Jouir, oui, bien sûr. On a aujourd’hui tous conscience qu’il faut le faire, et que son ou sa partenaire doit aussi y parvenir. Alors, on s’applique. Je titille ton clitoris, tu me suces avec application et on s’enfile un doigt par-derrière pour épicer l’affaire.
Jouir, c’est gémir, faire du bruit. «Oui, oui, oui. Encore, c’est bon, j’aime, pince-moi le bout des seins, dis-moi des mots sales, attache-moi, bouffe-moi le cul, oh oui, c’est trop bon, je jouiiiiiiiis!!!!!!» On dirait une pub pour une assurance ou une banque.
Il y a un grand malentendu sur la jouissance. Il est dû à une obsession civilisationnelle du progrès qui veut que l’acte sexuel se déroule selon le schéma idéologique qui mène Sapiens de l’homme des cavernes à Bill Gates. Préliminaires, pénétration, orgasme: c’est un peu réducteur. Parce qu’il y a des fois où on jouit tout au début, deux coups de reins, waouh!, et ensuite on lit de la poésie. Et des fois où on ne jouit pas, mais quel plaisir de sentir ton sexe vibrer, de déguster tes fluides corporels, de palper, palpiter, s’explorer, s’emporter. A mon avis, le jour où on ne se sentira plus obligé ni de jouir ni de faire jouir, on fera mieux l’amour.
Souvent, les clients des prostituées sont obsédés par le fait qu’elles atteignent l’orgasme. Sans doute pour se déculpabiliser, pour se donner l’illusion qu’avec eux «c’est différent»; et ce n’est que lorsque leur partenaire tarifée simule la jouissance qu’eux-mêmes l’atteignent. Pauvre chéri: tu paies, tu me baises, t’éjacules, on va pas en faire tout un plat.
C’est comme la prochaine votation sur le salaire minimum. Il serait temps que les patrons admettent que la seule manière pour eux de montrer à leurs employés qu’ils les considèrent, c’est de les payer mieux. Pas les grands discours ni les promesses. Le salariat est un rapport marchand, et qui vend sa force de travail ne jouit que lorsqu’on le paie. Tout le reste n’est que fantasmes.