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Judaïté: qui est Juif?

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Jeudi, 6 Février, 2014 - 06:00

Appartenance.La question se fait de plus en plus pressante pour les juifs du monde entier. D’autant que le débat entourant la réponse modèlera la société israélienne, ses relations avec la diaspora, la taille et le visage de la communauté juive dans son ensemble. La Suisse n’échappe pas à cette problématique.

Renverser la perspective
Que signifie aujourd’hui être juif? Comme le montre l’affaire Dieudonné en France, et ses débordements en Suisse, trop d’inconscients croient le savoir. Trop d’incultes plaisantent sur la Shoah en brandissant une «liberté d’expression» vidée de toute dimension de responsabilité.

En publiant l’enquête parue dans The Economist, nous avons voulu renverser la perspective et donner à voir la manière dont les communautés juives affrontent la question identitaire. Une plongée dans un questionnement existentiel ou religieux, à cent lieues des caricatures et des sarcasmes gratuits.


Corpulence frêle, lunettes de myope, tempérament cordial, le rabbin Itamar Tubul n’a pas la bobine d’un aventurier. Pourtant, son collègue Ziv Maor, porte-parole du Grand Rabbinat d’Israël, assure que, en tant que responsable du Département du statut personnel et des conversions, Itamar Tubul joue un rôle aussi cardinal dans la protection de l’Etat que les forces armées. Sur son bureau de Tel-Aviv se trouvent une kétoubah (attestation de mariage) venue d’Allemagne ainsi que la déclaration d’un rabbin finlandais. Le rôle d’Itamar Tubul est de déterminer si les personnes que ces documents (et beaucoup d’autres) concernent sont juives ou non.

Qui est juif? La question se fait de plus en plus pressante pour les juifs du monde entier. On croirait une question purement religieuse, mais elle est liée à l’histoire, à la politique israélienne et aux multiples diasporas. Y répondre, c’est décider si l’assimilation est une menace mortelle, comme le pensent beaucoup de juifs, ou un phénomène dont on peut s’accommoder. Le débat entourant la réponse modèlera la société israélienne, ses relations avec les communautés juives d’ailleurs, la taille et le visage de la communauté juive dans son ensemble.

Pour des juifs orthodoxes comme le rabbin Tubul, la solution est simple et remonte à la nuit des temps: tu es juif si ta mère est juive ou si ta conversion au judaïsme s’est faite conformément à la halakha, la loi juive. Les gentils (non-juifs ou goyim) seront surpris que, pour les juifs de naissance, ce test traditionnel ne fait aucune référence à la foi ou au comportement. Les juifs peuvent être athées – bon nombre le sont: l’apostasie est une tradition juive ancienne – et rester juifs. Joel Roth, un rabbin conservateur du Jewish Theological Seminary de New York, compare ce critère nativiste à celui de la citoyenneté américaine: les Américains l’appliquent indépendamment de l’idée qu’ils se font de la démocratie et de leur Constitution. Les rabbins plus stricts estiment d’ailleurs qu’un enfant n’est pas juif s’il est certes né d’une mère juive mais d’un ovule donné par une non-juive.

Certains leaders juifs le concèdent en privé: cette formule a un fond racial inconfortable. Ils s’en accommodent cependant en disant qu’elle ne lèse personne. Peut-être, mais dans un monde laïque c’est maladroit. Il y a quelques années, par exemple, des écoles juives d’Etat en Grande-Bretagne ont été obligées de modifier leurs règles d’admission après un jugement concluant à la violation du Race Relations Act. Les préceptes halachiques sont d’ailleurs de plus en plus gênants pour les juifs eux-mêmes.

Pour bien des Israéliens, le problème ce sont les rabbins. Par une concession visant à élargir le soutien au nouvel Etat d’Israël à peine créé, ses fondateurs laïques ont confié au rabbinat des questions telles que le mariage, le divorce et les inhumations. Le rabbinat décide qui est admis à ces rites et c’est lui qui les célèbre, de sorte que les futurs époux doivent faire la preuve de leur judaïté. Fournir les documents et les témoins nécessaires peut être un obstacle exaspérant: les gens ont l’impression de devoir prouver ce qu’ils savent vrai. L’immigration a rendu le système non seulement agaçant mais intenable.

Les juifs éthiopiens, par exemple, qui ont émigré en Israël dans les années 1980-1990 au péril de leur vie et en perdant des proches au cours du voyage, ont affronté des doutes persistants quant à leur qualité de vrais juifs selon la doctrine et leurs ascendants. «J’ai l’impression d’être le juif que je veux être, proteste Fentahun Assefa-Dawit, de l’association de défense Tebeka, qui représente 130 000 membres. Je ne permets à personne de me dire comment on doit être juif.»

Les immigrés occidentaux sont eux aussi parfois suspects. Le rabbinat juge certains rabbins américains trop laxistes pour se porter garants de leurs fidèles et rejette leur attestation. Il estime inadéquates bon nombre de conversions survenues à l’étranger. Les Israéliens sont nombreux à redouter l’impact de ce dédain sur le soutien politique et financier de leur Etat par la diaspora.

Une bombe à retardement. L’essentiel du problème naît des conséquences fracassantes de deux grandes ruptures dans l’histoire du XXe siècle: l’Holocauste et l’implosion de l’Union soviétique. En vertu de la loi du retour de 1950, quiconque a, ou dont l’épouse a, au moins un grand-parent juif peut requérir la citoyenneté. (Ce texte a expressément pris pour modèle les critères de persécution des lois nazies de Nuremberg de 1935.) La loi sur le retour reconnaît aussi des conversions que le rabbinat rejette. La vague d’immigration russe de ces deux dernières décennies indique à quel point la divergence entre ces deux manières de voir est devenue flagrante.

On compte désormais plusieurs centaines de milliers d’Israéliens ex-Soviétiques qui étaient assez juifs pour qu’on les laisse entrer mais pas assez juifs aux yeux des rabbins. La plupart sont découragés par les lenteurs de la conversion halachique et la complexité intellectuelle des questions. Et le fait que certaines conversions admises soient parfois annulées pour cause de violation du sabbat ou d’autres règles religieuses n’aide pas.

Vu qu’Israël ne connaît pas le mariage civil, ces Israéliens et leurs partenaires vont se marier à l’étranger, comme le font les couples qui préfèrent éviter le passage par la synagogue. La population est en train de se diviser en trois groupes: les juifs halachiques, les Arabes et les «autres». Pour Yedidia Stern, juriste à l’Israel Democratic Institute, cette scission en trois est «une bombe à retardement».

Certains Israéliens souhaitent que les immigrants restent intégrés en facilitant les conversions. Les libéraux tels que Ruth Calderon, députée à la Knesset du parti centriste Yesh Atid, pensent qu’il faut tenter de séparer l’Etat de la synagogue. Pour l’heure, elle parraine une loi qui ferait de l’union civile une alternative au mariage religieux. Titulaire d’un doctorat en étude du Talmud, elle entend contester aux rabbins leur pouvoir de censure sur la judaïté. Elle assure que les élus politiques comme elle ne sont plus disposés à négocier le droit de s’exprimer sur le sujet en échange des votes de la droite dans un Parlement aux trop nombreux minipartis.

Pour les Israéliens, le choix à long terme est épineux entre un modèle de judaïté différent et un modèle d’Etat juif différent dans lequel le mariage mixte, jusque-là considéré comme l’infortune de la diaspora, deviendrait inopinément un souci pour eux-mêmes.

Une diaspora qui s’effiloche. Au sein de la diaspora aussi, l’histoire a redimensionné les critères de la judaïté. Dans une bonne partie de l’Europe de l’Est, les restrictions de l’ère communiste rendaient le culte périlleux et la pratique lacunaire. Même la circoncision était découragée. Quand l’empire soviétique a implosé, bien des juifs avaient oublié l’essentiel de leur héritage. Pourtant, ils se considèrent toujours comme juifs.

A l’Ouest, la liberté a ouvert sa propre brèche entre l’histoire et la halakha. Le Pew Research Centre a récemment sondé les juifs américains, qui comptent pour près de la moitié de la population juive mondiale. Leurs réponses montrent que la judaïté n’est pas essentiellement affaire de foi: 22% des juifs américains se disent sans religion. Même parmi les croyants déclarés, deux tiers ne pensent pas qu’il soit nécessaire de croire en Dieu pour être juif. Et pour accroître encore l’inquiétude communautaire, l’institut de recherche a constaté que les mariages mixtes explosaient et qu’ils sont désormais majoritaires parmi les jeunes. Hormis les juifs orthodoxes (10% du total américain), 72% des juifs mariés depuis 2000 avaient divorcé.

Rien d’étonnant, donc, à ce que certains rabbins américains révisent leurs définitions. Depuis 1983, le Reform Movement reconnaît les enfants nés de père juif mais, comme pour d’autres mouvements progressistes, le sang ne suffit pas. «La judaïté ne peut pas être un simple hasard [de naissance]», juge le rabbin Rick Jacobs, président de l’Union pour le judaïsme réformé. Pour certains, l’ingrédient supplémentaire est la foi: bizarrement, là où la conception orthodoxe de la judaïté ignore la foi, les communautés plus libérales l’incluent. Pour d’autres encore, la judaïté est un concept plus large que la foi ou la filiation.
Le rabbin Andy Bachman, de la Congregation Beth Elohim, synagogue œcuménique pleine de vie de Brooklyn, estime qu’une «définition exclusive des juifs par la foi est une vue de l’esprit des goyim, une tentative d’insérer les juifs dans une catégorie identifiable. L’attachement à l’histoire et à la culture juives suffit aussi», pense-t-il. Dans ce contexte, les épouses non juives et les convertis sont les bienvenus. L’histoire biblique de Ruth, une non-juive qui embrassa la religion de sa belle-famille israélite, est une parabole exemplaire.

Les mariages mixtes sont aussi une réalité croissante dans les pays qui abritent les plus grandes communautés juives, France, Grande-Bretagne, Australie et Canada. Dans l’histoire, la communauté britannique fut plus congrue, plus silencieuse et plus sclérosée que l’américaine. Depuis les années 50, elle s’est réduite sous l’effet du vieillissement et de l’intégration. Mais son état d’esprit est en train de changer. Prenez JW3, un nouveau centre communautaire élégant du nord de Londres: pour une institution juive en Grande-Bretagne, l’immeuble qu’elle occupe est ostentatoire et affiche le mot «juif» bien en évidence sur sa façade.

Raymond Simonson, son directeur, esquive les questions doctrinales. Pour lui, l’objectif de JW3 est de permettre au visiteur de se sentir aussi juif qu’il le souhaite, sans souci de son passé. «Nous ne vous demandons pas de vous déculotter ni de nous montrer la kétoubah de votre mère.» Un des cours de formation pour adultes, prévu pour les épouses non-juives, est intitulé «Le juif du hasard». Mais il est surtout question de cuisine et d’art. «Je ne prétends pas que vous puissiez nourrir entièrement une identité juive en écoutant Amy Winehouse ou Neil Diamond, souligne Raymond Simonson, mais c’est une possible porte d’entrée dans la judaïté, avec le Talmud, Israël et l’histoire juive.»

Si opposés que paraissent les novateurs et les traditionalistes, ils partagent pourtant un même but: assurer la continuité juive. «Notre travail est de combattre l’assimilation qui a été le plus grand ennemi du judaïsme depuis 2000 ans», dit le rabbin Maor, du Grand Rabbinat d’Israël. Pour les libéraux, le fait que les communautés de la diaspora s’effilochent rend anachronique l’application stricte des règles; pour les orthodoxes, cela montre que l’approche libérale a d’ores et déjà failli.

Ces deux attitudes laissent entrevoir deux futurs très différents. Les orthodoxes, avec leur conservatisme à tous crins et leur taux de natalité élevé, constitueront une part accrue de la population juive (en Grande-Bretagne, les haredim, ultra-orthodoxes, comptent pour 40% des naissances juives); ils seront toujours plus isolés des moins pratiquants qui s’en éloigneront pas à pas, ce qui veut dire que la population totale stagnera ou diminuera. Les liens entre Israël et la diaspora devraient alors faiblir.

«Combien restera-t-il de juifs?» Dans l’autre scénario, les juifs deviennent plus pluralistes et tolérants les uns vis-à-vis des autres, ménageant de l’espace pour ceux dont l’identité juive vacille au fil de la vie.

Par conséquent, à la question «Qui est juif?» en succède une autre non moins cruciale: «Combien restera-t-il de juifs?» Et une troisième: «C’est quoi, un juif?» Pour certains, les juifs sont les adeptes d’une foi antique à la définition biologique bancale. Pour d’autres, ils sont quelque chose de moins formel: les membres d’une civilisation dispersée qui se distingue par une tradition éthique et un état d’esprit particuliers; par un héritage de persécutions, une vision du monde tragique et un sens de l’humour qui en est le contrepoint; par certains goûts culturels et alimentaires.

Pour l’ancien ministre israélien de gauche Yossi Beilin, les juifs sont une famille étendue. Pour lui, le fait d’en être membre dépend moins du sang et de la foi que du désir d’appartenance. «Après l’Holocauste, c’est une méchante blague que de dire à des gens qui se sentent juifs qu’ils ne le sont pas.»

Il pense que cette famille étendue devrait proposer une cérémonie de conversion purement laïque – «Je ne veux pas embêter le Bon Dieu, il a tant d’autres choses à faire.» Bon nombre de juifs n’ont pas la foi, pourquoi devraient-ils se convertir? se demande-t-il. Yossi Beilin est un personnage singulier mais, peut-être, plus pour très longtemps.

© The Economist Newspaper Limited, London (Jan 2014)
Traduction et adaptation
Gian Pozzy


Réaction
«Il y a près de 18 000 juifs en Suisse»

Sabine Simkhovitch-Dreyfus, vice-présidente de la Fédération suisse des communautés israélites.
«Selon les chiffres officiels qui ne recensent que les juifs qui se déclarent comme tels, il y a aujourd’hui près de 18 000 juifs en Suisse. En cent ans et malgré plusieurs vagues d’immigration, le nombre de juifs habitant notre pays a légèrement baissé, alors que la population suisse en général a quasiment doublé. Cette situation s’explique essentiellement par le fait que bon nombre de juifs sont partis dans d’autres pays, Israël notamment, par l’augmentation des mariages mixtes et par l’assimilation. Au cours des dernières décennies, plusieurs petites communautés ont disparu (en Suisse romande, par exemple Delémont, Yverdon et Vevey), d’autres peinent à maintenir un minimum d’activités. Ce sont dans les villes, Zurich et Genève en tête, mais aussi Lausanne, Bâle et Berne, où ils peuvent vivre leur judaïsme activement, que se concentrent majoritairement les juifs.

Les communautés orthodoxes, présentes essentiellement à Zurich, représentent une minorité du paysage communautaire juif dont la majorité est constituée par les communautés dites traditionnelles, souvent vieilles de cent cinquante ans, dont chacun des membres vit le judaïsme à sa façon.

Si la pratique de la religion reste primordiale pour certains, d’autres se définissent davantage par leur identité culturelle, les traditions et leur sentiment d’appartenance. D’autres sont déjà très éloignés du judaïsme. Au cours des vingt dernières années, des communautés libérales ont vu le jour à Genève, Zurich et Bâle et réunissent des juifs qui souhaitent assouplir les pratiques. Les grandes communautés offrent une panoplie de services et d’activités dont notamment des synagogues et cimetières, des cours pour adultes et enfants, des activités sociales pour les jeunes et les personnes âgées, un service social, des bibliothèques, etc. Du fait de sa longue présence et de son attachement à notre pays, la population juive y est très bien enracinée.»

propos recueillis par Sh


Témoignage
«Juif de naissance ou converti, cela n’a pas d’importance»

Une question de loyauté, de fierté et de responsabilité. C’est ainsi qu’Esther Fantys, chorégraphe et danseuse de 41 ans, ressent sa judaïté. Rencontre.
Tout a commencé dans les années 90 lorsque Esther Fantys, née à Genève d’un père Américano-Irlandais et d’une mère Française, découvre, au détour d’une phrase mal placée, qu’elle est non pas catholique, comme son livret de baptême l’a toujours indiqué, mais juive. Une révélation qui change alors le cours de sa vie. «C’était viscéral, j’ai senti que c’était ce que j’étais réellement.» S’ensuivent des recherches qui viendront confirmer cette intuition inexplicable:  sa mère, dont la grand-mère polonaise était venue se réfugier en France dans les années 30, était bel et bien de confession juive.

Abandonnée par son père, délaissée par sa mère, Esther Fantys, alors âgée de 18 ans, trouve refuge dans cette nouvelle spiritualité. Deux ans plus tard, accompagnée de son premier mari, juif séfarade d’origine tunisienne, elle part vivre en Israël. Le couple s’installe à Méa Shéarim – quartier de Jérusalem où seuls des juifs ultraorthodoxes vivent – et s’ancre peu à peu dans les règles les plus strictes de sa religion. «Nous voulions explorer nos convictions au maximum et sommes devenus plus orthodoxes que les orthodoxes.»

Malgré la rigueur de son engagement, la jeune femme ne perd pas ses principes d’humanité. Cette danseuse de formation, qui porte désormais perruque, vêtements noirs et amples qui caractérisent sa condition, n’hésite pas à travailler comme sage-femme pour les mères palestiniennes vivant dans les territoires occupés. Un poste qui lui vaudra les foudres de son entourage.

Huit ans plus tard, las des remarques intolérantes et soucieux de protéger ses trois enfants, le couple renonce à la convivialité et à l’entraide, propres à cette communauté qui était pourtant devenue la leur.

De retour en Suisse, la jeune mère de 27 ans fait face à de nombreux doutes que son compagnon ne partage pas. Ils divorcent. Une tragédie selon la vision juive, mais une démarche acceptée du moment que l’harmonie entre les époux est brisée. Esther Fantys décide alors de se distancer du milieu orthodoxe, puis de le quitter définitivement. «J’ai réalisé que nous étions allés trop loin, j’avais besoin de prendre du recul, de retrouver un judaïsme qui corresponde à mes valeurs.»

Au fil des ans, elle a fini par trouver une voie qui soit en accord avec ses convictions personnelles et peut aujourd’hui mieux définir ce que représente pour elle la culture de ses ancêtres. «Etre juif, c’est donner un sens à sa vie. Que l’on soit juif de naissance ou converti, cela n’a pas d’importance. C’est une question d’âme, qui ne s’explique pas.»

Remariée et mère de quatre fils, Esther Fantys a eu à cœur de construire son foyer sur les piliers du judaïsme qui lui sont restés chers: le respect du sabbat et des fêtes juives, la charité, les études, l’art, la compassion, la bienveillance, la bonté. «J’ai transmis tout cela à mes garçons. Maintenant, libres à eux de mener leur vie et de faire leurs propres choix. Quant à la communauté juive, je m’en suis éloignée. C’est important pour moi d’avoir ma propre manière de croire et d’exercer ma foi aussi ouvertement et humainement que possible.»

Sou’al Hemma


Réaction
«L’identité juive ne peut se détacher de ses repères vitaux»

Lionel Elkaïm, grand rabbin de la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud.
La question «qui est juif?» est une interrogation récurrente, qui préoccupe nombre de penseurs, surtout depuis l’émancipation des communautés juives d’Europe au XIXe siècle. Depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948, de nouveaux enjeux ont fortement amplifié le débat.

Comme le disait le rabbin Elie Munk, «l’âme juive se sent comme ballottée au vent de l’histoire». Elle est en constante recherche de la réalisation de son unité malgré les vicissitudes d’un peuple disséminé. Depuis deux millénaires, elle tend à concrétiser son idéal culturel et sa vocation historique. Pour ce, elle ne peut se désolidariser de ses repères vitaux. Son attachement à la Loi de Moïse constitue la substance même des valeurs auxquelles elle s’identifie. Son lien à la terre d’Israël lui permet de donner corps à ces valeurs morales.

Je suis entièrement convaincu qu’aujourd’hui, bien plus qu’au cours des siècles derniers, ces repères identitaires sont fortement présents dans la conscience des communautés juives, dans toute leur diversité. Le message du judaïsme a le privilège de rendre le croyant optimiste et confiant en l’homme. L’histoire d’un Israël en proie à tant d’écueils à travers les âges a toujours miraculeusement réussi à défier les lois des statistiques, c’est l’une de ses spécificités; une raison supplémentaire d’appréhender l’avenir avec sérénité.

propos recueillis par Sh

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Ronen Zvulun / Reuters
Menahem Kahana / AFP
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