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Sexe: les derniers tabous

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Jeudi, 18 Juillet, 2013 - 06:00

A raison ou à tort, en couple ou en société, tout n’est aujourd’hui encore pas bon à dire en matière de sexualité. La preuve par la simulation de l’orgasme, le plaisir anal des hommes ou le désir chez les séniors.

Combien de femmes qui simulent efficacement un orgasme mais ne l’avoueront pour rien au monde à des hommes qui ne veulent surtout pas le savoir? Combien d’hommes qui n’osent pas confier à leur femme qu’un doigt glissé dans leurs fesses leur ferait plaisir? Combien de séniors qui doivent se cacher pour vivre leur désir et leur sexualité encore vivace?

A raison ou à tort, dans le couple, entre amis ou en société, tout n’est aujourd’hui encore pas bon à dire en matière de sexualité. Une Mélanie Thierry, actrice et épouse du chanteur Raphael, qui déclare sans chichi «L’adultère, et alors? On n’a qu’une vie» choque encore. Héritage de deux mille ans de morale judéo-chrétienne, la sexualité est en soi l’un des domaines les plus tabous en Occident, avec ce qui touche aux excréments ou à la drogue. Malgré la libéralisation des mœurs vécue depuis un siècle, entre les interdits fondateurs et pérennes – l’inceste –, les interdits bibliques – l’adultère – et les interdits personnels liés à son vécu intime et familial, chacun crée ses propres codes. Mais personne ne vit ni n’aime sans tabous, qu’ils soient liés à de la crainte ou à de la pudeur. Et, si certains sont à juste titre associés à de la pudibonderie ou de l’étroitesse d’esprit parce qu’ils empêchent un épanouissement de la vie sensuelle et devraient être dépassés, d’autres protègent avec raison notre intimité ou celle de notre couple.

C’est lorsque le tabou correspond au silence à propos de ce qui fâche entre deux partenaires qu’il devient pernicieux, voire destructeur. L’enjeu est alors non pas entre faire ou ne pas faire, mais entre dire ou ne pas dire.

01 Le sexe pendant les règles

Dégoûtant! C’est généralement la réaction provoquée par la proposition, ou la suggestion, de faire l’amour pendant que la femme a ses règles. L’écoulement du sang, plus ou moins important, provoque des réactions de rejet immédiates. Essayez de dire que, homme ou femme, vous faites volontiers l’amour pendant les menstruations: il y a de fortes chances que l’on vous regarde comme un excentrique aux mœurs gore. Plus de 80% des femmes évitent les relations sexuelles pendant leurs règles, alors qu’il n’y a aucune contre-indication médicale le déconseillant, l’appareil génital ne présentant pas de changements physiologiques ni de sensibilité particulière durant cette période. L’explication de ce tabou est grandement historico-religieuse: de nombreuses religions ont longtemps considéré la femme comme impure pendant ses règles, lui interdisant de cuisiner ou laissant croire qu’une femme qui tombe enceinte pendant ses règles (ce qui peut arriver) avait plus de risques d’accoucher d’un… lépreux. S’il faut certes passer du matelas à la douche ou au plein air pour des raisons pratiques, cette hygiène ne doit pas laisser croire qu’elle se bat contre un acte «sale».

02 Les traversées du désert affectives et sexuelles

Qui n’a pas inventé une amourette ou quelques coups d’un soir plutôt que d’avouer, à la question des amis ou des parents: «Et tes amours?», qu’il ou elle traverse un désert sexuel qui dure depuis quelques semaines, mois ou années? Dans notre société de la toute-puissante jouissance et du désir comme motto permanent, ne pas être désiré, n’être objet du désir pour personne, est, lorsque ce n’est pas un choix délibéré comme dans le cas des religieux ou des abstinents volontaires, un motif de honte difficile à assumer. D’autant plus s’il se double d’une absence de désir de son propre côté, voire d’un dégoût rien qu’à l’idée d’entamer une relation physique et sexuelle avec un partenaire. La méfiance, la pitié, la commisération, voire le mépris que l’aveu de cette situation provoque, pousse clairement à la dissimuler. Alors qu’au contraire il n’y a pas de normalité en matière de vie sexuelle et qu’en parler peut dédramatiser la situation. Voire aider à faire prendre conscience d’un problème précis, mécanique ou psychologique, qui induit cette traversée du désert involontaire.

03 Le vagin, ce grand inconnu

Vous avez remarqué ? On sait tout du zizi, mais rien de sa meilleure amie. La verge mâle fait partie de l’imagerie de l’art classique et grand public depuis des millénaires. On l’admire, on en fait un symbole de pouvoir et de conquête, mais rien pour la vulve, partie apparente du sexe de la femme et invisible aux yeux de la société. Dans une étude européenne publiée en 2006, 78% des sondées s’accordaient à dire que les tabous sociétaux autour du vagin contribuaient à une ignorance des femmes. Ensuite, seules 39% d’entre elles disaient avoir déjà lu un article informatif sur le vagin, tandis que 47% n’avaient même aucune idée de sa taille (en moyenne: environ 8 cm de long et 4 cm de large). Quand Gustave Courbet le peint dans la fameuse Origine du monde, c’est pour que le tableau reste bien caché chez un collectionneur privé. Il faut attendre Les monologues du vagin, pièce de théâtre signée de l’Américaine Eve Ensler, créée en 1996 et jouée partout dans le monde depuis, pour que, malgré le scandale suscité, l’on s’intéresse enfin concrètement à cet organe féminin. Et que l’on ose prononcer le nom de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.

04 Le fantasme de se faire violer

Voici un fantasme «égodystonique» par excellence: il excite et rend mal à l’aise tout à la fois. Rarement avouable, donc. Nous touchons ici au cœur du fonctionnement de nos fantasmes, qui mêlent peur et désir. Leur rôle serait comparable à un mécanisme d’autodéfense: il s’agirait de transformer la peur (d’être violé) en source d’excitation et de plaisir. «J’ai tendance à penser que, sans angoisse, il n’y aurait pas de désir sexuel», souligne Denise Medico. Mais ce fantasme ne traduit pas forcément – et même jamais – le souhait d’être réellement agressé et de souffrir. Il témoignerait plutôt de celui d’être extrêmement désirable. Désiré au point de provoquer un viol. «Souvent, on érotise le début de l’agression, très peu érotisent la violence réelle, estime la sexologue. L’homme aussi peut fantasmer d’être violé par plusieurs femmes. C’est toujours le même fantasme d’hyperdésirabilité.» Enfin, dans nos rêveries sexuelles, on ne s’identifie pas forcément à celui qu’on croit… Une femme qui fantasme de se faire violer par trois hommes peut très bien s’identifier aux assaillants…

05 La simulation de l’orgasme féminin

Quand Harry rencontre Sally, ils ont ce dialogue autour d’un sandwich au pain de mie:

Sally: Presque toutes les femmes font semblant, de temps en temps.
Harry: En tout cas, jamais avec moi.
Sally: Qu’est-ce que t’en sais?
Harry: Parce que je le sais.
Sally: C’est vrai, c’est vrai, j’oubliais: t’es un mec.
Harry: Ça veut dire quoi? On peut savoir?
Sally: Rien. Seulement, tous les mecs pensent «jamais avec moi» et toutes les femmes font semblant de temps en temps, alors c’est évident.

Une étude anglo-saxonne publiée dans les Archives of Sexual Behavior expliquait l’an dernier que 50 à 60% des femmes simulent régulièrement l’orgasme. Les raisons? L’homme, pardi! Dans la majorité des cas, il s’agit pour les femmes de donner à leur partenaire l’impression que leur vie sexuelle est suffisamment satisfaisante pour qu’il n’aille pas voir ailleurs. Les clichés, qui ont la vie dure, veulent qu’un homme qui ne fait pas jouir une femme ne soit pas à la hauteur de sa mission, et donc se sente dévalorisé si cela n’arrive pas. Raison corollaire: l’impatience, la fatigue et le désir d’en finir avec la partie de jambes en l’air.

C’est un double tabou: il est tout aussi inavouable pour une femme d’expliquer au principal intéressé qu’elle triche pour le flatter que pour terminer la session câlins au plus vite. Du coup, la majorité des femmes culpabilisent. Quant aux hommes, ils ne sont pas assez masochistes pour s’infliger une blessure d’amour-propre qui jetterait le doute sur leurs performances. Elles n’avouent pas, ils ne veulent pas savoir: merveilleux tabou qui arrange tout le monde? A terme, hélas, c’est l’engrenage. A simuler souvent, les femmes se privent d’un plaisir véritable et donnent le signal implicite que l’orgasme serait le baromètre d’un rapport sexuel réussi, alors qu’absence de jouissance ne signifie pas absence de plaisir.

Bon à savoir: selon la même étude, 18% des hommes auraient déjà simulé un orgasme pour les mêmes raisons que les femmes – envie de ne pas vexer leur partenaire, peur d’apparaître comme un mauvais coup et désir de clore l’interaction. Le port d’un préservatif favorise évidemment le subterfuge.

06 Coucher avec une transsexuelle
On ne clame pas sur les toits qu’on va voir des prostituées, encore moins qu’on préfère des filles pas tout à fait comme les autres. Les transsexuelles (qui sont passées du statut d’homme à celui de femme) sont de plus en plus demandées dans la prostitution. A Lausanne, elles représentent 10% des travailleuses du sexe. Ces «filles» ne sont pas opérées (à part la poitrine). Elles ont gardé leur sexe masculin et pratiquent la pénétration anale passive ou active. Elles doivent être à la fois très féminines (grâce aux hormones) et sexuellement actives (par le recours au Viagra et à la cocaïne). Leur clientèle est hétérosexuelle. Si coucher avec une transsexuelle est aussi excitant pour certains, c’est parce que c’est un acte transgressif. «Si certains hommes veulent dominer, d’autres trouvent excitant d’être soumis», explique Denise Medico, sexologue très engagée auprès des personnes trans. «Le trans exprime ce que les hommes refoulent: la féminité. C’est pour cela qu’il est méprisé. L’objet sexuel par excellence, qui suscite le plus d’agressivité, aujourd’hui, c’est le transsexuel, pas la femme.

07 Le plaisir anal chez les hommes hétérosexuels

Les hétéros mâles découvrent le plaisir anal. Enfin, ceux qui sont suffisamment bien dans leurs baskets pour considérer que leur fondement peut être source de plaisir et que leur hétérosexualité n’est pas mise en péril pour autant. Le périnée, la prostate et l’entrée de l’anus sont très sensibles et peuvent procurer un plaisir intense, c’est connu. Pas besoin de pénétration, une exploration soft ou une caresse suffisent. Pourtant, le plaisir anal chez les hétéros mâles demeure un tabou, parce que encore associé à l’homosexualité et à la sodomie. La sodomie, historiquement, est un acte de soumission guerrier, une agression, une dévirilisation. Mais les mentalités évoluent, lentement. Chez BonbonRose, site internet coquin basé à Ecublens (VD), on vend de plus en plus de stimulateurs prostatiques. Par exemple, le Fun Factory Click’n’Charge Duke, bleu marine, au prix de 98 francs. Sa forme courbe permettrait à la fois de solliciter le périnée et de titiller la prostate. Les hommes l’achètent sur l’internet. Leurs copines, elles, osent les acquérir pour eux dans des réunions fuckerware. «Mais il est très difficile pour un homme d’en parler à sa compagne. C’est un goût qui est rapidement associé à l’homosexualité, surtout chez les jeunes. Les femmes ont tendance à penser que cela met en péril leur couple», explique Marina Bonnet Gobet, fondatrice de BonbonRose. «Plus tard, vers 35-40 ans, les hommes ont suffisamment confiance en eux pour assumer leurs envies.» Mais le lâcher-prise physique et émotionnel n’est pas à la portée de tous les hétérosexuels, ni des gays exclusivement actifs. «Se laisser aller, c’est être en position de fragilité. Vous allez être plus sensible à vos émotions, à votre passé. Et plus facilement atteint par la dévalorisation. Il faut avoir une image corporelle de soi intègre et solide pour accepter de se faire pénétrer, explique la sexologue lausannoise Denise Medico, cheffe de service à Profa. De plus, l’anal est toujours associé, par certains, au scatologique, au sale, et donc perçu comme très dévalorisant.» Pour qu’un homme ose demander à sa femme de s’occuper de ses fesses, il faut beaucoup de confiance, de connivence et de respect au sein du couple.

08 Le sexe, monnaie d’échange

Toutes les filles le savent: un homme qui vous invite au resto s’attend plus ou moins consciemment à être récompensé en nature. Les épouses le savent: après un bon câlin, un mari détendu est plus enclin à dire oui aux séances shopping ou autres sollicitations. Offrir du sexe pour d’autres motifs que le désir ou l’amour porte le nom de prostitution lorsque la chose est pratiquée par des professionnelles. Lorsque cela se passe au sein du couple, le non-dit est total et la définition de l’échange beaucoup plus complexe. Le sexe conjugal ne devrait, au XXIe siècle, que jaillir de l’amour pur et désintéressé. La qualité de la vie sexuelle influençant la pérennité même du couple, il est évident que le sexe se fait argument de négociation ou outil de règlement des conflits et que les conjoints échangent du sexe contre des compensations relationnelles autant que matérielles. C’est là, explique une sociologue comme Paola Tabet dans son essai de 2004 La grande arnaque – Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, que l’on rejoint la «dynamique prostitutionnelle, qui en appelle au consentement à l’acte, et non au désir de l’acte», puisque «cette distinction entre désir et consentement est au cœur même de la notion de prostitution».

09 L’infidélité, toujours inavouable

L’infidélité est encore marquée du sceau de l’opprobre social dans une société moralisatrice (il suffit de feuilleter les journaux people, qui regorgent de commentaires accusateurs pour les infidèles). Rares sont ceux qui, comme Mélanie Thierry, femme du chanteur Raphael, lèvent le voile en toute décontraction. Bien sûr, il y a des degrés dans l’infidélité (relation suivie ou passade sexuelle). Ainsi que dans la discrétion qui l’entoure (l’acte manqué du portable oublié sur la table, avec un texto révélateur, pas très élégant). Mais, si elle peut avoir, dans la plupart des cas, un effet dévastateur, certains couples s’en accommodent. Marc est avec Jean depuis douze ans. Les mardis soir, Marc voit ses amants. Jean voit les siens le jeudi. Leurs rapports «extraconjugaux» sont codifiés par des règles précises (pas de galipettes avec des étrangers dans le lit du couple, séparation claire des sentiments et de la sexualité, etc). Dans ce cas, l’infidélité n’en est plus une, puisque le couple est «fidèle» au contrat qu’il a établi. Ce modèle nécessite une grande confiance en soi-même et en l’autre. Et si c’était ça, l’idéal?

10 La baisse du désir

Après l’euphorie des débuts, la découverte de l’autre, le calme s’installe. Mais chute du désir dans le couple ne veut pas dire pour autant diminution de l’amour. Certains couples s’aiment profondément, mais sont sexuellement calmes. Trop de confiance tue le sexe… Pour certains, la sexualité est un moyen d’affirmation de soi. Etre désiré est primordial pour combler les besoins affectifs. Par conséquent, constater une baisse de désir chez l’autre sera très mal vécu… Une angoisse qui n’est pas celle de jouir moins, mais d’être moins aimé. D’autres, en revanche, clivent les domaines affectif et sexuel: plus ils s’attachent à l’autre et moins ils ont envie de lui sexuellement. «On imagine toujours que la lassitude est à l’origine de la baisse du désir, explique la sexologue Denise Medico, mais ce n’est qu’un facteur. C’est souvent bien plus complexe. Et c’est la raison pour laquelle il est si difficile d’en parler: cela revient à parler de soi et de sa relation avec l’autre. Le sexe devient vite compliqué lorsque l’affect s’en mêle! L’autre devient vite «trop proche», ou «pas assez proche». Dans les deux cas, il y a danger. J’en viens à me demander s’il est possible que cela se passe simplement…»

11 Le droit à une vie sexuelle pour les handicapés

Sexopédagogue et présidente de l’association Sexualité et handicaps pluriels (SEHP), Catherine Agthe Diserens explique que, en vingt à  trente ans, les avancées faites dans le domaine de la vie affective et sexuelle des handicapés sont extraordinaires. «C’est aujourd’hui un sujet dont on parle ouvertement. Il a fait l’objet de campagnes d’affichage, de colloques, de congrès et d’une pléthore d’écrits.» Mais, si parler de ce thème est acquis, les choses sont plus complexes au niveau des réponses concrètes, c’est-à-dire, par exemple, la mise à disposition d’assistant(e)s sexuel(le)s ou le fait de favoriser les rencontres entre handicapés. Dans ce domaine, des progrès peuvent encore être faits. Si la Suisse, l’Allemagne et les Pays-Bas ont avancé, le sujet est davantage tabou en France et l’est partiellement en Belgique. Cette formatrice pour adultes explique qu’il existe de plus en plus d’espaces de parole dans les institutions suisses; des espaces dans lesquels les handicapés peuvent exprimer leurs fantasmes, leurs rêves ou leurs désillusions, tout en étant écoutés et pris en charge par des personnes formées. «Auparavant, l’individu était réduit à son handicap. Aujourd’hui, nous avons réalisé que, derrière une personne handicapée mentale ou physique, il y a aussi un homme ou une femme.»

12 Le polyamour comme remède à l’infidélité

Vous aimez (d’amour) deux, trois, voire plus de personnes, toutes en même temps, et toutes connaissent vos sentiments pour les unes et les autres. Et vos partenaires peuvent à leur tour avoir une, deux, voire trois (ou plus) amoureux? Alors vous êtes un poly-amoureux. «Le polyamour implique la connaissance et l’acceptation de chaque personne impliquée dans la relation», précise un site consacré à ce genre de relations multiples. Certains ployamoureux sont en couple avec un partenaire «primaire», d’autres habitent seuls et partagent leur temps entre leurs divers partenaires qui peuvent très bien se rencontrer et s’apprécier. A Berne et à Zurich, des réunions de polyamoureux sont régulièrement organisées dans des bars.

Evidemment, ce nouveau modèle pose de multiples questions, notamment lorsque les couples polyamoureux ont des enfants. Comment leur présenter les choses? Et qu’en est-il réellement des sentiments de jalousie. Certains thérapeutes de couples voient dans cette nouvelle forme de relation une bonne alternative à la monogamie sérielle. Car, selon eux, dans les couples qui ont passé de nombreuses années ensemble, la fidélité sexuelle est un problème.

13 La masturbation féminine

La masturbation concerne plus de 85% des femmes de manière régulière et constitue le meilleur moyen pour elles d’atteindre l’orgasme. Pourtant, la plupart d’entre elles la considèrent comme une pratique honteuse et n’en parlent pas. Dans une société marquée de l’empreinte de religions opposées à la pratique du plaisir solitaire, qu’il soit masculin ou féminin, parce qu’il sous-entend que nous sommes le jouet de pulsions irrésistibles, la masturbation féminine est l’un des tabous qui ont le plus de mal à se débarrasser de toute trace de culpabilité. Teinté de négativité, le discours sur cette autocaresse laisse entendre qu’elle correspond à un manque de sexe et d’affection et fait partie d’une sous-sexualité réservée aux veuves ou aux solitaires. La peur d’effrayer les hommes en leur en parlant ou en le faisant, sous le prétexte qu’ils se sentiraient inutiles et rejetés, est tout aussi courante mais fausse: la plupart des hommes n’en font pas, eux, un tabou et aiment regarder une femme en train de se caresser.

14 Les galipettes des séniors

«Oui, la sexualité des personnes âgées est un sujet tabou, même si nous vivons dans une société vieillissante.» Psychothérapeute et sexologue vaudoise, Laurence Dispaux connaît bien le sujet. Elle intervient en effet au sein de soirées interactives sur le thème de la sexualité des séniors dans le cadre de l’Association régionale de la Riviera de préparation à la retraite (ARPR), à Vevey. A ses yeux, plusieurs facteurs jouent un rôle important: le corps vieillissant est principalement perçu comme un organisme qui a besoin de soins médicaux et non plus comme une source de sensualité. Deuxième raison: la sexualité des personnes âgées nous ramène à celle de nos parents et de nos grands-parents. «Il faut ajouter à cela le fait que la vieillesse est associée à une image réconfortante de sérénité et de tranquillité à l’opposé de la sexualité, passionnée, agitée et volcanique.» Sans oublier une société dans laquelle l’imagerie dominante est jeune, même si les publicitaires ont compris que les séniors représentent un marché très intéressant. Last but not least, le vieillissement nous renvoie à la mort.

De fait, le tabou est plutôt dans le regard des autres. Car, lorsqu’on consulte les études qui ont paru sur le sujet, les aînés ne sont pas les chastes individus que la société aimerait bien qu’ils soient. Même âgé, on a toujours du plaisir à s’agiter sous la couette. «Selon une étude menée en 2004 dans 29 pays dans le monde, 64% des 70 à 79 ans portaient à la sexualité un intérêt important», explique Laurence Dispaux. Publiée dans le New England Journal of Medicine en 2007, une autre étude a révélé que 73% des 57-64 ans sont actifs sexuellement, et 53% des 65-75 ans. Et, parmi les 75 ans et plus qui font des galipettes, 50% confient avoir deux ou trois rapports sexuels par semaine. Evidemment, des facteurs objectifs comme l’effet des médicaments et de certaines opérations – par exemple celle de la prostate – a des conséquences négatives sur la sexualité. Physiologiquement, la lubrification diminue pour la femme et l’érection est moins rigide et plus aléatoire pour l’homme.

Sans compter l’altération de l’image corporelle. Mais la nature est bien faite. «Alors que beaucoup de femmes ont passé leur vie à demander ou à souhaiter plus de préliminaires, l’homme, qui était souvent pressé de passer à l’acte, a lui aussi besoin de plus de temps pour être excité l’âge venant.»

15 La sodomie chez les femmes

Qu’elles en aient envie et ne l’expriment pas, ou que l’homme dans leur lit manifeste une envie qu’elles n’ont pas, plus de la moitié des femmes, selon les études, n’osent pas aborder le sujet avec leur partenaire. C’est que la pénétration anale n’est pas une pratique comme les autres: non seulement parce qu’elle évoque l’homosexualité, mais aussi parce qu’elle renvoie à la part d’animalité des mammifères que nous sommes, deux tabous majeurs encore actifs dans notre culture. Longtemps considérée comme une pratique déviante puisque ne menant pas à la reproduction, on estime qu’elle est pratiquée de manière régulière par 15% des femmes et le double d’hommes hétérosexuels – ces derniers étant plus demandeurs, le bénéfice plaisir étant d’abord le leur. On pourrait du coup croire que la ligne de partage entre les anti et les pro de la sodomie se trouve entre les hommes et les femmes: faux, assurent les sexologues. L’attirance ou le rejet de cette pratique a davantage à voir avec l’histoire psychoaffective et la culture de chacun qu’avec son appartenance au sexe masculin ou féminin.

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Albertine
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