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Des bus volants en Chine

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 05:59

Pour fluidifier le trafic en Chine, l’entreprise Shenzhen Hashi Future Parking Equipment vient de présenter un nouveau moyen de transport lors d’une conférence tech à Pékin: un bus ««volant». L’engin, qui ressemble à une sorte de tramway géant, se déplacera sur des rails encadrant la route. Surélevé, il permet ainsi aux automobiles de passer sous lui. Son avantage principal: le dispositif ne bloque ainsi pas la circulation, même à l’arrêt. Et les stations seront, elles aussi, aménagées en hauteur.

Haut de 4 m 50, ce «bus-way roulera à plus de 50 km/h et transportera environ 1400 passagers par trajet. La construction sera également économique: un seul de ces véhicules et 40 kilomètres de rails coûtent 500 millions de yuans (75 millions de francs), soit 10% du coût d’un métro du même gabarit.

Une méthode miracle pour soulager les routes les plus fréquentées de la planète? Plusieurs experts ont pointé du doigt le fait que les voitures coincées sous le bus ne pourront pas quitter la chaussée une fois placées sous le gigantesque engin. Un prototype sera malgré tout testé dès août 2016 à Quinhuangdao City, dans le nord du pays.

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Fethi Benslama: «C’est en se pensant comme un humilié que le musulman va aller vers des attitudes arrogantes»

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Jeudi, 2 Juin, 2016 - 06:00

Spécialiste des dérives djihadistes, le psychanalyste Fethi Benslama explore, dans un essai tout à la fois politique, historique et clinique, les entrailles du «surmusulman», cet individu qui se veut plus musulman qu’il ne l’est.

Originaire de Tunisie, professeur de psychopathologie clinique à l’Université Paris-Diderot, Fethi Benslama appréhende le djihadisme avec les outils de la psychanalyse. Les explications qu’il fournit sont lumineuses. Un furieux désir de sacrifice: le surmusulman, titre de son livre, situe bien le point de départ et celui d’arrivée du processus de radicalisation. L’idéal blessé, à l’adolescence, rencontre la proposition djihadiste. Et quand, entre eux, ça «colle», l’explosion est pour ainsi dire programmée. Cet essai est par ailleurs une charge contre l’islamisme, qualifié d’«utopie antipolitique».

Pourquoi l’offre djihadiste séduit-elle?

Aux yeux des 15-25 ans, la tranche d’âge qui rassemble les deux tiers des radicalisés, l’offre djihadiste peut apporter des réponses à des difficultés rencontrées à cette période de la vie. C’est ce moment juvénile qu’on appelle aussi l’adolescence, qui commence toutefois de plus en plus tôt et se termine de plus en plus tard.

Quelles sont ces difficultés?

Elles sont de deux ordres. La première difficulté touche la question des idéaux. La perte des idéaux merveilleux de l’enfance crée un vide qui déclenche la recherche de nouveaux idéaux. C’est une quête avide de ré-idéalisation. Le djihadisme leur propose des idéaux puissants, émotionnellement, avec des engagements qui répondent à leur attente, les arrachent au marasme, leur font croire qu’ils sont importants. Le djihadisme fait office en quelque sorte de traitement.

Quel autre type de difficulté ces jeunes traversent-ils?

La seconde difficulté est liée à la problématique de l’identité. La période juvénile se caractérise par un remaniement des limites et par leur brouillage partiel: entre la vie et la mort, moi et l’autre, l’homme et la femme, le monde et l’au-delà, etc. L’offre djihadiste est une sorte de kit identitaire, manipulateur de ces limites.

Comment les manipule-t-il?

En touchant les fantasmes inconscients de toute-puissance où il n’y a pas de barrières entre la vie et la mort, par exemple. Des images et des discours vont faire croire que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue, qu’il y a une vie après la mort et que cette vie-là, pour peu qu’on donne de soi-même, qu’on se sacrifie, est infiniment meilleure. En somme, la mort est un moyen d’atteindre l’idéal. La radicalisation est ce que j’appelle une tentative de survie à une urgence psychique.

Quels sont les symptômes de la radicalisation djihadiste?

Je distinguerai les signes des symptômes. Les signes de la radicalisation religieuse sont au nombre d’une centaine, selon les autorités françaises qui en ont établi une liste. Mais ces signes manifestes peuvent être trompeurs. Pour pouvoir les comprendre, il faut écouter l’histoire du sujet, de sa famille, des raisons pour lesquelles il a adopté telle ou telle autre attitude. Alors seulement, on peut voir en quoi ces signes sont le symptôme d’un problème qui est à l’arrière-plan.

Pouvez-vous rendre compte d’un cas?

J’ai en tête le cas d’un jeune qui était enfermé dans sa chambre, en permanence devant son ordinateur. Sa famille était rassurée sur ce fils de 17 ans qui, pensait-elle, n’avait pas de mauvaises fréquentations. Et, tout à coup, non seulement il se radicalise, mais il est lié à un groupe, il veut partir faire le djihad. Quand je rencontre ce jeune et cette famille, j’essaie de comprendre ce qui s’est passé pour que cet adolescent s’isole à ce point-là. Je m’aperçois que des choses très graves se sont produites: un décès relatif à la toxicomanie dans la fratrie, que cela a été camouflé; en même temps, cette famille vit une situation de déchirement par rapport au pays d’origine. Le jeune va adopter la radicalisation pour sortir de cette famille vivant un drame indicible dont il est mis à l’écart. Il va expier ce qu’il ressent comme une faute obscure.

Quels sont les autres cas?

Il y a la délinquance. Beaucoup de délinquants se sentent coupables de ce qu’ils font. L’offre de radicalisation leur permet de recycler cette culpabilité et ils peuvent ainsi continuer d’être délinquants et criminels, sous le couvert d’une grande cause. La recherche de la purification est un motif important dans la radicalisation. Comme dans le cas de cette jeune femme, morte avec Abdelhamid Abaaoud, le cerveau présumé des attentats du 13 novembre, lors de l’assaut lancé par la police à Saint-Denis. Elle allait dans les boîtes de nuit, avait une vie amoureuse puis, du jour au lendemain, elle a mis le voile et adopté une conduite très religieuse.

Après sa mort, son frère a révélé qu’elle a eu une grave déception amoureuse, à la suite de laquelle elle a pris ce virage religieux excessif. Il est clair que la déception amoureuse a entraîné une dévalorisation narcissique qu’elle a traitée par l’idéalisation et la purification. Il suffit de peu de chose chez des adolescents en souffrance pour provoquer cette recherche de la sortie par l’idéal. Jusqu’à récemment, la recherche sur la radicalisation privilégiait des explications d’ordre social et ne prenait pas en considération la dimension subjective.

Sur quoi se focalisait-on?

On faisait des raisonnements sociologiques sur la radicalisation comme étant liée à la banlieue, à la situation de classes défavorisées, on raisonnait sur l’idéologie de Daech. Mais le pourquoi au niveau de la personne, le vrai pourquoi, j’ose le dire, on ne le voyait pas. L’explication sociologique n’est pas fausse mais, incomplète, elle ne pouvait pas entrer dans les ressorts subjectifs de la radicalisation des 15-25 ans, qui est majoritaire. La radicalisation est une condensation de plusieurs facteurs, dont les facteurs psychologiques, voire psychopathologiques.

A propos de radicalisation djihadiste, comment arbitrez-vous la controverse qui oppose les chercheurs Gilles Kepel et Olivier Roy, le premier parlant de radicalisation de l’islam, le second d’islamisation de la radicalité?

Les deux ont raison, leurs positions ne sont pas contradictoires. C’est la radicalisation de l’islam qui a conduit des personnes qui voulaient se radicaliser à aller chercher dans la radicalisation islamiste le produit qui peut leur convenir.

La radicalisation est, chez le jeune, réparation de l’idéal blessé, écrivez-vous. Et c’est là qu’on bascule dans le religieux islamiste. Comment?

L’idéal blessé ou trahi dans ce moment de longue adolescence va coïncider avec le discours islamiste. L’islamisme est une réaction de défense de l’islam, ultrareligieuse, lorsque le monde musulman a été envahi par l’Occident, à compter de la fin de XVIIIe siècle. Il y a eu ensuite le colonialisme qui apportait les inventions des Lumières, dont la sécularisation. Beaucoup de musulmans y ont vu la destruction de leur religion et ont appelé à la résistance contre les Lumières. D’autres, malgré l’occupation et l’oppression, sont devenus partisans des Lumières. Les mouvements djihadistes, et plus généralement islamistes d’aujourd’hui, sont dans la filiation des anti-Lumières.

Un mouvement de contre-attaque…

Oui, et les premiers à s’être inscrits dans cette démarche sont les Frères musulmans en 1928, quatre ans seulement après la chute de l’Empire ottoman, qui avait maintenu en vie jusque-là, vaille que vaille, le califat, autrement dit la figure mythique du pouvoir théologico-politique censé commander à l’ensemble des musulmans réunis dans une seule communauté spirituelle: l’oumma.

L’islamisme va réinvestir le politique en le mangeant totalement.

L’islamisme prône la suprématie de la religion sur le politique. Les islamistes utilisent la politique pour détruire la politique. En ce sens, je pense qu’il n’y a pas d’islam politique. La politique au sens moderne est autonome par rapport à la religion. Ce sont les êtres humains qui font leurs lois et non pas Dieu. Or, les islamistes veulent imposer la loi supposée de Dieu, la charia. Quand le parti islamiste Ennahdha a gagné les élections en 2011 en Tunisie, sa première intention était de placer la charia, la loi islamique, au centre la Constitution. Il en a été empêché. L’islamisme est une utopie antipolitique, mais qui veut néanmoins le pouvoir pour instaurer un ordre religieux.

L’islamisme a produit le surmusulman, soutenez-vous. Qui est-il?

Le surmusulman est le fruit d’une religiosité exacerbée, le produit d’un siècle de résistance à l’Occident, à la sécularisation, à la création d’Etats nationaux destructeurs de l’oumma. Le surmusulman veut être plus musulman que le musulman qu’il est, parce qu’il est hanté par un sentiment de défection par rapport à l’idéal. Il va dès lors mettre en œuvre des démonstrations de toutes sortes de sa fidélité à la religion: sur son corps, ses habits, son mode d’être et de vivre sa foi, telle la prière de rue, témoignant de sa puissance religieuse.

S’opère ainsi un renversement du principe éthique central de l’islam qui est l’humilité; il faut avoir à l’esprit que le mot «musulman» signifie l’humble et pas seulement le soumis à Dieu. C’est en se pensant comme un humilié qui veut surmonter son humiliation qu’il va aller vers des attitudes arrogantes. Humble et arrogant: telle est l’humilité de l’humilié, que j’oppose à l’humilité de l’humble.

«Un furieux désir de sacrifice: le surmusulman». De Fethi Benslama. Editions du Seuil, 147 pages.

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A Lausanne et à Genève, la renaissance des Lavomatic

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Mercredi, 8 Juin, 2016 - 11:07

Mehdi Atmani

Enquête. Face à la densification des logements sur l’arc lémanique, les salons-lavoirs des années 60 ressuscitent, se multiplient et se diversifient. Avec, à la clé, de nouveaux services pour capter une clientèle urbaine et tendance.

Il est 8 h 30 ce samedi matin. Une demi-heure après l’ouverture, les six machines à laver et les trois séchoirs sont lancés à pleine vitesse. Des mères de famille patientent en pianotant sur leur smartphone. D’autres bouquinent. Il y a cet étudiant déballant ses caleçons en boule sous le regard amusé d’une retraitée qui attend son tour pour nettoyer ses nappes. «Elle attend du monde dimanche.» Ce va-et-vient de clients ne prendra fin qu’à 22 heures, à la fermeture.

Nous sommes au numéro 83 de la rue de Genève, à Lausanne, chez Lavotech. Un salon-lavoir parmi la dizaine que compte la capitale vaudoise. Depuis son ouverture en 2014, cette laverie ne désemplit pas.

On les croyait oubliées. Pourtant, les laveries automatiques signent leur grand retour dans les villes romandes. Au bout du lac, Genève fait figure d’exception culturelle avec une vingtaine de lavoirs en libre service. Lausanne suit. Quant aux villes de Fribourg, de Neuchâtel ou de Sion, elles ne témoignent pas du même engouement pour ces espaces de rencontres nés dans les années 60. L’une des explications de cette disparité se trouve dans la pénurie de logements dont est victime l’arc lémanique.

A Lausanne et à Genève, la densification du parc immobilier a contraint les locataires de logements anciens à faire des sacrifices. Souvent, des propriétaires et des gérances interdisent les machines à laver privées, les appartements n’étant pas équipés pour. Dans ce cas de figure, les habitants sont obligés de se rabattre sur les buanderies de leur immeuble, de se plier à un tournus d’une demi-journée de lessive – voire une journée pour les mieux lotis – n’intervenant que toutes les trois semaines. Un laps de temps beaucoup trop long pour une famille. Ce qui peut parfois donner lieu à des fâcheries de voisinage, inciter certains à tricher. Ou donner des idées à d’autres. Parmi ces derniers, Joze Ilijev.

Ce Lausannois de 35 ans, indépendant dans les télécommunications, est l’un des trois copropriétaires du Lavotech de la rue de Genève. Le succès est tel que les associés viennent d’ouvrir une autre laverie à l’avenue d’Echallens. «La pénurie de logements et la concentration des appartements nous ont poussés à nous lancer dans cette affaire», raconte-t-il. N’étant pas un professionnel des laveries automatiques, il s’agit alors pour le trentenaire «d’une activité, à temps partiel, qui répond à un besoin de la population». Joze Ilijev confesse ne pas avoir réalisé de longues et poussées études de marché avant d’ouvrir sa première laverie. «L’idée nous est venue spontanément, sur un simple constat.»

Objectif: créer une chaîne

Joze Ilijev et ses deux amis associés – Fabio Natale, actif dans la construction, et Julien D’Amore, dans l’immobilier – entament alors des discussions avec la Ville de Lausanne. La Municipalité voit d’un très bon œil la création d’une laverie automatique, car elle permet d’offrir un service de proximité à ses habitants. Le modèle d’affaires est simple. L’enjeu commercial réside dans l’emplacement.

Le trentenaire et ses deux partenaires visitent des salons-lavoirs dans toute l’Europe, rencontrent des équipementiers, testent les machines. Des machines qui coûtent cher. Leur entretien encore plus. Les associés étudient plusieurs systèmes de traitement de l’eau pour garantir la bonne marche de leur matériel. Deux ans après l’inauguration du premier Lavotech à Lausanne, Joze Ilijev n’en connaît pas précisément la fréquentation. «Mais cela marche suffisamment pour en ouvrir un deuxième.» Avec, en ligne de mire, «la création d’une chaîne» dans la capitale vaudoise.

Initiatives originales

A Genève, le mastodonte américain Speed Queen a aménagé une énième laverie dans le quartier des Eaux-Vives. L’enseigne, qui appartient au groupe Alliance Laundry Systems – numéro un mondial dans la fabrication de machines industrielles –, ambitionne de transformer la corvée de linge sale en un moment agréable. En pratique, il s’agit d’une laverie automatique standard. Mais la chaîne a misé sur l’ambiance conviviale des locaux qui tranche avec l’image austère des salons-lavoirs d’antan.

Le pari semble réussi, puisque Speed Queen détient la moitié des laveries aux Etats-Unis. En France, le groupe en compte près de 50 depuis son arrivée en 2014, si l’on comptabilise la trentaine d’ouvertures prévues en 2016. Pour les franchisés, c’est l’assurance d’une clientèle. De plus, ils pilotent à distance la gestion de leur laverie, sans personnel, avec une ouverture sept jours sur sept, du matin au soir. Pour l’heure, Genève est l’unique antenne suisse de Speed Queen. Si la société américaine se contente d’ouvrir des laveries automatiques conviviales, d’autres vont plus loin.

Des initiatives originales voient le jour de façon indépendante un peu partout en Europe. A Lille, par exemple, la cyberlaverie Wash & Co. propose de laver son linge tout en profitant du wifi gratuit, de la musique, ainsi que des snacks. En Belgique, aux Pay-Bas, en Allemagne et au Danemark, le concept brouille complètement les pistes avec l’ouverture de Wash Bar très tendance. En résumé, ce sont des espaces qui se veulent cools, plébiscités par une clientèle «hipstérisée», dans lesquels il est possible de boire un verre, de manger, de bouquiner pendant que la machine tourne.

A L’instar du Landromat Cafe, à Copenhague. A la fois lounge avec ses imposants fauteuils rouges, bar et restaurant, ce salon-lavoir du quartier de Nørrebro est devenu un lieu tendance. Ailleurs dans la capitale danoise, c’est un barbier qui partage sa surface avec une laverie automatique.

En Suisse romande, les laveries tentent aussi un pas très timide vers la diversification. A Genève, Eco-Pressing mise sur le créneau «vert». Mais pas que, puisque l’enseigne alerte ses clients par SMS une fois la machine terminée. Elle livre à domicile ou sur le lieu de travail. Eco-Pressing partage une arcade à la rue de la Servette avec un cybercafé et un salon d’esthétique, coiffure et onglerie. Une stratégie pour retenir la clientèle. Mais il faudra attendre un peu pour voir émerger en Suisse romande des modèles d’affaires calqués sur la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark.

A Lausanne, Joze Ilijev envisage «plein de choses» pour ses laveries en libre service, mais la police du commerce lui «impose des restrictions par rapport à l’affectation du local». Le trentenaire ne s’en offusque pas: «Nous avons des conditions à respecter qui ne nous permettent pas de faire ce que l’on veut», souligne le coresponsable de Lavotech. Comme de la restauration, par exemple. «Avec nos laveries, nous offrons un service de proximité. C’est un marché de quartier. Je veux bien installer une machine à café, mais je préfère que le client parte le boire à côté pendant que la machine tourne. C’est un échange équitable avec les autres commerçants.»

Les trois associés misent plutôt sur de la publicité ciblée ainsi que des partenariats. «Nous pourrions très bien imaginer que nos clients puissent acheter dans nos locaux des billets de cinéma à prix réduit ou que nos partenaires fassent défiler de la publicité sur des écrans.» En Suisse romande, malgré la demande, la grande révolution des laveries automatiques n’est donc pas pour tout de suite. Jusqu’à quand? 

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De «So Foot» à «Society», Franck Annese fait la nique à la presse

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:49

Mehdi Atmani

Portrait. Depuis treize ans, le Nantais presque quadragénaire bâtit petit à petit un empire médiatique: So Press. Il fait le pari insensé d’éditer des magazines papier en pleine sinistrose de la presse. Bilan? De nouvelles publications, des lecteurs en augmentation et la rentabilité cette année.

A priori, Franck Annese relève de la blague vestimentaire et éditoriale. Casquette vissée sur la tête, barbe noire, chemise décontractée, baskets, le look du sémillant patron des publications So Press colle davantage à l’image du hipster californien qu’à celle du magnat des médias. Pour la presse magazine française traditionnelle, qu’il «lit assez peu», le Nantais de 39 ans est surtout une plaisanterie journalistique. Quelle idée d’éditer des publications sur le ballon rond (So Foot), le cinéma (Sofilm), l’enfance (Doolittle), la politique et la société (Society) sur un ton décalé par des journalistes non spécialistes?

Depuis 2003, le groupe So Press se lance à l’abordage des news magazines (papier!), à une époque où les serveurs informatiques tournent davantage que les imprimeries. L’Express, L’Obs et Le Point peuvent se moquer. Englués dans un spleen tenace par le déclin de leurs ventes, ils rient jaune aujourd’hui face à l’empire médiatique de Franck Annese.

Le succès de So Press tient donc du pari insensé. Si Franck Annese est un look, c’est aussi et d’abord un ton, une gueule que l’on voit un peu partout à chaque nouvelle audace de la «So Sphère». «Un peu trop à mon goût. J’aimerais bien que d’autres prennent le relais.» En bon VRP, il vient présenter et défendre son nouveau bébé. La recette fonctionne depuis treize ans puisque So Press écoule plus de 220 000 magazines chaque mois auprès d’un public âgé de 25 à 49 ans.

La panoplie de ce groupe de niche se complète par la régie publicitaire H3: l’histoire, l’humour, l’humain, c’est-à-dire le trio de H gagnants si chers à Franck Annese. Mais aussi par une société de production de films (So Films), un label musical (Vietnam), une structure d’événementiel (Doli Events). So Press a ainsi généré un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros en 2015, mais une perte de 1 million. «On espère être rentables en 2016», commente le barbu. Il faudra donc encore un peu de patience avant de parler de success story.

Rien ne laissait pourtant présager que Franck Annese aurait un tel destin. Le Breton, né en 1977, a fréquenté l’Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), à Cergy. Durant ces années, il bosse un peu dans la pub et la télé. En 1999, alors qu’il est encore étudiant, Franck lance le magazine culturel Sofa. Faute de rentabilité, le fanzine se plante. En bon supporter du FC Nantes, Franck a l’idée «de cette fin de siècle»: So Foot, le mensuel du sport qui parle de football. Le menu est simple, mais copieux. Des reportages fouillés, des enquêtes, des interviews.

Avec Guillaume Bonamy et Sylvain Hervé, ses deux compères de l’ESSEC, Franck Annese invente le football «cultivé», réalisé par des passionnés. Sans évoquer les résultats. Le trio derrière So Foot multiplie les passerelles avec la culture en publiant des interviews d’acteurs et de personnalités qui livrent leur passion du football. La publication qui ambitionne de marcher sur les platebandes de L’Equipe et de France Football voit le jour en 2003. Au départ, elle s’écoule à 4000 exemplaires. Aujourd’hui, c’est la poule aux œufs d’or de So Press avec 53 000 exemplaires vendus chaque mois. Il faut dire que So Foot bénéficie des soutiens médiatiques de Libération et des Inrocks.

Regard décalé

En 2012, Franck Annese remet le couvert et s’attaque cette fois-ci au cinoche en créant Sofilm, un mensuel sous la direction de Thierry Lounas, débauché des Cahiers du Cinéma. La recette est toujours la même: un regard «décalé». Sofilm ne dépend pas directement de So Press, mais à moitié des Editions nantaises détenues par Franck Annese et Capricci (éditeur), fondées notamment par Thierry Lounas, devenu directeur de la rédaction de Sofilm.

«Le magazine applique le ton de So Foot au cinéma, explique Thierry Lounas. A l’époque, j’avais l’urgence de parler de cet art différemment. Les lecteurs et spectateurs sont assommés par la multiplication des sorties. Il faut à nouveau les intéresser, renouer le contact avec eux pour qu’ils retrouvent du plaisir. J’avais le besoin d’une autre presse, mais me sentais seul dans la démarche. Alors je suis allé voir Franck.»

«Un marketing de branleurs»

Entre So Foot et Sofilm, la force de frappe de So Press est constituée. Entre les deux, le groupe avait déjà décliné la formule dans d’autres thématiques, avec le magazine sur l’enfance Doolittle (2010) puis Pédale! (2011), une publication dédiée au cyclisme. «Tout le monde nous parle d’un concept. Mais la vérité, c’est qu’il n’y en a pas, souligne Franck Annese. Cela s’est construit lentement, de manière naturelle. A So Press, nous n’avons pas fait de grandes études pour théoriser nos projets. Depuis treize ans, on fait un marketing de branleurs, c’est-à-dire pas de marketing.» Et si le vrai plan com de So Press était de prétendre qu’il n’y en a pas?

En mars 2015, c’est le grand oral avec le lancement de Society. Un quinzomadaire qui s’inspire largement d’un journal phare de l’underground des années 70-80: Actuel. Franck Annese confie les rênes de Society à son ami de toujours Stéphane Régy, un ancien de Sofa. A l’époque, l’open space de So Press dans le XIe arrondissement de Paris, près du Père-Lachaise, fourmille de journalistes venus découvrir les traits de cet ovni dans le paysage médiatique francophone. En fait, rien de bien effrayant: un bimensuel qui traite de politique et de société. Et des rédacteurs qui «écrivent comme ils parlent», ajoute Franck Annese.

Un journalisme à l’ancienne

Ce nouveau bébé, c’est son rédacteur en chef Stéphane Régy qui en parle le mieux, avec modestie: «Nous avons une démarche plus humble qui ne donne pas de leçons aux autres.

D’ailleurs, la question ne s’est jamais posée. Society, c’est le magazine que j’ai toujours voulu faire en tant que journaliste, en rédigeant des articles que j’aimais lire.» Rien de révolutionnaire donc: «On pratique un journalisme très classique, voire à l’ancienne. Nous ne sommes pas dans le journalisme d’opinion avec des tribunes, des éditoriaux et des prises de position. En faisant ce magazine, on s’est rendu compte qu’on appréciait de prendre le temps d’aller voir les gens et de leur donner la parole. Cela nécessite de se déplacer beaucoup et de l’espace, avec des papiers assez longs… peut-être parfois trop.»

Il n’empêche. Depuis plusieurs couvertures, Society tente le grand écart entre les sujets long read distinctifs et les autres traités par la concurrence. D’ailleurs, comment le magazine compte-t-il couvrir la présidentielle française qui débute? «Nous avons notre plan de bataille, mais on ne vous le dévoilera pas, plaisante Stéphane Régy. Nous avons l’ambition de raconter ce qu’est la France en 2016. Comment les gens vivent, quelles sont les figures de l’époque. Et il y a des moments, comme celui-ci, dans l’actualité qui nous permettent de nous pencher sur les enjeux de notre pays.» Un travail d’introspection qui fera fi des «ficelles politiques et autres calculs».

Après plus d’une année d’existence, le quinzomadaire parle de tout et n’épargne personne. En s’attaquant par exemple au microcosme du PAF parisien (BFM TV). Et, au mois de mars dernier, il publie six pages d’enquête sur les dessous peu reluisants de Touche pas à mon poste!, l’émission phare de D8 animée par l’omniprésent Cyril Hanouna. Le magazine le dépeint en patron exécrable. Piqué au vif, l’animateur démonte en direct le travail des journalistes de Society, pas très attachés – à en croire l’animateur et ses chroniqueurs – aux règles déontologiques (faux témoignages, propos déformés, anonymat non respecté).

Il s’ensuit un ping-pong de SMS à l’antenne entre Cyril Hanouna et le magazine. Sur les réseaux sociaux, c’est la déferlante. Franck Annese et Stéphane Régy signent là un joli coup de pub.

Changement de division

Avec Society, Franck Annese confirme la place de So Press dans le paysage médiatique français. En changeant de division, le barbu doit endosser de nouvelles responsabilités. Parmi la vingtaine de pigistes des débuts, beaucoup ont depuis été titularisés. «Comme cela marche, on embauche. Nous avons tout de même envie qu’ils vivent sereinement en pérennisant l’aventure», souligne Franck Annese. Provocateur, le patron confesse: «Depuis le début, tout était fait pour que ça ne marche pas. Nous espérions en vivre et on n’en vit pas trop mal. On s’achète même des baraques.»

Un jour, So Press s’arrêtera. «Il le faut. La vie d’un magazine est courte. Elle s’inscrit dans une époque. Un journal vieillit avec ses journalistes et son public. Les news magazines traditionnels ont peut-être un peu perdu leur tout générationnel avec le temps. Il faut donc savoir s’arrêter.» On croit rêver.

Il est cependant trop tôt pour tirer la prise. Au mois de septembre prochain, So Press lancera Running Heroes, un semestriel dédié à la course à pied. Puis, en 2017, un site d’actualités qui mettra en avant les multicompétences dans la vidéo, la musique et la production de contenus de la marque So Press. Le groupe va encore inaugurer une nouvelle société de production. «Nous avons pris cette décision en quinze minutes autour d’un café dans le XVIIIe arrondissement, raconte Franck Annese. Si on se plante, on se plante; mais, au moins, on aura tenté l’expérience. J’aime cette spontanéité.» So easy! Vraiment? 

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A Hong Kong, quand la lumière ne crépite plus

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:53

Zoom. Autrefois symboles de la mégalopole asiatique, les néons disparaissent pour laisser place à des éclairages au LED. Une technologie qui correspond mieux à la vision de la modernité du gouvernement chinois.

Maître Lau Wan saisit une longue tige de verre. Puis, après avoir déposé ses lunettes sur son nez, il empoigne un briquet et allume un engin composé de huit petits chalumeaux. Le Hongkongais de 77 ans chauffe le morceau de verre à l’aide des petites flammes bleues et en tord l’extrémité avec soin. Il réitère l’opération dans son atelier sombre et poussiéreux, où s’entassent des tubes de verre de toutes les couleurs. Une fois son tube terminé, l’homme agrippe une boîte en métal d’où il sort de petits convertisseurs et les place aux deux extrémités. Maître Lau Wan est l’un des plus célèbres fabricants de néons de Hong Kong.

Ces enseignes, qui crépitent, éclairent les sombres ruelles escarpées de la mégalopole asiatique, en ont longtemps été l’un des symboles les plus marquants. On les retrouve d’ailleurs dans les films de Wong Kar-wai ou encore sur les cartes postales de la ville, leurs halos bleus, rouges ou verts lui conférant une apparence unique au monde.

Malheureusement, «les rues se vident de leurs néons, soupire Lau Wan de sa voix chantante. A une époque, j’avais entre 40 et 60 collaborateurs dans mon atelier. Aujourd’hui, il ne reste que moi. Il n’y a plus assez de commandes.» C’est son père qui l’a encouragé à devenir fabricant de néons. «Il travaillait comme électricien dans les années 50 et pensait que c’était un métier d’avenir», raconte l’artisan. L’apprentissage a été difficile. «Il faisait chaud dans l’atelier, c’était dur, mais j’ai persisté.» Six mois plus tard, il savait tordre des tubes de verre sans les briser. Le magasin où il était employé, Nam Wah Neons, produisait alors plus de la moitié des néons vendus dans la mégalopole.

Place aux LED

Dans le Hong Kong des années 60, ces enseignes lumineuses ornaient toutes les devantures de boutiques. «Les néons sont liés à l’émergence de la société de consommation, explique Lee Ho Yin, le directeur de la division de conservation architecturale de l’Université de Hong Kong. Les magasins les ont installés pour attirer l’attention de cette clientèle nouvellement prospère.» Leur développement a aussi été facilité par la géographie particulière de la cité portuaire: «Les rues sont très serrées et remplies de magasins et de restaurants, précise encore le professeur. Installer une gigantesque enseigne lumineuse à l’extérieur de son échoppe était le seul moyen de se distinguer de la concurrence.»

Désormais, la tendance s’est inversée: ces sculptures de verre remplies de gaz coloré sont progressivement remplacées par des panneaux constitués de lampes LED, jugés moins gourmands en énergie et plus faciles à manipuler pour créer des motifs originaux. A cette révolution technologique s’ajoutent des directives du gouvernement: «Les autorités jugent les néons dangereux, car ils peuvent se briser et les ont donc interdits», expose Lee Ho Yin. En plus de cela, les magasins ont aujourd’hui de nombreuses autres options pour se faire connaître. «Ils font de la publicité sur internet, cela leur coûte très peu cher.»

De la rue au musée

Certains Hongkongais refusent cependant de voir cet héritage partir en fumée: depuis 2014, le musée M +, une nouvelle institution qui va ouvrir ses portes en 2019, cherche à préserver les plus beaux spécimens. «Les néons vont disparaître des rues hongkongaises, on ne peut rien y faire, explique Aric Chen, curateur du musée. Nous partons à la recherche des plus belles enseignes afin de les acquérir et de les conserver dans notre musée.»

Le projet s’est révélé être plus compliqué que prévu: en deux ans, le musée n’a mis la main que sur trois enseignes. «Les propriétaires de néons sont souvent des personnes âgées qui ne comprennent pas ce que nous voulons en faire et pourquoi un musée s’intéresserait à de telles pièces», commente-t-il. Mais l’institution a récemment redoublé d’efforts pour préserver ces trésors. «Nous avons repéré plusieurs beaux exemplaires», glisse Aric Chen.

De son côté, Lau Wan ne se fait pas trop de souci pour son avenir. De plus en plus d’artistes et de boutiques de mode lui commandent des modèles spéciaux à installer à l’intérieur. Récemment, on lui a même demandé de composer un bouquet de fleurs en néon.

Le vieillard place un tube dans une antique machine en bois et appuie sur un gros bouton rouge. Un bruit sourd retentit. Le néon s’illumine d’une couleur rouge vif et il l’exhibe, fier de sa création: il vient de façonner un S et un W. «Ce sont les deux premières lettres du mot Switzerland», rigole-t-il.

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Clément Bürge
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Meapasculpa: hypocrisie genevoise vs Venusia

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:55

«Chez nous, toutes les passes sont réussies!» Un coup de génie, ce slogan publicitaire du salon érotique genevois Venusia. Tout y est: l’humour, l’esprit, le jeu de mots, le lien avec l’actualité footballistique et donc l’actualité de la gent masculine, la valorisation positive mais sobre du produit – des «passes» –, notoirement difficile à vendre. Un petit chef-d’œuvre de communication instantanée. Quant à la silhouette féminine esquissée par les passes imaginaires de joueurs, en traits blancs sur fond noir, elle se fond de manière minimaliste dans un paysage imaginaire gentiment coquin.

Las. Vous ne verrez pas cette affiche sur les murs de Genève. La Société générale d’affichage tout comme les autorités municipales, via la commission d’éthique mise sur pied en 2012, ont refusé l’affiche – tout comme les quatre précédentes, tout aussi drôles, proposées par le salon Venusia – sous prétexte qu’elle véhiculait «un message que le corps des femmes est une chose à disposition des hommes, et plus spécialement encore en relation directe avec une compétition internationale de football», nous apprend la dernière édition du Matin Dimanche.

Un chef-d’œuvre d’hypocrisie, cette décision. Un coup de mauvais génie pseudo-politique. En Suisse, la prostitution est une activité légale. Le canton de Genève s’est doté en 2010 d’une loi sur la prostitution qui va dans ce sens: reconnaître la prostitution comme une activité légale mais soumise à un certain nombre d’obligations. Comme toute autre personne exerçant une activité lucrative indépendante, les prostituées paient leurs impôts et cotisent à l’AVS.

Faire de la publicité pour son activité répond aux règles élémentaires du commerce. S’il est aussi légal de vendre des lasagnes ou du chasselas en supermarché que de tenir une boutique proposant des passes et des fellations aux hommes, le droit à l’affichage et au tam-tam médiatique doit être le même pour tous.

D’autant plus que, côté respect du corps de la femme, l’hypocrisie est double: alors que Venusia la joue franc jeu, appelant une pipe une pipe et une passe une passe, les puissants fabricants de glaces à sucer, de petites culottes ou de bikinis jouent les candides, la bouche en cœur, assurant que les fesses, bouches, seins, ventres et cuisses nus qui s’étalent sur leurs affiches en format mondial n’ont rien à voir avec la concupiscence.

Si le corps de la femme fait vendre, autant qu’il rapporte. Enfin, elle voit juste, Venusia: il y a une relation directe entre un championnat international de football comme l’Euro et le corps des femmes. Mieux qu’une relation: une compétition. Quand il y a foot le soir à la maison, il n’y a pas autre chose. Ni ciné ni galipettes. Faites l’amour, pas le foot? Venusia, les femmes te disent merci.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Baptisez votre enfant par Skype

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:56

Quand la clientèle s’étiole, on cherche le salut sur internet. C’est vrai pour la plupart des secteurs d’activité, pourquoi la religion résisterait-elle à l’appel?

C’est ainsi que l’Eglise nationale d’Ecosse envisage d’introduire des baptêmes, des communions et d’autres sacrements en ligne, selon l’agence de presse Protestinter. Le comité juridique de l’institution s’inquiète d’un bilan de fréquentation déprimant – un tiers de membres en moins entre 2004 et 2015. Et propose de lancer une vaste enquête sur deux ans pour évaluer l’intérêt des fidèles pour une offre de prestations virtuelles.

Dissidente de l’Eglise nationale, l’Eglise libre d’Ecosse ironise: «Au mieux, c’est un gadget bon marché, au pire, cela apparaît comme une autre tentative désespérée de l’Eglise nationale en déclin pour consolider le nombre de ses membres et justifier son existence», commente son modérateur, David Robertson.

C’est faire peu de cas des avantages potentiels pour les fidèles. Baptiser son enfant par Skype sans sortir de chez soi, c’est déjà tentant. Mais se marier en ligne serait une aubaine pour les couples surbookés: cela permettrait de glisser l’«event» dans la pause déjeuner sans quitter le bureau. Paradisiaque, non?

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Mais que sont les ingénieurs devenus?

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:56

Inauguration du tunnel de base du Saint-Gothard, deuxième tube routier dans ce même massif, ouverture des cols mythiques des Alpes, plébiscite des Genevois à près de deux tiers des votants pour une traversée de la rade… Les exemples de l’actualité ne manquent pas.

La mobilité a explosé, et va continuer à solliciter toujours plus nos infrastructures de transport. Les Suisses démontrent clairement qu’ils veulent s’appuyer sur un modèle multimodal de développement de cette mobilité: ni tout à la voiture, ni tout aux transports publics. Cette voie médiane, au centre de l’échiquier, est bien helvétique. Le bon mode de transport au bon endroit. On ne peut régler en effet de la même manière l’accessibilité à une vallée latérale alpine et celle d’une agglomération du plateau. Cela semble évident, mais seul le fédéralisme permet de mettre en œuvre au quotidien cette réalité multiple.

Les Suisses ne veulent donc pas affecter toutes les recettes de la route à la route. Au Parlement donc maintenant de tenir compte des messages transmis durant cette dernière campagne pour mettre rapidement en place le projet Forta. Pour lever le premier frein au développement de nos infra­structures de transport vers plus de qualité, à savoir leur financement. Mais pas seulement…

Un des arguments entendu à plusieurs reprises durant cette campagne a été que la formation et la recherche auraient été impactées négativement par des baisses des moyens. Et là, il me semble important de lancer un cri d’alarme. Le deuxième frein important pour la conception, la construction et l’entretien des infrastructures dans notre pays est la non-disponibilité de personnes qualifiées. Nous avons peut-être négligé de rendre attractifs les métiers de la construction ces dernières années.

La Suisse a produit des générations d’ingénieurs, d’architectes ou de techniciens. Ils ont bâti des ouvrages de référence: ponts, tunnels ou encore barrages, par exemple. Il est temps de leur donner à nouveau des perspectives… et cela passe également par l’ambition de la classe politique.

Retrouvez les billets de Vincent Pellissier dans son blog Blog dans le coin

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Jeux olympiques: l’uniforme officiel chinois fait grincer des dents

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:58

«Des œufs brouillés à la tomate!» Voilà à quoi ressemble la palette de couleurs des uniformes de l’équipe chinoise des prochains Jeux olympiques de Rio, selon quelques fashionistas horrifiés qui ont fait circuler sur le Net des images de ce plat très commun dans le pays. Créée par le styliste Ye Chaoying, la ligne de vêtements qui habillera les quelque 400 athlètes de la délégation chinoise reprend pourtant simplement les couleurs du drapeau national, comme lors des deux derniers JO.

En 2008 à Pékin et en 2012 à Londres, les Chinois avaient remporté respectivement 100 et 88 médailles. On risque donc de s’habituer au costume. Quant au designer, il en a pris son parti et se surnomme depuis «le père des œufs brouillés à la tomate». 

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Staccato: putain d’hypocrisie

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Jeudi, 9 Juin, 2016 - 05:59

Avez-vous vu la dernière affiche censurée du Venusia, le célèbre salon de massage genevois? Elle est extra. Pleine d’humour et graphiquement élégante. Il en faut du talent pour faire la pub d’un bordel sans tomber dans le trash.

Pour ceux qui n’auraient pas vu la photo dans Le Matin Dimanche: c’est un terrain de foot, sur lequel un stratège imaginaire a dessiné le schéma d’une suite de passes gagnantes. Le tracé final figure une silhouette de femme. Slogan: «Chez nous, toutes les passes sont réussies.» Excellent, non? Bon, peut-être un brin trop intello par rapport à la cible: le public des fans de l’Euro et ses pulsions sexuelles.

Ce n’est pas la première fois qu’une affiche du Venusia est retoquée. Le coup de la pipe censurée pour apologie du tabac nous a fait bien rigoler. Cette fois, les arguments sont plus incarnés: l’affiche est «symboliquement violente» car elle signifie que «le corps des femmes est une chose, une marchandise à disposition des hommes».

Bravo les gars, bien vu, vous avez passé le test de compréhension. Au Venusia, le corps des femmes est à vendre, tout comme les canapés chez Ikea. Coucou! Ça s’appelle la prostitution. Vous êtes contre? Interdisez le métier. Mais si vous empochez les impôts de ces rudes travailleuses, ayez au moins les couilles d’assumer leur existence. C’est, en gros, ce que dit la patronne du Venusia, en colère. Comment lui donner tort?

Nous voici donc en 2016. A regarder de haut les siècles passés, ceux où régnait la rigueur normative du mariage bourgeois: les épouses fournissaient les enfants, et les pipes, il y avait des endroits pour ça. Des lieux où fleurissait un commerce parfaitement admis, sauf qu’il fallait faire comme s’ils n’existaient pas. 2016, donc. Où en est-on? Au chapitre hypocrisie institutionnalisée, exactement au même point.

Quelle indécence morale. Plutôt que de se voiler la face devant les putains, on ferait mieux de chercher une réponse à ce mystère: pourquoi le commerce du sexe est-il encore si florissant? En 2016, la pipe – et toutes sortes de pratiques oralement et analement réciproques − est non seulement dédiabolisée, mais prescrite par les conseillers conjugaux dans les magazines bien-pensants. Dans les bars, dans la rue, il y a plein d’êtres libres qui ne demandent qu’à s’éclater pour pas un rond.

Pourquoi, mais putain pourquoi la libération sexuelle n’a-t-elle pas tué la prostitution?

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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Pas fan des fan-zones

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:48

Laurent Favre

Coup de griffe. Surprotégés, inhospitaliers, chers et souvent dépeuplés, les emplacements dédiés aux amateurs de football sans billet concentrent les mauvais côtés du stade sans les bons.

Après une semaine de compétition, le premier bilan du Championnat d’Europe des nations en France est mitigé. Beaucoup de couleurs dans les stades, des débordements d’un autre âge à Marseille, pas trop de grèves, peu de buts, encore moins de stars en évidence et des scores étriqués, comme si toute l’Europe s’était mise à jouer comme la Ligue 1 pour faire plaisir à son hôte.

Aucune équipe n’est encore éliminée, mais on connaît déjà le premier grand perdant de l’Euro 2016: la fan-zone. Conçus pour prolonger la fête en dehors des stades, ces sites dédiés à la compétition qui permettent de suivre les matchs sur des écrans géants attirent davantage les critiques que les supporters. Le temps pourri et les menaces d’attentats n’incitent pas à venir s’entasser dans des espaces en plein air. A Paris, le Champ-de-Mars n’est rempli qu’au tiers de sa capacité et l’écran géant a planté au premier orage lors de Pologne - Irlande du Nord. Lille peine à faire le plein sur l’esplanade entre les deux gares et craint l’arrivée des Britanniques et des Russes cette fin de semaine.

La fan-zone de Marseille, sur la plage du Prado, était déserte pour Suisse - Albanie. La veille au soir, le concert de Cerrone, légende disco des années 1970, a été annulé au dernier moment… pour ne pas troubler le sommeil de l’équipe de Russie, logée juste à côté. Enfin, celle de Toulouse n’est ouverte que pour les matchs de l’équipe de France et ceux disputés dans la Ville rose. Le reste du temps, circulez! En Suisse romande, le match Suisse - Albanie n’a été suivi que par 5000 personnes sur la plaine de Plainpalais (qui peut en accueillir 12 000). Il faut dire qu’il pleuvait et que les parapluies étaient interdits. Ils étaient moitié moins nombreux le lendemain pour Angleterre - Russie, toujours sous la pluie.

Business organisé

Bref, ce n’est pas la grosse ambiance. L’idée de vivre collectivement les grands matchs de football, de recréer sa tribune devant un écran géant, n’est plus considérée comme une expérience à vivre. La lassitude peut-être. Connue depuis longtemps par les passionnés de formule 1, la fan-zone a surgi dans le foot lors de la Coupe du monde 2006. Le sens de la fête populaire des Allemands fédère des millions de personnes dans les centres-villes. La compétition y gagne en chaleur humaine et en sympathie. Présente comme observatrice, l’UEFA bondit sur l’idée et, dès l’Euro 2008, organisé conjointement par la Suisse et l’Autriche, la fan-zone fait partie du cahier des charges.

Comme tout ce qui est gratuit et spontané, la bonne idée devient vite un business organisé. On monte des palissades, des stands, des banderoles publicitaires. L’entrée est contrôlée et limitée, la sécurité devient omniprésente, oppressante. Bien sûr, c’est gratuit. Gratuit jusqu’à la caisse. Trois euros cinquante la petite bouteille d’eau et seule la bière officielle de la compétition (le géant danois Carlsberg) est autorisée. Elle est même quasi obligatoire, puisqu’il est interdit d’introduire des liquides dans les fan-zones (toujours cette logique d’aéroport…), autrement dit de venir avec son verre. Il faut rentabiliser l’investissement, car un emplacement coûte cher (37 000 francs à Plainpalais selon Bilan, le double des Fêtes de Genève).

Bonne idée dénaturée, la fan-zone est devenue une zone que les vrais fans évitent. Debout, mal placé, avec le soleil couchant dans les yeux, on y voit mal le match, mais pas grave: comme à Paléo, on est là pour l’ambiance. Sauf que personne ne chante parce que c’est quand même un peu idiot d’encourager des joueurs qui courent à 800 km d’ici.

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Quand l’homosexualité passe pour un agent de l’Occident

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:49

Eclairage. Comment comprendre la tuerie homophobe d’Orlando? Dans le monde musulman, une passion anti-occidentale anime de nombreux détracteurs plus ou moins radicaux des homosexuels.

Omar Mateen est mort «en soldat». C’est l’Etat islamique qui l’affirme dans un message radio diffusé lundi 13 juin. La veille, dans la nuit, l’Américain de 29 ans, armé d’un pistolet et d’un fusil automatique qu’il avait récemment achetés, a tué une cinquantaine de personnes et fait autant de blessés dans une discothèque gay d’Orlando, en Floride. Le plus grand massacre perpétré aux Etats-Unis depuis les attentats islamistes du 11 septembre 2001. L’attaque a duré trois heures, elle a pris fin, peu avant l’aube, avec l’assaut des forces de l’ordre et la mort de l’assaillant.

Né à New York de parents afghans, agent de sécurité quand il aurait voulu être policier, Omar Mateen, de confession musulmane, habitait Port Sainte-Lucie, au bord de l’Atlantique, à 200 kilomètres d’Orlando. Il disait du mal de beaucoup de monde, des Noirs, des juifs et des homosexuels, ont affirmé quelques-uns de ses collègues de travail. Homosexuel, il l’était peut-être.

L’assassin aurait fréquenté le Pulse, le night-club pris pour cible. Des témoins assurent l’y avoir vu, le décrivant comme un habitué des lieux, il utilisait le réseau social gay Jack’d, aurait fait des avances à un ancien élève de l’académie de police où il a étudié en 2006, rapportent différents journaux américains, cités par l’Agence France-Presse. Gay, Omar Mateen? Avatar identitaire? Couverture opérationnelle, obéissant à la taqiyya, l’art de la dissimulation djihadiste? Tout cela à la fois?

Mal dans sa peau, manifestement, déclarant, par téléphone, à un numéro d’urgence, et alors qu’il agissait dans la discothèque, son appartenance à l’Etat islamique. Individu «bipolaire», selon son ex-femme, qui indique qu’il la battait. Un jour qu’il était à Miami, la vision de deux homosexuels s’embrassant dans la rue devant son ex-compagne et son enfant l’aurait «énervé», a expliqué le père.

Une personne elle aussi visiblement tiraillée, le père, qui semble hésiter entre allégeance à un islam rigoriste et aux lois du pays d’accueil, celles, en l’occurrence, plutôt libérales, de la Floride. Après le drame, le père du tueur a enregistré une vidéo dans laquelle il dit que l’homosexualité est punie par Dieu mais que seul Dieu a le droit d’infliger la punition. Il paraît vouloir exonérer l’islam de toute responsabilité dans le geste meurtrier de son fils, et ne retenir qu’un motif: l’homophobie. Curieux distinguo, quand on sait ce que certains discours religieux, chrétiens, juifs ou musulmans, renvoyant au mythe biblique de Sodome et Gomorrhe, peuvent produire de hargneux à l’encontre des homosexuels, hommes et femmes.

Interdit en Suisse

Dans le cas de l’islam, l’hostilité à l’homosexualité s’accompagne généralement d’un argument civilisationnel anti-occidental – ce biais «anticolonial» trouve un écho en France chez une partie de la mouvance antiraciste en lutte contre la «domination blanche», accusée de vouloir imposer ses codes (et ses codes homosexuels) aux Noirs et aux Arabes. L’Occident serait cet empire cherchant à propager ses mœurs dissolues au monde musulman.

Omar Mateen se sera peut-être senti souillé par ces mœurs et aura cherché à s’en laver en tuant des «homos». La «documentation» de l’Etat islamique, ses vidéos macabres, est remplie de références religieuses (de présumés hadiths, les paroles attribuées à Mahomet) détaillant les diverses manières de mettre à mort les homosexuels. Paraît-il radicalisé sur l’internet, le tueur d’Orlando a probablement eu accès à cette propagande mortifère.

Ancien membre de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), auteur du livre Pourquoi j’ai quitté les Frères musulmans. Retour éclairé vers un islam apolitique (Michalon, 330 pages), Mohamed Louizi constate, pour le déplorer, que «l’homophobie, présente dans une large littérature islamique, est un acte de foi. Haïr l’homosexuel parce qu’il est homosexuel aide à se rapprocher de Dieu, semble-t-il.»

Le cheikh syrien Mohamed Ratib Al-Nabulsi devait prendre part en février à Lille, en France, à la Rencontre annuelle des musulmans du Nord, organisée par l’UOIF. Mohamed Louizi s’y est opposé, a mené campagne sur les réseaux sociaux contre la venue de ce prédicateur islamiste au meeting lillois. «Je savais que, dans une vidéo, il prônait la peine de mort pour les homosexuels», explique-t-il.

Son action a porté ses fruits, les organisateurs ont déprogrammé le Syrien, ainsi que deux autres prédicateurs étrangers au lourd passif verbal. La Suisse, en tout cas, n’aurait pas laissé entrer le cheikh Nabulsi sur son sol. Ce dernier, qui se trouvait alors peut-être en Turquie, a en effet demandé à pouvoir passer par le territoire helvétique pour se rendre en France, mais les autorités fédérales, via une ambassade, ont «annulé [son] visa Schengen», lit-on dans une capture d’écran réalisée par Mohamed Louizi.

Dans la vidéo en question, datée du 28 avril 2011 et apparemment tournée par le Hamas à Gaza, le prédicateur syrien, dont les propos en arabe sont sous-titrés en anglais, décrit les homosexuels comme des gens «crasseux» et ne pouvant avoir de «progéniture». «L’homosexualité conduit à la destruction de l’homosexuel. C’est pour cette raison, mes chers frères, que le châtiment de l’homosexualité est la peine de mort», assène-t-il sur un ton serein.

La suite se veut une illustration des méfaits de l’Occident et de ses élites. Le cheikh Nabulsi s’offusque de ce qu’un ministre britannique se déclare gay, qu’un étranger puisse acquérir la nationalité canadienne en raison de son union avec un Canadien, etc. Il conclut: «C’est effrayant, nous sommes extrêmement heureux dans nos pays.»

Religieux et politique

Nos pays? Les pays arabo-musulmans. Le religieux syrien ne peut naturellement ignorer que l’homosexualité y est présente, comme partout ailleurs, depuis des temps immémoriaux. Son combat contre l’homosexualité, ce «cheval de Troie» de l’Occident, est aussi religieux que politique. En avril dernier à Tunis, des commerces ont affiché sur leur devanture des messages portant la mention «Interdit aux homosexuels».

En mars, à Beni Mellal, dans le centre du Maroc, deux jeunes homosexuels ont été battus jusqu’au sang à l’intérieur d’un logement avant d’être jetés nus dans la rue. En juin 2015, le magazine Maroc Hebdo titrait en une, d’une façon provocatrice et très peu gay-friendly: «Faut-il brûler les homos?» Mais en Tunisie comme au Maroc, des associations de défense des droits des gays et lesbiennes ne se laissent pas faire et répliquent à ces violences réelles ou symboliques.

Vivant en France, l’écrivain marocain Abdellah Taïa, auteur, notamment, d’Une mélancolie arabe, confiait en juin 2008 au Bondy Blog: «Dans mon quartier [au Maroc], il y avait trois hommes qui jouaient le rôle de la femme pour d’autres hommes. Comme ce devait être très dur pour eux à supporter, ils n’avaient sans doute d’autre choix que d’accepter de se féminiser. Moi, à l’époque, j’avais l’intuition que je ne voulais pas [de cette féminisation].»

On est à la fois loin et proche de la tragédie d’Orlando. La détestation de soi «blanchie» par Daech peut provoquer des catastrophes.

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Didier Trono: «La convergence des progrès technologiques va aboutir à une médecine numérique et connectée.»

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:50

Propos recueillis par Fabien Goubet

Interview. Didier Trono est l’une des chevilles ouvrières de l’initiative Health 2030, qui promeut et valorise le potentiel de la médecine connectée et personnalisée. Il livre sa vision de ce qui sera la médecine de demain: plus qu’une médecine numérique, c’est un projet de société qu’il travaille à mettre en place. Et qui pourrait même servir de modèle à l’étranger.

Didier Trono est un homme aux multiples casquettes. L’un de ses derniers couvre-chefs: une fonction de coresponsable du Centre lémanique pour la santé personnalisée et de l’initiative Health 2030, qui regroupe les forces des universités de Genève, de Lausanne et de Berne, de l’EPFL, des hôpitaux universitaires vaudois, genevois et bernois, ainsi que de l’Institut suisse de bio-informatique (SIB), en vue d’explorer et d’exploiter le potentiel des nouvelles technologies dans le domaine de la santé. Invité à la conférence Swisscom La santé connectée fin juin, il s’exprimera sur les perspectives et les possibilités de l’initiative Health 2030. Il a livré, en avant-première, quelques éléments de réflexion à L’Hebdo.

La santé connectée est un terme à la mode. De quoi s’agit-il?

Dit de manière générale, c’est la médecine du futur, une médecine qui va devenir beaucoup plus numérique qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous assistons depuis une quinzaine d’années à toute une série de développements technologiques très importants pour la gestion de la santé. C’est la convergence de ces progrès qui va nous permettre d’aborder la santé d’une nouvelle façon, que ce soit en agissant beaucoup plus au niveau de la prévention ou en individualisant les thérapies.

De quels progrès technologiques parlez-vous?

Le séquençage de l’ADN à haut débit est certainement l’avancée la plus spectaculaire. Il permet désormais, en quelques heures et pour environ 1000 dollars, de connaître le génome, autrement dit le code génétique, d’un individu. Une telle connaissance va changer la façon d’aborder notre santé, notamment en proposant des traitements plus adaptés à chacun en fonction de ses gènes, ou en identifiant des facteurs de risque afin de pratiquer une médecine plus préventive.

Et pour la partie connectée?

C’est le second volet de cette convergence de percées technologiques: les smartphones peuvent désormais enregistrer et communiquer tout un tas de paramètres individuels (la fréquence cardiaque) ou environnementaux (la qualité de l’air) grâce à divers capteurs, contribuant ainsi à la moisson de données. Mais recueillir autant d’informations ne servirait à rien sans les progrès importants accomplis dans le domaine des technologies de la communication et du calcul de grande puissance, qui permettent désormais de traiter des quantités énormes de données pour en tirer des enseignements substantiels.

A qui s’adresse cette nouvelle médecine?

Tous les domaines sont concernés, même si les applications seront plus immédiates dans certaines disciplines. En oncologie, on peut ainsi prescrire à un patient atteint de cancer les thérapies les plus efficaces sur la base de l’identification des mutations présentes dans le génome de sa tumeur, et les adapter au fil du temps. Dans le traitement du diabète, les médecins peuvent recevoir des informations envoyées par les smartphones des patients, par exemple des détails sur le contenu ou les horaires de leurs repas. Ils ont ainsi accès à bien plus de données que par une simple prise de sang.

Ce genre d’information ne semble pas très pertinent…

Au contraire, c’est ce genre de données qui peut avoir un effet concret. Dans une étude récente, des scientifiques ont analysé les modalités d’alimentation de quelques centaines d’individus en leur demandant simplement de prendre en photo tous leurs repas au moyen de leur smartphone, équipé d’une application qui en enregistrait l’horaire et envoyait ces données au laboratoire. Chez certains de ces individus, réduire le temps s’écoulant entre la première et la dernière prise d’aliments de la journée, sans autre recommandation diététique, leur a permis de perdre en moyenne 3 kilos sur seize semaines et de retrouver un sommeil de meilleure qualité.

Diriez-vous que la santé connectée va accélérer la recherche médicale?

Oui, je le pense. C’est là toute la beauté de ces nouvelles technologies: avant, il fallait suivre des cohortes de dizaines de milliers de personnes durant cinquante ans. Maintenant, on peut imaginer des études sur un million de personnes chez lesquelles on examine beaucoup plus de paramètres sur seulement quelques semaines, pour quand même obtenir des résultats tangibles! Elles ne remplaceront pas les études de cohortes focalisées sur des sous-populations ou des pathologies particulières, mais elles répondront à d’autres questions essentielles.

Comment savoir s’il en sortira forcément quelque chose?

On ne le sait pas forcément à l’avance. Quand on se lance dans ce genre d’analyse, on part un peu à la pêche. Cependant, si l’étude est bien conçue et proprement contrôlée, et si l’on dispose d’une capacité d’analyse adéquate, alors on a de bonnes chances de sortir des résultats intéressants, d’établir des corrélations entre des variables, par exemple entre la qualité de l’air d’un quartier et les allergies de ses habitants. C’est en somme une collectivisation des données environnementales et individuelles qui peuvent aboutir à des recommandations concrètes.

Justement, comment s’assurer de comprendre le sens de toutes ces données?

Nous avons pour cela besoin de nouveaux profils et de nouvelles compétences. L’amélioration de ces technologies nous livre aujourd’hui une somme sans précédent de ce type de données, ce qui réclame, d’une part, que nous formions plus de spécialistes et, d’autre part, que nous ayons recours à toutes les ressources de la data science pour intégrer ces données non plus au seul niveau individuel, mais à grande échelle. Cela implique des ordinateurs capables d’apprendre et de raisonner seuls (grâce à des algorithmes dits de machine learning), afin d’extraire la substantifique moelle de ces quantités colossales de données.

Une fois l’information pertinente extraite, un autre problème se pose: celui de s’assurer une compatibilité entre les formats informatiques, qui vont différer d’un hôpital à l’autre ou d’un pays à l’autre. Y a-t-il une réflexion sur ce sujet?

Bien sûr, la question de l’interopérabilité des données est même essentielle. Elle est loin d’être résolue à ce jour. En Suisse, la plupart des hôpitaux ont numérisé les dossiers des patients, principalement à des fins administratives. Or, nous avons récemment adopté le principe du dossier électronique du patient. Un des grands défis sera de rendre compatibles ces dossiers électroniques avec les dossiers hospitaliers existants. Le tout, évidemment, sans avoir à changer de système. Certains suggèrent pour cela de mettre au point un second système informatique invisible qui ne modifie pas les dossiers médicaux mais «aspire» les données médicales, quel que soit leur format, et les transforme en données interopérables. Mais ce n’est pas le seul défi qui s’annonce.

Qu’y a-t-il d’autre?

Il y a une importante question de sémantique des informations recueillies par les médecins. Une hémoglobine à 12 grammes, c’est une valeur universelle. Mais que dire d’une rougeur cutanée ou d’une fatigue chronique? Il faut qu’un symptôme constaté à Genève corresponde au même symptôme enregistré à Saint-Gall, à Londres ou à Singapour! Cela va nous conduire à revoir totalement les noms des maladies, peut-être en les réduisant à des descriptions de symptômes et signes élémentaires dont la signification sera universelle et stable dans le temps. C’est une des questions émergentes liées à la santé connectée: il y a cinq ans, personne n’aurait imaginé qu’il puisse être utile d’attaquer ce type de problème!

L’une des questions qui concernent le plus le public relève de la confidentialité des données. Que comptez-vous faire pour la garantir?

La priorité, c’est de développer en Suisse le savoir-faire pour produire, gérer, stocker, transmettre et analyser toutes ces données. Et ce de manière à ne pas dépendre d’entreprises étrangères sur lesquelles nous n’avons aucun pouvoir légal. Il faut donc que nous prenions tout cela en main, y compris au travers de partenariats public-privé, pour autant que ce soit avec des règles bien définies.

Des règles qui empêchent toute fuite de données?

Il faut rester pragmatique et anticiper ces fuites en fixant un cadre légal assurant que, quels que soient le bagage génétique ou les paramètres de santé de chacun, la société garantisse une couverture minimale et barre la route à toute discrimination. Je crois que l’avènement de la génomique nous donne l’occasion de revisiter le contrat social de Rousseau sur l’égalité des chances, en admettant comme préambule le caractère unique de chaque individu.

Disposons-nous aujourd’hui des infrastructures adaptées?

Il y a un savoir certain au sein de nos institutions, ainsi que des discussions avec des entreprises, des opérateurs télécom. C’est en train de se mettre en place. Mais nous ne partons pas de zéro, tout cela se fait sur la base de solutions existantes. Les banques transmettent des données confidentielles depuis longtemps, les physiciens ont l’habitude d’analyser des quantités colossales de data, on peut s’en inspirer sans avoir à réinventer la roue.

Comment l’initiative Health 2030, que vous allez coorchestrer, va-t-elle s’articuler avec la santé connectée?

Health 2030 est une initiative qui vise à promouvoir l’éducation, la recherche et les services liés à la médecine personnalisée et à la santé connectée en Suisse occidentale. C’est un projet holistique qui réunit scientifiques, médecins, juristes, informaticiens, éthiciens, économistes et bien d’autres spécialistes encore. Nous n’avons pas de solutions toutes faites; personne n’en a, nulle part. Nous sommes encore dans une période de recherche et développement.

Ce que nous savons, c’est qu’il doit s’agir d’un véritable projet de société. Il sera primordial d’impliquer au maximum le grand public. Nous avons un réel besoin de son feed-back, de ses questionnements, de ses suggestions. J’imagine Health 2030 idéalement comme un projet de recherche appliquée conduit par 3 millions de chercheurs, les 3 millions de personnes vivant dans nos régions.


Conférence: la santé connectée

Le Campus Biotech accueillera le 30 juin une série de conférenciers discutant des innovations de la santé connectée et de la médecine personnalisée.

Projet de société, la santé connectée soulève un grand nombre de questions médicales, techniques, économiques et sociétales. Un cycle de conférences ouvertes au public, dont «L’Hebdo» est partenaire, propose d’en discuter le 30 juin dès 8 h 30 au Campus Biotech, à Genève. Organisé par la Promotion économique du canton de Genève, l'EPFL et Swisscom, il abordera l'innovation des capteurs de santé aux outils de la santé numérique en passant par l'épidémiologie numérique. Didier Trono s’y exprimera à 10 h 50 sur le thème «Health 2030, quelles perspectives futures?».

Programme et invitations sur heb.do/2030

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Alain Herzog
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Point final: selfies du crime

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:54

Ce sont désormais les premiers portraits qui surgissent d’un bourreau, lors d’un fait d’actualité majeur: des autoportraits. Les premières images d’Omar Mateen, le jeune Américain d’origine afghane qui a tué 49 personnes dans un club gay d’Orlando, étaient des selfies. Omar Mateen au volant, Omar Mateen dans son uniforme d’employé d’entreprise de sécurité, Omar Mateen en djellaba. L’air tour à tour grave, menaçant ou espiègle.

Pas de surprise ici: le selfie est désormais si omniprésent sur les réseaux sociaux qu’il est une source d’authentification dans laquelle les polices et les médias peuvent puiser à foison. C’est la nouvelle fiche anthropométrique universelle, conçue à l’avance par le principal intéressé, par ses propres soins.

Il y a peu, dans L’Hebdo, je notais que le selfie est beaucoup plus un moyen de communiquer un état d’esprit à un moment et dans un lieu donnés qu’une complaisance narcissique. Pas une pathologie contemporaine, juste un nouveau langage visuel amusant qui rappelle qu’une image vaut mille mots.

J’avais tort. L’autoportrait smartphone en main est les deux, à parts égales, peut-être même davantage le signe d’une tension psychique qu’un moyen de communication.

Narcisse est bien l’histoire d’un monstre d’égoïsme qui tombe amoureux de sa propre image, même au-delà de sa mort lorsqu’il persiste à regarder son reflet à la surface du fleuve de l’enfer. C’est bien l’histoire d’un pauvre type victime d’un mauvais destin voulu par Némésis, la déesse de la colère et de la vengeance.

luc.debraine@hebdo.ch

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Alban Veseli: «Depuis mon voyage en Afrique, je ne râle plus!»

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:54

Et vous, comment ça va?

«Jusqu’à présent, tout va bien. Depuis un mois, je ne râle plus! Avec d’autres jeunes, on a vécu une semaine comme les habitants d’Asamoah, un village de Madagascar, dans le cadre d’un projet d’entraide organisé par Humberto Lopes, un éducateur du BUPP (Bus unité prévention parcs) à Genève. Les gens étaient pauvres. C’était choquant et pas mal d’amis ont pleuré en découvrant leurs conditions de vie. Malgré toutes les séances que j’ai suivies pour préparer ce voyage, je ne savais pas ce qui m’attendait. Un copain a rendu visite à une famille de neuf enfants qui vit dans une chambre pas plus grande que la sienne. Ils n’avaient même pas un plat de riz entier pour tous. Lorsqu’il a découvert ça, il est parti s’isoler.

Dormir avec les souris

Je suis né à Genève, mes parents sont du Kosovo, où sont nés mes deux sœurs et mon frère. Après ma scolarité obligatoire, j’ai commencé l’école de commerce, comme mes trois aînés, mais ça ne me plaisait pas, j’avais des difficultés. Je me suis alors inscrit à l’école de culture générale, mais j’ai tout arrêté au bout d’un an. Je ne supportais plus d’être assis toute la journée. Ces deux échecs ne m’ont pas appris grand-chose, même si j’ai fait des petits boulots pendant ce temps. Tous les jours, mes parents me mettaient la pression pour que je trouve un apprentissage. J’ai fini par en trouver un à la Poste juste avant de partir à Madagascar.

Notre voyage, on l’a préparé pendant un an et demi. On avait une réunion une fois pas mois. Au début, on était 300 à 400, à la fin on était 89. Ceux qui manquaient deux fois sans excuse valable ne pouvaient plus participer. On a travaillé pour récolter de l’argent. On a été séparés en deux.

Avec mon groupe, on aurait dû aller aider à construire une école et des panneaux solaires mais, à cause de la pluie, la route en terre battue était impraticable. On a donc vécu comme des Malgaches dans un autre village. On dormait dans une grange, sur un petit matelas. Il y avait des souris et des araignées. Au début, c’est flippant, on a toujours l’œil ouvert et on n’arrive pas à dormir. Mais au bout de deux ou trois jours on s’habitue. Pour se doucher, on avait un bocal de 30 centimètres. On nous disait d’économiser. Dans le village, ils n’ont pas l’eau courante, sauf dans l’école. On mangeait du riz, avec un petit peu de poulet ou de poisson et des pâtes. J’ai perdu 4 kilos en une semaine.

On a aussi cassé des cailloux, comme eux, pour faire du béton. Là-bas, petit ou vieux, tout le monde tapait de 6 à 18 heures, peu importe la météo. Les pierres, c’est leur vie. J’ai été choqué de voir des petits gosses de 4 ans manier un minimarteau. Là-bas, si tu veux manger, tu travailles. Ils gagnent environ un euro par jour. J’ai travaillé comme eux en plein soleil, par 33 ou 34 degrés. Mais après dix minutes j’étais out. On les aidait aussi à porter des pierres. C’est lourd et ça fait mal.

Une expérience formatrice

On est allés visiter une crèche. Il n’y avait que quelques peluches déchirées et peu de jouets. Ça faisait mal au cœur. On a aussi fait le tour du village pour aller dire bonjour aux gens. On avait préparé des activités auxquelles ils pouvaient participer: du foot, de la boxe, des coloriages, de la danse, de la lecture. On essayait de les faire rigoler, d’échanger. Quelques-uns parlaient le français et traduisaient aux autres. Ce n’est pas gênant d’aller voir les pauvres. On va les aider. On rigole avec eux, on les fait venir dans notre monde.

Quand je suis revenu en Suisse, les copains qui n’étaient pas partis ne comprenaient pas mes sentiments. Ceux du projet avaient vécu la même chose que moi, on pouvait en discuter. On ressort grandi d’une telle expérience. Maintenant on sait ce que c’est que la pauvreté. Depuis que je suis rentré, je ne me plains plus. Avant, le pain d’hier, je ne le mangeais pas. Mais depuis que j’ai vu le petit bout de pain que devait se partager une famille, je mange même celui d’il y a une semaine. Si je dois retenir une seule image de mon voyage, c’est celle de jeunes qui jouent aux dames avec des cailloux. Ils n’ont rien et ils rigolent. Ici, on a tout ce qu’il faut et on se plaint. C’est des conneries. Je sais que la routine va revenir. Mais on ne les oubliera jamais.»

sabine.pirolt@ringier.ch
Blog: Et vous, comment ça va?

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Sabine Pirolt
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Meapasculpa: pluie, foot et météo

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:55

Je n’en peux plus de la pluie. Non pas tant à cause de la pluie elle-même que du blabla qui l’accompagne.

Lors de mes premiers cours de linguistique, j’ai été littéralement subjuguée en découvrant la fonction dite phatique du langage, dans le système de Roman Jakobson qui en compte cinq. Enfin, je pouvais mettre un mot scientifique sur un phénomène qui m’avait toujours horripilée, même si j’en maîtrise désormais les codes à la perfection. La fonction phatique, c’est parler pour ne rien dire. Ce qu’en anglais on appelle le small talk et qui évite que s’installe un silence gênant dans un ascenseur, une salle d’attente ou autour de la machine à café du bureau.

Plus sérieusement, elle qualifie un énoncé lorsqu’il sert essentiellement à établir ou prolonger la communication, par opposition à l’information contenue dans le message. Entrent dans cette catégorie les discussions mondaines, les artifices de langage comme les histoires drôles, les «allo?» au téléphone. Et les discussions sur la météo.

Je n’en peux plus d’entendre parler de la météo. J’ai l’impression de subir une double punition: la pluie qui ne s’arrête pas, et les discussions sans fin sur la pluie. Au lever le matin, c’est ma fille ado qui râle parce qu’elle ne sait pas quelles chaussures mettre. En arrivant au travail, ce sont mes collègues qui répondent par une considération sur la pluie – au choix, «Bof, il pleut», ou «Pfff, il pleut» – lorsque vous leur demandez s’ils ont bien dormi. En partant du travail, ce sont les mêmes collègues qui comparent les applis météo de leur téléphone pour constater qu’elles annoncent toutes la même pluie.

Vous ne pouvez pas entrer dans votre boulangerie ou votre boucherie sans entendre des jérémiades généralisées, un vrai chœur de pleureuses non pas parce qu’il y a la guerre, ou la famine, ou des attentats, ou un mort dans la famille, mais parce qu’il pleut. On se plaint du matin au soir de tragédies terribles: on ne peut pas allumer le barbecue, les enfants réclament en vain d’aller à la piscine, les marchands de glaces ne vendent pas de glaces. Côté sanglots dans les chaumières, Hugo et ses Misérables ou Chaplin et son Kid peuvent aller se rhabiller.

Par comparaison, l’autre sujet incontournable de cette fin de printemps, le football, à la réputation pourtant notoirement peu intellectuelle, apparaît soudain comme un sujet d’une profondeur abyssale. En m’extasiant sur la passe de Bonucci à Giaccherini pendant Italie-Belgique, j’ai désormais l’impression de me livrer à une analyse de géopolitique internationale très haut de gamme.
On n’a jamais autant parlé de rien.

Pour relever le niveau général, je propose le défi Perec. Lui a écrit un roman sans utiliser la lettre «e». Vous allez passer une journée sans prononcer le mot «pluie». Votre vieux prof de linguistique vous dit merci.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Le règne des petites images animées

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:58

On en trouve partout sur la Toile, sans doute parce qu’elles sont aussi vieilles qu’elle. Ces petites images animées au format GIF (graphics interchange format), inventé en 1987 pour permettre la transmission d’images en couleur sur les premiers réseaux informatiques, se sont hissées au rang de gadgets cultes de la culture cyberpop.

Les applications permettant de les réaliser soi-même pullulent et la première exposition de GIF vient de se terminer à Paris. Que signifie l’engouement pour ce nouveau mode de communication, qui fonctionne comme un substitut aux émoticônes des smartphones?

La sémiologue Pauline Escande-Gauquié explique que les GIF permettent de «créer du lien virtuel». La consécration du GIF n’est pas seulement artistique, c’est un business rentable: le site Giphy, moteur de recherche et vaste catalogue de GIF, vaut désormais 300 millions de dollars et compte 150 millions de visiteurs uniques par mois.

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La chronique de Jacques Pilet: les pièges du débat identitaire

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:58

Une étrange clameur s’élevait des tribunes lors du match d’ouverture au Stade de France: «Qui ne saute pas n’est pas Français!» Un encouragement aux Bleus. La passion du foot et l’excitation du drapeau permettent bien des moments de folie. Mais au-delà du sport, quelle est donc cette manie de s’interroger sans cesse sur ce qu’est un Français, un bon Français, un mauvais Français?

La grande affaire de l’identité nationale. La question divise la droite. Nicolas Sarkozy ne s’en cache pas, pour tenter son retour, il va touiller dans ce pot-là. L’ex-président dénonce «la tyrannie des minorités», exalte «un pays d’églises, de cathédrales, d’abbayes». Alain Juppé, son concurrent, prend le contre-pied. Il veut «faire rimer diversité et unité». Avec une belle envolée: «Nous, Français, nous sommes divers, nous n’avons pas les mêmes origines, la même couleur de peau, la même religion, ni les mêmes croyances. Cette diversité, qui remonte loin dans le temps, est une richesse, une force. Il ne faut pas chercher à l’effacer en prétendant nous couler tous dans le même moule.»

Le propos vole haut. Mais ce qui tarabuste la population est plus prosaïque. Il y aurait tout simplement trop de musulmans et ceux-ci sont jugés incapables de s’adapter aux règles et aux mœurs en usage dans la République. Allergie répandue dans plusieurs pays européens. Quand on dit identité, on pense religion. C’est le fait du siècle.

Ce que ne disent pas les pourfendeurs des «Arabes», c’est ce qu’ils aimeraient faire. Expulser ces mal-aimés par millions? Insensé. Les obliger à manger du cochon dans les écoles? Arracher le voile des femmes? Absurde.

Privilégier un certain degré de tolérance et le dialogue, dans l’intransigeance sur les principes: la position de la droite modérée et de la gauche paraît plus raisonnable. Aussitôt qualifiée de molle mais en fait la seule voie possible. La polémique est chargée de passions dangereuses. Si le clivage de la société française s’exacerbe, c’est une forme de guerre civile qui se profile. Elle a déjà été déclarée par les djihadistes. Entrer dans leur jeu en en rajoutant dans l’ostracisme et la haine anti-islam, c’est la politique du pire.

Le piège, c’est aussi de ne plus penser qu’à cela quand on parle de l’identité d’un peuple. Or on peut le faire intelligemment, sans se fixer sur la problématique religieuse. Deux intellectuels en débattent dans Le Point: Jacques Attali et Denis Tillinac, écrivain de droite, grand ami de Jacques Chirac.

Le premier réfute l’idée que l’on devrait revaloriser nos racines, celles-ci sont si multiples, si mêlées. Il pense que nous nous façonnons dans les ambitions et les actions communes. Ce n’est pas le passé qui nous révèle à nous-mêmes mais le présent et l’avenir.

A l’opposé, le chroniqueur de Valeurs actuelles cherche «l’âme française» (le titre de son dernier livre) dans la mémoire collective, dans la tradition, dans «la morale du panache». Il aime un terroir, un mode de vie, un passé marqué par de grandes figures «de Vercingétorix à de Gaulle». A la recherche de «l’honneur perdu de la France».

Attali répond: «Tout pays qui dit «c’était mieux avant» se condamne à décliner ou à s’enfermer derrière des barricades.»

Le débat n’est donc pas étrangerà nos préoccupations suisses. Même si la question de l’identité n’est pas débattue avec la même acuité. Il faut dire que dans le puzzle helvétique, tirer les traits communs de la nation est un exercice hasardeux. Le terme même de nation est inadéquat: les régions ont des destinées et des sensibilités si diverses. Nous connaissons un patriotisme sincère, parfois folklorique, jamais tapageur. Mais nous avons aussi notre camp du «c’était mieux avant». Et en face, tous ceux qui pensent plutôt à agir, sans trop craindre le vent du large.

La confrontation de ces deux états d’esprit se fait, il faut l’admettre, sans trop de mal. Le parti nationaliste, l’UDC, reste accroché à ses mantras, mais il arrondit les angles. Participant au pouvoir, il mesure les risques.

Christoph Blocher va même, dans une interview au SonntagsBlick, jusqu’à se dire «préoccupé par le succès des extrémistes, en Europe et aux USA, qui refusent une politique ordonnée». On pourrait y voir un gag mais c’est à prendre au sérieux: il tient à se distancier du Front national, du FPÖ autrichien, et même de l’UKIP britannique. Et de Trump! Le vieux renard a flairé le danger. 

jacques.pilet@ringier.ch

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Epatants jeunes doctorants

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Jeudi, 16 Juin, 2016 - 05:59

Troublante coïncidence. Jeudi dernier, le Conseil national devait décider s’il augmentait ou non de 3,2% le budget de la formation et de la recherche pour la période 2017-2020. Ce sera 2% seulement. Le soir même à Lausanne se déroulait la première finale suisse de Ma thèse en 180 secondes. Ce concours a essaimé dans les pays francophones à la suite du Québec, en Suisse à l’initiative de la Cuso (Conférence universitaire de Suisse occidentale). Toutes les universités romandes et l’EPFL avaient sélectionné des candidats.

En trois minutes chrono, quinze doctorants ont résumé, vulgarisé avec fougue des mois de recherche et leurs résultats. Dommage que les parlementaires n’aient pas vu ces prestations épatantes et enthousiasmantes, qui démontrent le formidable potentiel de nos hautes écoles. Les trois lauréats du prix du jury défendront les couleurs de la Suisse lors de la finale internationale à Rabat en septembre prochain. Il s’agit de Désirée Koenig et de Guillaume Braidi de l’Université de Fribourg et d’Etienne Morel de l’Université de Neuchâtel.

Toutes les vidéos sont à découvrir sur le site www.mt180.ch 

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Alain Kilar
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L’Euro à 24, qu’est-ce que ça change?

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Jeudi, 23 Juin, 2016 - 05:51

Laurent Favre

Analyse. La phase finale de l’Euro 2016 se joue entre 24 équipes. Une première qui n’est pas sans conséquences sur le jeu et l’ambiance, notamment du fait de la présence de «petites nations».

Créé en 1958 et organisé pour la première fois en 1960, le Championnat d’Europe des nations a d’abord réuni pour sa phase finale quatre équipes (de 1960 en France à 1976 en ex-Yougoslavie), puis huit (de 1980 en Italie à 1992 en Suède), puis 16 (de 1996 en Angleterre à 2012 en Pologne et en Ukraine). Cette année, la phase finale en France regroupe 24 pays. Avant même le début de la compétition, ce nouveau format, aperçu lors des Coupes du monde de football 1982, 1986, 1990 et 1994, amenait déjà deux types de commentaires: l’un sur le niveau supposé des équipes qualifiées, l’autre sur la complexité de la formule.

L’Euro à 24 est une idée de Michel Platini. L’ex-président de l’UEFA, souvent élu avec les voix des nombreux petits pays de l’Est, voulait ouvrir la fête du football européen à plus de pays. En 1976, ils étaient 32 à participer aux matchs éliminatoires, 53 en 2016. L’Euro 2016 a donc vu débarquer en France une série d’équipes qui n’étaient jamais apparues, ou plus depuis très longtemps, sur la scène internationale. C’est le cas de l’Albanie, du pays de Galles, de l’Irlande du Nord, de la Slovaquie, de l’Islande, de la Hongrie et de l’Eire.

La formule à 16, considérée comme idéale, avait la réputation d’offrir le meilleur du football européen. C’était, disait-on, «une Coupe du monde où ne manquent que le Brésil et l’Argentine». Le format était extrêmement clair: quatre poules de quatre équipes, les deux premières qualifiées pour les quarts de finale. A 24 équipes, tout se complique. Comment passer de 24 à huit ou 16? Dans des sports comme le basket, le handball ou le volley, où les joueurs peuvent soutenir la cadence d’un match par jour, la réponse aurait été simple: quatre groupes de six équipes.

Pour éviter la surcharge des organismes et l’étirement trop long de la compétition, l’UEFA a opté pour la formule inverse: six groupes de quatre et, pour arriver à 16 qualifiés (et basculer en mode tournoi avec matchs à élimination directe), la qualification des quatre «meilleurs troisièmes». Un système particulièrement alambiqué qui veut que la France, qualifiée depuis dimanche et son match contre la Suisse (0-0), ait dû attendre mercredi soir pour connaître son adversaire en huitième de finale parmi neuf possibles!

Une ambition partagée

Avec presque trois qualifiés sur quatre dans chaque groupe, tous les pays font le même calcul: une victoire et un match nul suffisent pour passer le «cut». Un objectif accessible à tous. Et ils ont raison d’y croire parce que l’évolution du football leur donne les atouts pour se défendre. Depuis une vingtaine d’années, grâce notamment à l’argent redistribué et à l’aide technique apportée par l’UEFA, tous les pays se sont structurés. La formation, qui était souvent abandonnée aux clubs, est devenue l’affaire des fédérations. On connaît le cas de la Suisse, qui s’est muée en peu de temps en un pays réputé pour la qualité individuelle de ses joueurs, qu’elle exporte même dans d’autres sélections (dix en Albanie, un en Croatie).

Le cas le plus emblématique est celui de l’Islande. Avec seulement 300 000 habitants, 23 000 licenciés et 100 joueurs professionnels, comment ce pays a-t-il pu tenir tête au Portugal de Cristiano Ronaldo (1-1)? Au début des années 2000, la fédération islandaise (KSI) a décidé de maximiser ses ressources et visé deux objectifs: 1. Il faut que l’on puisse jouer au football toute l’année. 2. Il faut que chaque jeune bénéficie d’un entraînement de qualité. Sept terrains couverts ont été construits sur l’île et 92 entraîneurs professionnels très diplômés engagés. Suffisant pour former un groupe de 23 joueurs compétitifs.

Comme l’Islande, toutes les «petites nations» possèdent des bons joueurs. Pas des champions, à quelques rares exceptions près (Gareth Bale au pays de Galles, Marek Hamsik en Slovaquie), mais des produits standardisés, des ouvriers qualifiés aptes à se fondre dans un collectif bien rodé. C’est l’autre révolution du football mondialisé: toutes les équipes savent bien jouer tactiquement. Plus exactement: elles savent bien défendre. Analysant ce qui manquait à l’équipe de Suisse dans les années 1980, Heinz Hermann, le recordman suisse des sélections (117, aucune phase finale), fait cet étonnant aveu: «A l’époque, on n’avait pas conscience de l’importance du mental et de la solidarité. On pensait que onze joueurs moyens finiraient toujours par perdre contre onze très bons joueurs.»

Depuis Aristote, on sait que le tout est plus que la somme des parties, mais en football, c’est une trouvaille assez récente. Bien préparés physiquement, bien dirigés par des entraîneurs au point tactiquement, les footballeurs hongrois, nord-irlandais, gallois ou albanais ont désormais les moyens de leurs ambitions. Parce qu’il est plus facile de défendre que d’attaquer, cela passe par un jeu fermé, avec peu de prises de risque. Le premier tour de cet Euro à 24 équipes se distingue ainsi par son faible nombre de buts (47 après 24 matchs, contre 60 en 2012 et 57 en 2008) et par des scores très serrés, 1-1 ou 2-1. Un contrepied au modèle dominant de la Ligue des champions, où les stars du Barça ou du Bayern passent régulièrement des 6-0 à leurs adversaires.

Sur les pelouses (indignes) de l’Euro, Cristiano Ronaldo n’a pas la partie facile. La star portugaise, en manque de réussite sur ses deux premiers matchs, découvre face à elle des adversaires bien plus rugueux et déterminés que les défenseurs du Rayo Vallecano ou de Wolfsburg. Après le match nul du Portugal contre l’Islande, il s’en est même plaint sur un ton amer: «Ils n’ont rien essayé, ils n’ont juste fait que défendre, défendre, défendre, et jouer en contre. Selon mon opinion, c’est une petite mentalité.»

La détermination des joueurs des petites nations est impressionnante. L’Islande mais aussi l’Irlande du Nord ou l’Albanie se battent avec une énergie que l’on ne trouve guère à haut niveau qu’à l’Atlético Madrid. Au besoin, ces joueurs n’hésitent pas à commettre des fautes grossières, tacles par-derrière, ceinturage à deux mains, pour parer au plus pressé ou tuer dans l’œuf une contre-attaque. «C’est dur contre tout le monde», concède l’avant-centre français André-Pierre Gignac.

Une ferveur inédite

Ce nouveau rapport de force explique également la forte proportion de buts marqués en fin de match. Les petites équipes qui défendent courent plus, se fatiguent plus et craquent souvent sur la fin, parce qu’elles manquent de lucidité ou de profondeur de banc. A Marseille, où elle a cédé deux fois dans le temps additionnel, l’Albanie a ainsi fait rentrer le Luganais Frédéric Veseli et le Bâlois Taulant Xhaka quand la France lançait Paul Pogba (Juventus) et Antoine Griezmann (Atlético). Les matchs de l’Euro deviennent donc des jeux de force et de patience, des bras de fer où l’on se neutralise jusqu’à ce que la fatigue opère.

La ferveur des nouvelles nations de l’Euro est décuplée par l’impressionnant soutien populaire qu’elles déplacent. A Bordeaux, Toulouse, Lens ou Lyon, les tribunes se colorent de rouge (Galles), vert (les deux Irlandes) ou de bleu (Islande) au gré des rencontres. Roumanie - Albanie le 19 juin à Lyon (0-1), a priori une rencontre peu emballante, s’est révélée une affiche haute en couleur grâce à la chaleur du public albanais. Quand les publics français ou allemand attendent les quarts de finale pour s’enthousiasmer vraiment, les nouveaux venus ont tout de suite amené un air de fête à cet Euro qui en avait bien besoin. Ils pensaient peut-être partir les premiers mais, alors que l’on jouait les derniers matchs du premier tour, tous étaient en mesure de se qualifier.

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