Des nouvelles de Kacey. Vous savez, Kacey Mottet Klein, le sidérant Enfant d’en haut, le poignant fils d’Isabelle Huppert dans Home, le petit Gainsbourg au spleen inspiré dans le film du même nom.
Kacey a aujourd’hui 15 ans. En mai dernier, dans les colonnes de ce même magazine, il expliquait que le cinéma, c’est bien, mais que, pour l’heure, il ne lui avait pas fait perdre la tête: son objectif était de se concentrer sur sa scolarité afin d’obtenir son certificat d’études, en 2014. Bien vu Kacey, un certificat de fin de scolarité obligatoire, c’est quand même le minimum pour assurer ses arrières.
Nous sommes en 2014, à cinq mois des examens de fin de scolarité obligatoire. J’apprends par L’illustré que Kacey a quitté son école privée lausannoise pour se consacrer au cinéma. Qu’il est amoureux d’une fille formidable de 19 ans active dans la mode et que, au carrefour de ces deux mondes merveilleux, ils ont «des projets plein la tête».
Je lis aussi que le couple est resté jusqu’ici discret sur ses visions d’avenir car il a fallu affronter «les préjugés» des amis sceptiques. Et aussi, crois-je comprendre, l’insupportable conformisme d’une maman qui a bêtement insisté pour que son fils termine sa scolarité. On dit que les parents castrateurs appartiennent au passé, mais non, vous voyez, il en reste.
Kacey fera ces prochains temps, à n’en pas douter, l’objet d’autres articles richement illustrés qui applaudiront, je peux le prédire, son «audacieux pari» et l’encourageront à «aller jusqu’au bout de ses rêves», comme on dit à la télé.
C’est le jeu médiatique. Le petit grand espoir qui envoie tout valser pour se propulser dans les étoiles, l’enfant qui se réveille homme du jour au lendemain, c’est un bon sujet d’article. Et comme on veut qu’il pose pour nous, qu’il se confie, on regardera la vie avec ses yeux et on le confortera dans ses choix.
C’est le jeu, mais je veux dire à Kacey: ce n’est qu’un jeu. Celui qui en prendra plein la figure s’il se la casse, c’est toi. Et si tu te casses la figure, ce sera un autre bon sujet d’article.
Alors voilà. Pour qu’il ne soit pas dit, parce que je participe au jeu médiatique et que je me sens un peu responsable, je vais faire ma vieille mégère obtuse et antipathique.
Je vais te dire, Kacey, ma réaction spontanée et celle de la totalité des personnes qui m’entourent à la lecture de tes exploits: c’est archinul, tu fais une connerie. Retourne à l’école pendant qu’il est encore temps et obtiens ce fichu certificat d’études. Tu es un acteur formidable, on se réjouit de te voir faire une carrière éblouissante. Mais finis l’école d’abord. Acteur, c’est un métier de dépendance. Donne-toi les moyens de ta liberté.
Et en plus, fulmineras-tu, elle me tutoie, cette imbuvable donneuse de leçons. Eh bien oui, je te tutoie, Kacey. Car à 15 ans, on n’est pas encore adulte. Pas encore.