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Les balades qui font du bien: voyage au gré des étangs, dans un paysage façonné par l’homme

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 06:00

Florian Fischbacher

Saignelégier. Plans d’eau et tourbières du plateau franc-montagnard racontent une longue histoire de l’empreinte humaine sur l’environnement régional, dans un écosystème fragile.

L’étang de la Gruère, un miroir d’eau brune entouré par la végétation. Sa singulière beauté fait parfois oublier que ce lieu a été façonné au cours des siècles par les gens qui ont vécu et travaillé là.

Pour atteindre ce havre de paix perché à 998 mètres d’altitude, la balade débute à Saignelégier, chef-lieu des Franches-Montagnes. On dépasse rapidement l’hippodrome qui accueille chaque été le traditionnel Marché-Concours de chevaux, pour se plonger dans les pâturages. Le tracé longe ensuite un chemin bordé de murs en pierres sèches émoussés par le temps. On s’attendrait presque à y croiser un paysan du XIXe siècle charriant une cargaison de tourbe. Cette combe d’apparence si harmonieuse et naturelle est pourtant le résultat de siècles d’exploitation agricole: les zones de pâturages, prairies, bosquets ou forêts ont été volontairement réparties selon leur topographie.

Bientôt, l’étang des Royes apparaît entre les arbres. Plus petit et moins fréquenté que celui de la Gruère, il offre des abords sauvages. La scierie qui le jouxtait a disparu depuis des décennies.

Après avoir contourné ce premier réservoir artificiel, l’itinéraire traverse le hameau des Cerlatez, où se trouve le Centre Nature, qui se charge de la protection et de l’étude des tourbières. Le parcours côtoie alors la route jusqu’à l’étang de la Gruère.

Une fois les rives du petit lac atteintes, l’affluence estivale est vite oubliée, la magie opère. Seuls les sillages de quelques canards oisifs viennent troubler la sérénité des flots sombres bordés de pins. La flore est foisonnante. Les naturalistes habiles sauront même y déceler la présence de plantes carnivores.

Au loin, un pêcheur; l’étang abrite plusieurs espèces de poissons introduites par l’homme. On aperçoit aussi un nageur, «la baignade est tolérée, mais on conseille plutôt aux gens d’aller ailleurs, en piscine», indique François Boinay, le directeur du Centre Nature.

Difficile de croire que ce cadre idyllique est le fruit de la volonté humaine. Une digue a pourtant été aménagée ici au XVIIe siècle, créant ce bassin de retenue pour alimenter un moulin. «Les moulins le long du Doubs appartenaient à des seigneurs. Les habitants des Franches-Montagnes ont donc construit les leurs pour éviter de devoir payer un impôt et s’épargner de longs trajets», raconte François Boinay.

Exploitation massive

L’étang a été créé au milieu d’une tourbière. Matière organique fossile, la tourbe lui confère sa couleur distinctive. Elle est le résultat de l’accumulation en milieu humide de mousses particulières: les sphaignes. Ces organismes dépourvus de racines grandissent en continu, privant petit à petit de lumière les couches inférieures, qui finissent par mourir. Les restes de mousses mortes forment alors ce matériau meuble. Le processus est extrêmement lent: moins d’un millimètre par année. Il a fallu plus de 10 000 ans pour que la tourbière de la Gruère atteigne les 9 mètres d’épaisseur qu’elle affiche par endroits.

Mais ce milieu exceptionnel reste un écosystème fragile, longtemps menacé par l’activité humaine. La tourbe séchée a été extraite pour être utilisée comme combustible jusqu’au milieu des années 50, bien que le site soit devenu une réserve naturelle en 1943. Beaucoup des tourbières avoisinantes ont été exploitées massivement pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suisse manquant de charbon. «Environ 90% des tourbières suisses ont disparu à cette époque», précise François Boinay. Elles sont désormais toutes protégées, grâce à l’initiative populaire dite «de Rothenthurm», acceptée en 1987. «Les tourbières sont une archive extraordinaire, poursuit le directeur du Centre Nature, elles permettent d’étudier des milliers d’années d’histoire du climat.»

Après avoir flâné autour de l’étang, retour à la route. Une scierie occupe l’emplacement de l’ancien moulin, sur lequel une usine électrique a été installée durant la première moitié du XXe siècle. De là, au choix: retourner à Saignelégier en bus ou poursuivre la balade en empruntant le sentier juste en face. Un sentier qui vaut la peine de s’y engager.

Le chemin part en pente douce, puis longe entre les arbres la grande tourbière de La Chaux-des-Breuleux, qui abrite elle aussi, à quelques mètres de la frontière bernoise, un étang, appelé le Lavoir. Des travaux ont été entrepris pour revitaliser et éviter l’assèchement de la tourbière. «Les drains qui ont été aménagés pour son exploitation industrielle durant la Seconde Guerre mondiale doivent être bouchés à l’aide de sciure et de palplanches», explique François Boinay. De ces interventions, l’œil non averti peine toutefois à déceler la trace.

Non loin de cet endroit peuplé d’herbes jaunies, de conifères épars, de buissons et de fleurs typiques des milieux humides s’élève le village de La Chaux-des-Breuleux, où la promenade se termine sous les saluts de plusieurs éoliennes, dernières manifestations de la propension humaine à modifier son environnement.

Parcours: Saignelégier – étang des Royes – Les Cerlatez – étang de la Gruère – étang du Lavoir – La Chaux-des-Breuleux.
Durée: environ 4 heures (3 h 15 si l’on prend le bus depuis l’arrêt «Moulin de la Gruère»).


Nos adresses dans les environs

Café du Soleil, Saignelégier

Une institution, où l’on sert une cuisine régionale de qualité. Aussi à la carte, un foie gras à l’absinthe et sa confiture d’oignons, des desserts embellissant encore la journée ou cette fondue à la BFM, bière produite dans ce chef-lieu des Franches-Montagnes. L’établissement abrite aussi un hôtel et un espace culturel.

Marché-Concours 14
www.cafe-du-soleil.ch

Auberge de la Couronne, La Theurre

En milieu de parcours, ce restaurant saura contenter les amateurs de cuisine locale et simple ou les promeneurs en quête de rafraîchissements sur une terrasse ensoleillée. Le soir, une carte plus sophistiquée est proposée. Possibilité de louer des chambres.

La Theurre/Saignelégier
www.couronne-latheurre.ch

Centre Nature Les Cerlatez

Ouvert en 1993, ce centre géré par la Fondation Les Cerlatez propose des expositions, des animations scientifiques et abrite même un vivarium. L’équipe s’occupe aussi de l’entretien du sentier bordant l’étang de la Gruère.

Les Cerlatez/Saignelégier
www.centre-cerlatez.ch

Fromagerie de Saignelégier

La plus grande des neuf fromageries fabriquant de la Tête de Moine AOP est ouverte à la visite de 15 h à 17 h en été, ou alors sur demande. Ses caves d’affinage abritent 490 000 meules de ce fromage typique.

Chemin du Finage 19
www.tdm-saignelegier.ch

Le Marché des Paysannes, Saignelégier

Tout pour votre pique-nique dans ce magasin qui propose des produits du terroir, comme du pain ou du saucisson sec, confectionnés par les membres de l’association qui gère l’échoppe.

Rue de la Gruère 1, 032 950 13 20

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Régis Colombo
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