Par Sabine Pirolt (collaboration Florence Duarte et Isabelle Falconnier)
Illustrations: Matthias Rihs
Toujours plus présents ou plus absents, les parents sont devenus la bête noire des profs. Enquête autour d’un phénomène en progression.
La rentrée a sonné. Pauvres élèves? Pas sûr que ce soit eux les plus à plaindre. Les enseignants aussi se remettent à la tâche. Comme tout le monde? Certes, mais eux travaillent sous haute surveillance: celle des parents. Qui n’hésitent pas à mettre leur nez dans les programmes scolaires, à contester les notes attribuées à leur rejeton, à refuser les décisions prises par l’école ou les punitions qu’ils jugent inadéquates.
A l’image de ce couple des Grisons qui est allé jusqu’au Tribunal fédéral pour protester contre une heure et demie d’arrêt infligée à leur fille Vreni. Lors d’une sortie à ski, elle était arrivée en retard au rendez-vous fixé par l’enseignant, en expliquant que son groupe s’était égaré. Le verdict est tombé fin août: les juges n’ont pas levé la sanction. De même, ces Chaux-de-Fonniers qui, fin août, ont été condamnés par le Tribunal de police: alors que leur fils de 12 ans a déjà des difficultés scolaires, ils lui ont permis de rater une semaine de cours pour participer à un tournoi de hockey au Québec.
L’école leur avait pourtant notifié son refus (entériné par l’exécutif de la ville). Pour lutter contre les vacances prolongées ou les départs anticipés, les cantons de Bâle et de Fribourg ont d’ailleurs instauré des amendes qui vont de 50 à 2000 francs. Et que dire de ces parents musulmans du village de Bürglen, en Thurgovie, qui ont été jusqu’au Tribunal fédéral pour contester le règlement scolaire communal qui interdit aux élèves de porter, en cours, des chapeaux, des foulards ou des lunettes de soleil? En juillet, les juges de Mon-Repos ont donné raison aux deux familles.
Face à l’école, les parents se comportent de plus en plus souvent comme un consommateur face à un produit. Après tout, ce sont leurs impôts qui financent le système scolaire. Et, on le sait, le client est roi.
01 Le constat
En ces jours de rentrée, comme le reste de l’année d’ailleurs, Agnès Mora, conseillère école-famille à Nyon – un poste qui dépend des Affaires sociales de la ville –, sent bien qu’il y a de l’électricité dans l’air. «Il faut que tout le monde réussisse. Les parents sont sous tension, les profs, qui croulent sous les obligations administratives, se sentent observés par eux. Je leur dis: “Ce sont des parents, ce ne sont pas vos adversaires. Vous n’êtes pas en face de guerriers. Il faut leur expliquer les choses.”»
Trop de temps à justifier, pas assez à instruire. Paranos, les profs, et incapables de communiquer du haut de leur tour d’ivoire? Pas sûr. Professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève, Philippe Perrenoud constate: «S’ils le pouvaient, certains suivraient “en direct” chaque moment de la scolarité de leur enfant, comme les passionnés suivent une étape du Tour de France ou un procès.
Souci de bien faire, sans doute. Droit de savoir, aussi. Mais l’excès conduit les enseignants à passer de plus en plus de temps à informer, expliquer, justifier, rassurer, pronostiquer, donc de moins en moins à éduquer et instruire.» Cela dit, si certains parents sont les bêtes noires des milieux scolaires, ces derniers reconnaissent à l’unanimité que, dans 80 à 90% des cas, les choses se passent bien. Le hic: les familles à problèmes prennent énormément de temps.
Président de la Société pédagogique vaudoise, Jacques Daniélou voit bien que les parents remettent de plus en plus en cause les décisions de l’école. «Et ils défendent leur enfant en première ligne, ce qui met l’enseignant dans un grand désarroi. Par exemple, lors d’une beuverie qui a été sanctionnée, ils nous ont dit: “Mais si vous les aviez mieux surveillés, ils n’auraient pas bu!”» Ancien enseignant et écrivain vaudois, Jon Ferguson explique: «Depuis une dizaine d’années, on assiste à une prise de pouvoir des parents à l’école. L’enseignant ne peut plus rien faire.
Les punitions, l’élève s’en fiche désormais: papa et maman l’encouragent à ne pas les faire, disant que c’est la faute du prof s’il ne sait pas gérer sa classe.» Un enfant pose un problème? Attention: mieux vaut mettre dix paires de gants pour avertir ses géniteurs. Dominique*, enseignante vaudoise à la longue expérience: «Il ne faut jamais dire: “Votre enfant va mal.” Mais: “J’observe que dans la classe, le comportement de votre enfant me laisse penser qu’il pourrait y avoir un problème. Pourrions-nous en parler?”»
Signe des temps, à l’occasion de l’entrée en vigueur de la loi sur l’enseignement obligatoire en août 2013, la députée au Grand Conseil vaudois Catherine Roulet, attentive aux changements de la société et aux besoins des parents, propose la mise en place d’un service de médiation indépendant de l’école pour désamorcer les conflits. Elle est l’auteure d’un postulat intitulé «La médiation école-famille», qui sera présenté le 3 octobre en commission.
02 Les raisons
La réussite à tout prix. Voilà une des raisons qui poussent les parents à interpeller les enseignants plus souvent qu’à leur tour. Pourquoi avez-vous fait tel test? Pourquoi n’avez-vous pas donné la totalité des points à cette question? Pourquoi fiston n’a-t-il pas obtenu un 6 – mais seulement un 5,5 – pour son si joli dessin? Secrétaire général du Syndicat des enseignants romands, Jean-Marc Haller, ancien prof, remarque: «Pour certains pères et mères, la réussite de l’élève est plus importante que l’avenir de l’enfant.» On s’en doute, ce sont ceux qui ont eux-mêmes étudié qui se montrent les plus pressants. A leurs yeux, le succès dans la vie passe par le fait de faire ou non des études. Enseignante en 1re et 2e année Harmos (ex-école enfantine) dans un quartier favorisé de Lausanne, Françoise* a l’impression que certains parents pensent que leur enfant joue déjà sa carrière universitaire à ce niveau-là.
Climat de crainte. A la décharge des parents, il faut dire que le climat économique n’aide pas à développer une ambiance détendue face aux résultats scolaires. Comme le remarque Jean-Marc Haller, ils sont aujourd’hui plus inquiets lorsqu’ils envisagent l’entrée de leur fille ou fils dans le monde du travail. «Ils sont influencés par les médias, voient le chômage qui grimpe en France, en Italie, en Espagne et des diplômés de l’EPFL qui n’arrivent pas à trouver du travail dans leur domaine.» Agnès Mora, elle, constate: «Professionnellement, les gens subissent également de plus en plus de pression. Ils reportent ce qu’ils ressentent sur leur enfant qui doit être bon partout: au piano, au tennis, à table, à l’école.»
A cela s’ajoutent une avancée du monde et un développement des technologies qui donnent le tournis. Comme l’explique Marc Ducret, président de l’Association des directeurs d’établissements de la scolarité officielle du canton de Vaud, cela génère un climat de crainte et d’insécurité et un sentiment de fragilité. «La société tient un discours assez déstabilisant: on demande aux jeunes de se projeter dans l’avenir et, en même temps, on leur dit que ce qu’ils vont apprendre aujourd’hui aura changé demain.»
03 Nouveaux paramètres
D’autres changements dans la société viennent compliquer les relations profs-parents. Comme le rappelle Jean-Marc Haller, il n’existe plus de modèle d’éducation commun. Les enseignants sont face à un panel de parents dont les critères diffèrent dans tous les domaines. On ne parle plus de la famille, mais des familles. «Nous sommes face à une diversité ethnique plus large qu’il y a vingt ans. Autrefois il y avait les cultures italiennes et espagnoles, aujourd’hui, il y a de nombreuses nationalités.» Et de raconter les positions extrêmes auxquelles un enseignant doit faire face: «Dans une même classe, j’avais un père qui me permettait de gifler son fils et une mère qui n’acceptait pas les remarques au stylo rouge. Elle trouvait la couleur rouge humiliante. J’ai accepté d’utiliser un stylo vert, car l’important pour moi était que le message passe.»
Dominique* se souvient avec consternation d’un entretien annuel avec les parents d’un garçon qui n’arrêtait pas de jouer avec la clé qu’il portait autour du cou. «Cela dérangeait visiblement tout le monde. Ses parents lui avaient dit d’arrêter, sans succès. A un moment, je lui ai dit de carrément enlever sa clé. Il a répondu: “Non!” Ses parents n’ont pas bronché. Je l’ai alors prié de sortir pour que l’on puisse parler entre adultes. J’ai demandé aux parents comment ils procédaient à la maison. Ils m’ont dit: “Il a le droit de dire non.”»
La diversité de vue en matière d’éducation n’est pas l’unique facteur qui complique la donne. Les situations de séparation et de divorce ont aussi leur influence. Jacques Daniélou: «Certains pères ou certaines mères interviennent auprès de l’enseignant pour marquer le fait qu’ils sont plus proches de leur enfant que l’autre parent.» De même, derrière l’hyperinterventionnisme parental se cache parfois un sentiment de culpabilité. Quand les deux travaillent ou qu’un seul parent s’occupe de l’enfant, il y a surinvestissement. Papa ou maman compense le temps qu’il ou elle n’a pas passé avec son rejeton en intervenant à l’école. Son message? «Regarde, je m’occupe de toi, je m’inquiète.»
L’enfant loisir. Et que dire de cette nouvelle «race» de parents? Jean-Marc Haller: «Leur concept est l’enfant loisir. Ils ne veulent pas que leurs relations soient gâchées par des tensions. Leur souhait: ne vivre que les bonnes choses en sa compagnie. Ils estiment que tout ce qui concerne l’école ne doit pas intervenir dans ce qui se passe à la maison. Ce n’est pas à eux de gérer les soucis scolaires, car ils paient des impôts pour un système scolaire efficace.» Par conséquent, les enseignants ont droit à des remarques du genre: «Mon enfant s’est fait taper par un camarade et vous ne vous en êtes pas occupé!»
Le syndicaliste vaudois évoque l’histoire de ce bambin dont les parents ont déposé une plainte pénale pour une bosse qu’il s’était faite en lugeant durant les heures d’école. «Ce genre de personne ne pense pas qu’il peut y avoir un problème lorsque leur fils ou leur fille est confié à la garde d’un autre.» Une autre enseignante vaudoise a eu droit à un téléphone parce que son élève est revenu avec un pied mouillé d’un pique-nique au bord de l’eau. La maman s’est plainte: «Il va être malade!» Alors que les profs avaient appris à dialoguer avec les géniteurs des enfants rois, à eux désormais de trouver les mots pour ces familles pour qui l’enfant est uniquement synonyme de bon temps.
Manque de recul. A tous ces paramètres vient s’ajouter le fait qu’avec les nouveaux moyens technologiques, maîtres et maîtresses ont souvent l’impression de travailler en instantané. Un problème à l’école ou en camp? Papa et maman sont avertis sur-le-champ, portable oblige. Et on le sait bien: l’instantané empêche tout le monde de prendre du recul. La conséquence? La gravité de l’événement peut vite enfler. Enseignante dans le canton de Berne, Daniela* se souviendra longtemps de ce père qui a débarqué à l’école alors qu’elle avait retenu son fils – pas très doué à l’école – lors de la grande récréation. Un homme qui avait déjà remis en question sa façon d’enseigner. «J’avais demandé à ce garçon de rester en classe pour finir de recopier ce qu’il y avait au tableau. C’est le cousin de l’enfant qui a averti le père qui, toute affaire cessante, est venu me menacer de mort. Par la suite, il s’est vu interdire d’entrer dans la cour d’école.»
04 Les parents trop présents
Papa et maman ont fait des études? Alors ils sont plus prompts à mettre leur nez dans les résultats scolaires de leur rejeton ou les méthodes d’enseignement. Jean-Marc Haller: «Face à des parents de plus en plus bardés de diplômes et au niveau culturel et social impressionnant, certains profs – qui n’ont pas tous fait cinq ans d’études universitaires – sont parfois mis à mal. Des collègues de 50-55 ans ne perçoivent pas l’humour au troisième degré de certains parents universitaires.» Des représentants des classes aisées qui ont les moyens financiers pour actionner la justice et faire des recours. Douce ironie: au dire des profs, ce sont leurs confrères eux-mêmes qui sont les parents les plus pénibles. Médecins, dentistes, avocats et autres intellectuels ne sont pas à la traîne.
Enseignante en 3e et 4e Harmos dans un quartier favorisé de Bienne, Corinne* raconte le cauchemar qu’elle a vécu avec un père qui n’arrêtait pas de mettre des remarques – qui lui étaient destinées – dans le carnet de devoirs de son fils. «En plus, il vérifiait chaque test. C’est très pénible de se sentir contrôlée et attaquée ainsi. La direction a eu beau lui expliquer, il n’a pas changé d’attitude. Il a fallu faire avec. Ce genre de cas marque une carrière.»
Ingérence pesante. La Vaudoise Dominique, elle, évoque ce clan de mères dont les enfants étaient dans la période de sélection pour le prégymnase. «Elles se réunissaient pour comparer les tests des différents enseignants, dépistant le quart de point de différence. Ces derniers ont dû s’organiser pour corriger les copies ensemble. Une ingérence pesante.» Un enseignant romand, lui, évoque le cas d’un enfant dont les parents voulaient absolument qu’il passe en section prégymnasiale. «Ils ont fait recours sur recours. Est venu s’ajouter un certificat médical, dans lequel un médecin – avec lequel je n’avais jamais parlé – m’accusait d’être responsable du fait que leur fils était mal dans sa peau. Etait écrit qu’à la gym, je mettais exprès l’enfant dans le groupe des perdants…»
De fait, au dire d’Olivier Ischer, très expérimenté directeur du Point, service de médiation scolaire à Genève, «plus les parents sont arrogants, plus ils sont impuissants, plus ils sont angoissés». Et lorsque les parents sont anxieux, le problème augmente puissance dix. «Nous constatons également que lorsqu’un élément ne va pas, ils ont l’impression que tout va mal: des compétences de l’enseignant à l’encadrement en passant par la sécurité sur le chemin de l’école. Cela rappelle les conflits d’ordre ordinaire.»
05 Les parents trop absents
Si certains parents sont trop intrusifs, d’autres, en revanche, sont absents. Au point d’inquiéter le corps enseignant qui se retrouve face à beaucoup de chaises vides lors des traditionnelles soirées de parents. Surtout si leur rejeton pose des problèmes. Pour réagir à cet absentéisme et ce manque d’intérêt pour la scolarité de leur enfant, le canton de Soleure a introduit un «contrat scolaire» – en fait une convention – dans toutes les écoles en 2012. Une première suisse. Elèves, parents et professeurs s’engagent à respecter des engagements précis. Par exemple, «ne tolérer aucune violence ni orale ni physique» pour les premiers. Les deuxièmes, eux, déclarent que leur «devoir d’éducation ne peut être accompli qu’avec les parents».
Quant à ces derniers, ils s’engagent, entre autres choses, à «entretenir un contact régulier avec le corps enseignant, ceci dans un état d’esprit positif.» Le résultat? Andreas Walter, chef de service de l’enseignement public du canton de Soleure: «Un effet positif sur le comportement des élèves, et des parents présents à 80%. Auparavant, seuls 60% assistaient aux séances.»
Parents désarmés. Les profs savent très bien que la plupart font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. Sans compter que, pour certaines populations étrangères, il est hors de question de dire quoi que ce soit aux professeurs: cela passerait pour de l’impolitesse. Michel Junod, enseignant biennois: «Comment voulez-vous que des gens qui viennent de pays en guerre s’adaptent à notre système scolaire? Ils n’ont pas les ressources nécessaires. Et que dire d’une mère qui travaille toute la journée et élève seule ses enfants? Le soir, fatiguée, elle n’a plus l’énergie de les éduquer. J’ai une énorme compréhension pour ces parents.
C’est à nous de nous adapter à cette frange de la société.» Agnès Mora, éducatrice de formation, partage la même opinion. «Comment voulez-vous qu’un maçon perde trois heures pour venir assister à une séance? Certains profs sont tellement dans leur bulle qu’ils n’imaginent pas que d’autres ont une vie socioprofessionnelle différente de la leur, et que leur souci est de payer les factures et de garder leur travail.»
Enseignante dans une classe fréquentée par un seul Suisse, dans un quartier à majorité étrangère, Christine* connaît bien ces parents. Elle décrit ces enfants auxquels il faut apprendre à tendre la main pour dire bonjour. Ces bambins qui arrivent sans avoir mangé le matin, qui passent toutes leurs vacances devant la télévision et qui sont très heureux de reprendre l’école, car dans cet endroit au moins, on s’intéresse à eux.
Ces élèves qui, à midi, vont s’acheter un paquet de chips ou un croissant pour seul repas et qui, à la reprise des cours, des semaines durant, n’ont pas de tenue de gymnastique, «parce qu’il n’y a pas d’argent», mais qu’il y a un immense écran plat à la maison. Au début, lors des entretiens de parents, Christine passait des heures à préparer ce qu’elle allait dire sur chaque élève. «Je parlais durant vingt minutes de chaque cas. A la fin, le père me demandait juste: “Enfant bon ou pas bon?” J’ai arrêté de faire dans le détail…» Sa solution pour changer la situation? «Les amendes! Il faut agir là où ça fait mal pour exiger la ponctualité, des devoirs signés, un encas pour les 10 heures, des livres de la bibliothèque rendus à temps. «Tant que l’autre partie n’agit pas, tous nos efforts ne serviront à rien…»
* Prénom modifié
Les sujets qui fâchent les parents (Par Florence Duarte)
En début d’année :
-L’enclassement (dans quelle classe de quelle école est affecté l’enfant) qui dérange la vie de famille (trop loin du domicile, trajet en voiture obligatoire). Ou cette décision, annoncée pendant
les vacances d’été, qui est changée au dernier moment.
-La séparation des bons copains dans des classes différentes à la rentrée.
En cours d’année :
-Le manque de communication et l’incompréhension du programme pédagogique. Les changements de méthodes qui laissent les parents sur le carreau.
-Se faire convoquer seulement quand ça va mal. Le parent sait qu’on ne va pas lui annoncer une bonne nouvelle. L’anxiété, voire la colère selon les infos reçues, monte avant l’entretien.
-Les remarques maladroites et blessantes dans l’agenda.
-Les mauvaises notes.
-L’injustice en classe, les chouchous.
-Les absences répétées du prof et la libération trop fréquente des élèves en dehors de l’horaire.
-Les retards répétés de l’enseignant, les récréations qui se prolongent sans raison.
En fin d’année :
-Le flottement avant les vacances, les derniers jours où la classe ne travaille plus, où l’élève n’a d’autre projet éducatif que de laver la classe, aller au parc pour aller au parc, jouer à la Playstation…
-L’orientation: les parents qui ne sont pas alertés assez tôt, pris au dépourvu lors de la décision.
Et encore :
-L’installation de sans-abris dans l’abri PC sous l’école. Ramdam assuré. Tout comme la seringue trouvée dans la cour, les sujets «peur» provoquent un branle-bas de combat immédiat.
La parole aux parents d’élèves
Ils subissent une double pression (Par Florence Duarte)
Judith Vuagniaux, présidente de la FAPERT, la Fédération des associations de parents d’élèves de la Suisse romande et du Tessin, résume l’esprit: «Faire des enfants, pas de problème, les mettre à l’école, plus jamais.» «Nous subissons une double pression: celle de notre société de la performance, qui veut que l’enfant réussisse et soit heureux, et celle de l’école, qui veut que l’on s’implique, que l’on participe, mais pas trop. La tension est immense, il serait sage, à tous les niveaux, de détendre l’élastique…»
A l’ère de l’iPhone et de Facebook, l’exigence parentale a du mal à supporter le manque de communication des enseignants. «Il faut parfois se battre pour comprendre ce qui se passe», note Florian Gruber, président de l’APE de Renens (VD), qui sourit aussi de l’impatience chronique de certains parents. A l’APE Vaud, on tient une permanence téléphonique. «Cela permet de désamorcer certaines situations où l’émotionnel prend une place importante. Parler permet à des parents anxieux de se calmer et de prendre du recul, explique Juliane Brandt-Monnier, secrétaire générale. Il y a une dose d’angoisse normale chez chaque parent. Mais ne pas avoir le droit, par exemple, de pénétrer dans l’école, dans la classe, peut paraître incompréhensible pour certains.»
La plupart des parents ont envie d’être des partenaires de l’école. C’est là que trouver la juste distance est difficile. Jusqu’où intervenir? Quels sont les domaines de compétences que l’école me reconnaît? «J’y mets mon nez, mais je le mets jusqu’où?», interroge Anne Thorel Ruegsegger, coordinatrice du GAAP à Genève (Groupement genevois des associations de parents d’élèves du primaire) et mère de trois enfants. «Entre des parents jugés intrusifs ou désintéressés, où est le juste milieu? Nous ne sommes convoqués que quand ça ne va pas. Nous devons faire confiance à un adulte auquel nous confions notre enfant six heures par jour, cinq jours sur sept. Et le cautionner, quand nous ne sommes pas d’accord avec lui, pour le bien-être de l’enfant.» Pour Judith Vuagniaux, le défi se situe ici, dans cette relation à l’enseignant «qu’on n’a pas appris à établir». De l’émotion pure, nourrie de notre vécu, plus ou moins heureux, d’ancien élève.
Les conseils de Marcel Rufo
«L’alliance est primordiale» (Par Florence Duarte)
Marcel Rufo, 69 ans, est le pédopsychiatre le plus estimé, en France comme en Suisse romande. Le 24 octobre sortira son nouveau livre. Dans son titre Tu réussiras mieux que moi. Craintes et désirs d’école (Ed. Anne Carrière) résonnent l’injonction et le fantasme des parents d’aujourd’hui. A L’Hebdo, il dit le rang que doivent tenir ces géniteurs aux attentes démesurées.
Que reprochez-vous aux parents d’élèves en 2013?
Les parents jouent un rôle affectif avec leur enfant. Lorsque celui-ci entre à l’école, ils doivent passer la main. Or, ils veulent que l’enseignant soit parfait et celui-ci n’a droit à aucune erreur. Parce que, aujourd’hui, l’enfant DOIT réussir. Et cette responsabilité est reportée sur l’enseignant. A l’origine, cela repose sur un malentendu: non, l’école ne doit pas tout réussir, elle doit accompagner l’enfant.
Quelle attitude adopter quand on est parent d’élève?
Instaurer de plus grands échanges autour de l’enfant. Et faire que les parents de l’école publique soient aussi concernés que ceux du privé, où on les voit très présents. Se demander comment on peut mutuellement aider l’enfant. Se mettre autour d’une table avec bienveillance, sans suspicion. Le mot clé, c’est celui-ci: alliance.
Quel est l’enjeu pour l’élève?
Les parents doivent avoir une infinie confiance dans l’enseignant. Le risque pour l’enfant, pris entre deux puissances qui s’affrontent, est de se mettre à faire l’idiot. Déchiré, il dysfonctionne et attire l’attention de manière négative. Sachant qu’un enfant sera toujours loyal vis-à-vis de ses parents, c’est toujours l’enseignant qui aura le mauvais rôle. Lorsque l’enfant admire un prof ou reçoit un message affectif enrichissant de sa part, cette relation est gardée secrète des parents.