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Le mystère des robinets exaspérants

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:50

Décodage. Qui ne s’est jamais pris, dans la salle de bain d’un hôtel chic, la pluie sur la tête faute d’avoir trouvé le déviateur de la douchette? La robinetterie est devenue une jungle énigmatique. Mais pourquoi tant d’opacité?

Au hit-parade des robinets dernier cri qui crient très fort, le champion est certainement le Starck Organic, édité par Axor. «Quand je l’ai vu pour la première fois, j’ai eu un fou rire, raconte l’architecte biennois Roland Frieden. Philippe Starck a fait de belles choses mais, là, c’est franchement ridicule: il invente le design pédophile!» L’allusion à la robinetterie du corps masculin est en effet limpide dans cette création du célébrissime designer français. Mais comment ça marche? Eh bien, la température se règle au sommet de l’engin, et le débit au niveau du prépuce. OK, on peut dire que c’est du design intuitif. Pour la moitié de l’humanité.

Très souvent, l’angoisse de l’utilisateur face à la diversification du paysage de la robinetterie est précisément que son intuition est mise en échec. Comment ça marche? La créature aux lignes mégapures qui lui fait face ne livre aucun indice. En langage marketing contemporain, on appelle ça du design sans compromis.

Le mal est moindre tant qu’il ne s’agit que de se rincer les mains. Le problème devient cuisant quand vous pénétrez, tout nu et vulnérable, dans la douche pharaonique d’un hôtel chic, dotée d’un ciel dispensateur de pluie en trois variantes. Et que vous avez pour modeste ambition d’actionner la douchette sans vous prendre un orage sur la tête. Ou le jet de massage dans la nuque. Ou la chromothérapie dans les pupilles. Les options sont innombrables et le tableau de bord impénétrable. On peut le dire: plus c’est cher et design, plus c’est incompréhensible.

«Le déviateur qui commande les différents types de douches, c’est le problème crucial: son emplacement est devenu complètement aléatoire, confirme Gaspare Di Matteo, qui vend des salles de bain dans son show-room lausannois Ideal Project. L’autre jour encore, dans un hôtel, j’ai mis cinq bonnes minutes pour comprendre, moi qui suis du métier.» Et, une fois l’énigme résolue, qu’a fait ce mari facétieux? «Exprès, je n’ai rien dit à ma femme! Quelques minutes plus tard, je l’ai entendue hurler: son brushing tout frais était trempé. Elle m’a maudit et j’ai bien rigolé.» A chacun ses taquineries. Le fait est que Gaspare Di Matteo a mis le doigt sur le problème: «Chaque designer fait ce qu’il veut, c’est la dérégulation totale de la robinetterie!»

Pourquoi faire simple…

Comment en est-on arrivé là? Souvenez-vous. Au début, quand tout était simple, il y avait à droite le robinet d’eau froide, à gauche celui de l’eau chaude. Puis est arrivé le mélangeur unique, doté d’une manette dans la plupart des modèles standard. Jusque-là, c’est facile: vous déplacez la manette à droite pour l’eau froide, à gauche pour l’eau chaude. Pour régler le débit, vous la soulevez ou l’abaissez. Le geste reste simple et intuitif, du moins tant que le mélangeur est implanté verticalement. En effet, en position horizontale les choses se compliquent: le mouvement haut-bas devient celui de la température et gauche-droite celui du débit, ce qui vous oblige à assimiler deux réflexes corporels différents en passant, par exemple, de la salle de bain à la cuisine.

Et, lorsque le designer s’amuse, comme Jean-Marie Massaud dans sa ligne Axor Massaud, à placer le joystick à gauche (voir photo), une concentration maximale devient nécessaire à l’approche du lavabo. Vous voilà déstabilisé.

Le désarroi vous gagne définitivement lorsque vous pénétrez dans la cabine de douche. D’abord, parce que les fonctionnalités se sont multipliées. «On assiste au développement de véritables spas domestiques», observe Jeanne Quéheillard, théoricienne, critique du design et professeure invitée à l’Ecal, à Lausanne. La douchette amovible est toujours là, mais il y a aussi la douche de tête ou de pluie, les jets de massage latéraux, voire la luminothérapie et la vapeur en option, avec ou sans musique. Et, là, il n’y a plus ni gauche ni droite, chaque designer fait la pluie et le beau temps selon son système de commandes.

Vous aidera-t-il à le déchiffrer? Il peut, il le fait souvent, par exemple en plaçant des pictogrammes sur les manettes ou boutons encastrés. Le géant européen Hansgrohe, qui possède Axor, vend aussi des robinets et des douches parfaitement conviviaux. C’est-à-dire fidèles à la vocation première du design qui est, rappelle Jeanne Quéheillard, de concevoir «des objets lisibles, dont la forme suggère l’utilisation».

Mais les designers postmodernes contestent cette primauté de la fonction. «Philippe Starck est typique de ce courant, né dans les années 1980, explique la critique française. Il revendique le droit de dessiner des objets qui racontent tout autre chose. Ce qui l’intéresse, c’est le signe, pas la fonction. Du coup, il produit des objets sursignés, dont le langage encombre le regard et entrave la lecture. Il y a quelque chose, chez lui, de très autoritaire…» Ceci est accessoirement un robinet. Mais, avant tout, c’est un Starck, et l’utilisateur ébahi est prié de s’adapter. Pour résumer, avec Roland Frieden: «On assiste a un renversement de la logique du design: ce n’est plus la fonction qui détermine la forme, mais la forme qui dicte la fonction.»

Au dédain de la fonctionnalité, ajoutez la tendance esthétique d’époque: la belle robinetterie se doit d’être lisse, épurée, silencieuse comme une pierre de méditation. Un pictogramme qui guiderait votre geste viendrait polluer cette aspiration aux confins du spirituel. C’est ainsi que, condamné au silence des signes, l’utilisateur est renvoyé au profond mystère de toute chose.

Il arrive que cette quête de pureté amène le designer non pas à effacer toute indication pour vous guider dans les différentes fonctionnalités, mais à sacrifier les fonctionnalités elles-mêmes. Y compris les plus élémentaires. Ainsi du Néerlandais Marcel Wanders: sa douche Pipe, un des best-sellers de la maison Boffi, est un chef-d’œuvre poétique en hommage à l’ère industrielle, avec son robinet rouge qui rappelle la vanne de chantier (voir photo). A droite, l’eau froide; à gauche, l’eau chaude. What else? Le débit? Eh bien non, on ne module pas le débit, il est réglé une fois pour toutes au moment de l’installation. A plus de 4000 francs la douche (sans la cabine), c’est un précieux exercice de renoncement.

Jeanne Quéheillard note encore une autre tendance montante au pays de la robinetterie: celle «des technologies intégrées visant à brider notre naturelle tendance au plaisir du gaspillage». Exemple type: le robinet à infrarouge, dont le jet s’arrête dès que vos mains quittent l’aire de détection. Encore faut-il la trouver, l’aire de détection! «Le problème est que chaque robinet est différent. L’utilisateur ne peut pas se construire une gestuelle, il doit sans cesse s’adapter à la machine.» Très utilisé en entreprise, le robinet à infrarouge permet de limiter drastiquement la consommation d’eau. Peut-être aussi parce que beaucoup de gens, après s’être ridiculisés un moment dans une sorte de danse manuelle d’invocation au dieu lavabo, renoncent, excédés, à se laver les mains.

Docilité du client

Mais, au bout du compte, le mystère le plus impénétrable reste celui de l’utilisateur: tout le monde a vécu des moments d’intense perplexité dans une salle de bain d’hôtel, mais qui a appelé la réception pour exiger le mode d’emploi? «Je me suis trouvée plouc, j’ai préféré me laver les cheveux dans le lavabo», raconte cette cliente d’un cinq-étoiles lyonnais.

Pour les installations domestiques aussi, les amateurs de belles salles de bain «choisissent au look», observe Gaspare Di Matteo: «Pas une seule fois, l’un d’eux, avant d’acheter, ne m’a demandé comment ça fonctionne.» Roland Frieden, qui effectue beaucoup de rénovations haut de gamme, confirme: «C’est le critère du prestige qui vient en premier. Madame montre désormais sa salle de bain autant, sinon plus, que sa cuisine. Le client cherche la différence, l’objet spécial qui va le distinguer des autres. Il ne se préoccupe pas de savoir comment ça marche.»

Peut-être même que, dans cette course à la distinction, plus l’objet est énigmatique, plus il permet de trier entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas: ah oui, bien sûr, le dernier Massaud. C’est spécial, il faut connaître. Honte à celui qui ne connaît pas.

Le sociologue français Christian Morel l’a brillamment analysé dans son livre L’enfer de l’information ordinaire (Gallimard): l’opacité des objets qui nous entourent n’a d’égale que la docilité de ceux qui les achètent. L’absence de protestation de leur part est la règle. Les stars du design narcissique n’ont aucune raison de modérer le flux de leur arrogance.


Vous rencontrez une robinetterie exaspérante?

Envoyez-nous sa photo et votre commentaire (avec description). Nous publierons le florilège de vos trouvailles les plus improbables.

temoignages@hebdo.ch

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Abla Fahita: «Si j’étais une vache, je porterais un soutif»

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:52

Andrea Böhm

Zoom. Même rigoriste, la religion musulmane n’exclut pas l’humour. On rigole beaucoup de soi-même et même Daech n’échappe pas à la plaisanterie.

La vague de réfugiés venue du Moyen-Orient crée le débat sur l’aptitude des musulmans à s’intégrer aux valeurs européennes. Voile, minarets, appel à la prière: au fond, à part brimer les femmes et se prosterner devant Allah, le musulman sait-il au moins rigoler? La satire fait-elle partie des mœurs licites?

L’Arabie saoudite est un pays dont le régime n’a pas la réputation d’être porté sur la galéjade. L’acteur Nasser Al Qasabi ne cesse pourtant de tester les limites de la satire au royaume wahhabite. Il gorille l’Etat islamique qui, en retour, le menace de mort. Il raille la polygamie et suscite la colère du clergé ultraconservateur: dans un sketch, il incarne une femme qui se demande lequel de ses quatre maris elle va mettre à la porte pour pouvoir convoler une cinquième fois.

Pendant ce temps, pour critiquer lui aussi les institutions mais sur un ton sérieux, le blogueur Raif Badawi est condamné à 1000 coups de fouet. Al Qasabi, lui, est en quelque sorte le fou du roi. Les censeurs du régime savent que la jeunesse saoudienne a besoin de lui comme soupape. D’autant plus que la télévision officielle a désormais un puissant concurrent: YouTube, le moyen privilégié choisi par une génération de jeunes comiques qui multiplient les gags sur les fatwas bizarres, l’interdiction faite aux femmes de conduire et la paresse de leurs compatriotes vivant de la rente pétrolière. Ces vidéos font l’objet de millions de clics. Mais la rigolade s’arrête au seuil du palais: interdit de s’en prendre à la famille royale, la répression est impitoyable.

Tourner en bourrique l’Etat islamique sur les scènes arabes et les médias sociaux est devenu un sport populaire. Certes, les parodies d’exécution par des djihadistes présentés comme des imbéciles et des ignorants suscitent un rire un peu jaune mais, vu le contexte, il est libératoire. Idem pour la troupe musicale libanaise Al-Rahel Al-Kabir qui, sur scène, soupçonne le «calife» de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, d’être directement inspiré par Dieu pour lutter contre la surpopulation en faisant exploser des voitures piégées sur les marchés. Le même jugerait la vue de tétines animales immorale selon les commandements divins. Et le groupe d’entonner: «Si j’étais une vache, je porterais un soutif.»

Miss piggy version arabe

En Iran, l’ayatollah Khomeiny, qui n’avait pas la réputation d’être un rigolo, fait désormais l’objet de multiples blagues sur les médias sociaux mais, là aussi, mieux vaut ne pas laisser son identité sur les posts. Dans tous les Etats autoritaires, la menace de tomber sous les coups de la censure ou de quelque fanatique fait partie des risques professionnels des comiques et satiristes.

Ces derniers ont la vie dure en Egypte depuis l’accession au pouvoir du maréchal al-Sissi. Mais la propagande du régime les dispense souvent de s’exprimer, tant la réalité peut dépasser la fiction. Que dire de plus, en effet, lorsqu’un gouverneur de province suspecte ouvertement le Mossad d’être derrière une attaque de requin en mer Rouge?

En Egypte, désormais, la figure la plus populaire est une marionnette: Abla Fahita, version arabe de Miss Piggy, est souvent en bigoudis, bas résilles et une cigarette au bec. Elle cancane à la télévision sur le sexe, la politique et les fesses des femmes qui, sous l’effet d’une situation économique toujours plus désastreuse, ne cessent de se ratatiner. «Nous vivons les plus belles années de la démocratie en Egypte et ceux qui ne sont pas d’accord, on leur coupera la langue», disait le comique Bassem Youssef à la télévision. Juste avant que son émission ne soit supprimée et qu’il quitte le pays.

© Die Zeit
Traduction et adaptation Gian Pozzy

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Point final: le dernier jour

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:54

Elle pleurait toutes les larmes de son corps, la Percide. Pas à cause de son prénom, non, non, elle s’était habituée à lui comme aux railleries qu’il suscitait au village. Son père aurait connu une Anglaise répondant à ce prénom inconnu par ici. On se demande bien où, lui qui ne monta à Berne que deux fois dans sa vie. Et les Anglaises, ça ne courait pas les rues dans la vallée de Tavannes.

Quoi qu’il en soit, Percide ne pouvait plus s’arrêter de pleurer. Pourquoi? Parce qu’elle vivait son dernier jour d’école. Enfant, j’avais de la peine à comprendre.

Elle pleurait, me dira-t-elle plus tard, parce qu’elle détestait de quoi demain serait fait. Le destin de Percide était tout tracé, elle passerait ses journées à l’usine, samedi y compris. Ses parents ne voulaient pas qu’elle entre en apprentissage, ça ne rapportait rien, elle ferait comme son frère, comme les autres, il n’y avait rien à discuter. Et puis elle se marierait.

Ce fut sa vie, en effet. L’usine, la cuisine, puis les lessives, le repassage, le raccommodage, le récurage, le tricot, des jours qui n’en finissaient pas. Heureusement, il y avait les enfants. Son bonheur, même si elle n’avait guère le temps et que c’était sa mère qui les gardait pendant que, penchée sur l’établi, elle glissait tiges et fermoirs sur des centaines de bracelets de montre.

Alors ces temps, quand les ados geignent à l’approche des examens, quand ils demandent à quoi ça sert tout ça, on leur raconte la Percide de Reconvilier qui aurait tant aimé apprendre, encore un peu, mais qui n’osait même pas songer à étudier. 

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Meapasculpa: l’Euro de foot, une affaire d’Etat

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:55

On croit que le monde va mal et puis, un lundi, on lit sur un site d’information que le Parlement suisse est «obligé de bouder l’Euro 2016». Caramba. Ça, c’est du lourd.

Switcher qui fait faillite, un post-nazi presque élu à la tête de l’Autriche, 200 morts en un seul jour dans des attentats en Syrie, et maintenant le Parlement suisse obligé de travailler pendant l’Euro de foot? Mais où vat-on? Le pays se relèvera-t-il de cette semana horribilis et de ces mauvaises nouvelles en série?

Précision utile vu l’importance que prend soudain le football sur la scène (inter)nationale: je plaisante. Car non seulement le Blick et Le Matin, parfaits représentants de la vox populi, déplorent que nos parlementaires ne puissent pas suivre les matchs, mais aussi que «seuls» trois conseillers fédéraux seront présents lors des matchs de l’équipe suisse.

«Seuls»?! Je n’ai pas souvenir qu’on se soit offusqué de la difficulté pour nos politiciens de poser le Festival de Cannes dans leur agenda, ou la nouvelle saison de GOT, ou la manifestation des taxis contre Uber, ou la Fête de la nature, la Fête de la danse ou les défilés printemps-été à Paris, ou l’élection de Miss Suisse, ou même (suivez mon regard) l’inauguration de la 30e édition du Salon du livre et de la presse de Genève. C’est donc que le foot, c’est beaucoup plus important que tout ce que je viens d’énumérer.

Pourquoi diable ferait-on passer pour sérieux, important, voire essentiel à la Marche du Pays, au point d’y envoyer le gouvernement suisse, une activité qui tient des jeux du cirque? Je vois deux explications à ce gaspillage de personnel haut de gamme. Comparé aux débats quotidiens sur les assurances maladie ou les migrants syriens, le foot est extrêmement reposant pour nos amis les dirigeants politiques. Un ballon, une équipe qui gagne, l’autre qui perd et qui retourne au vestiaire. Simple. Pas de travailleurs syndiqués qui râlent, pas d’assurés qui se plaignent, pas de banquiers hypocrites devant qui faire des courbettes.

Ensuite, c’est une occupation masculine, soit un terrain que les mâles peuvent se réapproprier sous couvert de géopolitique du sport, et ne s’en privent pas. C’est Alain Berset qui assistera à la rencontre face à l’Albanie, Johann Schneider-Ammann à celle face à la France, Guy Parmelin au match contre la Roumanie. Pas de Doris ni de Simonetta au programme.

Moi aussi, pour me remettre de journées compliquées, je fais parfois des choses simples: prendre un bain, cuisiner, zapper, voir le dernier Woody Allen. Alors je comprends la tentation. Nul doute que, pour être prise au sérieux, je devrais inscrire ces petits plaisirs personnels à mon agenda professionnel.

Bonne nouvelle si vous n’êtes pas d’accord avec moi: nous avons six semaines pour en débattre.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Tatouage: Zurich a du Sang Bleu dans les veines

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:56

Le tatouage «arty» fait florès. Son héraut s’appelle Maxime Büchi, 38 ans. Le Lausannois qui a tatoué de chiffres romains les poignets du rappeur Kanye West inaugure un salon en Suisse. Sang Bleu Zurich a ouvert le 16 mai dernier. Situé dans le quartier de la Langstrasse, à la Diener­strasse 26, c’est à la fois un salon de tatouage et une boutique de vêtements. On pourra y voir exposé de l’art contemporain et s’y procurer des vêtements de créateurs tels que Cottweiler, Zana Bayne ou TTYA.

Formé à l’ECAL, puis chez le célèbre tatoueur vaudois Filip Leu, Maxime Büchi a travaillé avec des marques prestigieuses en tant que graphiste et typographe (les montres Hublot, dont il est l’ambassadeur, les maisons de couture Mugler, Rick Owens, McQueen, Balenciaga…). En 2008, il avait également créé la nouvelle police de caractères de L’Hebdo.

Son principal fait d’armes est d’avoir fondé Sang Bleu en 2004, plateforme artistique et revue du même nom consacrée au tatouage artistique. La revue, dont la parution reprendra en 2017, a fait date. Le Suisse a ouvert en 2014 un salon Sang Bleu à Londres, maison mère qu’il aimerait faire rayonner de par le monde.

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Valais: pédaler pour la bonne cause

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:58

Samedi 18 juin, de 5 heures à 17 heures, UNICEF Suisse organise, à Crans-Montana, un événement sportif pour tous les amateurs de vélo. Le but? Effectuer un parcours de 25 kilomètres et 884 mètres de dénivelé, une ou plusieurs fois, l’objectif étant de récolter de l’argent auprès de ses proches pour le parcours effectué. Les dons permettront aux enfants de République centrafricaine de bénéficier d’eau potable et à ceux du Malawi, pays touché par la sécheresse, de recevoir une cure de trois semaines de Plumpy Nut, une pâte d’arachide fortement vitaminée et riche en minéraux.

Quelques personnalité suisses prendront part à cette journée, dont les comiques Cuche & Barbezat. Ceux qui ont envie de transpirer en rigolant peuvent d’ailleurs s’inscrire dans leur équipe, il y a encore de la place. 

www.donne-tout.ch

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Nos enfants vivront mieux que nous

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:59

Un lieu commun voudrait que les jeunes d’aujourd’hui aient un avenir moins radieux que ne l’ont eu leurs parents. C’est faux, explique Guy Sorman.

Il n’est pas de lieu commun en ce moment mieux enraciné parmi les jeunes Occidentaux, de l’Europe aux Etats-Unis, que d’envisager un avenir moins radieux que celui de leurs parents. J’entends cela, notamment, de nos quatre filles comme si pour nous, les parents, tout fut facile et qu’elles ne bénéficieront jamais d’une ascension économique et sociale comparable à la nôtre. Ce pessimisme, qui me paraît absolument sans fondement, est entretenu par les médias et les acteurs politiques. La campagne de Trump est, à cet égard, significative: il propose de restaurer l’Amérique «d’avant». «Avant», tout était-il mieux?

Chez mes parents, dans la banlieue parisienne, dans les années 40-50, nous n’avions pas de chauffage central, pas de télévision, pas de téléphone, pas d’automobile. Si nous étions malades, la médecine était balbutiante, peu rigoureuse, et la quasi-totalité des médicaments d’aujourd’hui n’existaient pas. L’espérance de vie était de l’ordre de 65 ans contre 90 ans aujourd’hui. Ma génération, il est vrai, aura vécu des progrès inespérés, passant en trente ans du Moyen Age à l’ère postmoderne: à juste titre, nous étions optimistes.

Ceux qui ont 20 ans aujourd’hui, pessimistes, pour la plupart, sont moroses en société et le plus souvent désengagés de la politique, considérant qu’elle n’est d’aucun effet sur leur devenir. Ceux qui militent encore adhèrent fréquemment à des idéologies passéistes, le nationalisme tribal ou le marxisme repeint en vert. La mode dominante dans la jeunesse occidentale est donc au repli sur la vie privée, ce que facilitent les réseaux sociaux du type Facebook, devenu le loisir dominant des jeunes.

Le plus surprenant dans ce nouvel air du temps, ce Zeitgeist, est le contraste entre le progrès réel, ininterrompu, et la dénégation de ce progrès. Il est assuré que l’espérance de vie, en bonne santé, continuera à s’allonger, que la génération montante aura accès à des choix de vie grandissants dans son mode de vie, travail et loisirs. Sa perturbation psychologique, collective, vient peut-être de ce que le progrès n’est plus linéaire: regarder vers le passé ne permet plus d’envisager l’avenir.

Exemple: il y a cinquante ans, les automobiles étaient fragiles, bruyantes, polluantes; elles sont devenues sûres, incassables et propres. Le progrès des transports a été linéaire. Mais comment nous déplacerons-nous dans vingt ans? Du progrès linéaire, nous entrons dans une nouvelle ère faite de ruptures. Les automobiles n’auront plus besoin de chauffeurs, c’est certain, mais qu’est-ce qui les remplacera? C’est imprévisible.

Probablement, nous ne consulterons plus de médecin, car nous serons équipés de senseurs gérés en temps réel par la télémédecine. Le travail salarié? A heures fixes, en un lieu donné, il deviendra rare; il sera remplacé par des micro-occupations à la demande, dont l’«ubérisation» de l’économie est le tout premier pas. La plupart des activités seront robotisées, à l’exception de l’aide à la personne, de la recherche fondamentale et de la création artistique. L’enseignement se fera à distance, les opéras seront remplacés par des hologrammes, etc. A quoi s’ajoutera tout ce que l’on n’imagine pas.

Ces révolutions sont fortement probables, parce que, en laboratoire, on trouve ce que l’on cherche; elles perturberont les modes de vie en société et les formes actuelles de la solidarité. Or, l’âme humaine n’est pas faite pour vivre isolément, ne communiquer qu’avec des machines et ne pas communier autour de passions collectives, qu’elles soient religieuses, idéologiques, sportives, ludiques… Ne devrait-on pas, dans le débat public, s’interroger sur ce futur-là, plutôt que de déserter la discussion ou d’ânonner des slogans périmés autour d’enjeux moisis?

Autre exemple: en politique, on se querelle autour d’un droit du travail qui fut conçu pour des ouvriers salariés en usines, alors que les ouvriers, les salariés et les usines vont disparaître. Il n’empêche que des formes collectives de solidarité et de protection des droits resteront indispensables, mais on ne pourra plus les organiser autour de la société d’hier; c’est la société de demain qu’il faut penser.

Pour en revenir à l’interrogation initiale «Nos enfants vivront-ils mieux que nous?», il faut s’interroger sur ce que mieux signifie: matériellement, la réponse sera positive. Socialement, spirituellement? On ne le sait pas mais, si j’avais 20 ans, je serais stimulé par cette plongée dans l’inconnu et la réflexion futuriste qu’elle devrait susciter. Ma génération a vécu des progrès mirifiques; mes enfants en vivront plus encore. Il leur appartiendra d’en faire bon usage; il est temps qu’ils y réfléchissent plutôt que de se morfondre ou «s’indigner».

Retrouvez les billets de Guy Sorman dans son blog Le futur, c’est tout de suite

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Staccato: ce qui rend Uber irrésistible

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 05:59

Mais non. Ce n’est pas une question d’argent. Ou alors aussi, un peu. Mais ce n’est pas ça qui rend Uber irrésistible.

J’écoute les débats pour ou contre la révolution de la planète taxi, il n’y est question que de fric. Certains ajoutent que les chauffeurs Uber sont drôlement sympas. Ils ont raison. Mais ils n’ont toujours pas capté l’essentiel.

Ce qui rend Uber irrésistible, c’est que le système vous protège des chauffeurs baladeurs. Vous indiquez votre destination au moment de la commande, le trajet est calculé par GPS et le prix avec. La personne au volant peut alors faire tous les détours qu’elle veut, elle ne gagnera pas un centime de plus. Ça change la vie. En termes de bien-être du client, c’est une révolution copernicienne.
 
Suis-je particulièrement malchanceuse? J’ai vécu l’enfer comme cliente de taxi. Le pire, c’est à Paris. Une nuit, ça s’est terminé sur le trottoir, en bagarre entre le chauffeur baladeur et mon ami, qui s’en est tiré avec une chemise déchirée. Une autre fois, je me suis entendu dire, alors que je notais le numéro de la compagnie: «Si vous protestez, je saurai vous retrouver.» 

Au fil des ans et des voyages, j’ai pris l’habitude de me raidir à la question «Par où préférez-vous passer?» trop souvent destinée à tester votre arnaquabilité. De planquer mon plan de ville dans mon sac, pour ne pas faire touriste. Bref, à rentrer dans l’habitacle toutes antennes dehors, en mode «vigilance maximale». C’est moche, je déteste. Ce n’est pas tant l’idée de payer plus qui me crispe. C’est l’insoutenable vulnérabilité de l’occupant de la banquette arrière.

Y a-t-il moins de taxis baladeurs en Suisse? Je ne sais pas. La plupart du temps, je sais où je vais et je le fais savoir. Mais il est arrivé à des amis venus d’ailleurs de payer drôlement cher pour arriver jusque chez moi. Alors, ma foi, vive Uber. 

Pour contrer leur redoutable concurrent, des compagnies de taxis cherchent des moyens de baisser leurs tarifs. Je leur suggère d’explorer la piste de la course psychologiquement sécurisée. Je sais, c’est injuste, la plupart des chauffeurs de taxi sont honnêtes. N’empêche: il y a, côté clients, bon nombre de polytraumatisés comme moi. Leur blessure est intérieure, elle s’appelle méfiance. Ils aspirent au soulagement.

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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Destin de réfugiée: nager, nager jusqu’au sommet de l’Olympe

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Jeudi, 26 Mai, 2016 - 06:00

Elle s’appelle Yousra Mardini. Elle a 18 ans, est Syrienne et, à l’instar de dizaines de milliers de ses compatriotes, a trouvé refuge en Allemagne. Signe particulier: dans son pays, Yousra était nageuse de compétition. Pour gagner l’Europe, Yousra, sa sœur aînée Sarah et tant d’autres candidats à la survie ont choisi la route de Lesbos. Or, quelques minutes seulement après avoir quitté la côte, le moteur de leur frêle esquif tombe en panne. «Qui sait nager?» demande quelqu’un. Yousra, Sarah et un troisième réfugié lèvent la main. Ni une ni deux, ils se laissent glisser dans l’eau, empoignent l’amarre et nagent vers les lumières de la Grèce en halant leurs compagnons d’infortune. Suit la voie des Balkans jusqu’à Munich. On est en août 2015.

Sept mois plus tard, en mars dernier à Berlin, Yousra est encadrée par deux hommes en costume sombre, des membres du Comité international olympique (CIO), face à une nuée de journalistes du monde entier. Quelques jours auparavant, à Lausanne, sous l’impulsion de son président Thomas Bach, le CIO avait décidé d’envoyer aux Jeux de Rio une équipe formée de réfugiés de toutes origines. A ce jour, la sélection compte 43 candidats. En juin, le CIO la réduira à dix. Si elle est choisie, Yousra Mardini s’alignera en 200 m nage libre. Elle qui a nagé plusieurs kilomètres vers les lumières de Lesbos. 

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Alexander Hassenstein / Getty Images
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Mettez un botaniste dans votre smartphone

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:48

Zoom. Pour aider le promeneur à reconnaître les plantes, les applications fleurissent. La palme à celles du Vaudois Roland Keller, spécialiste de l’identification végétale.

L’autre dimanche, avec un petit groupe de membres du Cercle vaudois de botanique, Roland Keller quadrillait, le nez dans l’herbe et l’œil en alerte, une portion de campagne dans la région de Gimel. Le recensement de la flore vaudoise est en marche, le premier depuis 1882.

Ce dimanche parmi de nombreux autres, chaque plante identifiée sur le terrain a été consignée dans un tableau à entrées multiples. Encore fallait-il la reconnaître: renoncule âcre ou renoncule bulbeuse? Euphorbe douce ou euphorbe à feuilles d’amandier? Dès qu’un doute surgissait, tout le monde se tournait vers Roland Keller: question identification, c’est un vrai crack. «Il est fort, confirme Gwénolé Blanchet, responsable du groupe ce jour-là: il reconnaît même les graminées, une famille difficile, que peu de botanistes maîtrisent.» Là, on parle des brins d’herbe, donc.

Cette formidable connaissance du monde végétal, Roland Keller l’a traduite dans deux applications destinées au grand public. Téléchargeables pour 10 francs, Wild Flora et Wild Trees, l’une pour les fleurs, l’autre pour les arbres, ouvrent au promeneur du dimanche, et à ses enfants ébahis d’admiration, les portes de la vertigineuse diversité du monde végétal. C’est magique: plus vous regardez, plus elle se déploie. A condition de savoir quoi regarder.

La forme de la feuille, celle de sa nervation, la forme et la couleur de la fleur? Par étapes, à l’aide de dessins limpides, votre œil s’aiguise. Vous avancez dans l’identification jusqu’à la fiche d’identité de la plante: photos, noms latin et commun (en français, en anglais et en allemand), environnement. Bonjour l’hellébore et le rampon sauvage, salut à l’armoise et au millepertuis.

Il y a peu encore, pour parvenir au même résultat, l’amateur éclairé trimballait de gros bouquins nettement plus compliqués à consulter. La bible suisse de l’identification s’appelle Flora helvetica: 3000 photos, 140 francs, un guide de poids. Depuis quatre ou cinq ans, les applications ont fleuri. Flora helvetica est désormais téléchargeable, mais reste chère (80 à 100 francs). Avec son partenaire, Marc Seinet des Editions Micromegas, Roland Keller a conçu un instrument moins touffu, plus abordable. Un équilibre particulièrement réussi entre rigueur et convivialité.

Il y en a d’autres (lire ci-dessous). Dans la catégorie superfastoche, on a les Shazam de la flore: vous prenez la plante en photo, vous envoyez votre requête et son nom vous revient. «Mais leur fiabilité est moindre, note Roland Keller. Et, surtout, la démarche n’est pas intéressante, on tombe dans la botanique du nom. Certaines personnes ne s’intéressent qu’à ça: mettre un nom, ça devient plus important que regarder.»

Sauvagerie du géranium

La botanique du nom, c’est la bête noire de Francis Hallé, le célèbre chercheur et conférencier qui a inspiré à Luc Jacquet le film Il était une forêt (2013). Roland Keller, après avoir grandi à Lausanne, a été son élève à l’Université de Montpellier. Il y a étudié l’architecture des arbres. Puis il a rédigé une thèse sur l’identification des arbres tropicaux, alimentée par plusieurs missions dans les Guyanes et en Indonésie.

En Suisse, comme botaniste indépendant, il s’est surtout concentré sur le suivi de la biodiversité. Du modeste brin d’herbe en bas de chez lui à la canopée exotique, son «univert» ne connaît pas de hiérarchies. Il a 60 ans et, sur chaque créature végétale qu’il croise, il pose un regard de premier rendez-vous.

En quelques heures de promenade avec lui, voici, en vrac, ce que j’ai appris. Les plantes néophytes arrivent chez nous depuis le sud ou l’est. Les plantes indifférentes poussent sur des sols de natures diverses. L’armoise commune s’appelle, en ukrainien, tchernobyl. Les champignons sont plus proches, du point de vue biochimique, des animaux que des plantes. Les géraniums qui garnissent les balcons hyperhelvétiques viennent d’Afrique du Sud, et d’ailleurs leur vrai nom est «pélargonium». Les vrais géraniums sont dans les prés et les bois. Il y a le brun, le fluet, le sanguin, le géranium des marais, des bois ou des Pyrénées…

Ça, ce n’est pas Roland Keller qui me l’a dit. J’ai seulement tapé «géranium» dans son application.


Quelques applications vertes

Wild Flora et Wild Trees

630 espèces pour la première, 170 pour la seconde: par souci de lisibilité, Roland Keller et Marc Seinet ont choisi «les grands arbres et les fleurs visibles». En excluant par exemple les graminées, les lèches et les joncs. L’identification se fait par choix successifs de critères (formes et couleurs), appuyés par des dessins très lisibles. Un mélange réussi de convivialité et de rigueur scientifique, disponible en français, en allemand et en anglais. Les espèces sont suisses, mais l’immense majorité d’entre elles se retrouvent dans toute l’Europe centrale. Prix: 10 francs. 

Flora Helvetica

C’est la version numérique de la bible du botaniste helvétique, avec un panorama exhaustif des 3000 espèces connues. Le processus d’identification est le même que dans Wild Flora, mais en plus touffu et avec des options supplémentaires (clé dichotomique). Deux prix: 80 francs sans clé dichotomique, 100 francs avec. 

iForest

Développé en Suisse alémanique, présente 101 conifères, arbustes et feuillus indigènes. Existe aussi en version française, mais dans une traduction qui rend le processus d’identification, déjà peu limpide au départ, encore plus énigmatique («plante d’exercice», «succession fixe»?). Prix: 15 francs. Le même développeur propose aussi iPflanzen (fleurs) et iGarten (plantes de jardin), mais uniquement en allemand et en anglais. 

FlowerChecker

Développé par une équipe de «botanist geeks» tchèques qui se flatte d’avoir déjà identifié 134 477 plantes. Sympa dans la catégorie «Shazam botanique». On envoie la photo de la plante, les spécialistes en ligne l’analysent et son nom vous parvient dans les vingt-quatre heures. Le prépaiement de 1 dollar donne droit à trois réponses. Inconvénient, outre la non-immédiateté de la réponse: tout est en anglais. 

Pl@ntNet

Proposé par le Cirad, l’organisme français de recherche agronomique. Même principe que FlowerChecker (par photo), mais la réponse arrive immédiatement et en français. Inconvénient: une fiabilité moindre. Dans notre essai, l’outil a confondu un chèvrefeuille avec une mimosacée. Avantage: c’est gratuit.

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Le terrorisme décuple la population des aviophobes

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:49

Mehdi Atmani

Eclairage. Un tiers des passagers sont des phobiques de l’avion. Angoisse face aux bruits, aux décrochages, manque de confiance dans le pilote… Et, depuis peu, peur du terrorisme. Les compagnies et les aéroports prennent des mesures spéciales. Ils adaptent leurs cours de désensibilisation à ce contexte sécuritaire particulier.

Le vol 9268 de la compagnie russe Metrojet, à destination de Saint-Pétersbourg, avait quitté Charm el-Cheikh vingt-trois minutes auparavant. Ce 31 octobre 2015, cet Airbus 321-200 se pulvérise à une altitude de 30 000 pieds (9144 m) au-dessus du Sinaï. L’avion transportait sept membres d’équipage et 214 passagers. Deux semaines après la catastrophe, le groupe djihadiste Etat islamique revendique le crash. Il aurait profité d’une faille sécuritaire pour introduire un engin explosif dans l’appareil. Le 13 novembre 2015, la France subit l’attaque terroriste la plus meurtrière de son histoire. Puis, le 22 mars 2016, c’est Bruxelles, son métro ainsi que son aéroport Zaventem qui sont les cibles du terrorisme de Daech.

L’aviation a beau se targuer d’être le moyen de transport le plus sûr au monde, lorsqu’elle est victime d’une attaque terroriste elle enfante une nouvelle génération de phobiques et renforce les peurs des aviophobes de longue date. A chaque accident d’avion, les effectifs du cours «Voler sans peur», dispensé une fois par mois à l’aéroport de Genève Cointrin, décuplent. Dans le climat anxiogène entretenu par les actions terroristes de l’Etat islamique en Europe, les peurs des passagers ont-elles changé? Comment les compagnies aériennes, dont les mesures de sécurité augmentent sans cesse, intègrent-elles cette nouvelle donne sécuritaire?

Ce vendredi 8 avril 2016, Fabienne Regard sirote son café dans l’aire d’arrivée de Cointrin. Cette chercheuse académique est une ancienne phobique de l’avion reconvertie en coach. Depuis plus de vingt ans, elle pilote le stage «Voler sans peur» pour libérer les aviophobes de leurs angoisses. Ce matin, elle scrute l’écran des arrivées. «Le vol Swiss Zurich-Genève est prévu à 10 h 26.» Dans l’appareil, une vingtaine d’aviophobes du cours de Fabienne Regard tentent de mettre fin à leurs angoisses.

Tous et toutes ont payé entre 300 et 990 francs pour participer au stage de trois jours qui comprend l’aller-retour final entre Genève et Zurich sur un vol de ligne et le suivi gratuit à vie. Ils sont coachés par des anciens phobiques et du personnel navigant spécialement à bord pour les aider.

La peur panique de voler, comme toute phobie, est un tabou. Elle toucherait près d’un tiers de la population à des degrés plus ou moins sévères: peur du décrochage, des bruits pendant le vol, des turbulences, mais aussi angoisse de s’en remettre à la seule responsabilité d’un pilote, ou conviction que le personnel navigant ne dit pas tout en cas de pépins. Les phobies sont multiples. Elles touchent particulièrement des individus «perfectionnistes, qui aiment tout contrôler», souligne Fabienne Regard. Le stage «Voler sans peur» comprend une journée de questions-réponses avec un commandant de la compagnie Swiss. Mais aussi un programme de gestion de la peur et des émotions. Le dernier jour est dédié au vol entre Zurich et Genève, suivi du «débriefing».

Effet post-11 Septembre

Fabienne Regard constate que «la dimension peur de l’attentat augmente depuis plusieurs années. Les questions des participants évoluent. Il y en a beaucoup sur la sécurité, le tri et le contrôle des bagages ou l’état psychique du pilote. Le cours a pour objectif d’adapter la sensibilité du système d’alarme des phobiques à la réalité du danger encouru. On leur apprend donc quels sont les conseils de sécurité et comment on sécurise un vol, ainsi qu’un avion.» Fabienne Regard se souvient encore de l’effet, à retardement, du 11 septembre 2001. «Deux mois après les attaques de New York et Washington, les phobiques ont décidé de ne plus prendre l’avion. L’effectif de mon cours a chuté de moitié pour remonter quelques mois plus tard.»

Le suicide du pilote de la Germanwings, le crash de Metrojet, les attentats de Paris et de Bruxelles n’ont pas aidé à rassurer les phobiques de l’avion. Au point de ne plus prendre l’avion? Chez easyJet, qui souligne avoir été «affectée par les terribles attaques de Bruxelles, où la compagnie opère huit routes, il est encore trop tôt pour évaluer l’impact sur les réservations». Mais la compagnie à bas prix constate que «l’envie de voyager en Europe demeure forte. Le taux de remplissage du mois de mars 2016 de la compagnie sur l’ensemble du réseau atteint le chiffre positif de 91,3%.» Les aviophobes l’ignorent encore, mais il n’a jamais été aussi sûr de voler qu’aujourd’hui.

La donne terroriste change le quotidien des pilotes

Depuis 1994, Luc Wolfensberger officie en qualité de pilote chez Swiss. A 48 ans, il rassure depuis plusieurs années les phobiques du cours de Fabienne Regard. «La sécurité au sein du transport aérien est omniprésente. Elle a même été améliorée, souligne-t-il. Nous aussi, nous devons montrer patte blanche avant de mettre un pied sur le tarmac, puis dans l’avion. Nous n’avons aucun passe-droit.» Luc Wolfensberger rappelle que des «incidents d’avion, il y en a de manière régulière. Ce qui a changé, c’est la nature de certains accidents.» Il cite le crash de la Germanwings, en mars 2015. Le copilote, Andreas Lubitz, avait précipité intentionnellement l’appareil, qui a fini par s’écraser dans les Alpes-de-Haute-Provence. «L’accident a eu un impact énorme, se souvient Luc Wolfensberger. C’était un Airbus A320, que tout le monde utilise pour des voyages en Europe.»

Si le commandant de bord de Swiss «se sent sûr et super à l’aise dans son cockpit», il reconnaît que la donne terroriste a changé petit à petit son quotidien. «Avant le 11 septembre 2001, la porte du cockpit était fermée pendant le vol, mais pas verrouillée. J’en profitais pour montrer mon magnifique monde aux passagers. Les nouvelles règles de sécurité restreignent la proximité avec les voyageurs. Pour garder un lien, j’essaye d’être présent en cabine à la fin de l’embarquement pour y faire une petite annonce et établir un contact visuel avec les passagers. Cela peut avoir un effet tranquillisant du fait qu’ils m’ont vu et entendu.» Depuis l’accident de la Germanwings, il y a l’obligation qu’une deuxième personne soit présente en tout temps dans le cockpit.

En vingt-deux ans de carrière, Luc Wolfensberger ne note pas de changements dans les peurs de l’aviophobe. «Rien que le fait de monter dans un avion signifie pour le phobique que cet appareil va avoir un problème. Il ne s’imagine pas qu’il puisse voler sans réacteur. Durant le stage, j’essaie d’expliquer les bases de l’aérodynamique et la cause des turbulences, afin de lui permettre de mieux gérer ses émotions.» Le pilote souligne qu’il y a «de moins en moins de pannes techniques grâce aux énormes progrès de l’électronique embarquée. La technologie fait qu’un avion est un moyen de transport très, très fiable.»

Luc Wolfensberger, qui a déjà vécu plusieurs incidents techniques, rappelle que les pilotes doivent renouveler leur licence et leurs connaissances techniques deux fois par année. Il souligne surtout que les principales causes d’un déroutage ou d’un atterrissage d’urgence viennent de passagers perturbateurs.

Timothy Kriegers est pilote de ligne sur Airbus A320 depuis un an. A 24 ans, il est aussi le président de l’association à but non lucratif Pilotesuisse, qui a notamment l’objectif de promouvoir son métier. Lui n’a jamais connu le monde d’avant le 11 septembre. «La sécurité ne cesse d’augmenter. Le risque a toujours existé. Dans les années 1970, l’aviation était la cible du terrorisme palestinien. Nous pouvons aujourd’hui nous protéger de plusieurs choses, mais nous ne pourrons jamais nous protéger de tout. Il faut tout de même faire confiance au personnel qui travaille à l’aéroport et aux autorités.»

Mais les impératifs sécuritaires d’aujourd’hui sont-ils compatibles avec la pression commerciale que subissent les compagnies et les exigences des passagers de traverser l’Europe pour moins de 50 francs? Pour Timothy Kriegers, cela ne fait aucun doute.

Refaire confiance à l’avion

Retour à Cointrin. Il est 10 h 45 lorsque la vingtaine de participants au stage de Fabienne Regard débarque dans l’aire d’arrivée. Les visages sont apaisés. D’autres portent encore des marques de stress. La troupe d’aviophobes s’installe dans une salle de l’aérogare pour le «débriefing». Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes ont combattu leurs peurs avec plus ou moins de succès. Il y a Dorine, qui ne peut retenir ses larmes. La participante a fait l’aller-retour en avion. Elle confesse avoir «cherché désespérément la gare de l’aéroport de Zurich pour rentrer à Genève, mais ne l’a pas trouvée». Il y a aussi Claude, qui s’est endormi au retour. Et puis Roberto qui, lui, n’a pas osé monter dans l’appareil.

Le jeune homme de 35 ans ne s’est pas senti capable de braver sa peur de mort imminente dans les transports. «Je n’étais pas connecté. L’angoisse a pris le dessus, dit-il en promettant de faire une nouvelle tentative. Je dois partir au Portugal au mois de juillet. Je suis à deux doigts d’annuler.» Les autres participants l’encouragent à y aller. Quand il était petit, Roberto adorait voler… «Mais une fois, un vol s’est mal passé. C’était fini. J’ai repris l’avion deux fois par obligation, mais c’est tout. J’aimerais à nouveau pouvoir faire confiance à l’appareil.»

A l’issue du stage, tous les participants se retrouvent sur un forum en ligne dans lequel ils trouvent le soutien d’ex-phobiques, l’assistance de professionnels et celle des bénévoles de l’association. Lors de leurs prochains vols, Fabienne Regard prévient les équipages. Les aviophobes seront alors chouchoutés. La formation «Voler sans peur» touche à sa fin. Dans quelques heures, trois participantes reprennent déjà l’avion. Les autres feront de même ces prochaines semaines. Fabienne Regard est formelle: «Le meilleur moyen de vaincre sa peur est de repartir très vite, dans la foulée du stage.» 

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Esclavage sexuel: quand la recruteuse est votre amie d’enfance

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:50

Témoignage. Florissant, le trafic d’êtres humains reste largement impuni. Une psychologue de Tiraspol raconte les dégâts sur les victimes.

Parfois, c’est une affichette collée sur un poteau dans la rue: «Vous cherchez un bon job à l’étranger? Appelez le No de tél.… Bonnes opportunités pour jeunes femmes.» Parfois, c’est l’épicière du coin: «Une place de serveuse à Moscou, si tu as une copine intéressée…» Mais il n’est pas rare non plus que ce soit la chère amie d’enfance. «Elle est elle-même tombée dans le piège, a passé des années à l’étranger comme esclave sexuelle, et maintenant elle revient dans la peau d’une recruteuse.» Pour cette victime du trafic d’êtres humains, devenir bourreau «est une manière de soigner son traumatisme».

Voilà ce que raconte Dasha Artemii, psychologue à Tiraspol, capitale de la Transnistrie. Des histoires de femmes fracassées qu’elle aide à se remettre debout. Il y a quelques jours, la jeune femme était de passage à Lausanne, à l’invitation de l’ONG Vivere, qui a noué, depuis quatre ans, une collaboration avec l’association locale Women’s Initiative. Dasha Artemii et ses collègues y prennent en charge des victimes de violence domestique et de trafic d’êtres humains.

Les deux maltraitances sont intimement liées: «Dans la majorité des cas, la victime de trafic cherche à fuir une situation insoutenable dans sa famille. Elle est déjà gravement fragilisée et prête à croire tous ceux qui lui offrent une porte de sortie.» Ajoutez à cela la situation économique de la Transnistrie, cet Etat fantôme coincé entre l’Ukraine et la Moldavie, qui a fait sécession de cette dernière en 1991, mais sans reconnaissance internationale. «L’industrie est morte, les investisseurs absents, il n’y a pas de travail. Les familles ne vivent que grâce à ceux de leurs membres partis à l’étranger», résume Dasha Artemii.

La Transnistrie n’est de loin pas le seul pays de la région touché par le phénomène du trafic d’êtres humains, mais la précarité de son statut en fait un terrain de choix pour les prédateurs. Selon l’Office international des migrations (OIM), principal sponsor de Women’s Initiative, les principaux pays de destination sont la Turquie, les Emirats arabes unis, mais aussi les pays de la région: Russie, Macédoine, Bosnie-Herzégovine, Moldavie, Ukraine.

La recruteuse ou le recruteur est donc souvent une personne familière. La jeune femme rencontre ensuite, dans des bureaux respirant la respectabilité, un monsieur en costume-cravate qui lui décrit un chouette job de vendeuse ou de serveuse à Moscou ou à Istanbul. «On a affaire à une vaste organisation criminelle qui ne manque pas de comparses et de moyens, explique Mike Hoffman, de Vivere. Les sommes d’argent en jeu équivalent à celles du narcotrafic.»

C’est ainsi que, au chapitre 2 du drame, la jeune femme se retrouve, passeport confisqué, avec d’autres compagnes d’infortune, dans un appartement-prison où les coups pleuvent et les clients défilent. Le gardien est souvent une gardienne, là encore une esclave montée en grade. Quand la victime est renvoyée chez elle, c’est souvent parce qu’elle est trop malade pour rester exploitable. Plusieurs femmes prises en charge par Women’s Initiative sont atteintes du sida.

Lutte contre l’impunité

Dasha Artemii raconte encore comment son association apporte d’abord une aide matérielle, puis propose à ces grandes blessées un travail thérapeutique. «Le plus grand obstacle, c’est la honte. Ces femmes se sentent coupables de ce qui leur est arrivé et leur estime de soi est détruite.» L’ONG les aide à reprendre une formation, à trouver un travail. Parfois, l’histoire finit raisonnablement bien. Mais il arrive aussi qu’un père, ou un mari, force la femme à retourner en enfer pour encaisser le revenu de son travail.

«L’enjeu le plus critique, c’est la lutte contre l’impunité», commente Mike Hoffman. Vivere a fait de ce combat une priorité en fournissant une aide juridique aux victimes. La loi contre le trafic d’êtres humains existe en Transnistrie, «mais elle reste largement ignorée des juges et des avocats eux-mêmes», déplore Dasha Artemii.

Ajoutez à cela que, par peur des représailles, les victimes sont très réticentes à dénoncer leurs bourreaux. Autant dire que les inculpations sont rarissimes. En six ans, Women’s Initiative a assisté 84 victimes. Début 2016, un recruteur a été condamné par le tribunal de district de Slobozia. Sa victime avait passé deux ans à Chypre comme esclave sexuelle. «A ma connaissance, c’est une première dans la région», note Mike Hoffman. Un «grand progrès» donc, mais aussi «une grande déception», au vu de la mansuétude du verdict: trois ans et demi avec sursis, et sans dédommagement pour la victime. Vivere va étudier la possibilité de faire appel. Puis chercher les fonds pour matérialiser son aide.

www.vivere.ch

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Tariq Ramadan naturalisé Français? Panique dans la République

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:51

Analyse. Figure de l’islam politique, le Genevois souhaite acquérir la nationalité de sa femme, une Française. Manuel Valls s’y oppose. Les paris sont ouverts.

Vous ne voulez pas de moi? Eh bien, vous allez m’avoir, et plutôt deux fois qu’une! Le Suisse Tariq Ramadan veut devenir Français. Il l’a fait savoir le 4 février sur sa page Facebook. Seulement voilà, Manuel Valls s’oppose à sa naturalisation. «Quand on aspire à être Français, c’est qu’on aspire à partager des valeurs», a objecté le premier ministre, dimanche 22 mai sur les ondes de Radio J, une radio juive parisienne. Pour le chef du gouvernement, le message du Genevois, incarnation d’un islam moderne et présentable aux yeux de nombreux jeunes musulmans francophones, est «contradictoire». Autrement dit, double, dangereux, selon ses détracteurs, qui sont légion également.

Riposte à peine codée, le même jour, de l’intéressé, toujours via Facebook: «Manuel Valls: au bon moment au bon endroit! Juste avant de se rendre en Israël, sur Radio J, le premier ministre outrepasse une fois encore les limites de sa fonction.» Le «bon endroit»: sous-entendu, un média communautaire juif, comme pour enfoncer le clou d’un prétendu «philosémitisme d’Etat». Lourd reproche, adressé aux pouvoirs publics et singulièrement à Manuel Valls par la frange dite islamo-gauchiste, à laquelle le théologien suisse est souvent rattaché en raison de ses liens avec la mouvance tiers-mondiste et les milieux propalestiniens.

Devenir Français? Pour Tariq Ramadan, une simple formalité, se dit-on, tant son «dossier» paraît solide. On s’étonne même qu’il n’ait pas entrepris plus tôt des démarches en ce sens. «Ma femme est Française (originaire de Bretagne, convertie à l’islam, ndlr) et mes quatre enfants sont tous Français. En Grande-Bretagne (il est professeur d’études islamiques contemporaines à Oxford, ndlr), j’ai voulu que ma fille étudie dans une école française», expliquait-il le 7 février dans le quotidien Libération, comme plaidant son cas devant une commission chargée d’examiner les demandes de naturalisation.

Il y a un loup. Les adversaires du petit-fils de Hassan al-Banna, l’Egyptien fondateur en 1928 des Frères musulmans, creuset de l’islamisme, estiment que cet intérêt soudain pour la nationalité française renferme une ambition politique. «Tariq Ramadan se rêve-t-il en héros de Houellebecq?» interrogeait le journaliste Alexandre Devecchio le 9 février sur le Figarovox, le site d’opinion du Figaro. «A le voir ainsi devant un public communautaire fasciné (lors d’un meeting à Lille, ndlr), on songe irrésistiblement à Mohammed Ben Abbes, le président musulman qui islamise pacifiquement la France dans Soumission, le dernier roman [du sulfureux écrivain]», écrivait-il.

Un acte militant

Les prétentions politiques, voire le destin suprême qu’on lui prête, doivent amuser et flatter Tariq Ramadan – Mohammed Ben Abbes ou, plutôt, Nicolas Hulot d’un post-islamisme? Injoignable depuis vendredi et en ce début de semaine encore, indique son secrétariat, nous n’avons pas pu lui faire commenter sa démarche et les oppositions qu’elle suscite. Mais son intention déclarée de devenir un citoyen de France, pays qu’il laboure depuis le début des années 1990, en compagnie de son frère Hani dans les premiers temps de ses pérégrinations hexagonales, est clairement un acte militant.

Factuellement, elle est d’abord sa réponse à l’interdiction qui lui a été signifiée de participer à une conférence mi-janvier à Paris, intitulée «Emergence d’une élite musulmane française: enjeux et défis». Elle témoigne ensuite d’un certain pouvoir de nuisance de sa part, inversement proportionnel aux bienfaits pacificateurs dont il serait porteur. On a affaire, en quelque sorte, à un chantage de basse intensité: face à l’obscurantisme dévastateur, il serait le seul recours. S’il pense l’être, son heure n’est-elle pas passée?

Quoi que puisse cacher le désir de France de Tariq Ramadan, il semble très difficile de lui refuser le passeport bordeaux, qu’il acquerrait par mariage. Seul un «défaut d’assimilation» ou autre manquement carabiné aux «valeurs de la République» pourrait l’empêcher de faire partie de la nation française. Chanterait-il La Marseillaise lors de la cérémonie d’adoubement? 

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Getty Images – photomontage: l’Hebdo
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A Fribourg, la solidarité l’emporte sur le rejet des migrants

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:52

Analyse. Avant la votation du 5 juin sur l’asile, quel est le climat au sein de la population? Zoom sur le canton de Fribourg, où l’hostilité en Singine a été suivie de plusieurs projets, comme Osons l’accueil et La Red.

Ici, la Suisse est encore intacte, comme dans Une cloche pour Ursli et Heidi, les films de Xavier Koller et d’Alain Gsponer, qui viennent de cartonner en Suisse alémanique. Sur les hauteurs de la Gouglera, en Singine, les oiseaux gazouillent dans leurs nids et les vaches paissent dans les champs. Surtout, la croix du Christ coiffe la chapelle de l’ancien pensionnat longtemps géré par les sœurs d’Ingenbohl. «Mais pour combien de temps encore?» s’interrogent les habitants des communes de Chevrilles (Giffers) et de Dirlaret (Rechthalten). L’an prochain, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) y aménagera un centre de départ pour 300 requérants d’asile déboutés.

Le 5 juin prochain, ces communes voteront certainement non à la réforme de la loi sur l’asile pilotée par Simonetta Sommaruga, cheffe du Département fédéral de justice et police (DFJP). La Berne fédérale n’a convaincu personne en présentant son projet lors d’une séance d’information qui, le 25 février 2015, a tourné à la révolte des habitants redoutant «un tsunami de réfugiés». Les opposants allument des feux de protestation et créent une Communauté d’intérêt de la Gouglera, recueillant très vite 600 likes. «Nous avons été placés devant un fait accompli», se désole Ruedi Vonlanthen, député PLR au Grand Conseil, qui mène la fronde. «Nous avons de la place pour les vrais réfugiés, mais pas pour les autres», insiste-t-il.

Peurs infondées

Cadre de l’administration cantonale à la retraite, William Aeby aurait pu jouer le rôle du faiseur de Suisses – celui interprété par Walo Lüönd dans l’inoubliable comédie de Rolf Lyssy. Agé aujourd’hui de 71 ans, ce propriétaire d’une maison individuelle est remonté contre Simonetta Sommaruga, qu’il appelle «le nez pointu de Spiegel» (du nom du quartier de la commune de Köniz où habite la conseillère fédérale). Lors de cette fameuse assemblée, il a posé la question des frais qu’induirait le futur centre pour les communes. «Pour le moment, c’est la Confédération qui prend tout à sa charge», lui a répondu Urs von Däniken, chef des projets de centres pour requérants au SEM.

Voilà qui n’a pas rassuré William Aeby. «Nous savons que les requérants déboutés sont des assistés sociaux potentiels qui coûtent 3500 francs par mois. Nous craignons qu’ils s’évaporent dans la nature puis qu’ils tombent à la charge des communes de la région», explique-t-il. Ces peurs sont infondées. Après avoir reçu une aide unique de 6000 francs de la Confédération, les cantons sont seuls responsables des requérants déboutés.

Il n’empêche: envers la Berne fédérale mais aussi le canton, la méfiance des villageois est totale. Un jour, le bruit a couru que la croix de la chapelle de la Gouglera avait disparu. C’était faux, mais l’anecdote est révélatrice des peurs dans cette contrée très catholique. Certains citoyens ont même pensé à créer une milice citoyenne, raconte encore William Aeby, qui s’y est opposé. «J’ai dit non, bien sûr. Cela, c’est trop dangereux!»

A Chevrilles, beaucoup craignent que les 20 personnes qui seront engagées pour la sécurité dans et autour du centre ne soient pas suffisantes. Les faits, pourtant, infirment ces peurs. A Bösigen, où 50 hommes sont actuellement logés dans un foyer, ce sont les requérants qui se sont faits pourvoyeurs de sécurité! Comme les autorités locales ne trouvaient pas suffisamment de patrouilleurs scolaires, la police cantonale a autorisé neuf réfugiés à compléter l’équipe en place. «Il n’y a aucun problème de sécurité en relation avec les migrants. Tout est calme dans le canton de Fribourg», assure le porte-parole de la police, Gallus Risse.

Faut-il y voir un effet Chevrilles dans un canton soudain en déficit d’image? Toujours est-il que, après les manifestations d’hostilité en Singine, les initiatives pour soutenir les réfugiés se sont multipliées. Il y a d’abord eu Osons l’accueil, qui a vu un médecin de la société civile, le Dr Bernard Huwyler, un politicien, l’ex-conseiller d’Etat Pascal Corminboeuf, et un homme d’Eglise, le prévôt de la cathédrale Claude Ducarroz, se donner la main pour lancer un appel à accueillir les migrants. L’écho a dépassé toutes leurs espérances: actuellement, 70 personnes hébergent 39 familles de réfugiés. Ce qui fait dire à la conseillère d’Etat Anne-Claude Demierre, dont le Département de l’action sociale accompagne cette action, que Fribourg est proportionnellement le canton le plus accueillant de Suisse à cet égard.

De son modeste balcon de la rue des Chanoines 13, en vieille ville de Fribourg, Claude Ducarroz déroule son regard sur pas moins de huit ponts: ceux de la Poya, des Zähringen, de Gottéron, et l’on en passe. Avec Osons l’accueil, il en bâtit un de plus. «Nous avons agi avec la rage de l’amour. Nous avons répondu à la fois à l’urgence de la situation des migrants et à l’appel du pape François», témoigne-t-il. Lorsqu’un appartement s’est libéré dans l’immeuble, le chapitre de la Cathédrale a accueilli spontanément – pour un loyer mensuel symbolique de 100 francs − la famille afghane Rezai: le père, Jawad, sa femme, Massome, et leurs quatre enfants âgés de 2 à 15 ans.

Une rencontre bouleversante

Claude Ducarroz ne fait que perpétuer une tradition de l’accueil. En 1944, en pleine Seconde Guerre mondiale, le prévôt d’alors, Hubert Savoy, avait hébergé une petite Française de 12 ans ayant besoin de se refaire une santé en Suisse, Huguette Colocucci. Agée aujourd’hui de 84 ans, celle-ci n’a jamais oublié «la plus belle année de sa vie», au point de garder la photo de l’ancien prévôt dans son portefeuille. Elle est donc venue remercier son successeur le 27 avril dernier. Une rencontre bouleversante que Claude Ducarroz n’est pas près d’oublier. Ce qui a changé, c’est la provenance des migrants. «Huguette était comme nous. Aujourd’hui, nous devons accueillir un autre qui nous est différent. Et cela, c’est plus difficile», constate Claude Ducarroz.

Autre culture, autres coutumes, autre langue. A la route de la Glâne 47, dans le quartier de Beaumont, l’association La Red propose, quant à elle, justement un lieu d’échange interculturel. Pour cela, elle a loué une maison inoccupée pour 1000 francs par mois: au parterre, le salon et la cuisine, où des bénévoles préparent des repas avec les produits invendus des supermarchés. Au premier étage, une chambre qui sert de garderie d’enfants et une boutique d’habits remis gratuitement. «Free shop, take clothes», lit-on sur la porte.

L’association, qui repose sur une trentaine de bénévoles, dispense notamment des cours de français gratuits. En ce mercredi, ceux-ci sont victimes de leur succès. Dans le seul salon, une quinzaine de réfugiés écoutent Aurelia, une enseignante du secondaire. «Ils sont supermotivés», se réjouit-elle. Cahier à la main, ils arrivent à l’avance et font toujours leurs devoirs à la maison. En six mois, ils atteignent un niveau A2, ce qui ne va pas de soi pour des gens dont certains n’ont pas reçu de formation.

Autre initiative de solidarité, celle de La Barque, animée par un comité de six personnes et comptant quelque 80 membres. Active notamment sur Facebook, elle veut jouer un rôle de plateforme de communication pour dépassionner le débat sur l’asile. «Nous avons été choqués par les propos xénophobes et racistes tenus sur les pages Facebook de certains médias romands. Nous voulons inverser ce discours dominant qui risquait de devenir unique», déclarent Julien Vuilleumier et François Ingold, membres fondateurs de ce mouvement de citoyens. Selon eux, la barque n’est jamais pleine.

Et à Chevrilles? Quinze mois après l’annonce de l’arrivée du centre, l’émotion est un peu retombée et les esprits ouverts de la région se font enfin entendre. Cet hiver, un comité s’est créé pour souhaiter la «bienvenue aux réfugiés en Singine». Marianne Pohl, adjointe du vicaire épiscopal pour la partie alémanique du canton, tient à corriger l’image qu’a donnée ce district en février 2015. «L’inconnu fait peur dans la mesure où il n’y a presque pas de réfugiés dans ces communes. Mais une bonne moitié de la population reste ouverte et solidaire.»

Les voix étouffées lors de l’assemblée du 25 février 2015 se sont exprimées plus tard, dans le journal Freiburger Nachrichten, qui a reçu une avalanche de lettres de lecteurs. Certaines très émotionnelles, d’autres plus profondes, comme celle d’Eva Brügger rappelant que Fribourg a été une terre d’émigration au XIXe siècle: «N’oublions pas que nous vivions alors dans la pauvreté. Dans une famille de trois enfants, ceux-ci se passaient la seule paire de souliers du dimanche pour aller aux trois messes quotidiennes. Prouvons donc que nous sommes une région hospitalière envers ceux qui sont aujourd’hui dans la misère.» 

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Delhi, le patrimoine fantôme

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:53

Vanessa Dougnac

Reportage. Des centaines de monuments historiques sont disséminés dans la capitale indienne. Un patrimoine exceptionnel, souvent laissé à l’abandon.

Offrant un tour du propriétaire, Mohammed Iftar détaille les avantages de sa résidence. Il habite une maisonnette improvisée entre les vestiges grandioses d’une mosquée et ceux d’une écurie royale, dans le Parc archéologique de Mehrauli, au cœur de la capitale indienne. «L’électricité est gratuite, s’enthousiasme-t-il en désignant le lampadaire installé par la municipalité de Delhi. Pour l’eau, on récupère celle de la canalisation et on stocke des bidons.»

Depuis cinq ans, Mohammed entretient ici une petite madrasa qui abrite une vingtaine d’élèves. Un cimetière à l’abandon, juste en face, fait office de cours de récréation pour les enfants, qui jouent et courent entre les tombes. «Ça fait des bouches à nourrir, commente-t-il en les contemplant. Du coup, on s’agrandit.» Des briques et des sacs de ciment sont empilés dans un coin, prêts à matérialiser une future cuisine. Et, d’après Mohammed, la ronde des policiers n’est pas un problème: «On leur donne quelques billets et ils nous laissent tranquilles.»

Ville de l’enclave et du secret

Le quotidien du jeune homme s’accommode ainsi en toute illégalité du patrimoine protégé de Delhi. Ce parc de Mehrauli, qui s’étend sur 80 hectares, abrite le minaret très visité du Qûtb Minâr, mais les autres monuments, c’est-à-dire une centaine de mosquées, mausolées, réservoirs, demeures et remparts, se dégradent. Occupés, souillés, négligés et parfois vandalisés, ces trésors du passé plient sous l’assaut et l’indifférence des hommes. Mohammed ne voit pas le mal. Alors que la lumière du jour s’estompe, sa madrasa se mue en un décor irréel et enchanté, protégé par les pierres monumentales et la voûte végétale de la forêt.

Car le secret est bien gardé: Delhi, l’une des capitales les plus anciennes du monde, regorge de plus de 1000 sites patrimoniaux recensés. Seuls 175 d’entre eux se trouvent sous la protection de l’ASI (Archaeological Survey of India), l’organisme d’Etat spécialisé dans la conservation. Les autres vestiges sont des monuments fantômes qui font la beauté et le mystère de Delhi, ville de l’enclave et du secret. Même le touriste téméraire peinera parfois à les localiser, dans un infini chaos de marchés, artères, quartiers, parcs, bretelles et ponts.

Réinventée avec fulgurance après la libéralisation économique des années 90, la mégalopole aux 17 millions d’âmes est un délire urbain. Elle est un bruit permanent: celui de la scie qui découpe le marbre pour daller les maisons, de la pelleteuse qui étend les lignes de métro et du bulldozer qui démolit les bâtiments. Selon un rapport publié par le Janaagraha Centre for Citizenship and Democracy, Delhi traîne derrière elle toutes les grandes cités indiennes en matière de planification urbaine, d’infrastructure, de transparence et de gouvernance municipale.

«C’est une ville de brutes, lâche Stéphane Paumier, architecte français qui habite depuis dix ans à Mehrauli. La machine administrative, corrompue, s’y met en branle par à-coups, sous la pression d’événements ou de directives politiques. Delhi est une juxtaposition de villages sans aucun projet d’intégration de l’ancien avec le moderne. Le passé n’a pas de sens et la notion d’espace urbain n’existe pas: on reconstruit sans cesse, on remplit les vides.»

Conflits de propriété

La légende dépeint ainsi une capitale aux sept villages historiques, où chaque régnant a réduit à néant, au fil des millénaires, la cité antérieure. Les derniers renversés furent les colons britanniques, qui firent de Delhi leur capitale en 1911, après Calcutta.

Dans cette ville obstinément tournée vers l’avenir, les agences chargées de la conservation du patrimoine ont des moyens très limités et alertent sur une bataille perdue d’avance. «Le Parc archéologique de Mehrauli, par exemple, a le potentiel pour être l’un des sites patrimoniaux les plus importants de l’Inde, estime l’architecte A. G. K. Menon, de l’ASI. Mais nous tournons en rond.»

A commencer par les enjeux très sensibles de la propriété. Parfois, le cadastre des monuments protégés ne correspond pas aux délimitations réelles. Et les conflits de propriété sont incessants. Dans le quartier pittoresque du Vieux-Delhi, les havelî, magnifiques demeures de l’époque moghole, sont morcelées par l’indivision, les disputes liées aux héritages ou l’empiètement illégal. En Inde, dès qu’il y a une ambiguïté sur le statut juridique d’un terrain, les gens s’y engouffrent pour en tirer profit.

Delhi est ainsi la capitale de l’urbanisation informelle. Depuis les années 60, 30% des terrains ont été colonisés illégalement en raison de l’absence de politique en faveur de logements bon marché. Les hommes y grattent le moindre espace: les pauvres, accaparés par leur survie quotidienne, mais aussi les riches, avec leurs imposantes villas érigées dans des quartiers inconstructibles. Dans ce contexte d’empiètement général, l’ASI avait admis, en 2013, avoir «perdu la trace» de 35 monuments sous sa protection.

Dans le Parc archéologique de Mehrauli, la gestion des monuments symbolise le grand désordre. Le sol appartient à la Delhi Development Authority (DDA), l’autorité urbaine chargée de la planification, et la conservation est aux mains de l’ASI, mais aussi de la municipalité de Delhi, de l’ONG spécialisée INTACH, qui avait aménagé le parc il y a une dizaine d’années, et enfin de l’organisation philanthropique musulmane du Waqf Board. Cette dernière en profite pour laisser ses fidèles, comme Mohammed, s’approprier doucement mais sûrement les monuments musulmans en les reconvertissant en mosquées et en madrasa.

«Si le Waqf Board est en possession d’un bâtiment patrimonial, il n’a cependant aucun droit d’entraver sa restauration ni de l’occuper», a menacé en vain la Haute Cour de Delhi. En attendant, les agences se tirent dans les pattes et le parc ressemble à un patchwork d’initiatives, des chemins fleuris au terrain vague. L’ASI, quant à lui, a érigé des enceintes autour de ses monuments restaurés. Hauts et hérissés de piques, ces murs évoquent davantage l’univers carcéral que celui de l’archéologie: ils en disent long sur la menace à laquelle ils font face.

Vestiges ensevelis

La pollution achève de mettre à mal le patrimoine de Delhi. Une décharge, paradis des cochons, des vaches et des chiens errants, marque l’une des entrées du parc de Mehrauli. Plus loin, le Rajon Ki Baoli, un réservoir d’eau en escaliers bâti en 1516, offre au regard une nappe verdâtre où flottent des bouteilles en plastique. Les pierres des bâtiments non protégés sont une ode à l’amour, ornées de graffitis et de cœurs. Ailleurs, des vestiges sont à moitié ensevelis: le parc est aussi un immense dépôt de matériaux de construction. Ces derniers proviennent de la ville qui s’érige tout autour et relèvent le niveau du sol du parc, engloutissant les ruines.

«Il faudrait concevoir la ville entière comme un patrimoine, et non pas seulement des monuments isolés», estime Stéphane Paumier. Cette année, les autorités ont retiré la candidature de Delhi de la liste des villes patrimoniales de l’Unesco, avançant que le changement de statut apporterait «de nombreuses restrictions» dans les projets d’infrastructure. Pour A. G. K. Menon, «penser que le patrimoine entrave le développement relève d’une notion complètement fausse».

Une mentalité qui concerne également l’architecture moderne de Delhi, encore moins envisagée comme objet de conservation et devenue otage des clans politiques. Malgré une campagne menée par des architectes scandalisés, le Hall of Nations, un pavillon économique construit en 1972, passera à la démolition d’ici à la fin de l’année. Le prochain bâtiment en sursis n’est autre que… le Parlement de l’Inde. Construit en 1927, il est désormais jugé «trop petit» et désuet. Son sort «révélera qui nous sommes, comment nous regardons notre passé et comment nous nous projetons dans l’avenir», a alerté ce mois-ci l’urbaniste Bimal Patel dans l’Indian Express.

Des exceptions confirment la règle. A Delhi, il est un défunt qui dort sur ses deux oreilles: l’empereur moghol Humâyân. Son mausolée, datant du XVIe siècle et classé au patrimoine de l’Unesco, vaut bien le Taj Mahal. Populaire, le vaste site a été l’objet d’un travail documenté et unique de rénovation privée mis en œuvre par l’Aga Khan Trust for Culture. Pour Ratish Nanda, le directeur de projet, c’est la preuve qu’une conservation bien menée peut être bénéfique à tous les niveaux. «Elle peut être source de développement et remplir les objectifs du gouvernement.» Il préconise notamment la mise en place de «directives pour une réutilisation appropriée des bâtiments classés».

Mais valoriser ce patrimoine, «perçu comme un fardeau», n’est pas une mince affaire. «Aucune des agences spécialisées n’apporte un encouragement significatif à la conservation, constate-t-il. Il n’y a pas de subventions, pas de permissions spéciales face au statut juridique des terrains, pas d’avantages fiscaux, pas de récompenses et pas d’intérêt de la société civile.»

Mais si, au fond, l’énergie de Delhi avait raison? La liberté urbaine de cette capitale est l’essence de son charme sauvage. Aux monuments de resplendir avec la ville, de pâlir et de mourir. Après tout, la contemplation de l’ancien est une paresse du luxe occidental. Flamboyant et éphémère, le patrimoine de Delhi appartient à qui saura l’embrasser. Il est l’histoire des empereurs et des migrants, des princes et des squatteurs. A Mehrauli, dix siècles de construction se sont succédé; dix autres se succéderont encore. Sciez, empiétez, bâtissez, détruisez, construisez. Delhi est le futur. 

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Point final: ruines ruinées

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:55

«Science sans conscience n’est que ruine de l’âme», écrivait Rabelais. Vladimir Poutine ferait bien d’en prendre de la graine. S’estimant presque en territoire conquis, le président russe voudrait reconstruire le site archéologique de Palmyre, en Syrie, dont plusieurs structures et temples ont été dynamités l’an dernier par l’Etat islamique.

Les experts s’écharpent. Les uns veulent laisser la ville antique telle quelle, comme un témoignage de la folie humaine, prenant pour exemple feu les bouddhas de Bamyan, en Afghanistan. Les autres voudraient au contraire remettre les édifices de la Perle du désert en état, pour mieux cicatriser les plaies ouvertes par l’EI.

Mais quel état? Une ruine peut-elle être plus ruinée qu’une autre? A partir de quel moment, ou de quel stade d’écroulement, un amoncellement de pierres répond-il à la définition du mot? D’ailleurs, et ce n’est pas pour prendre la défense de Daech, peut-on ruiner une ruine? N’est-ce pas une aporie, cette difficulté rationnelle sans issue possible?

Bien sûr, Palmyre pourrait retrouver son état d’avant l’invasion islamique. Là encore, quelle invasion? Trésor de la civilisation gréco-romaine, la ville des sables a subi plusieurs destructions par les combattants de l’islam au cours des siècles. Jusqu’où faut-il déplacer le curseur de l’histoire? Un peu, beaucoup, énormément?

Autant de points d’interrogation, ces fragiles volutes qui menacent toujours de s’écrouler sous les coups des réponses toutes faites.

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Elle l'a fait... Quand la reine des douceurs s’installe à Orbe

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:56

Pousser la porte du laboratoire de Tania Peria, situé au centre de la petite ville d’Orbe, c’est entrer dans un monde exquis, où tout est douceurs et couleurs. Ce sont d’abord les yeux qui se régalent. Et qui ne savent plus où se poser: miniplateaux de mignardises, tourtes de bonbons, brochettes ou même bouquets de mariée 100% bonbons, les créations de la Vaudoise d’adoption sont à l’aune de son imagination débordante.
 

Sur la grande table de travail, un plateau où sont alignées quinze sortes de mignardises: pâtes de fruits ou de guimauve couronnées de délicates fleurs en sucre ou de perles comestibles, boules de gelée à la réglisse ornées de minuscules bonbons translucides, toutes ces petites merveilles sont incroyablement appétissantes. Blouse noire et tablier assorti décoré d’un biais gansé rose fuchsia auquel s’accorde son pantalon, pas de doute, Tania Peria a le sens du détail.

C’est sur le conseil d’amis italiens qui vivent près de Lausanne que cette candy designer s’est installée sur le sol helvétique avec son ami, en novembre dernier, et a créé Carmel Creations − une contraction de caramella, qui veut dire bonbon en italien. «Ils nous ont dit: «Venez en Suisse! Ces friandises vont marcher ici.» Je me suis dit: «Pourquoi pas?» Il faut dire que lancer son entreprise en Italie, c’est beaucoup de paperasse, d’impôts et de temps perdu dans les administrations. Alors qu’en Suisse tout marche.»

Son partenaire a rapidement trouvé un travail dans le domaine de la mécanique de précision et elle a déniché le laboratoire de ses rêves.

De turin à Orbe

Passer de Turin à Orbe, c’est rude, non? «Six mille sept cents habitants, c’est une dimension qui me plaît. Durant quarante ans, j’ai habité une grande ville. J’ai profité de ce qu’offre une métropole. J’aime aussi beaucoup mener une vie tranquille.» Il faut dire que, ces vingt dernières années, elle a beaucoup couru. Après avoir suivi une école de graphisme et achevé des études de communication à l’Université de Turin, elle fonde sa petite entreprise de traiteur et de cuisine à domicile avec son frère cuisinier. «Les particuliers nous appelaient pour les anniversaires et les baptêmes, les grandes entreprises pour les inaugurations ou les soirées.» Mais le duo aspire à plus de régularité. Le frère et la sœur décident donc d’ouvrir un restaurant et embarquent leur mère dans une aventure qui durera quinze ans.

Tania Peria, qui est une personne «du matin», est devenue un oiseau de nuit, cinq soirs par semaine jusqu’à 2 heures du matin. «Lorsque j’ai commencé, à 25 ans, j’avais beaucoup d’énergie. Mais travailler si tard c’est très lourd.» Durant son temps libre, la jeune femme enseignait encore le patinage artistique. «J’avais une centaine d’élèves.»

C’est en voyant une photo dans un magazine qu’elle a commencé à créer des maisons en massepain et en gaufrettes, décorées d’éléments en sucre, pour en faire des cadeaux. Puis elle a enrichi sa palette et s’est mise à utiliser toutes sortes de bonbons. Ne manquait plus qu’un endroit où exposer sa production. «J’ai installé un coin dans le restaurant. Les amis ont commencé à commander et à acheter. Puis les amis des amis. J’ai alors pensé en faire un vrai business.»

Bien vu. Depuis qu’elle a lancé la production en décembre dernier, Tania Peria n’a pas perdu de temps. De Fribourg à Essertines-sur-Yverdon en passant par Orbe, elle était présente sur les différents marchés régionaux et a fait de bonnes affaires. Le bouche à oreille et un site internet font le reste. «Je fais beaucoup d’envois, mais certains clients passent au laboratoire.» Actuellement, tout en continuant la production, elle suit des cours de français et agrandit son marché en contactant les wedding planners et les hôtels. «Pourquoi ne pas remplacer les petits chocolats sur l’oreiller par un miniplateau de friandises? Les gens disent souvent «waouh!» en découvrant mes compositions. Certains les gardent comme décoration, d’autres les avalent tout de suite…»

www.carmelcreations.com

 

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Eddy Mottaz
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Meapasculpa: Johnny et Amber, version vengeance

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:56

Je ne dois pas être normale: je ne me suis jamais vengée d’un ex. J’y songeais, perplexe, en assistant aux déballages post-love story entre Johnny Depp, 53 ans le 9 juin, et Amber Heard, 30 ans depuis le 22 avril.

A peine l’intention de divorcer at-elle été rendue publique que, des deux côtés, les chiens se sont déchaînés. Du côté Amber, elle et ses copines se sont dépêchées d’affirmer que Johnny la battait, la maltraitait et lui avait encore lancé un iPhone au visage quelques jours auparavant. Du côté Johnny, c’est la totale: l’ex-femme trompée Vanessa Paradis se fend d’une lettre publique pour jurer que pendant les «quatorze merveilleuses années» passées avec lui, il n’a «jamais été physiquement violent». Leur fille Lily-Rose poste une photo d’elle bébé avec son papa accompagnée du commentaire: «Mon père est la plus douce et la plus aimante des personnes que je connais.» Et les copains rappliquent: Terry Gilliam «découvre qu’Amber Heard est une meilleure actrice» qu’il ne le croyait et le comique Doug Stanhope clame qu’il a la preuve qu’elle avait prévu de faire chanter Johnny.

Même vengeance du côté de chez Loana, l’ex-lofteuse: larguée par son fiancé, qui l’abreuve de SMS d’insultes – «Va voir sur ton Facebook et ce n’est qu’un début grosse vache. Tu veux jouer? On va jouer! Je vais te traîner dans la boue.» Ou «Je te jure […] que ce soir, tu as tout perdu. Tes photos à poil vont être publiées.» –, elle balance du coup les SMS reçus sur son FB à elle.

Et moi? Rien de rien. J’ai beau chercher, je ne trouve que les larmes de crocodile versées lorsque mes amoureux m’ont signifié la fin de nos roucoulades. Certes, je n’y étais parfois pas pour rien. Mais je n’ai pas publié de livre façon Trierweiler, pas crevé Ses pneus, ni déchiré Ses chemises préférées ou piétiné Ses vinyles, je ne suis jamais sortie avec Son meilleur ami, n’ai pas vidé Ses meilleures bouteilles, ne l’ai pas dénoncé au fisc ni sur FB. Je n’ai même jamais appelé Sa femme lorsqu’«il» était marié. Il me manque une case, clairement.

Dommage: ça a l’air fun. Suis-je idiote ou trop gentille? Je m’obstine à penser que cela ne revient pas au même… La vengeance est-elle une forme d’intelligence ou, au contraire, la sagesse est avec Confucius – «Celui qui recherche la vengeance devrait creuser deux tombes»? J’ai le temps pour moi: la vengeance est un plat qui se mange froid. Les représailles les plus réjouissantes s’exécutent un certain temps après l’affront, histoire de prendre l’adversaire, qui a baissé la garde, au dépourvu. Amber et Loana ont tort: elles font vite et mal ce qu’elles pourraient faire lentement et bien, plus tard.

Moi, j’essaie pour le moment de retrouver le prénom du salopiaud qui m’avait larguée au téléphone en rentrant d’un camp de ski. Il avait 13 ans, et moi aussi. J’ai le temps pour moi, je vous dis.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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OGM: le nom de Monsanto appelé à disparaître?

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:57

Erigé en symbole des manipulations génétiques suspectes, des pesticides nocifs pour la nature, de poursuites en justice, le groupe Monsanto s’est forgé une réputation haute en couleur. Si haute qu’elle pourrait bien disparaître avant peu. Dans une interview, Werner Baumann, patron du géant allemand Bayer, a laissé entendre que la question était avant tout une affaire de temps. Pourquoi tant d’assurance? Sa société vient de proposer 55 milliards d’euros (60,5 milliards de francs) pour acheter la multinationale américaine.

Et si cette dernière a refusé cette offre, elle n’a pas pour autant fermé la porte à des discussions. Et comme le dit Werner Baumann, «la marque Bayer jouit d’une réputation et d’un rayonnement excellents dans le monde». Pas comme celle de Monsanto.

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Staccato: séduit et abandonné

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:59

Ma grand-mère aurait dit:«Ce pauvre Johnny Depp s’est fait harponner par une intrigante sans scrupules qui va lui sucer le sang. Quand ils sont pris par les couilles, les hommes ne comprennent plus rien.»

Il y a évidemment plusieurs autres interprétations possibles du nouveau drame conjugal en prime time sur Canal Hollywood, starring Johnny Depp, 52 ans, acteur confirmé, ex-mari de Vanessa Paradis, et Amber Heard, 30 ans, people multitâche devenue Mme Depp l’an dernier.

Amber Heard affirme que l’ex-pirate des Caraïbes est un conjoint chroniquement violent, ce qui jette le doute sur l’équilibre mental de Vanessa Paradis: quatorze ans durant, elle a chanté la douceur de son bonheur conjugal et maintenant encore, elle défend son ex. Masochisme aggravé? Syndrome de Stockholm?

Bien d’autres lectures sont envisageables. Mais après étude des pièces du dossier à disposition, je me surprends à pencher pour la version de ma grand-mère, à peine reformulée: c’est l’histoire d’un quinqua fragilisé par la perspective du déclin et d’une trentenaire au top de sa capacité d’émission de phéromones sexuelles. Il s’enflamme et laisse tout tomber, elle en profite pour assurer son avenir. A la première occasion, elle lui fait un coup tordu pour rafler la mise: aujourd’hui en instance de divorce, Amber Heard, après quinze mois de mariage sans progéniture, vise une pension alimentaire et la moitié de la fortune de l’acteur. J’entends d’ici les deux enfants Depp chanter en chœur: «Merci, belle-maman.»

Et alors, direz-vous? Sous le régime de la domination masculine, les femmes se battent avec les armes qui sont les leurs. L’argument était valable du temps de ma grand-mère. En 2016 et dans ce contexte, il n’est plus qu’insultant pour la dignité humaine. Le coup du divorce millionnaire, ce n’est plus de la légitime défense, c’est de l’arnaque.

Le pirate étourdi n’avait qu’à prendre des précautions, bien sûr: il a accepté un mariage sans contrat, ce qui était particulièrement risqué. Mais je m’interroge: on a fait des lois pour protéger les filles-mères et les épouses abandonnées, ces proies faciles des machos sans scrupules. Faut-il envisager de protéger, contre leur propre imprudence, les hommes vieillissants des prédatrices en Louboutin?

Je suis très attachée à la notion de responsabilité individuelle. Mais il faut l’admettre: tous ces quinquas-sexas narcissiquement fragiles, c’est une population particulièrement vulnérable.

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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