxième procès, en mars 2010. Le scénario de l’accusation ne tenait plus. Les juges ont prétendu que la boulangère – décédée depuis –, qui était certaine d’avoir vu Ruth Légeret et sa fille la veille de Noël, avait confondu le 23 et le 24 décembre, ce qui ne tient pas la route. Toutefois, la condamnation à perpétuité de François Légeret a été confirmée à partir d’une pareille bourde. Personne n’a rendu visite à Sébastien Albanesi, le fils de la boulangère, pour le questionner.

C’est ce que vous avez fait, justement?

Oui. Il m’a paru évident que c’était une des premières personnes à aller voir, même si je pensais que c’était une vérification de routine. J’imaginais que la police, les juges et les journalistes l’avaient déjà questionné et qu’il allait me dire que c’était bien le 23 décembre que sa mère avait vu Marie-José Légeret et sa mère. Lorsque je lui ai montré l’extrait de jugement disant que sa famille avait pu fêter Noël indifféremment le 23 ou le 24 décembre, il a sauté en l’air. C’est à ce moment qu’il a réalisé l’importance de son témoignage. «Chez nous, on a toujours fêté Noël le 24 décembre, aussi loin que remontent mes souvenirs», m’a-t-il affirmé. Il savait que les juges n’avaient pas cru sa mère et s’était dit: «Qu’est-ce que je peux apporter de plus?»

Qu’est-ce que cela change à l’affaire?

En 2010, la justice a conclu en disant que le témoignage de la boulangère était crédible et authentique, mais qu’il n’était pas possible de le situer dans le temps. Le témoignage de son fils prouve le contraire. Lorsqu’il est venu chercher sa mère à la boulangerie, vers 18 heures ou 18 h 30, c’était le 24 décembre, indubitablement. Elle lui a parlé de ses dernières clientes de la journée, soit Marie-José Légeret, qui avait été le médecin de Sébastien. Elle était venue à la boulangerie en compagnie de sa mère. François Légeret est censé les avoir tuées aux environs de midi ce jour-là.

Comment expliquez-vous l’attitude du frère de François Légeret, qui s’était montré violent envers sa sœur et sa mère et avait engagé un détective pour discréditer la boulangère?

Ç’aurait été très embêtant pour lui que les charges contre son frère diminuent, car sa condamnation lui profite financièrement. Je n’ai pas jugé opportun de le rencontrer. Son témoignage n’entre pas dans mon enquête. Ce qui me paraît choquant, c’est qu’il a été traité comme une personne au-dessus de tout soupçon par la police, qui n’a pas exigé son ADN, une demande qualifiée de «très intrusive». Il aurait dû être considéré comme un suspect potentiel. Je relève que sa voiture n’a été contrôlée qu’en toute fin d’année 2006, une dizaine de mois après les faits.

Dans votre livre, vous citez un professeur français qui fait autorité en Europe en matière de médecine légale. Il affirme ne pas partager la thèse du professeur Mangin, qui a déclaré au tribunal qu’il pouvait formellement exclure l’accident. Pourquoi aller chercher un expert à Paris?

Il n’était pas possible, en Suisse romande, de faire appel à l’un des collaborateurs du Centre universitaire romand de médecine légale, le CURML, tous subalternes de Patrice Mangin. Ils n’auraient pas pu désavouer leur patron, même si ce dernier allait prendre sa retraite. Il a en effet donné sa leçon de clôture le 18 mars 2016. Les légistes qui ont pratiqué l’autopsie de Ruth Légeret et Marina Studer, qui sont plus compétents que le professeur Mangin, ne prennent pas position quant à la thèse de l’accident dans leur rapport.

Que voulez-vous dire par «plus compétents»?

J’ai examiné en détail le curriculum vitae et les références des travaux dans lesquels le professeur Mangin est cité. Ces dernières concernent essentiellement la toxicologie. De plus, j’ai pu savoir qu’il n’avait plus pratiqué d’autopsies personnellement depuis plus de dix ans, au moment du décès des deux octogénaires.

Cela discrédite-t-il ses interventions devant les tribunaux?

Absolument.

Mais comment pouvez-vous être si affirmatif?

J’ai consulté des sources fiables, soit des médecins légistes en exercice et à la retraite.

Vous parlez d’une erreur judiciaire digne du «Guinness Book». Vous n’y allez pas un peu fort? François Légeret a été jugé coupable deux fois, tout de même.

Honnêtement, je pense être dans le juste. N’avoir que deux microtraces ADN pour François Légeret et une seule – qui ne le concerne pas – avec un véritable impact possible, soit la mèche de cheveux de Marie-José dans la main de sa mère, c’est inédit. De plus, il n’y a pas une seule trace ADN d’un suspect potentiel concernant Marina Studer.

Qu’en est-il des deux traces ADN de François Légeret retrouvées dans le col de la chemise de nuit de sa mère et de celles sur des ciseaux retrouvés près des cadavres?

Ces deux microtraces sont impossibles à dater, même approximativement. Pour les ciseaux, une trace ADN de François Légeret sur le tranchant des lames a été interprétée à tort par l’accusation et les juges comme «un indice extrêmement puissant», alors que justement son ADN est susceptible d’avoir persisté à un tel endroit pendant des mois, voire des années, les lames d’une paire de ciseaux n’étant, qui plus est, que rarement lavées ou nettoyées. Et, surtout, ces traces ne désignent pas une personne n’ayant jamais été sur les lieux. François Légeret était un habitué de la maison.

Dans l’un des manuels de référence en la matière 2, on apprend que, si une tache de sang ou de sperme a eu le temps de bien sécher avant le lavage, il y a de fortes chances que l’ADN soit encore présent, même après plusieurs lavages à 90 degrés. Les traces ADN peuvent subsister durant des années et se déposer sur un tissu par contact. En affirmant à François Légeret, en février 2006, que son ADN avait été retrouvé dans le tissu de la chemise de nuit de sa mère, le juge d’instruction Chatton ignorait probablement la capacité de résistance d’une molécule d’ADN.

L’hypothèse du double crime parfait et d’un troisième, le supposé meurtre de Ruth Légeret, qui n’aurait été signé que de deux microtraces ADN n’ayant pas un caractère de preuve, ne colle pas avec la théorie d’une bagarre qui aurait dégénéré. En pareil cas, l’auteur aurait inévitablement laissé des traces à profusion.

Comment expliquez-vous toutes ces incohérences?

La tendance dominante a été d’écarter ce qui ne collait pas avec le scénario de l’accusation. La présomption de culpabilité, c’est difficile d’y résister lorsqu’on est sûr d’avoir le coupable en face de soi. Mais, à tous les niveaux, il n’y a rien qui tient dans la théorie de l’accusation. Quand on a acquis une conviction sur la base d’une théorie qui paraît certaine, il est difficile d’en sortir. Ce qui est le plus inquiétant, c’est que le Tribunal fédéral entérine des jugements aussi problématiques.

Pourtant, François Légeret a concédé, en février 2006, qu’il était dans la maison de sa mère le 24 décembre, ce qu’il avait nié jusque-là.

C’est un grand classique des erreurs judiciaires. On obtient des demi-aveux ou même des aveux complets après des dizaines d’heures d’interrogatoire. Cette version a été obtenue au forceps par la police et le juge d’instruction, après quatre nuits presque sans sommeil. Le juge dicte ce qu’il veut et, en face de lui, il a un accusé à bout. Ce dernier a d’ailleurs toujours clamé son innocence. S’il y avait eu un enregistrement vidéo, je suis convaincu que cette deuxième version serait très vite passée à la trappe, car c’est le juge qui l’a dictée.

Après des mois passés à enquêter sur cette affaire, quelle est, à vos yeux, la thèse la plus probable?

Sans exclure les autres hypothèses existantes – suicide, accident, homicide –, la disparition volontaire de Marie-José Légeret ne peut pas être écartée, dans le cas notamment où celle-ci se serait sentie coupable après une bousculade avec sa mère. Dans une telle éventualité, une disparition à long terme serait plausible, pour une personne qui risquerait de se voir accusée de meurtre.

Que pense le principal intéressé, François Légeret, de votre ouvrage?

Son avis est réservé, car il craint que le livre ne puisse le desservir. Il a tellement fait de demandes de révision et reçu tellement de réponses négatives qu’il ne peut être que méfiant.

Quel regard portez-vous sur la justice vaudoise?

Cette affaire, une des plus médiatisées de Suisse romande ces dix dernières années, me donne une piètre opinion de la justice vaudoise, une justice incapable d’opérer des vérifications. Malheureusement, cette remarque est également valable pour le Tribunal fédéral, concernant aussi bien l’affaire Légeret que l’affaire Ségalat.

1 «Une condamnation bâtie sur du sable», Jacques Secretan, Ed. Mon Village, 2015, 119 pages
2 «Preuve par l’ADN», Raphaël Coquoz et alii, Ed. Presses polytechniques et universitaires romandes, 2013


«La chance est grande d’obtenir une révision»

Incarcéré aux Etablissements pénitentiaires de la plaine de l’Orbe, François Légeret n’a pris encore aucune décision quant au choix d’un ou plusieurs avocats pour lancer une demande de révision. Il ne souhaite pas agir dans la précipitation. Me Jean Lob, âgé de 88 ans, est le seul à lui avoir prêté main-forte, à crédit, ces cinq dernières années. Chargée de la défense du Vaudois dans le cadre d’une procédure séparée qui a pour objet la confiscation de ses biens, Kathrin Gruber, qui a pu prendre connaissance de l’ouvrage de Jacques Secretan, est optimiste. «Il y a un fait nouveau, soit le témoignage de Sébastien Albanesi, qui atteste que la famille a bien fêté Noël le 24 décembre. La chance est donc grande d’obtenir une révision.» Et de citer l’article 410 du Code de procédure pénale suisse.

L’avocate veveysanne est d’ailleurs convaincue de l’innocence de François Légeret. «C’est un homme non violent et assez timide, une personne incapable d’avoir perpétré un tel crime, un acte qui demande beaucoup de sang-froid. Il aimait sa mère et avait un énorme respect pour elle.» Potentiellement, une demande de révision – un document qui tient sur trois ou quatre pages et qui doit être déposé à la Cour d’appel pénale – est susceptible d’aboutir à un nouveau procès «à brève échéance», selon Kathrin Gruber.

«Si la requête est admise, il sera possible de demander une remise en liberté. Dans le cas où il y aurait un nouveau procès, il faudrait récuser un grand nombre de juges, car la composition actuelle de la Cour d’appel pénale comprend beaucoup de magistrats ayant déjà eu à se prononcer sur l’affaire Légeret.»

Si François Légeret était innocenté, la somme à laquelle il aurait droit – qui résulterait des dommages et intérêts ainsi que de l’argent provenant de sa mère qui lui a été confisqué – se monterait à plusieurs millions de francs. 

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Point final: respect mutuel

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:53

La récente dispense donnée par la direction d’une école de Bâle-Campagne aux élèves musulmans de serrer la main de leurs professeurs féminins n’est pas un événement marginal. D’autres exemples du même genre foisonnent depuis des lustres. En décembre 2013, dans un collège du Nord vaudois, la mère d’une élève de confession musulmane interdit à cette dernière d’ouvrir les fenêtres du calendrier de l’avent.

Celui-ci se présentait sous la forme d’une planche cartonnée dans laquelle étaient prédécoupées 24 fenêtres à découvrir jour après jour jusqu’à Noël. On pouvait y trouver, non pas une phrase de l’Evangile comme le prévoit la tradition chrétienne, mais seulement des messages et friandises. Qu’importe. Aux yeux de cette dame, sa fille devait mettre le voile sur ce calendrier. Du coup, l’enseignante supprima toutes les décorations de Noël, au grand désarroi de sa classe. Pour «respecter les convictions religieuses de son élève». Vraiment?

Plus respectueuse fut l’attitude de Sheikh Ahmed Zaki Yamani. Des années durant, au moment des fêtes de Noël, l’ancien ministre saoudien du Pétrole que j’avais interviewé à Genève en 1991 m’envoya ses vœux. Il choisissait un extrait du Coran où étaient mentionnés Jésus et Marie. Quoi que l’on pense de l’Arabie saoudite, je trouvais la démarche plutôt délicate. Le musulman n’avait pas besoin de renoncer à ses propres valeurs. Il lui suffisait de les associer aux miennes. Comment, en effet, prétendre respecter les autres si l’on ne se respecte pas soi-même?

lbp@ringier.ch

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Chemises à manches courtes, la fracture Nord-Sud

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:53

Décodage. C’était un tabou de l’élégance masculine. La chemise à manches courtes pour hommes revient. Mais la mode italienne résiste: un nouveau choc des civilisations?

Il y a six ans, Richard James, tailleur à Savile Row, prononçait dans The Telegraph cette condamnation définitive: «Je hais les chemises à manches courtes. Les hommes qui en portent n’évoquent même pas pour moi le cadre moyen, mais le loser. Ou alors le steward de compagnie aérienne.»

L’élégant helvétique ne pouvait qu’applaudir. Il faut dire qu’en la matière la référence iconographique la plus traumatisante est suisse: la chemise à manches courtes, c’est Christoph Blocher prononçant son discours du 1er Août. La beaufitude incarnée. La faute de goût rédhibitoire. Une affaire classée.

Et pourtant. En ce printemps 2016, Richard James vend des chemises à manches courtes. Sur les sites de shopping en ligne, son modèle en coton bleu ciel à micromotifs floraux, manches très courtes et ligne près du corps, est déjà épuisé. Chez Paul Smith, qui affectionne le short-sleeved, la coupe reste ajustée, mais la manche est un brin plus longue et les imprimés supergraphiques. Tandis que Dries Van Noten, Raf Simons ou Vuitton revisitent avec audace les ampleurs qui furent celles de la chemise hawaïenne: en version bouffante dans un pantalon taille haute, la fifties shirt est une des tendances de la saison.

Ringardes, les manches courtes? Mais d’où sortez-vous? «Avec un chino et des snickers, c’est une tenue estivale chic et sportive, dit Camille Barki, dans la boutique lausannoise qui porte son (pré) nom. Evidemment, tout dépend de la coupe, du tissu, du motif. Prenez un voile de coton, une coupe droite et pas trop longue… On ne parle pas de la chemise en tergal de l’employé des postes.»

Résistance transalpine

L’été venu, Camille vend depuis plusieurs années déjà ces petites choses légères et griffées pointu à une clientèle avertie. Mais, là, il semble que le mouvement manches courtes prenne de l’ampleur. «Tout le monde s’y est mis: c’est l’influence des hipsters…» Vous savez, les hipsters, ces gens hypercodés qui adorent «revisiter les signes de la «beaufitude» pour montrer leur insouciance des codes», selon le mot de Stéphane Bonvin, notre consultant en mode préféré.

Mais en fait pas. Tout le monde ne s’y est pas mis. Parlez de manches courtes à Mauro de Luca, chef de ventes au Bongénie de Genève et porte-parole historique du chic transalpin. Il reste poli, mais la fermeté du ton ne laisse planer aucune ambiguïté: «Chez les Anglais peut-être, les Allemands, les Américains. Mais dans la culture italienne, jamais. C’est formellement interdit. On retrousse ses manches, c’est tout.» Ainsi, aucune des marques transalpines vendues au Bongénie n’entre en matière cette saison. Surtout pas les marques napolitaines: comme chacun sait, Naples et Londres sont les deux capitales mondiales de la chemise.

Assisterait-on à la naissance d’une nouvelle fracture Nord-Sud? On peut le craindre, à la lecture de certaines déclarations. Particulièrement inquiétante, celle de Pino Lerario, fondateur de la marque transalpine Tagliatore, qui souligne dans Il Giornale le caractère fondamentalement religieux de la confrontation: «Bleah… [La chemise à manches courtes], c’est la chose que je hais le plus! Seuls les protestants portent ça, c’est un signe de foi, pas d’élégance.»

Bleah, brrr… On compte sur les grandes marques mondialisées pour diluer ces poussées identitaires naissantes dans le grand bain de la «branchitude» universelle. Aux dernières nouvelles, Gucci fait des manches courtes pour hommes. Paix à son âme. 

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Meapasculpa: l’Ascension et Pentecôte à la poubelle

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:54

Il faut supprimer  l’Ascension et Pentecôte. Et le lundi du Jeûne. Nous sommes des usurpateurs. Personne ne sait plus pourquoi nous avons congé. En plus, on ne fait même plus semblant. Quand j’étais enfant, nous avalions au moins des kilos de gâteaux aux pruneaux au Jeûne sans nous poser de questions.

C’est terminé. Les églises se vident et les jours fériés sont considérés comme un dû. Si j’étais Dieu, j’exigerais qu’on me rende mes jours fériés. Pourquoi diable y aurait-on droit pour des raisons auxquelles on ne croit pas, ou plus?

Il faut se lever tôt aujourd’hui pour trouver un voisin ou un ado qui non seulement sache, mais croie, que Vendredi-Saint, Jésus a été crucifié sur le mont Golgotha; qu’à l’Ascension, lors d’une dernière rencontre entre Jésus ressuscité et ses disciples, ledit Jésus fut emporté au ciel; qu’à Pentecôte, les disciples de Jésus se sont mis à parler toutes les langues et à recevoir l’Esprit saint. Et même que le troisième dimanche de septembre est une journée d’actions de grâce, de pénitence et de prières qui date du temps où l’on craignait les guerres, les épidémies et la disette. Et que si le premier Jeûne fédéral remonte à 1796, c’est qu’on craignait alors la menace révolutionnaire.

Écoutez la radio, la télévision: il n’est question à l’Ascension ou à Pentecôte que de «pont» et de «bouchons». Je ne dis pas: les jours fériés en Suisse sont utiles pour nous aider à lutter contre notre addiction au travail. Mais c’est comme si on ouvrait un cadeau qui ne nous était pas destiné. Est-ce qu’au nom de la tradition et de nos racines chrétiennes la persistance de ces jours fériés justifie qu’on ait droit à une grasse matinée?

En France, le politologue Thomas Guénolé affirme qu’au nom du principe de laïcité il faut déchristianiser les fêtes religieuses, et propose de les remplacer par des jours fériés mobiles que chacun prendrait à sa guise suivant ses convictions religieuses ou culturelles.

Je suis pour la démarche inverse: trouver de nouveaux jours fériés collectifs. Des jours qui ont du sens pour les Suisses d’aujourd’hui, marquant des événements qui ont façonné notre monde actuel de manière heureuse. On a le choix: 7 février (1971), suffrage féminin fédéral, 17 février (1863), création de la Croix-Rouge, 16 mai (1920), entrée de la Suisse dans la Société des Nations, ou 10 septembre (2002), entrée de la Suisse à l’ONU, 7 mai (1850), naissance de notre cher franc suisse, 12 juin (1827), naissance de Johanna Spyri, mère de ce mythe national qui nous rapporte encore tant, 6 juillet (1947), introduction de l’AVS, 10 août (1814), naissance d’Henri Nestlé, pour les mêmes raisons que miss Heidi.

Pâques, on peut garder: la Suisse a réussi à la transformer en fête mondiale des lapins en chocolat. Dieu n’est pas loin: pour les Aztèques, le cacao était un don du grand dieu Quetzalcoatl. Amen.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Les Livetrotters, laboratoire du journalisme de demain

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:55

Concours. L’opération Livetrotters, organisée par «L’Hebdo», débute le 10 juillet prochain. Cinq jeunes reporters recrutés parmi près de 500 candidats partiront huit semaines à travers l’Europe et raconteront leur périple dans les pages du journal et sur les réseaux sociaux.

Ils sont cinq, âgés de 23 à 31 ans. Ils sont créatifs et ont la niaque. Nous avons retenu leurs dossiers sur près de 500 candidatures. Grâce à L’Hebdo, ils ont trouvé le meilleur job d’été que l’on puisse imaginer, si tant est que l’on soit curieux, débrouillard et que l’on aime les rencontres: sillonner l’Europe durant deux mois pour réaliser des reportages. Ils partent avec leurs rêves, leur envie d’en découdre, des billets d’avion fournis par notre partenaire Swiss et un budget de 4000 francs.

Souples, nomades, ils fonctionnent en réseau grâce aux nouvelles technologies. Et ils racontent leurs aventures sur les réseaux sociaux. Leurs profils inattendus nous ont séduits, comme leurs projets de reportages et d’enquêtes pour éclairer l’Europe en mutation.

Parcours atypiques

Jugez par vous-même. Après avoir suivi l’Ecole hôtelière de Lausanne, Nina Seddik est devenue blogueuse mode et beauté. Le sujet qu’elle s’apprête à embrasser n’a rien de frivole: elle va partager le quotidien des migrants. De son côté, Jacqueline Pirszel est au bénéfice d’un master en géographie et sciences urbaines à l’Université de Lausanne. C’est la ville de demain qu’elle esquissera pour nous, entre Oslo et Belgrade.

Aude Haenni, formée tant en pédagogie qu’en art et en journalisme, rendra visite aux Suisses de l’étranger pour comprendre ce qui les a motivés à quitter leur pays et ce qui constitue la cinquième Suisse. Raphaël Surmont, seul garçon de la volée, a étudié le marketing digital et la communication. C’est le nomadisme des employés du futur qui le fascine. Quant à Marie Romanens, fille du chanteur et humoriste Thierry Romanens, diplômée de l’Ecole de couture de Lausanne, elle racontera l’auto­entrepreneuriat moderne. Elle en sait quelque chose, elle qui a créé sa propre marque de vêtements. Chaussures dorées branchées et volumineux sac de voyageuse sur le dos, elle paraît prête à embarquer illico pour l’inconnu.

Des Blogtrotters aux livetrotters

En 2007 débutait l’aventure des Blogtrotters. En cinq éditions, elle a permis l’éclosion de nombreux talents. Céline Zünd est aujourd’hui journaliste au Temps. Tasha Rumley s’est engagée, après cinq ans passés à L’Hebdo, comme déléguée au CICR. Matthieu Ruf, journaliste indépendant, a reçu cette année le prix Georges-Nicole pour son premier roman, Percussions. Clément Bürge, également journaliste indépendant, est correspondant pour L’Hebdo à Hong Kong. Enfin, Marianne Grosjean signe des critiques littéraires dans les pages de la Tribune de Genève.

Si Blogtrotters était une pépinière, il fallait, pour cette nouvelle volée, en faire un laboratoire du journalisme en devenir. La presse est en pleine mutation et développe les possibilités que lui offrent les nouvelles technologies. Voici donc les Livetrotters, à l’aise sur Facebook, Twitter ou Snapchat. Ils ne prendront pas seulement la plume, mais aussi la caméra, l’appareil photo et le micro, pour diffuser, via les réseaux sociaux et dans les pages de L’Hebdo, le fruit de leurs enquêtes, et tenteront de développer des formats nouveaux.

Chaque semaine, un de leurs reportages sera sélectionné par notre rédaction et paraîtra dans nos pages. A la fin de l’été, l’un de ces cinq Livetrotters se verra proposer un stage au sein de notre magazine.

Sur le seuil de notre salle de rédaction lausannoise, Aude Haenni s’impatiente: «Est-ce qu’on peut commencer tout de suite?» Nous aussi, nous avons hâte. De découvrir leur travail et de vous le faire découvrir.


Marie Romanens, 23 ans

Son sujet: Le microentrepreneuriat. Si la Suisse semble à la traîne dans ce domaine, ce n’est pas le cas du sud de l’Europe, qui souffre pourtant du chômage, et du nord du continent, à la pointe de la création de microentreprises. L’autoentrepreneuriat est-il l’avenir de la génération Y?

Médiums utilisés: Des portraits, par le biais de textes et de photos. Mais aussi du dessin et des podcasts.

Son parcours: Couturière de formation, elle a créé une marque de vêtements avant de devenir chroniqueuse pour la chaîne BeCurious. 

Nina Seddik, 28 ans

Son sujet: S’immerger dans le quotidien des migrants, à différentes étapes de leur périple. Elle commencera par les portes d’entrée européennes que sont la Grèce et l’Italie, puis voyagera dans les pays qui les ont le plus accueillis, l’Allemagne et la Suède. Elle travaillera comme bénévole pour les migrants et évoquera son expérience sur le terrain.

Médiums utilisés: Reportages écrits. Ainsi que des posts sur Instagram, Snapchat et Twitter.

Son parcours: Un bachelor à l’Ecole hôtelière de Lausanne. Rédactrice et blogueuse mode. 

Jacqueline Pirszel, 28 ans

Son sujet: A quoi ressemblera la ville de demain, du point de vue des transports, de l’urbanisme, de la mixité entre les populations et des nouvelles technologies? Géographe urbaniste de formation, Jacqueline aimerait faire «aimer la ville» aux lecteurs.

Médiums utilisés: La vidéo et des micros-trottoirs. Des articles d’analyse plus développés.

Son parcours: Un master en géographie et sciences urbaines à l’Université de Lausanne. Stagiaire assistante de production à One FM. 

Raphaël Surmont, 24 ans

Son sujet: Expérimenter le monde des digital nomads et leur formidable flexibilité. Il s’intéressera à la première vague de ces employés européens qui n’ont pas de bureau fixe et travaillent sur les routes. Des métiers qui génèrent souvent leur revenu sur le web.

Médiums utilisés: Principalement la vidéo, via YouTube. Il aimerait raconter à la première personne comment il devient lui-même un nomade numérique européen.

Son parcours: Un bachelor en marketing digital et communication. 

Aude Haenni, 31 ans

Son sujet: La cinquième Suisse. On parle souvent des immigrés qui viennent s’installer dans notre pays, mais qu’en est-il des Suisses qui partent faire leur vie à l’étranger? Elle enquêtera dans les villes d’Europe.

Médiums utilisés: Du texte et des photos, diffusés par Snapchat, Twitter, Instagram et via son blog.

Son parcours: Journaliste diplômée du CFJM (Centre de formation au journalisme et aux médias). Egalement diplômée de la Haute école pédagogique de Lausanne et de l’Ecole cantonale d’art du Valais.

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Abdoul Tchedre: «Il m’a poignardé treize fois. Je ne lui en veux même pas»

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:56

Et vous, comment ça va?

«Je vais bien mieux. Le 7 avril, j’ai pris treize coups de couteau, sur les bras et le torse. Mes blessures sont en train de cicatriser. J’ai perdu 10 kilos. Mon corps est mon outil de travail: depuis 2007, je suis coach sportif. Je pratique la boxe, le jujitsu, la course à pied et le street workout, un sport où on utilise le mobilier urbain pour faire des exercices de force et de souplesse. Pour le moment, je marche et je m’étire. Il me faudra six mois pour refaire des pompes. Il y a plus grave dans la vie. J’ai un toit et toutes mes facultés cognitives.

Une bonne étoile

J’étais chez ma copine lorsque c’est arrivé. Son ex a sonné à la porte et comme elle n’ouvrait pas, il l’a défoncée. Il est entré, l’a tirée dehors et l’a poussée dans les escaliers. J’étais à la salle de bains. Je suis sorti, j’ai couru vers lui pour la défendre et lui ai mis deux poings. Il est retourné dans l’appartement chercher un grand couteau. Il m’a poignardé treize fois. Ça ne fait pas mal, grâce à l’adrénaline, mais c’est une sensation bizarre. Je me suis défendu comme j’ai pu.

A quoi on pense dans ces cas-là? A rien. C’est l’instinct de survie. Des voisins ont appelé la police. A l’hôpital, les médecins m’ont dit: «Vous avez de la chance d’être sportif et mobile. Certains sont morts pour moins que ça.» Ils m’ont fait 70 points de suture. Le gars qui m’a agressé, je ne le connais pas. Quand la police l’a emmené, je lui ai dit: un homme ne se comporte pas comme ça. Ce que cette histoire m’inspire? Rien. Je ne lui en veux même pas. La vengeance et la haine, c’est une attitude de faible. Ce qui est fait est fait. Actuellement, il est en prison préventive pour tentative de meurtre.

J’ai une bonne étoile. Mais si le destin décide que je dois partir demain, je partirai l’esprit et le cœur tranquilles. Dans l’existence, il faut positiver. C’est du travail pour arriver à être en paix avec soi-même. Quand j’étais petit, je n’avais rien. Beaucoup de copains avaient de nouvelles chaussures et des jeux électroniques. Mes parents me disaient: «Attends, c’est une question de patience.» Tout vient à point à qui sait attendre, avec du travail à l’appui. Mes parents m’ont appris que chaque jour, chaque heure et chaque minute qu’on vit, c’est une chance. Plus je vieillis, plus je réalise que c’est vrai.

Je suis né à Lomé, la capitale du Togo. Mon père était cuisinier, ma mère femme au foyer. En 2004, mon père a décidé de nous emmener en Suisse. Il souhaitait le meilleur pour ses enfants. Lorsqu’on est arrivés à Genève, j’avais 14 ans, mes frères 12 et 10 ans. J’avais un petit accent que j’ai vite corrigé. Ma scolarité terminée, j’ai fait un CFC de mécanicien. Tout en faisant mon apprentissage, le week-end je suivais des cours à Nyon pour passer mon brevet fédéral et devenir coach sportif.

Mes parents sont repartis au Togo en 2011. Avec mes frères, on ne voulait pas rentrer: l’un avait un CFC de maçon et le deuxième un CFC d’employé de commerce. On a continué à vivre tous les trois dans le même appartement. Aujourd’hui, on a tous un travail, on n’habite plus ensemble, mais on se voit tous les dimanches pour manger ou faire une activité sportive. On n’est jamais retournés en Afrique et nos parents ne sont pas revenus en Suisse, mais je «facetime» mon père tous les week-ends. Mes parents n’ont pas besoin de s’inquiéter. Ce qui s’est passé arrive tous les dix ans et c’est tombé sur moi. Là, je me concentre sur l’avenir.

Un superactif

J’ai mon master à passer. Je suis en train de suivre des cours par correspondance dans une école privée en France. Mon but? Gérer la carrière de sportifs. Actuellement, j’ai une centaine de clients de tous les âges que je coache dans leurs activités sportives. Ma plus grande fierté, ce sont les personnes de l’EMS Les Mouilles, au Petit-Lancy, que j’aide à s’entraîner une fois par semaine, sur l’espace devant leur établissement. J’ai également lancé une association qui s’appelle easyfitness.

C’est moi qui ai amené le street workout à Genève. Les jeunes du quartier ont commencé avec moi. On s’entraîne tous les dimanches. On mixe les activités: on travaille avec des poids, sur les barres et, à la fin, on fait du foot. Mon avenir? J’ai lancé un concept qui s’appelle KOHT (King of hard training) pour les hommes et QOHT (Queen of hard training) pour les femmes. Ça regroupe tous les sports que je fais. C’est un super entraînement. Le sport, c’est mon métier, ma passion et, désormais, c’est aussi ce qui m’a sauvé la vie.»

sabine.pirolt@ringier.ch Blog: «Et vous, comment ça va?»

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Sabine Pirolt
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Opération «livres humains»: quand les migrants se racontent

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:57

Chemise en jean, cheveux coupés court sur les côtés, Huruy Gulbet est presque un jeune comme les autres. Si ce n’est que, à seulement 19 ans, il a traversé le Soudan, la Libye et l’Italie avant de trouver refuge en Suisse. A quelques mètres de lui, et quelques générations de plus, Jens Wilhelmsen, écrivain norvégien, 90 ans. Qu’ont-ils en commun? L’espace d’une journée, à l’occasion de la conférence «Quel rôle pour la confiance dans le processus de migration?», organisée par la bibliothèque des Nations Unies, ils se sont transformés, avec quelques autres, en «livres humains». Et chacun a ouvert un chapitre de sa vie de migrant.

Huruy s’excuse de sa timidité, qui s’efface quand il explique que, par volonté, pour ses études, il maîtrise désormais le français. Pour transmettre aussi un message aux Européens: «Faites-nous confiance, intégrez les réfugiés!»

Jens Wilhelmsen, lui, revient sur sa migration en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, un pays qu’il a redécouvert au travers de ses habitants. «Je demande aux gens de se mélanger, de se rencontrer. Je crois vraiment en un monde meilleur.» Deux livres ouverts, deux histoires vivantes, deux destins, et une leçon: celle de la confiance. 

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Unog Library / Coralie Chappat / Montage L’hebdo
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Staccato: merci docteur

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 05:59

La question n’était pas: existe-t-il une nature humaine? Ou: peut-on rire de tout? C’était une question simple et concrète, niveau existentiel première année: dois-je fermer les applications sur mon smartphone? Je cherchais, bien sûr, le oui ou le non. Au bout d’une longue quête, voici ce que j’ai obtenu: «Je dirais que oui. Mais ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Je suis informaticien, j’ai appris à vivre avec le doute.»

Vous avez bien lu «informaticien». J’ai cru le provoquer en lui disant: «Vous parlez comme mon médecin. Plus rien n’est sûr et, au bout du compte, c’est à moi de choisir?» Il m’a répondu: «Ne m’en parlez pas!» Et m’a raconté le dilemme que sa femme, atteinte d’une hernie, a dû affronter: la chirurgie ou une année d’inactivité. Elle a opté pour la chirurgie, à ses risques et périls.
J’étais donc chez mon fournisseur de matériel informatique, section conseil personnalisé, à 200 francs de l’heure. Et je me pinçais pour y croire.

Tout avait commencé par un article lu sur Slate: fermer ses applications, disait-il, n’est pas seulement inutile mais nuisible. Effondrement de certitude, fin des années d’insouciance. Je pars en quête de la vérité. Mon amie geek, celle qui a fait mon éducation, persiste et signe: les quitter après utilisation ne suffit pas, il faut les fermer. L’informaticien de ma boîte est tout aussi formel: «Bien sûr qu’il ne faut pas, tout le monde le sait.»

Il ne me restait plus qu’à m’adresser à l’autorité supérieure. Deux cents francs de l’heure, c’est le tarif d’un psychanalyste. A ce prix-là, j’avais droit à la vérité. Je l’ai eue: la certitude n’est qu’illusion. En informatique aussi. C’est pourquoi, après une réparation, mon conseiller ne dit jamais «Maintenant, ça marche», mais «Normalement, ça devrait marcher».

Ebranlée par sa franchise, j’ai craqué. Dans un torrent d’émotion, j’ai pu dire à quel point je me sens fragilisée dans ce monde informatique sans repères. Il m’a tendu un mouchoir et a susurré: c’est fait pour. L’appareil que j’ai acheté est censé marcher tout seul. A partir du moment où je l’allume, je suis responsable de chacun de mes gestes. Si ça coince, c’est donc a priori de ma faute.

Paradoxalement, cet échange impitoyable m’a fait du bien: j’ai toujours eu, face à mes engins, le vague sentiment que, quelque part, quelqu’un essayait de m’avoir. Maintenant, je sais que c’est vrai. Je ne suis pas paranoïaque: la nouvelle vaut bien le prix d’une consultation.

anna.lietti@hebdo.ch /  @AnnaLietti

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Qualité de vie en Suisse: Vernier mieux que Saint-Moritz

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Jeudi, 19 Mai, 2016 - 06:00

Bonne nouvelle: dans le classement des communes suisses où il fait bon vivre, Le Locle n’est plus la seule lanterne rouge: il partage la 162e place avec Steffisburg (BE) selon le classement du magazine Bilanz. La commune où la qualité de vie serait la meilleure est Zurich, suivie de Zoug et de Winterthour. Genève et Lausanne arrivent aux 9e et 10e rangs, Vevey est 43e devant Neuchâtel, Montreux encore plus loin (56e). Et Morges (59e) ne précède Vernier que d’un rang. Lorsqu’on apprend que Saint-Moritz arrive au 83e rang, Locarno au 88e et La Tour-de-Peilz au 155e, on se dit que nous ne partageons pas forcément les mêmes valeurs que les habitants de Kloten, qui figure quand même au 16e rang.

Antépénultième, Zermatt se consolera en contemplant le Cervin et se dira que ces classements de qualité de vie n’ont aucun sens, puisqu’ils se fondent pour l’essentiel sur des critères économiques. Qui sait combien d’habitants d’Opfikon (28e), à côté de l’aéroport de Zurich, seraient heureux de s’éloigner d’un tarmac bruyant et embrumé pour gagner Sierre, la Cité du Soleil, classée 136e? Mais ils ont peut-être tous un chalet à Crans-Montana... 

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Le prince du Musée alpin

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:49

Zoom. Comme la Belle au bois dormant, le Musée alpin suisse est sorti de sa torpeur grâce à un homme. Avec des idées en guise de baisers.

Il marie séduction et réflexion, ouvre les yeux sur une nature qui n’est pas que science et biologie mais histoire et culture tout autant. Beat Hächler, 54 ans, a étudié la littérature allemande, l’histoire contemporaine et les sciences des médias. Il a repris la direction du Musée alpin, à Berne, en 2011. Une transformation spectaculaire. Les vitrines de la collection permanente qui occupait l’essentiel de la maison ont été balayées pour des expositions temporaires captivantes, à l’image de l’actuelle Dilatation des pupilles à l’approche des sommets. Un voyage à travers 100 films suisses, signé par le scénariste et écrivain Antoine Jaccoud.

Désormais, on propose au visiteur un éclairage sur le monde d’aujourd’hui aussi. A la fois grave et ironique. Ainsi, la salle qui, actuellement, retrace le destin du géranium, un migrant d’Afrique du Sud devenu symbole de l’Helvétie. Ou, en 2013, les photographies de l’Autrichien Lois Hechenblaikner qui montraient une montagne sur laquelle on préférerait ne pas poser le regard, jonchée de pylônes et de canons à neige, avec des pistes comme des balafres dans une nature au service du loisir.

Les visiteurs suivent: de 15 000 en 2010, leur nombre a passé à près de 30 000 aujourd’hui. Sans compter les nombreuses tournées à l’étranger, mais surtout en Suisse où plus de 100 000 personnes ont été touchées l’an dernier. Si l’institution doit beaucoup à la créativité de Beat Hächler, elle bénéficie aussi de moyens plus importants. Le budget annuel est passé de 2 à 3 millions entre 2010 et aujourd’hui.

Mais l’homme ne s’arrête pas en si bon chemin: il a à cœur d’attirer davantage de public romand, non seulement en traduisant mais en impliquant des francophones dans la conception même des expositions. Et il n’oublie pas le réseautage, puisqu’il a invité les parlementaires fédéraux pour une soirée au musée le 14 juin. 

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