Quantcast
Channel: L'Hebdo - Société
Viewing all 15989 articles
Browse latest View live

Staccato: l’Iran, ses palais, ses jardins, ses nez

$
0
0
Jeudi, 6 Octobre, 2016 - 05:59

Welcome to Iran! Le pays de Cyrus et de l’ayatollah s’ouvre au tourisme et il a de quoi faire. J’en reviens et je témoigne: le touriste y passe de plaisir en délice. Emerveillé, en vrac, par la douceur des sourires, la qualité du réseau routier, la propreté des trottoirs, la poésie des jardins.

Sans oublier les monuments. Temples du feu zoroastriens, taureaux androcéphales achéménides, aériennes mosquées en bleu majeur. Et nez en trompette.

Vous allez me dire: au regard de l’histoire de l’art, le nez des Iraniens n’est qu’un détail dérisoire. Ce qu’il y a, c’est que ces derniers ne se contentent pas de détenir le record mondial du nombre de rhinoplasties par habitant: ils arborent leur sparadrap facial comme une Rolex, c’est-à-dire comme leurs ancêtres construisaient des palais. Le nez refait dit la réussite et le prestige, c’est une fierté nationale.

Pourquoi cette focalisation sur le nez?

C’est la faute au voile, m’a-t-on expliqué. Lorsque le visage est la seule partie visible de la personne, toute imperfection devient intolérable. Sauf que parmi les clients du «nose job» il y a 35% d’hommes. Et que l’essor de la chirurgie plastique en Iran a commencé vers 1960, bien avant la révolution.

La faute aux Arabes alors? Dans son livre Marche sur mes yeux, Serge Michel explique: le nez busqué est perçu en Iran comme celui des envahisseurs historiques, contre lesquels on continue de pester plus de mille ans après. La rhinoplastie veut renouer avec la physionomie persane d’avant le mélange.

Sauf que Cyrus le Grand n’avait pas le nez de Miss Piggy. Et que malheureusement, c’est l’appendice en trompette caractéristique des personnages comiques des cartoons hollywoodiens qui s’impose actuellement comme modèle dominant. De la part d’un peuple à l’héritage si riche et subtil, c’est un gâchis esthétique incompréhensible.

Pour les femmes, je ne peux m’empêcher d’y voir, en plus, une défaite symbolique. Le voile des Iraniennes ne tient qu’à un fil. Chez certaines, il n’est déjà plus qu’un chiffon multicolore accroché à un chignon. On les voit, courageuses, lutter pied à pied contre la norme vestimentaire imposée. Et en même temps? Se jeter dans les bras d’une nouvelle norme, consentie cette fois.

Comme disait l’autre, l’angoisse est le vertige de la liberté.

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

Mots clés: 
Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Courrier

$
0
0
Jeudi, 6 Octobre, 2016 - 06:00

De l’inefficacité des taxis

L’Hebdo No 36, «Trois mois dans la peau d’un chauffeur Uber»

L’article consacré à Uber est incontestablement intéressant et je vous en remercie. 
Il confirme ce que je dis depuis près de quarante ans dans mon activité d’ingénieur en transports. Le taxi est inefficace!
D’après les chiffres fournis nullement étonnants, sur les 4500 kilomètres parcourus, 30% le sont pour transporter des passagers et 70% le sont à vide. Ce n’est pas très différent pour les taxis officiels.

Si ce moyen de transport est assurément utile, il ne mérite pas les attentions et priorités dont il est l’objet. Supprimer tous ces avantages forcerait ce type de service à se renouveler profondément. Les transports de marchandises l’ont fait en diminuant drastiquement les courses à vide, notamment en raison de la taxe poids lourds. 
La plupart des personnes ignorent que la charge des réseaux de transport dépend directement des kilomètres parcourus et pas du nombre de véhicules en mouvement. Dans le cas présent, la charge indispensable à déplacer les clients d’Uber est multipliée par 3.

Par ailleurs, si les mêmes personnes se déplacent entre leur domicile et leur lieu de travail mais que la distance moyenne s’allonge de 5%, la charge de nos réseaux augmente aussi de 5%. C’est ce qui se passe depuis longtemps. Même sans un déplacement utile de plus, le trafic augmente sans cesse par l’allongement des trajets pour le même besoin. Cette sorte d’inflation dans les transports est-elle nécessaire comme l’inflation préconisée en matière monétaire par une majorité d’économistes? 

Blaise Dériaz, ingénieur-conseil, Genève


Au nom de Dieu Tout-Puissant!

L’Hebdo No 37, «Burqa, niqab, burkini et autres délires de politiciens…», chronique de Charles Poncet

Au nom de Dieu Tout-Puissant! C’est par ces mots que commence la Constitution fédérale de la Confédération suisse. Il est clair que le préambule de la Constitution ne signifie pas que les citoyens suisses doivent se convertir au christianisme. Il renvoie seulement à la source des valeurs que la Constitution défend.

J’ai eu l’occasion d’entendre la présentation d’une historienne de l’art américaine qui décrivait la chapelle Sixtine. Elle y voyait une allégorie de la puissance de l’Eglise catholique partant à la conquête du Nouveau Monde pour y propager sa vision du couple. Elle s’enthousiasmait devant la représentation d’Adam et Eve dépeints comme deux égaux. Selon son analyse, l’émancipation des femmes trouverait son fondement dans le christianisme. Le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes nous viendrait de la Bible en passant par les Lumières et le féminisme.

Vous raillez ceux qui veulent interdire la burqa. Mon grand-père, député au Grand Conseil genevois militait en faveur de l’introduction du droit de vote des femmes. Il s’est exposé aux sarcasmes des hommes de votre trempe. La burqa et le niqab sont portés dans des pays musulmans où la polygamie a encore cours. Les égards que vous avez pour les musulmans de notre pays sont louables. Je vous concède que le débat sur la burqa ne porte que sur le symbole de la polygamie. Toutefois, on peut se demander quelles sont les valeurs que nous voulons défendre. L’égalité entre hommes et femmes? Le mariage? La monogamie?

Le débat sur la burqa est malvenu parce qu’il se focalise sur le symbole de ce que nous ne voulons pas. Il nous faut enfin nous questionner sur ce que nous souhaitons. Et nous demander pourquoi le peuple suisse a refusé à l’aube du XXIe siècle de faire entrer dans sa Constitution le principe de la monogamie, à savoir une définition du mariage consistant en l’union d’un homme et d’une femme. 

Alexandre Dupont-Willemin, Hauterive (FR)


Rectificatif

Dans sa chronique du 29 septembre, Jacques Pilet prétend que, lors du débat sur la réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III), Mme Martullo-Blocher aurait demandé une déduction totale de l’imposition des dividendes. Cela n’est pas conforme à la réalité. La vérité est que, en l’occurrence, Mme Martullo n’a pas voulu une déduction totale de l’imposition des dividendes. Dans le cadre de la RIE III, la gauche a exigé de la Confédération une imposition harmonisée des dividendes à hauteur d’au moins 60% (la compétence en la matière appartient désormais aux cantons), ce que Mme Martullo a refusé.

Dr Conrad Gericke, secrétaire général Ems-Chemie AG

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

En direct des blogs

$
0
0
Jeudi, 6 Octobre, 2016 - 06:59

La vie autrement  Philippe Le Bé

L’identité nationale comme un fleuve
Le débat sur l’identité nationale qui agite certains pays, et notamment la France, rappelle l’histoire d’un fleuve. Plus il avance, plus il se nourrit d’affluents, voire de confluents.

Carpe Diem Kurt Schwander

GaultMillau France promeut la fondue pour les nuls
Fromager talentueux, William Wyssmüller est aussi un habile homme de marketing. Il a contacté GaultMillau France, qui a attribué son label à quatre de ses fondues.

Kenel de Requin Philippe Kenel

De la subtilité du système suisse
Outre le fait qu’elle est excellente, la décision du Conseil national concernant la mise en œuvre de l’initiative du 9 février 2014 a le mérite de mettre en exergue la subtilité du système helvétique.

Un tsunami numérique révolutionne la santé!  Xavier Comtesse

Big data pour médecine low cost (quelqu’un peut-il en informer Alain Berset?)
Les données non structurées du big data vont transformer plus sûrement la médecine qu’aucune réglementation ne l’a jamais fait auparavant. Visite de la Mayo Clinic, hôpital pionnier en la matière.

Les aléas d’une jeune pro-européenne en Suisse Caroline Iberg

Macron l’Européen?
Les primaires battent leur plein en France. L’UE devrait être au centre des discussions. Or, rien, le néant absolu. La première vraie proposition pour l’Europe est venue d’Emmanuel Macron.

Le scalpel de l'histoire Olivier Meuwly

Les 500 ans de la Paix perpétuelle: un anniversaire pas anodin
Signée le 29 novembre 1516, la Paix perpétuelle parachève de façon grandiose la victoire de François Ier contre les Confédérés à Marignan.

Le futur, c’est tout de suite Guy Sorman

L’homme le plus puissant du monde
A la question «Qui est l’homme le plus puissant de la planète?» il est d’usage de répondre: «Le président des Etats-Unis.» Mais c’est à John G. Roberts Jr., le président de la Cour suprême des Etats-Unis, qu’il faut attribuer la palme.

L’horreur identitaire
La fièvre identitaire qui saisit le débat politique est une horreur, le masque du racisme et de la xénophobie. Par-delà la dénonciation nécessaire de cette imposture, cherchons les causes objectives de cette guerre civile qui naît.

Politique migratoire Étienne Piguet

Des magiciens au Parlement
On doit évidemment se réjouir de voir le Parlement prendre ses responsabilités, mais il faut reconnaître qu’il a été un peu loin en se passant d’énoncer le moindre objectif concret de maîtrise de l’immigration.

Architextuel Philippe Meier

Premières commandes (10): villa Sauvin
A Vandœuvres, dans la campagne genevoise, la villa Sauvin, réalisée par Andrea Bassi (aujourd’hui: Bassicarella Architectes) avec Pascal Tanari, se distingue par une grande simplicité d’expression.

Les non-dits de l’économie Sergio Rossi

Qui paie les amendes des banques?
Huit ans après l’éclatement de la crise financière qui a suivi la mise en faillite de la banque Lehman Brothers, les principales grandes banques restent dans le viseur des autorités américaines censées leur faire payer la facture (très salée) de cette crise.
 

Le blog de Jacques Neirynck

Langues à l’encan
En Suisse alémanique, le politique est tenté de prioriser la cohésion nationale, en imposant l’allemand dès la première. Or, la motivation d’un élève n’est pas la cohésion nationale, mais bien l’usage utilitaire de la langue.
Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Nicolas Denis
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Thomas Jusselme: «La prochaine révolution sera celle du low-tech»

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:46

Sylvie Ulmann

Thomas Jusselme est un chercheur au sein du Smart Living Lab de l’EPFL Fribourg, dédié à l’habitat du futur. Il plaide pour l’application d’une logique d’ensemble permettant d’effectuer des économies d’énergie réelles.

Vous nous mettez en garde contre un usage ludique et un peu inconscient des gadgets technologiques, mais tout n’est pas à jeter…

Absolument pas. Certains accumulent des informations qui nous aident à comprendre l’usage qu’on fait d’un bâtiment. De cette façon, on dépasse le modèle statique, imaginé pour un utilisateur standard, et on passe à un modèle dynamique, qui tient compte des comportements de chacun. On optimise ainsi l’exploitation des bâtiments et permet de mieux les concevoir grâce aux traces que laissent les usagers dans les technologies numériques. Elles permettent d’accumuler des connaissances sur la diversité comportementale.

Qui dit économies énergétiques pense souvent chauffage, mais y a-t-il d’autres pistes pour mieux gérer ces dépenses?

Oui, on peut coupler la mobilité au bâtiment. Mettons que vous circulez avec une voiture électrique. Un système de régulation intelligente devra être capable de déterminer s’il est plus intéressant à un certain moment de consommer directement l’énergie renouvelable produite par vos panneaux photovoltaïques ou si vous devez recharger les batteries de la voiture avec.

L’énergie ainsi stockée pourrait être consommée par la maison pendant la nuit et/ou employée pour un futur déplacement. C’est très complexe, car cela sous-entend que ce système doit pouvoir prédire les usages, accumuler les infos et optimiser les services en fonction des utilisateurs.

Cela signifie-t-il qu’on va vers toujours plus de technologie?

Pas forcément. Je crois beaucoup à un mélange de low-tech et de high-tech. Nous faisons par exemple de la recherche sur l’inertie thermique des bâtiments. Plus une maison est massive, plus elle stocke de l’énergie.

Mais, si on la construit et qu’on l’isole avec des matériaux énergivores, on va dépenser plus de CO2 qu’on va en économiser. Des matériaux biosourcés peuvent ainsi apporter inertie et isolation avec un impact global positif. Prendre en compte la dimension du cycle de vie et du carbone, c’est une logique d’ensemble. Qui dit smart ne dit pas forcément électronique. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
EPFL
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Nos maisons sont en passe de devenir vraiment intelligentes

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:47

Sylvie Ulmann

Jusqu’à la fin du XXe siècle, on se contentait de rêver. Un jour, notre maison deviendrait intelligente. Elle assumerait une foule de petites tâches à notre place. Elle nous réveillerait avec une tasse de café chaud, elle nous tendrait la tenue idéale pour la journée après avoir scanné notre emploi du temps gribouillé dans un agenda papier. Elle augmenterait la température du radiateur et du séchoir à linge à la salle de bain de façon que nous ne claquions pas des dents sous la douche et que nous nous séchions avec une serviette tiède.

Or, depuis que nos agendas, ainsi qu’une foule de ces objets qui alourdissaient nos sacs à main ou à dos, se sont transformés en applications embarquées dans nos smartphones ou tablettes, tout cela est devenu possible.

Nespresso a lancé cet hiver Prodigio, une machine connectée à un smartphone qui permet de préparer le café à distance. Hélas, elle ne nous l’apporte pas (encore) au lit, mais nous avertit quand on va manquer de capsules, par exemple.

Bref, nos maisons – ou du moins les objets qu’elles abritent – sont en passe de devenir vraiment intelligentes. Elles sont capables «de s’adapter aux besoins de la personne ou de son environnement», résume Charles Dauman, directeur général de l’entreprise française Shiva, leader du ménage et du repassage au domicile des particuliers. L’homme en connaît un rayon sur la question, car il a lancé une serrure connectée en partenariat avec Somfy et B’dom.

Un système tout simple qui se fixe sur le canon de la serrure existante et permet de décider, via une application, quand et à qui l’on ouvre, évitant ainsi de multiplier les doubles des clés et le risque de les égarer. On entre ensuite au moyen d’un bracelet, d’un téléphone, d’un chip ou d’un code SMS. Pratique pour gérer l’arrivée et le départ de la femme de ménage, mais aussi le retour des enfants de l’école, la livraison d’un colis, le passage du réparateur du lave-vaisselle ou encore prêter son chalet ou son chez-soi à des amis.

Cuisine maline

Une nouveauté qui facilite le quotidien, mais se heurte à des résistances chez les usagers. «Les gens craignent que des pirates ne puissent craquer le code et entrer chez eux, mais ce risque n’est pas plus important que d’égarer une clé, car le niveau de sécurité du boîtier correspond aux exigences de l’armée américaine», précise-t-il. Non, le problème, c’est que la clé est du domaine de l’intime, et que l’idée de la confier à des tiers suffit à freiner les plus enthousiastes.

Quant à la dématérialiser, à peine ose-t-on y penser. Charles Dauman ne désespère pas pour autant, rappelant que, il n’y a pas si longtemps, on se méfiait de ces clés électroniques que nous délivrent les hôtels. Or, aujourd’hui, la plupart en sont désormais équipés.

De la porte qui s’ouvre toute seule au frigo capable de se remplir de lui-même ou presque, il n’y a qu’un pas. Samsung vient de le franchir en lançant un réfrigérateur connecté lors du dernier salon IFA qui s’est déroulé à Berlin fin août. Ultradesign, le Familiy Hub est équipé de trois caméras qui photographient le contenu de l’appareil à chaque fois que la porte se referme. Une application permet ensuite à tous les utilisateurs de voir ce qu’il renferme depuis leur smartphone.

Exit les questions type «Zut, est-ce qu’il faut acheter des œufs?» ou «Qui a fini le lait sans prévenir?». L’engin est par ailleurs capable de repérer les aliments en fin de vie, à condition que les utilisateurs prennent le temps d’entrer le nombre de jours restants avant leur date d’expiration au moment de les ranger. Via son écran tactile, on peut aussi faire directement ses courses en ligne, trouver des recettes et partager photos, agendas et post-it virtuels avec les autres membres de la famille, regarder la télé ou écouter de la musique.

Cet appareil n’est qu’une tête de pont, la marque coréenne ayant créé toute une gamme d’électroménagers connectés.

Toujours à la cuisine, mais au rayon traque du gaspillage, les déchets et leur corollaire, la corvée du tri. Qui n’a jamais rêvé d’une poubelle qui ferait le boulot toute seule? A vrai dire, cela existe déjà. L’invention est française et s’appelle R3D3.

Un clin d’œil au petit robot serviable et futé de La guerre des étoiles, auquel elle ressemble, en version épurée et plus silencieuse. On dépose gobelet, bouteille ou canette au sommet de l’engin, qui les reconnaît et les glisse dans le bac ad hoc après les avoir écrasés, histoire de gagner un maximum de place. Un petit miracle qui a son prix (4000 euros pièce tout de même), ce qui le destine davantage aux bureaux et espaces publics, type hall de gare ou d’aéroport, qui remportent haut la main un bonnet d’âne en matière de tri. Mais sait-on jamais…

Traquer le gaspillage

Cette invention met aussi le doigt là où ça fait mal: la crise énergétique nous invite à trier nos déchets, certes, mais surtout à repenser notre façon de consommer dans son ensemble. Sachant qu’un tiers de la consommation mondiale d’énergie est imputable à la climatisation et au chauffage des bâtiments, on est tenté de se dire qu’une maison futée pourrait bien être une maison capable de régler le chauffage en fonction de l’usage et de la présence de ses habitants.

Elle baisserait par exemple la température lorsque tout le monde est sorti. L’entreprise allemande Tado l’a imaginé. Ses Smart Radiator Valves s’installent sur les vannes et permettent de contrôler chaque radiateur de façon indépendante. Un vrai bond en avant comparé à nombre de ses concurrents, qui se posent directement sur la chaudière et sont donc réservés aux propriétaires. Le système, compatible avec l’application Home d’Apple et l’Echo d’Amazon, est lié à une application pour smartphone qui détecte la présence ou l’absence des habitants par GPS.

Quand le dernier occupant quitte les lieux, l’information est communiquée par internet au boîtier central, qui baisse alors le chauffage. A l’inverse, en fin de journée, quand ceux-ci se remettent en route vers leur sweet home, le dispositif en est averti par le même biais et se charge de faire remonter la température. «La présence ou l’absence des habitants dans le logis prime. Si personne n’est là, le système ne rallumera pas les radiateurs le matin, par exemple», explique-t-on chez Tado.

Voilà ce qui rend ces appareils encore plus performants que ceux qui se contentent d’apprendre les habitudes des usagers mais ont du mal à gérer des imprévus comme un retour tardif ou un départ en week-end. Tado cumule les deux, tenant compte, en outre, des variations de température dues à la météo et à la manière dont le bâtiment emmagasine et restaure la chaleur ambiante. A la clé, des économies qui peuvent atteindre les 21%.

Etape suivante en matière de gaspillage énergétique: l’eau. «La consommation d’eau chaude à la douche constitue la deuxième plus grosse source de dépense énergétique après le chauffage, et malheureusement peu de gens en sont conscients», résume-t-on chez Amphiro. Cette jeune pousse, spin-off de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich, a mis au point une nouvelle approche pour économiser eau et énergie: Amphiro B1, un compteur qui permet de suivre en temps réel la quantité d’eau et d’énergie dépensée pendant une douche.

Facile à installer, il est utilisable par les particuliers. «L’idée est de sensibiliser les gens sur leur consommation en eau et de développer une utilisation plus efficace de l’énergie au quotidien», explique-t-on chez le fabricant. Avec son animation montrant un ours polaire dont l’iceberg fond à mesure qu’on se douche, l’entreprise vise aussi à mobiliser les enfants.

Cet outil, relié à un smartphone via Bluetooth, permet de suivre ses dépenses et celles de toute la famille. On peut désormais se fixer des objectifs et se lancer des défis! Cerise (bio) sur le gâteau, cet outil est alimenté par le flux d’eau. On serait donc tenté de se dire qu’il ne plombera pas notre bilan CO2. Mais ce serait trop simple…

Qui dit smart ne dit pas toujours techno. Thomas Jusselme, chercheur à l’EPFL Fribourg au sein du Smart Living Lab, nous invite à voir plus loin que cette dimension technophile (lire en page 53): «Souvent, le côté ludique et technique d’un objet nous intéresse davantage que les économies d’énergie qu’il permet, souligne-t-il. A quoi bon mettre une tablette au mur pour économiser une toute petite quantité de CO2, sachant que sa fabrication est très énergivore?»

Quand nous nous interrogeons sur l’(in)utilité de tel ou tel instrument susceptible de nous amener à faire des économies, mieux vaudrait donc inclure dans notre réflexion l’article en question, de sa fabrication à son élimination. «Tout investissement doit être mesuré à l’aune du potentiel d’économie qu’il permet. Si vous vous chauffez avec une chaudière à bois alimentée par des bûches de la forêt voisine que vous sciez à la main, vous n’avez pas besoin d’un thermostat intelligent, dont la fabrication, l’installation et la maintenance exigeront énormément d’énergie grise. En revanche, si la même maison est chauffée au fioul, cet appareil peut être un excellent investissement.»

Tout dépend donc du contexte. Etant donné la complexité du sujet, le bon sens et l’intuition, bien que garantis sans émission de CO2, sont hélas rarement d’une grande aide. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Nespresso
Somfy et B’dom
Samsung
R3D3
Tado
Amphiro
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Home, smart home

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:48

Sylvie Ulmann

Domotique. Nos habitations ne se contentent plus de nous garder au chaud. Elles sont désormais capables de nous ouvrir la porte, de nous faire le café ou les courses et d’économiser de l’énergie. Au-delà de leur aspect ludique, ces innovations vont permettre de véritables avancées technologiques.

SOMMAIRE

TechnologieNos maisons sont en passe de devenir vraiment intelligentes

Interview«La prochaine révolution sera celle du low-tech»

ChauffageAu bois, au gaz ou à l’eau du lac? &  Pompes à chaleur Comment ça marche

DécoUn hiver en mode cocooning

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Défi Technique
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

A Béziers, entre guerre et paix

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:53

Antoine Menusier Béziers

Reportage. La venue du polémiste Eric Zemmour, le 6  octobre, dans la cité biterroise ravive un contexte de tensions sourdes entre les partisans du maire, Robert Ménard, proche du Front national, et les habitants musulmans des quartiers populaires.

Où cela mènera-t-il? Jeudi 6 octobre, le Palais des congrès de Béziers accueille Eric Zemmour. Invité par le maire Robert Ménard, proche du Front national, le polémiste vient y donner une conférence à l’occasion de la sortie de son dernier livre, Un quinquennat pour rien, recueil de ses chroniques matinales diffusées sur la radio RTL depuis 2013, précédées d’une longue introduction au titre choc:

«La France au défi de l’islam». Impossible de passer à côté de cet événement: les panneaux publicitaires de la cité héraultaise, ainsi que le bulletin municipal, parfait organe de propagande, ont largement diffusé la nouvelle.

Conçu comme une affiche de cinéma, jouant avec les codes du film d’horreur, le placard annonce «le retour» de celui qui avait présenté ici même, il y a deux ans, son best-seller Le suicide français, édité chez Albin Michel déjà.

A Béziers, où la municipalité «libère la parole», ce n’est pas le bourgeois de souche que Robert Ménard, né en Algérie, fils d’un ancien membre de l’Organisation de l’armée secrète, opposée à l’indépendance algérienne, entend affoler, mais l’immigré maghrébin musulman.

Ville d’une partie de son enfance, après le rapatriement de 1962, il l’a aisément conquise en 2014, élu sur une rhétorique anti-migratoire et anti-islam, sur des promesses d’ordre, de propreté et de dignité retrouvée – cette sous-préfecture, autrefois riche de son vignoble, affiche un taux de chômage de 25% et connaît des tensions sourdes.

«Black, blanc, beur»

De fait, le public qui, ce soir-là, sous protection policière, se presse pour écouter «Freddy» Zemmour est, dans l’ensemble, d’un genre bien mis. «Fachos! Fachos!» scande la centaine de manifestants rassemblés devant le Palais des congrès contre la venue de l’essayiste, à l’appel, notamment, du Parti communiste. Les personnes invectivées n’ont visiblement cure de ces huées, et y répliquent par de grands sourires et des saluts de la main.

«Ça fait deux fois qu’on calme les quartiers, mais on ne pourra pas tenir longtemps encore. A la provocation des fachos, on va, si ça continue, répondre par la provocation», prévient Omar Khatiri, membre de l’association biterroise Cultures solidaires. «Béziers ne libère pas la parole, mais la haine», ajoute l’activiste, comme surclassé sur son terrain militant par Robert Ménard en personne, ex-trotskiste qui a coulissé vers l’extrême droite, ancien secrétaire général de Reporters sans frontières, un superpro de l’agit-prop.

«Black, blanc, beur, la France, c’est nous», répète en chœur la petite foule. «Liberté, égalité, fraternité», dit-elle aussi. «Laïcité», complète Aimé Couquet, élu communiste au conseil municipal. La sonnerie d’un téléphone portable laisse échapper l’appel à la prière musulmane. La France en crise identitaire se cherche désespérément un destin commun quand beaucoup de choses, pour l’heure, semblent travailler au chaos.

«Respect» pour les djihadistes

Une partie du pays a trouvé en Eric Zemmour son prophète. Un prophète de malheur, fustigent ses adversaires – sans doute agréerait-il le constat. Car c’est bien d’un malheur, à ses yeux du moins, que l’éditorialiste entretient la salle. Pendant trois quarts d’heure, il résume le propos de sa préface à Un quinquennat pour rien, décrétant qu’«entre l’islam et la France, les musulmans devront choisir». Il parle sans notes, debout, face à 600 personnes l’écoutant religieusement.

«Je vois bien qu’il y a, en fait, entre la civilisation chrétienne et la civilisation musulmane, ce conflit pour la vérité, pour la domination du monde», affirme-t-il. «La démographie et la démocratie» donneront l’avantage à l’islam, prédit-il, en adepte de la théorie du «grand remplacement» pensée par l’écrivain Renaud Camus. Lui aussi est passé par Béziers, en mai dernier, lors d’un Woodstock de la droite extrêmement décomplexée.

A propos du groupe Etat islamique, le chroniqueur à RTL confie au public: «Je lis la prose de Daech, c’est très intéressant. Ce ne sont pas du tout les abrutis qu’on dit qu’ils sont. Ils se plongent dans l’histoire.»

Une polémique est en train de grossir au moment où il disserte sur la guerre civile qui selon lui s’annonce à l’horizon. Au mensuel Causeur paru le jour même, Eric Zemmour a déclaré: «Moi, je prends l’islam au sérieux, je ne le méprise pas! Et je respecte des gens prêts à mourir pour ce en quoi ils croient, ce dont nous ne sommes plus capables.»

Une enquête le vise désormais pour apologie du terrorisme. Idéologiquement désinhibé, Eric Zemmour ne semble pas tant complimenter des terroristes, pour lui des combattants, que regretter l’absence d’une riposte qui tirerait sa force d’une foi au moins aussi intense que celle qui motive Daech. Guerre de civilisation, guerre de religion, entrevoit-on là.

Ne laissant rien paraître d’un possible trouble provoqué par la vision froide et sépulcrale du conférencier, une femme, retraitée, ancienne professeur de langues, ayant un fils dans la Silicon Valley, qui «s’y sent bien et n’a pas l’intention d’en revenir», dit avoir entendu «une analyse très lucide, à contre-courant de ce que racontent nos médias». Catholique pratiquante, elle est «prête au dialogue avec les musulmans», continue-t-elle, mais un dialogue lui apparaît comme de plus en plus «impossible» et un «clash» comme de plus en plus inévitable.

Revival catholique

La «résistance» à la prétendue «conquête islamique» prend en France des accents catholiques. La «conversion» de Robert Ménard témoigne de cette évolution. Lui, le «born again», est venu au catholicisme – conservateur – par sa seconde épouse, Emmanuelle Duverger, une activiste de la Manif pour tous, le mouvement opposé au mariage gay et à ses dérivés sociétaux. Le maire et sa femme vont à la messe le dimanche.

Un ami du couple portant soutane, la trentaine, le cheveu ras, blond comme les blés, est chanoine à la chapelle Sainte-Rita, place Garibaldi, située dans le centre historique de Béziers. «Dans le quartier où j’officie, on n’entend pas parler français, tout le monde est musulman et Maghrébin, rapporte-t-il. J’essaie d’être courtois. Après l’assassinat du père Jacques Hamel (le 26 juillet dans une église de Normandie, ndlr), aucun n’est venu me dire un mot.

Hormis un Maghrébin de 75 ans, qui m’a confié qu’il voterait Marine Le Pen, car tous les jeunes, selon lui, sont radicalisés. Charles de Foucauld (religieux français mort en Algérie en 1916, béatifié par Benoît XVI en 2005, ndlr) l’avait dit: «On en fera des Français, quand on en aura fait des chrétiens.»

Une rumeur de roman court les rues de Béziers: le jeune ecclésiastique, dont une partie de la messe est en latin, serait le confesseur d’Emmanuelle Duverger, réputée proche de l’Opus Dei, une institution catholique ultraconservatrice. Robert Ménard dément:

«Le chanoine voudrait nous avoir plus souvent dans sa chapelle, mais nous nous rendons dans d’autres églises à Béziers, et ma femme, sachez-le, se confesse ailleurs et n’entretient pas de lien avec l’Opus Dei», répond le maire, joint par téléphone – le soir de la venue d’Eric Zemmour, il était à Paris pour donner la réplique à Alain Juppé sur le plateau de L’émission politique de France 2, mais nous le croiserons dès le lendemain matin sur les allées Paul-Riquet, les Champs-Elysées de Béziers, qui sont en train d’être réembellies, filmées par le service en français d’une télévision américaine.

Voyage en Syrie

Au revival identitaire et religieux observé ces dernières années chez les jeunes musulmans semble répondre, de manière plus ou moins antagonique, un même désir d’identité et de foi côté catholique. Apprenti viticulteur et œnologue à Narbonne, en région occitane comme Béziers, Benoît, 20 ans, aimerait que les musulmans s’intègrent davantage, précisant qu’il n’a rien «contre eux ni contre l’islam.

Moi qui suis villageois, je suis sensible à la France des clochers, à la France familiale, à la France de tradition chrétienne. Dans ma famille, personne ne va à la messe. Il y a quatre mois, j’y suis allé pour la première fois», raconte-t-il.

C’est son ami Rémi, 22 ans, apprenti dans le même domaine que lui, qui l’y a emmené. Il revient avec son épouse, professeur de français dans un collège privé catholique, de deux semaines passées en Syrie avec l’association SOS chrétiens d’Orient, dans le village chrétien de Maaloula, proche de Damas, «détruit par le Front al-Nosra (la branche syrienne d’al-Qaida, ndlr). Nous étions huit Français sur place, nous avons déblayé les débris», explique-t-il. L’année prochaine, ils espèrent pouvoir retourner en Syrie. Et cette fois-ci, Benoît veut être du voyage.

À la mosquée Ar-Rahma

Vendredi 7 octobre, 13 heures, mosquée ar-Rahma (la miséricorde). A la Devèze, une cité à la périphérie de Béziers, où Robert Ménard a donc passé une partie de son enfance avec d’autres rapatriés d’Algérie et qu’il décrit aujourd’hui comme un «ghetto islamisé». La prière hebdomadaire va bientôt commencer. L’imam, Saïd Talha, est également aumônier de la prison de Béziers. Il informe le journaliste qu’à la Devèze, on n’a pas du tout aimé le reportage sur l’islam radical diffusé le 28 septembre par la chaîne M6. Ses détracteurs l’ont trouvé dégradant pour l’image de l’islam.

Ar-Rahma fait partie des trois mosquées, sur les cinq que compte Béziers, qui ont refusé cette année de signer une «charte des mosquées» rédigée par Robert Ménard et ses équipes. Elle stipule que, entre autres, les établissements religieux musulmans biterrois ne devront pas entretenir de liens avec les mouvances salafistes, wahhabites ou celle des Frères musulmans, ni promouvoir de textes prescrivant le djihad ou la peine de mort pour les apostats, les athées ou les homosexuels.

«Nous sommes dans un pays laïque, nous n’avons pas à signer une telle charte, c’est une question de principe. De toute manière, nous appliquons déjà les recommandations souhaitées», assure l’imam. Tout est question de périmètre: petit-fils du fondateur des Frères musulmans, Tariq Ramadan, qui devait venir faire une conférence à la mosquée ar-Rahma en janvier et en a été finalement empêché à la suite du veto de la mairie, ne peut-il pas être considéré comme l’un de leurs membres?

Paroles de paix

Encore quelques minutes et le lieu de prière de forme octogonale, pénétré de soleil, sera rempli de fidèles, des hommes, les femmes se trouvant dans une salle à part. L’imam prononcera son prêche en arabe et en français en présence d’une délégation de catholiques habitant aux environs de la Devèze – l’an dernier à Noël, des résidents musulmans ont surveillé l’église et les voitures des fidèles assistant à la messe de minuit, non tant contre un éventuel attentat que contre les vols de délinquants.

«Ils (les haineux) propagent la haine, nous propageons l’amour, ils parlent de la guerre, nous parlons de la paix, ils diabolisent l’islam […], nous exposons sa beauté et sa miséricorde, non dans un but de prosélytisme, mais pour dissiper les peurs […]», professe l’imam du haut de sa chaire.

Il conclut sur une note plus grave: «Vous êtes les bienvenus, dit-il une nouvelle fois aux chrétiens présents. C’est par ce genre d’action que nous allons faire face à la haine, à l’exclusion et à ceux qui veulent qu’on aille vers la division et la guerre civile.» Comprendre: nous faisons tout pour «tenir les quartiers», nous combattons les discours radicaux des jeunes, aidez-nous dans cette tâche, ne nous la compliquez pas, ne nous la rendez pas impossible.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Antoine Menusier Béziers
Antoine Menusier Béziers
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Le milliardaire russe Rybolovlev investit dans le «Tesla suisse»

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:54

Aliaume Leroy et François Pilet

Enquête. La firme Alevo, à Martigny, promet de révolutionner le marché mondial des batteries. Le projet avait séduit un trafiquant de drogue norvégien. Puis, plus récemment, le magnat russe Dmitri Rybolovlev. Problème: les annonces de l’entreprise tardent à se concrétiser.

Les effets d’annonce lui avaient fait gagner le titre de «Tesla suisse». Il faut dire que l’entreprise Alevo Group, fondée en Valais en 2012 par l’homme d’affaires norvégien Jostein Eikeland, fait parler d’elle dans un domaine où l’engouement des médias et des investisseurs ne connaît aucune limite: la révolution des énergies propres.

Attendez, il y a mieux: la nouvelle technologie de batteries qu’Alevo se targue d’avoir développée est encore plus ambitieuse que celle du célèbre milliardaire américain Elon Musk. Saupoudré de promesses alléchantes, le cocktail était parfait pour attirer l’attention et l’argent. Et questions promesses, Alevo n’y est pas allé de main morte.

Si toutes les annonces contenues dans ses communiqués de presse s’étaient réalisées, Alevo emploierait aujourd’hui plus de 200 personnes dans sa vaste usine de 40 hectares à Collombey-le-Grand, près de Monthey, où elle aurait investi «entre 400 et 500 millions de francs». Cette installation high-tech produirait une précieuse substance conductrice, l’électrolyte, qui serait acheminée dans une autre usine encore plus grande à Concord, aux Etats-Unis, qui compterait à ce jour 2000 collaborateurs.

Cet électrolyte d’un nouveau type, à la composition secrète et appelé Alevolyte, serait utilisé dans des batteries révolutionnaires de la taille d’un conteneur, appelées GridBank. Celles-ci permettraient de stocker l’énergie produite par les usines thermiques ou hydrauliques, en supportant un nombre presque infini de charges, le tout sans chauffer ni perdre de leur efficacité. En bref, le graal de la recherche moderne en termes de batteries.

En octobre 2014, Jeff Gates, vice-président d’Alevo, promettait que l’usine de Concord produirait 100 GridBanks avant la fin de l’année: «Dans douze mois à compter d’aujourd’hui, les gens verront que nous avons réalisé ce que nous avons dit», assurait-il il y a deux ans. Dans ses rêves, Alevo aurait même déjà vendu ses batteries révolutionnaires en Chine, fin 2015, grâce à des «partenariats stratégiques» signés avec des entreprises énergétiques locales.

Seulement voilà, aucune de ces belles promesses ne s’est concrétisée à ce jour. Alevo emploie 21 personnes à Martigny, dans une usine plutôt modeste louée à la commune, dans les anciens ateliers abandonnés par l’entreprise Panoval. Aux Etats-Unis, le site de Concord recense officiellement 200 employés, même si son parking reste étrangement vide sur les images satellitaires récentes. Et Alevo n’a toujours pas vendu un seul de ses fameux GridBanks. Les «partenariats stratégiques» annoncés avec la Chine sont tombés à l’eau.

Si Alevo organisait volontiers des conférences de presse pour présenter ses grands plans, comme celle qui s’était tenue à Monthey fin 2014 en présence des élus locaux, il est désormais difficile de contacter l’entreprise pour lui poser des questions sur l’avancement de ses projets. Il faut passer par une agence de relations publiques à Londres, qui répète en boucle que le «développement de l’entreprise suivra selon les besoins du marché».

A ce stade, le seul qui puisse se frotter les mains est Jostein Eikeland, le fondateur d’Alevo. Grâce à cette dernière, le Norvégien est aujourd’hui riche par dizaines de millions. Sur le papier, bien entendu, puisque sa société n’a pas encore inscrit un seul chiffre dans sa colonne «revenus».

Mais qu’importe, les investisseurs se pressent pour entrer au capital d’Alevo. Des documents obtenus par le quotidien norvégien Dagens Næringsliv montrent que les derniers investisseurs arrivés ont déboursé jusqu’à 120 francs par action pour participer à l’aventure. Aussi surprenant que cela puisse paraître pour une entreprise qui n’a pas encore envoyé une seule facture, ce prix par action valorise Alevo Group à… 1,4 milliard de francs.

Prix d’ami

Cent vingt francs, c’est grosso modo le tarif qu’a accepté de verser Dmitri Rybolovlev pour entrer au capital d’Alevo en avril dernier. Le milliardaire russe, ancien propriétaire du géant minier Uralkali, s’était rendu célèbre pour son «divorce du siècle» l’an dernier et plus récemment pour ses déboires avec son marchand d’art, Yves Bouvier, qu’il accuse de l’avoir roulé dans la farine en lui surfacturant des tableaux de maître pour près d’un milliard d’euros.

Dans le cas d’Alevo, l’ex-empereur de la potasse n’y est pas allé avec le dos de la cuillère, investissant d’un coup plus de 35 millions de francs via deux de ses trusts chypriotes. Ce montant fait de lui le deuxième actionnaire d’Alevo, juste après le fondateur. En échange, Dmitri Rybolovlev a eu droit à un prix d’ami, à 112 francs l’action au lieu de 120.

Le Russe a nommé deux de ses proches au conseil d’administration en août dernier. Il s’agit de Kuzma Marchuk, un ex-dirigeant d’Uralkali, et de Mikhail Sazonov, un homme de confiance qui gérait notamment les relations du milliardaire avec Yves Bouvier.

«Pedigree mitigé»

Pour Jostein Eikeland, l’entrée au capital de Dmitri Rybolovlev est un coup de maître. Ce d’autant plus que le Norvégien avait laissé de belles casseroles derrière lui lors de ses précédentes aventures. Sa première société informatique avait attiré de nombreux investisseurs avant d’être réduite à néant dans la bulle internet. Une autre de ses entreprises, propriétaire d’une fonderie de magnésium, était partie en fumée en 2008 dans une banqueroute aussi douloureuse que soudaine.

Jostein Eikeland avait dû quitter la Norvège pour la Suisse et les Etats-Unis, laissant derrière lui sa belle maison, son île privée et une montagne de dettes. Ces épisodes lui avaient valu la réputation d’un homme d’affaires au «pedigree mitigé», comme le résumait l’agence Reuters. Aujourd’hui, Jostein Eikeland vit à Verbier et possède une belle villa avec vue sur la mer à Boca Raton, en Floride.

A cela s’ajoutent d’anciennes relations pas toujours reluisantes. En 2011, quand il mettait son projet sur pied, le Norvégien s’était tourné vers un compatriote, Gjermund Cappelen, qui se disait actif dans l’immobilier. Les deux hommes s’étaient rencontrés à l’hôtel W de Miami Beach. Peu après, Cappelen avait avancé de l’argent à Eikeland via un entrelacs de transactions dans les îles Vierges.

Un trafiquant au nez creux

Fin décembre 2015, Gjermund Cappelen était arrêté en Norvège. Accusé d’avoir importé 20 tonnes de cannabis dans le pays en vingt ans, le «baron du hash» a été reconnu coupable début 2016. Les autorités n’ont rien retrouvé des profits blanchis de son trafic. Ou presque. Le seul bien de Gjermund Cappelen sur lequel la justice norvégienne a pu mettre la main sont les 14 498 actions qu’il détenait dans la société suisse Alevo Group.

A l’époque, le trafiquant les aurait acquises pour 680 000 francs. Aujourd’hui, au prix où Dmitri Rybolovlev est entré au capital, ce pécule vaudrait 1,6 million de francs. Grâce à Jostein Eikeland, le trafiquant aurait pu réaliser un bénéfice d’un million de francs en cinq ans. S’il n’avait pas commis l’erreur de se faire attraper avant d’en profiter, bien entendu. Les autorités norvégiennes n’ont pas encore décidé de ce qu’elles allaient faire de ce paquet d’actions.

Jostein Eikeland a refusé nos demandes d’interview. Nous avons envoyé une série de questions au porte-parole genevois de Dmitri Rybolovlev, Claude-Olivier Rochat. Le milliardaire a-t-il une pleine confiance dans l’équipe dirigeante d’Alevo? Tiendra-t-elle ses promesses? Etait-il informé de l’implication d’un trafiquant de drogue parmi les investisseurs à l’origine de la société? «Contrairement à ma recommandation, personne ne répondra à vos questions, s’est désolé Claude-Olivier Rochat par retour d’e-mail. Je le regrette.»

Début octobre, Alevo a annoncé le lancement d’une nouvelle version miniaturisée de ses batteries. «Nous voyons un énorme potentiel commercial dans ce nouveau produit», s’est félicitée l’entreprise dans un communiqué. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Patrick Kovarik / AFP photo
Patrick Kovarik / AFP photo
Dagens Næringsliv
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Point final: derrière l’écran

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:54

C’est un de ces petits moments de vie, de ceux qui marquent et restent gravés quelque part, jusqu’à ce qu’un événement les tire du sommeil. La mort de Pierre Tchernia a fait remonter celui-ci. Une auberge aux abords de la forêt d’Ermenonville, au nord de Paris, début des années 90. Nappe et rideaux à carreaux, quatre personnes à table. Michel Galabru, Jean Richard, Pierre Tchernia. Le gendarme de SaintTropez, le commissaire Maigret, et Monsieur Cinéma.

Le repas marque un court instant de pause dans le tournage d’un téléfilm, remake du Viager, tourné vingt ans plus tôt. Les trois se connaissent depuis plus de trente ans, ils ont partagé La guerre des boutons et d’innombrables petits et grands instants de cinéma ou de télévision. A la fin du repas, l’un fume le cigare, l’autre la pipe, le troisième n’aime pas la fumée.

Petit, j’ai toujours détesté les génériques de fin, non seulement ils marquaient l’heure du coucher mais, par-dessus tout, la frustration de ne pas savoir ce qui se passait après, sur le plateau, dans la salle, derrière le rideau.

Là, j’y étais. Le quatrième à table. J’ai goûté ce petit instant de vie, comme sur un écran.

En sortant, je me souviens avoir vu passer une ambulance. Elle venait de Senlis. Elle transportait Yves Montand qui allait mourir quelques heures plus tard d’un infarctus, survenu juste à la fin de son dernier film, IP5, qu’il tournait à quelques kilomètres de là.

C’était comme un générique de fin.

pierre-yves.muller@ringier.ch / @pymuller

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Logitech 35 ans en 22 dates

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:55

1981
Création de Logitech à Apples.
Lancement une année plus tard de la P4, souris conçue dans le labo du professeur
Jean-Daniel Nicoud à l’EPFL.

1984
Première souris conçue et fabriquée par Logitech pour la firme californienne Hewlett-Packard.

1986
Premiers pas de Logitech dans la grande distribution avec le lancement de la Logi Mouse.
Première usine en Asie avec l’implantation de l’entreprise à Taïwan.

1988
Logitech devient cotée sur le marché boursier suisse.
Nouveau logo.

1992/94
Ouverture du premier centre de production à Shanghai, en Chine, puis transfert à Suzhou en 1994.

1994
L’entreprise lance sur le marché le premier joystick pour jeux PC, qui est aussi son premier produit spécialement conçu pour des jeux sur ordinateur.

1996
Vente de la 100 000 000e souris et lancement d’une caméra de vidéoconférence.

1997
Logitech devient publique sur le NASDAQ.
Lancement des premiers haut-parleurs PC.

1998
Daniel Borel, chairman et CEO, nomme Guerrino De Luca à la position de CEO pour lui succéder.
Daniel Borel reste chairman du groupe.
Acquisition de Connectix pour aborder le marché des webcams.

2001
Logitech acquiert Labtec, spécialiste des haut-parleurs pour PC.

2003
Pour la première fois, le groupe dépasse le milliard de dollars.

2004
Logitech acquiert Intrigue et se lance dans les télécommandes Harmony pour TV. Lancement de la première souris laser.

2006
Logitech rachète Slim Devices et attaque le marché de la musique sur l’internet.

2007
Pour la première fois, le groupe dépasse les 2 milliards de dollars.

2008
Le cofondateur de Logitech laisse sa place de président du conseil d’administration à Guerrino de Luca.
Daniel Borel reste membre du conseil.
Jerry Quindlen est nommé CEO à la place de Guerrino De Luca.

2008
Logitech vend sa milliardième souris.
Et acquiert Ultimate Ears (UE), spécialiste des oreillettes musique.

2009
Logitech reprend LifeSize dans le domaine de la vidéoconférence professionnelle. LifeSize sera revendue en 2015.

2010
Le groupe s’installe au Quartier de l’innovation de l’EPFL. Il s’agit de l’un des sites de recherche les plus importants de la société, qui en compte cinq au niveau mondial.

2011
Logitech traverse une crise, Jerry Quindlen s’en va et Guerrino De Luca devient CEO par intérim.
Logitech se lance dans les accessoires pour tablettes.

2013
Bracken Darrell
, qui a rejoint le groupe en avril 2012, en devient CEO.
Guerrino De Luca reste chairman.

2013
Logitech lance ses haut-parleurs sans fil BOOM.

2015
Daniel Borel quitte en septembre le conseil d’administration de Logitech, qui lui décerne le titre de chairman emeritus.
Et se prépare pour un tour du monde sur quatre ans à bord de son voilier tout en rêvant du Logitech 2.0 que Bracken Darrell et Guerrino De Luca vont développer!

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Logitech
Logitech
Logitech
Logitech / Keystone / DR
Logitech
Logitech / Keystone / DR
Logitech / Keystone / DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Daniel Borel: «Je plaide pour un 8e conseiller fédéral responsable des sciences, de la technologie et de la formation»

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:56

Interview. La Suisse est-elle bien parée pour la 4e révolution industrielle? Ce n’est pas gagné. Fondateur de Logitech, le fabricant de souris, Daniel Borel rappelle l’importance de nos hautes écoles, dénonce les lacunes technologiques de ceux qui nous gouvernent et la mesquinerie à l’égard du président de l’EPFL, Patrick Aebischer. Il sera l’un des orateurs de l’événement organisé par «L’Hebdo», le 2  novembre, à Neuchâtel.

Il nous reçoit au siège suisse de Logitech situé dans le Quartier de l’innovation de l’EPFL. Bronzé, toujours aussi passionné, Daniel Borel est arrivé la veille de la Silicon Valley, où tout a commencé pour lui il y a quarante ans. Dans quelques semaines, il poursuivra son tour du monde sur le catamaran qu’il s’est fait construire. Un voilier baptisé Mousetrap (souricière), clin d’œil au produit qui a fait le succès de l’entreprise depuis ses débuts.

Fondée en 1981, Logitech est l’un des rares pionniers de l’informatique à avoir survécu à la brutalité d’un marché en révolution continuelle. Alors qu’il croyait pouvoir se retirer, Daniel Borel a d’ailleurs été contraint en 2011 d’opérer un come-back imprévu pour aider à sauver du naufrage la société qu’il appelle volontiers son «bébé». La preuve que le succès n’est jamais définitivement acquis.

Président du Comité stratégique de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), il continue aujourd’hui de s’engager pour l’excellence de la recherche et de la formation en Suisse. Il aime rappeler l’extraordinaire développement de la haute école ces dernières années et son impact sur l’ensemble de l’économie romande. Et plaide pour la création d’un nouveau département fédéral, celui des sciences, de la technologie et de la formation pour le futur de la Suisse.

Il sera l’un des orateurs de l’événement organisé par L’Hebdo, le 2 novembre prochain, au Théâtre du Passage, à Neuchâtel, où il est né il y a soixante-six ans (pour plus d’infos, voir www.hebdo.ch/rendez-vous-du-forum).

La Suisse apparaît régulièrement en tête des classements des pays les plus innovants. Pourra-t-elle le rester?

Au premier rang, vraiment? Dès lors qu’on parle «d’innovation», c’est positif. Cela dit, le concept prête à discussion. Depuis toujours, la Suisse est la championne du nombre de brevets par tête d’habitant. Mais un brevet ou une invention n’est pas forcément synonyme d’innovation. Prenez l’invention du World Wide Web au CERN, à Genève. Elle ne déploiera ses effets qu’avec le lancement d’une véritable innovation, le browser de Netscape, qui donnera de fait naissance à l’internet grand public.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu, en Suisse, de deuxième Logitech?

Ou un deuxième Google? Airbnb aussi aurait pu être créé dans notre pays. En principe, il suffit d’un ordinateur et d’une connexion internet. Mais même si nous avions eu cette idée, cette société aurait-elle eu du succès? Je ne sais pas. Il y a dans notre ADN une certaine lenteur peu compatible avec la rapidité des changements dans l’informatique.

Est-ce propre à la Suisse?

Non, ça semble valoir pour toute l’Europe.

Les Etats-Unis et l’Asie vont donc dominer sans partage ce que l’on appelle la 4e révolution industrielle, comme ils l’ont fait pour l’informatique?

Comme l’a bien analysé le professeur Klaus Schwab du World Economic Forum dans son dernier livre, la 4e révolution industrielle est complexe et essentiellement mue par les technologies. Elle touchera pratiquement tous les domaines du quotidien et les emplois qui y sont associés. C’est un phénomène fondamentalement différent de tout ce que nous avons connu jusqu’ici. En ce qui me concerne, mon expérience et mon vécu sont d’abord liés à la dimension numérique de cette révolution. Difficile de dire qui l’emportera au final.

Mais la Silicon Valley continuera de jouer un rôle moteur. Prenez Facebook, par exemple. Grâce à des développements rapides associés à un large marché, cette entreprise a occupé en un temps record une position si dominante qu’elle décourage toute concurrence. Aujourd’hui, 20% seulement de ses clients sont américains… Même phénomène pour Uber et Airbnb.

En revanche, les biotechnologies, les sciences de la vie ou les technologies médicales, qui ont une dynamique plus lente mais plus en profondeur, nous conviennent mieux. Un exemple? La start-up MindMaze, une spin-off de l’EPFL créée par Tej Tadi, qui se trouve précisément à la croisée des neuro­sciences et de la réalité augmentée. Elle est aujourd’hui valorisée à plus de 1 milliard de francs.

Avant même d’entrer en Bourse, Airbnb et Uber sont, elles, valorisées à 30 et 68 milliards de dollars, respectivement. Délirant, non?

Le débat est ouvert. Il y a effectivement des réminiscences de la bulle internet. Cela dit, la puissance de cette révolution, c’est qu’elle donne une nouvelle vie à des activités économiques qui ont toujours existé. Les taxis s’appellent désormais «Uber».

Cette vague de fond est-elle comprise par les politiciens?

Cette nouvelle révolution industrielle trouve sa genèse dans l’émergence de nouvelles technologies numériques: intelligence artificielle, big data, robotique… Je le répète: tous les domaines seront touchés d’une manière ou d’une autre. Pour répondre à votre question: j’ai suggéré l’idée, lors d’une rencontre avec le conseiller fédéral et président de la Confédération, Johann Schneider-Ammann, d’un audit technologique du gouvernement et de l’administration fédérale (rires). Et pourquoi pas du Parlement?… Puisque la technologie redéfinit l’ensemble de la société, les citoyens ont le droit de savoir si les politiciens ont saisi les enjeux de cette 4e révolution industrielle et s’ils sont à même de guider le pays vers l’avenir. Monsieur le président Schneider-Ammann n’a pas franchement rigolé… mais il a tout de même souri à ma proposition.

Un audit?

Oui, le Contrôle fédéral des finances fait bien des audits…

Vous plaisantez?

Pas du tout. Il me semble légitime de nous interroger sur les compétences technologiques de ceux qui nous gouvernent. Ne sont-ils pas appelés à prendre des décisions qui engagent l’emploi et la prospérité du pays tout entier? En ce sens, je trouve difficile à comprendre que l’on confie la présidence du Conseil des écoles polytechniques (EPF), et donc la stratégie de ces hautes écoles, à un juriste et notaire (ndrl: le Glaronnais Fritz Schiesser). Je n’ai rien contre les juristes ni les notaires. Mais j’observe un manque flagrant de connaissances scientifiques, technologiques et de gestion, dommageable à un poste aussi essentiel.

Pourtant, il vient d’être confirmé à son poste pour quatre ans…

Je ne suis pas naïf. Je comprends l’importance d’avoir des responsables qui disposent du bon réseau politique si l’on veut convaincre à Berne. Mais il y a d’autres paramètres. Comme celui d’avoir une vision claire des enjeux liés au développement de la science et de la technologie pour ce pays, justement. Rien de personnel contre M. Schiesser. Mais il lui manque clairement cette compétence.

Avec ce que j’ai vécu, vu et entendu, je pense avoir le droit de m’exprimer. C’est même de mon devoir. Je m’interroge aussi sur le budget opérationnel du Conseil des écoles polytechniques qui est passé, sous le règne de M. Schiesser, à quelque 15 millions de francs.

A quoi servent ces 15 millions? Comment sont-ils dépensés? Peut-être ne serait-il pas inutile de faire un audit pour répondre à cette question. Comme il serait intéressant de savoir pourquoi on a renommé certains membres externes du Conseil des EPF au-delà du maximum admis de douze ans. Il y a là un petit problème de gouvernance, me semble-t-il.

On parle depuis quelques mois de la nomination d’un secrétaire d’Etat au Numérique. Utile?

J’irais même plus loin. Je plaide pour la création d’un Ministère des sciences, de la technologie et de la formation pour le futur de la Suisse, qui coifferait aussi les écoles polytechniques. Et donc pour l’élection d’un huitième conseiller fédéral.

Une idée qui ne va pas se réaliser du jour au lendemain…

Je sais. Mais c’est pour moi une manière de souligner l’importance absolument prioritaire de ces enjeux.

Que faire d’autre pour que l’économie suisse reste à la pointe?

On s’émeut beaucoup du franc fort et du risque de désindustrialisation de la Suisse. Mais la seule réponse, en utilisant les technologies nouvelles, c’est d’accélérer la transformation de notre économie si nous voulons vraiment vivre aussi bien demain qu’aujourd’hui.

La clé, ce sont les gens: people, people, people… C’est donc la qualité de notre système de formation, de l’apprentissage à la formation continue, qui est clé. On dispose aujourd’hui des MOOCs (massive online courses). Un outil fantastique. L’EPFL s’est d’ailleurs engagée comme aucune autre université en Europe. J’y crois beaucoup. Cela pourrait être aussi l’un des points forts de l’initiative Digitalswitzerland.

Accélérer le mouvement, c’est aussi laisser une génération sur le carreau, non?

Il faut évidemment accompagner cette transformation en soutenant ceux qui pourraient être affectés. Mais au final, ces nouvelles technologies créent les emplois de demain. Et tout le monde a sa chance. La peur est la pire des conseillères. Et cessons de chercher des poux à ceux qui font avancer les choses. En Suisse, on déteste les têtes qui dépassent, comme l’a si bien écrit l’ancien conseiller national et professeur de l’EPFL Jacques Neirynck dans son blog hébergé par L’Hebdo.

Vous faites, là encore, allusion à l’audit des écoles polytechniques fédérales par le Contrôle fédéral des finances qui vous a tellement mis en colère?

En seize ans, sous le mandat de Patrick Aebischer, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, une école locale, s’est métamorphosée en une institution de rang mondial. Une croissance pareille n’est pas facile à maîtriser et personne n’est parfait. Mais L’EPFL a eu droit à des insinuations infondées au moment de la publication de cet audit pour apprendre finalement qu’il n’y avait pas eu ni de problèmes sérieux ni de vrais dépassements de budgets. Une tempête dans une tasse de thé.

Avec quel objectif?

Je ne sais pas. Mais le résultat, c’est la division plutôt que le rassemblement des forces. On a voulu ternir le bilan de quelqu’un qui a non seulement transformé cette école de façon unique, mais qui, en plus, a levé plus de 1 milliard de francs pour financer ces développements.

C’est impressionnant de voir comment la bonne personne, au bon moment et au bon endroit, peut faire la différence. Un homme dont l’histoire se rappellera. Au-delà de l’audit, qui n’a rien de spécial en soi, c’est bien la manière dont cette affaire a été menée qui révèle un manque de bon sens patent mais aussi un désir de détruire. C’est triste et malsain.

Le fruit d’une rivalité entre Lausanne et Zurich?

Je veux croire que non. On doit tout faire pour que l’EPFZ et l’EPFL rayonnent au-delà de nos frontières. Pour moi, ces deux écoles sont remarquables, elles doivent être aussi les garantes d’un certain futur de la Suisse. Leurs budgets ne devraient pas être considérés comme une dépense mais comme un investissement pour l’avenir. Berne a tendance à l’oublier.

Nous sommes un trop petit pays pour être divisés. Cela dit, le Conseil des écoles polytechniques doit impérativement être transféré à Berne. Il se trouve à Zurich pour des raisons historiques. Aujourd’hui, c’est une hérésie que plus rien ne justifie.

Vos arguments?

L’idée, ce n’est pas d’organiser un concours de beauté entre les deux écoles. La concurrence est hors de nos frontières, mais force est de reconnaître que les développements très réjouissants de l’arc lémanique autour de l’EPFL, notamment dans les biotechnologies – on ne parle pas pour rien de «Health Valley» – ont donné à l’EPFL sa place sur l’échiquier mondial au même titre que l’EPFZ avant elle.

A noter aussi que, depuis le début de l’année, les start-up issues de l’EPFL ont déjà reçu plus de 300 millions de francs, soit plus de la moitié du capital-risque levé en Suisse. Ce qui représente au final des nouveaux jobs à forte valeur ajoutée. Pas seulement pour les ingénieurs, mais aussi pour tous les corps de métier. On ne peut plus l’ignorer à Berne.

La preuve aussi que l’environnement pour les nouvelles entreprises s’est amélioré…

Oui, sauf que la fiscalité des start-up est à l’inverse de ce qu’elle devrait être pour motiver les créateurs d’entreprises, ceux-là mêmes qui vont renouveler la place industrielle suisse. Ce qui se passe est absurde. La Confédération et les cantons doivent régler cette situation de toute urgence.

D’autres exemples?

La loi de 1962 sur l’enregistrement du temps de travail remise au goût du jour depuis le 1er janvier par le SECO! En gros, on veut réintroduire l’équivalent de la timbreuse des Temps modernes. Croit-on vraiment qu’on va inventer le nouveau Google ou le nouveau Facebook en faisant pointer les gens? Ces changements passent inaperçus, mais ils sont autant de signaux inquiétants pour l’avenir de notre pays. Lorsque j’en parle à notre ministre de l’Economie, il me répond que la politique…

Vous ne comprendriez rien à la politique, c’est ça?

De toute évidence pas à la politique pour la politique. Pour moi, la politique est censée servir le peuple et le bien du pays dans son ensemble. Il faudrait aussi qu’on m’explique pourquoi on paie les présidents des écoles polytechniques 350 000 francs seulement – ce qui ne facilite pas le recrutement à l’échelle mondiale – alors que les patrons des CFF ou de La Poste touchent plus de 1 million. Là encore, je pose la question: si l’on prend comme critère l’importance de la Suisse au niveau technologique mondial, si on se donne comme priorité la création d’emplois pour les générations montantes, si on a à cœur la solidité de notre économie, cette différence de traitement est-elle défendable? La réponse est non.

Vous fêtez cet automne le 35e anniversaire de Logitech. Comment avez-vous réussi à survivre dans le monde brutal de l’informatique?

Nous ne sommes pas totalement suisses (rires). Dès le début, en plus de la Suisse, nous étions ancrés dans la Silicon Valley et au Japon. Nous nous sommes implantés à Taïwan il y a trente ans. Oui, nous avons eu la chance de survivre, c’est le mot. Et quand je regarde autour de moi, il ne reste plus beaucoup des sociétés que j’ai connues, nées dans le sillage du PC d’IBM lancé en 1981. A l’exception d’Apple, Microsoft et quelques autres.

Parce que nous avions peu de marge de manœuvre (nous étions petits, nous avions peu d’argent…), nous avons dû apprendre vite, très vite de nos erreurs, identifier nos faiblesses et nous concentrer sur nos forces, mais aussi faire du monde notre place de travail pour atteindre une taille critique. Nous n’avons jamais eu de quartier général à proprement parler.

Vous parlez de vos forces, lesquelles?

Des produits «cools», ce sont eux qui ont fait notre identité! Nous avons compris très tôt que notre spécificité se trouvait dans des produits comme les souris, puis les claviers, les caméras, les haut-parleurs… qui sont en fait à l’interface «homme-machine», un domaine qui évolue plus lentement que les PC eux-mêmes et basé sur une diversité de technologies. De ce point de vue-là, nous sommes très suisses. En raison de sa petite taille, notre pays a un atout unique, celui de maîtriser de nombreuses technologies, sans forcément être un leader mondial dans chacune d’elles. Et d’innover ainsi à l’intersection des technologies «info», «nano», «bio» et «cogno»… pour résumer.

Depuis votre création en 1981, vous avez failli disparaître à deux reprises…

Le succès n’est jamais acquis. Entre 1992 et 1994, après les années «tapis rouges des banquiers», ce fut le «tapis noir, très noir». Ce n’était pas vraiment de notre faute, mais celle d’un marché hyper-concurrentiel. Les fabricants taïwanais ont soudainement attaqué le marché du PC en divisant les prix par deux. Imaginez! Du jour au lendemain, nous avons dû faire face à un véritable tsunami.

Avec quelles conséquences?

Pour des raisons de coûts, nous avons été contraints de fermer notre usine en Irlande, qui employait 170 personnes. Nous avons cessé de produire dans la Silicon Valley et donc licencié 370 collaborateurs. A Taïwan, nous avons réduit les effectifs de 1000 à 500 personnes pour tout miser sur la Chine, dès 1992, avant tous nos concurrents. C’était dramatique, mais c’est ce qui nous a sauvés. Et, comme toujours, la prise de risques et les opportunités vont de pair.

Et la deuxième fois?

Entre 1998 et 2008, grâce au développement fulgurant de l’internet pour le grand public, l’utilisation du PC à la maison a explosé. Les ventes de nos produits ont connu une croissance incroyable. Nous avons ainsi passé la barre du milliard de dollars de revenus en 2003 et celle des 2 milliards en 2007! Mais voilà, au sommet de notre gloire en 2008, la crise Lehman Brothers nous a aussi fait perdre nos repères.

En quoi le choc a-t-il déstabilisé Logitech?

Cette crise nous a forcés à nous restructurer et par là même a fortement affecté notre capacité d’adaptation et notre attention à des développements technologiques extrêmement disruptifs, comme l’iPhone, qui a d’ailleurs coûté la vie à Nokia. De plus, notre nouveau CEO, qui venait d’entrer en fonction début 2008, a pris peur. Il avait mal assimilé notre ancrage international, que ce soit à Taïwan, en Chine, mais aussi en Suisse. Il a dès lors tenté de changer notre modèle de toujours en recentrant nos activités aux Etats-Unis.

Par provincialisme et en contradiction avec cette culture de la diversité et de la répartition des risques qui avait fait notre succès. Mauvais timing! De plus, Logitech a totalement manqué l’arrivée des nouvelles technologies liées à la mobilité. Le réveil a été d’autant plus douloureux!

Plus précisément?

Le remplacement du PC par les smartphones et les tablettes pour ce qui touche à l’accès et au partage d’information sur internet, renforcé de plus par l’avènement de la 3G puis de la 4G, a redéfini le rôle du PC et fortement diminué les ventes de nos produits. Nous avons ainsi été contraints de repenser notre approche produits. Mais avant cela, j’ai vu «ma» société dégringoler, ce qui a conduit à l’inéluctable départ du CEO.

Pour éviter une issue fatale, il a fallu que nous retrouvions nos racines. Grâce aux excellents ingénieurs et aux collaborateurs qui étaient restés mobilisés malgré les difficultés, nous nous sommes remis à lancer des produits «cools», comme nous le faisions auparavant pour le monde du PC. C’est ainsi que nous avons enfin pu surfer sur la vague de ce nouveau monde numérique, toujours aussi «brutal» mais plein d’opportunités et d’espoir.

Quel lyrisme!

Vous savez, quand vous avez frôlé la catastrophe, vous êtes d’autant plus passionné lorsque vous avez réussi à redécoller. Cela dit, les meilleures entreprises ont aussi eu des ratés. Même Microsoft, qui avait initialement manqué la première révolution internet…

Au final, quels seront les leaders de cette fameuse 4e révolution industrielle?

C’est assez vite dit: comme les technologies sont à la base de cette transformation, tous les pays qui auront su rester à la pointe.

Et la Silicon Valley?

La Silicon Valley, ce n’est pas les Etats-Unis. Et elle va rester l’endroit où cela se passe. Cette région développe et absorbe les nouvelles technologies comme nulle part ailleurs au monde. On y trouve aussi un mélange unique de races et de cultures différentes. Il n’y a pas d’interdit, rien n’est impossible. Ce qui motive ceux qui s’y installent, c’est d’être les premiers à découvrir the next big thing.

C’est un écosystème unique. Et une culture, je le répète. Il faut l’avoir vécu de l’intérieur et sur la durée pour le comprendre. En ce qui me concerne, près de quarante ans. Difficile pour le visiteur lambda d’en saisir l’essence en un seul voyage de quelques jours.

Donald Trump représente-t-il un risque?

Hélas, oui. On a bien vu ce qui s’est passé après le 11 septembre 2001. La politique d’immigration mise en place par l’administration Bush a par exemple poussé tous ces ingénieurs indiens, qui ne se sentaient plus les bienvenus aux Etats-Unis, à retourner chez eux, à Bangalore ou ailleurs. On a parlé de fuite des cerveaux à l’envers (reverse brain drain). Ce fut en effet une vraie perte.

Quand Donald Trump parle de reconstruire des murs et de fermer le pays, on comprend qu’il provoquerait sans doute, s’il était élu, une nouvelle vague de départs fort dommageable pour l’ensemble de l’économie américaine.

Vous passez désormais une bonne partie de votre temps aux Etats-Unis…

Je me sens d’abord Suisse, même si tous mes enfants et petits-enfants font leur vie outre-Atlantique. Mais la maison de famille reste la maison de mes beaux-parents, à Apples, au-dessus de Morges. Je me sens de plus très attaché à Cudrefin et à cette merveilleuse réserve naturelle qu’est la Grande Cariçaie. Ce sont mes vraies racines, au bord du lac de Neuchâtel, où j’ai mes plus beaux souvenirs d’enfant. Les odeurs, la lumière… Nous sommes tous ancrés quelque part. Et tant qu’on se soucie de son pays, c’est qu’on l’aime, non (rires)?

Mais pour le moment, c’est l’heure de la retraite et je vais profiter de découvrir le monde, non plus entre deux avions, mais à bord de mon voilier, avec ma famille et mes amis. On se reverra, je l’espère, dans quatre ans. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
François Wavre / Lundi13
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Contre-temps: d’une ligue à l’autre

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:56

Guillaume Têtu est honnête: c’est la première fois qu’il essaie ces nouveaux fauteuils. Car le petit salon où l’on rencontre le nouveau directeur opérationnel de la division horlogère de Ralph Lauren vient seulement d’être aménagé. Mais aussi parce que, étant arrivé en février dernier dans le grand bâtiment gris-noir de la marque américaine à Plan-les-Ouates, il est encore en train de prendre ses marques.

Le Neuchâtelois a quitté la direction de la petite maison indépendante Hautlence juste après le SIHH pour rejoindre Ralph Lauren. «Normalement, je devais y devenir le directeur du développement des produits», explique-t-il. C’est ce qui s’est passé durant sept mois, jusqu’à ce que son supérieur, Luc Perramond, quitte le navire et lui cède sa place.

«Ce n’était pas prévu. En quelques mois ma vie a complètement changé.» Guillaume Têtu a quitté son appartement de Bôle (NE) avec sa famille, dirige désormais une équipe d’une trentaine de personnes et se rend au moins une fois par mois à New York pour discuter avec Ralph Lauren des nouveaux designs – «il s’implique jusque dans les moindres détails, c’est un réel connaisseur»...

Maintenant qu’il a de nouveau les clés du véhicule dans lequel il se trouve, Guillaume Têtu retrouve «la fougue et la flamme d’une petite entreprise… avec l’avantage d’avoir deux géants derrière moi». Car il ne pilote pas tout à fait cette entité en solo: il travaille avec l’appui de la force industrielle de Richemont. La légende raconte en effet qu’en 2008, Johann Rupert (actionnaire majoritaire du groupe de luxe genevois) et Ralph Lauren n’ont eu besoin que d’un repas ensemble pour créer leur coentreprise.

«Ralph Lauren, c’est les idées, le design, le pilotage des produits et l’image de marque. Richemont, c’est l’exécution, les opérations jusqu’à la distribution, l’accès aux sous-traitants et aux mouvements», résume Guillaume Têtu. Personne ne le cache: il y a des mouvements IWC, Piaget ou encore Jaeger-LeCoultre dans les montres estampillées RL. Pour l’entrée de gamme, la marque s’adresse à Sellita. Les prix, de 2000 à 800 000 francs.

Le nouveau patron s’est fixé trois objectifs: améliorer la connaissance du produit dans les boutiques de la marque, augmenter les ventes de ses pièces chez les détaillants externes et développer les pièces féminines et la joaillerie. Tout en restant dans les univers de la marque. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Du pis de la vache aux rayons des grands distributeurs, dans les coulisses de la fabrication des TamTam et Perle de Lait

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:57

Mehdi Atmani

Reportage. Dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates, les Laiteries Réunies transforment plus de 360 produits, à destination notamment de grands distributeurs. L’entreprise genevoise modifie sans cesse ses recettes pour s’adapter aux nouvelles tendances et faire face aux normes de production, d’hygiène et de sécurité alimentaire toujours plus drastiques.

C’est une petite enclave indépendante de l’agroalimentaire au cœur d’un bastion de l’horlogerie de luxe. A Plan-les-Ouates, dans la banlieue de Genève, la façade jaune poussin des Laiteries Réunies tranche avec l’austérité des immeubles vitrés de Rolex, de Vacheron Constantin ou de Patek Philippe.

L’entreprise genevoise fondée en 1911 se targue d’avoir inauguré la zone industrielle lors de son implantation sur le site en 1982, quand il n’y avait encore que des champs. Le voisinage des Laiteries Réunies (LRG) a bien changé. De même que ses activités. Avec le temps, la Fédération, qui a généré 239 millions de francs de chiffre d’affaires en 2015, est devenue une belle PME qui fournit les rayons frais de Coop, de Migros, de Manor et d’Aligro pour ne citer qu’eux.

Au cœur de la zone industrielle, les employés cravatés des groupes horlogers bravent l’averse orageuse. Ils pressent le pas pour se mettre à l’abri, tout en jetant un regard furtif sur les Laiteries Réunies. Ils ignorent peut-être que derrière les murs jaunes en béton se transforment plus de 360 produits alimentaires qui leur sont familiers: le brie (truffé ou pas), les tommes vaudoises et genevoises, le reblochon, le gruyère (pour l’affinage), les Panier de Yoplait, les briques de lait, le jambon en tranches Del Maître et les saucisses à rôtir via sa filiale carnée à Satigny (GE).

Mais les produits phares des Laiteries Réunies, ce sont les célèbres flans TamTam et les yogourts de la gamme Perle de Lait. Un véritable carton, puisque l’entreprise en écoule 1000 tonnes de chaque par année en Suisse romande.

Comment sont produits ces articles si connus des Romands? Pour le savoir, nous patientons sur le parking des Laiteries Réunies, faute d’avoir noté le code d’entrée. Là, des véhicules genevois et vaudois côtoient des automobiles immatriculées en France voisine.

On l’oublierait, mais l’entreprise est une coopérative qui compte quelques sociétaires français des zones franches de Genève. Il s’agit de 540 km2 entre les départements de l’Ain et de la Haute-Savoie. Plus loin, au coin de l’entreprise, des employés tirent une dernière bouffée de cigarette avant de regagner la ligne de production.

Services secrets

Pierre Charvet, directeur général des Laiteries Réunies depuis 2012, nous accueille avec la bonhomie et l’énergie si caractéristiques des patrons qui se sont construits avec leur entreprise. Le sexagénaire a démarré aux Laiteries Réunies en 1974, dans l’ancienne usine de Carouge, à l’un des postes les plus pénibles: la pasteurisation.

«Un travail de nuit dans une chaleur étouffante, dit-il. Vous jugerez par vous-même.» Pierre Charvet nous conduit dans son bureau au deuxième étage. Le long du couloir, de petites niches où s’alignent les départements finance et ressources humaines, la comptabilité et le marketing. Le décor semble figé depuis les années 80.

L’innovation se cache ailleurs, au sein du service recherche et développement. C’est ici que s’élaborent notamment les recettes des produits laitiers. Dans le minuscule bureau, trois collaborateurs sont en pleine réunion. Ils planchent sur des nouveautés pour répondre aux attentes des grands distributeurs et aux envies du consommateur.

On aimerait en savoir plus. Les trois membres du service R&D sourient, mais se taisent. Pierre Charvet éclate alors de rire. «Ils vous révéleraient plus volontiers leurs coins à champignons que les recettes ultrasecrètes qu’ils ont concoctées.»

Et celle du TamTam? «La composition d’un TamTam, c’est du lait des Laiteries Réunies, du sucre et du caramel que l’on fabrique ici, répond Pierre Charvet. Nos produits se doivent d’être présents chez tous les grands distributeurs. Sinon, c’est la mort. Migros et Coop représentent 80% du marché. On ne brade cependant pas nos produits. Les prix de vente chez Aldi et Lidl sont comparables à ceux des autres clients.» Le directeur général ne nous dira pas sa marge. «Nous définissions bien les prix, mais je ne vous cache pas que l’on se fait serrer le kiki chaque année, lâche le directeur général. Pour tenir, il faut innover. C’est capital.»

Chaque début d’année, Pierre Charvet organise un comité scientifique avec les chimistes et vétérinaires cantonaux, des diététiciens ainsi que les cadres maison. Lors de ces séances, le directeur général prend connaissance des nouveaux produits à élaborer en fonction des dernières tendances. «Les normes sont très strictes.

Par exemple pour les produits du label Genève Région-Terre Avenir (GRTA), seuls les arômes naturels fraise et abricot sont utilisés. Il n’y a plus d’additifs ni d’agents conservateurs.» Et d’ajouter: «Nous avons un service qualité très pointu. Nous faisons très attention à toutes nos matières premières et à nos ingrédients. On se doit de respecter le consommateur. C’est indispensable si l’on veut pérenniser nos affaires.» Pierre Charvet ne cache pas que, à l’époque, c’était un peu moins strict. Cette ère est révolue.

Pour s’adapter aux nouvelles tendances des consommateurs et faire face aux normes de production, d’hygiène et de sécurité alimentaire toujours plus drastiques, les Laiteries Réunies modifient sans cesse les recettes de leurs produits laitiers «pour qu’elles soient les meilleures et les plus naturelles possible», souligne Pierre Charvet. Les yogourts sont fabriqués à base de lait, de crème et de lait concentré. «Nous produisons notre lait concentré par osmose.»

Un processus industriel qui débarrasse le lait à froid de son eau. Le résultat ressemble à un concentré que les laiteries incorporent au lait. «Cela va donner un yogourt très onctueux», comme les Perle de Lait, par exemple.

L’équilibre des bactéries

L’acidification qui assure la conservation s’effectue par une sélection rigoureuse des ferments lactiques. «Ce sont eux qui vont faire le yogourt. Ils développent les arômes et acidifient le yogourt en transformant le lactose.» Les ferments lactiques sont plus ou moins présents dans les recettes des yogourts. Tout dépend du résultat que l’on veut obtenir. «Nous travaillons sur cet équilibre de bactéries pour rendre le yogourt plus ferme ou plus onctueux», précise Pierre Charvet.

Chaque industriel a sa recette. Pour le Perle de Lait, il s’agit de bifidus actif, c’est-à-dire un yogourt enrichi en matière grasse et en protéines lactiques. «Cela donne une texture de produit remarquable.» Les Laiteries Réunies développent la recette Perle de Lait sous licence Yoplait pour l’adapter au «goût suisse» en le rendant plus onctueux, souligne le directeur général. En d’autres termes, la composition et la texture de ce yogourt diffèrent sensiblement selon l’industriel laitier qui le produit.

Pierre Charvet nous tend une blouse blanche, une charlotte et des protections pour les chaussures. Il nous conduit ensuite deux étages plus bas, là où tout se passe. Ce mardi est consacré à la production des flans TamTam et des Perle de Lait. Ils sont fabriqués du plus clair au plus foncé, c’est-à-dire du plus basique (le nature) au plus élaboré (goût mangue) en ce qui concerne Perle de Lait.

Passé le sas de désinfection, le changement d’ambiance est radical. L’air est filtré et climatisé. Il est 10 heures. Les camions ont livré le lait en début de matinée. Les premiers employés s’activent depuis

2 heures du matin. Pierre Charvet tient à nous montrer la production de tommes vaudoises et genevoises. Face à nous, c’est un ballet d’ouvriers qui s’activent à leur confection dans un calme olympien. Seul le bruit des machines industrielles perturbe leur concentration.

Gruyère, mozzarella, flans

A notre gauche, les palettes de tommes fraîches sortent des mains des artisans fromagers. Elles séjourneront une dizaine de jours dans des caves tempérées jusqu’à maturité. Puis elles passeront devant nous sur le tapis roulant pour rejoindre le contrôle qualité, l’étiquetage et le conditionnement. Les marques qui défilent sous nos yeux nous sont familières. Les Laiteries Réunies produisent chaque année 1400 tommes sous toutes leurs formes; nature, à la truffe, au cumin.

Pierre Charvet nous conduit vers les lignes de production des flans et des yogourts. Il en profite pour faire un détour aux caves à fromages, où les meules de raclette et de gruyère patientent. Le gruyère est donc genevois? «Il est produit par nos sociétaires dans le Jura vaudois. Nous nous occupons de l’affiner», répond le directeur général.

Nous bravons le vacarme des cuves de pasteurisation pour rejoindre l’atelier de réception du lait. Seul un employé y travaille à cette heure. C’est ici que Pierre Charvet a débuté aux Laiteries Réunies, il y a plus de quarante ans. Plus loin, deux employés confectionnent à mains nues les boules de mozzarella artisanale. Le taux d’humidité avoisine les 95%. Ils profitent de la présence du patron pour évoquer la qualité du lait livré ce jour. L’ambiance est familiale.

Le tutoiement se pratique souvent entre le directeur et ses 334 collaborateurs. Nous repassons par un sas de désinfection. Les effluves de caramel nous guident à destination. «Vous vouliez voir la recette des TamTam?» sourit Pierre Charvet. «Elle est là.» Il pointe du doigt trois cuves sur lesquelles on peut lire «poudre de lait», «sucre» et «poudre de cacao».

Au bas des escaliers, un ouvrier s’affaire sur la machine qui va fabriquer les flans. La production des TamTam caramel est terminée. Place au chocolat. Il faut tout réajuster. A gauche de la machine, les rouleaux de couvercles sont découpés. En dessous, le monstre d’acier perce les pots en plastique. Au centre, le liquide cacao s’écoule. Les pots sont refermés en bout de chaîne, puis filent sur un tapis roulant vers le conditionnement. A côté, la ligne de production des Perle de Lait s’active de la même manière. Il s’en écoule plusieurs milliers d’unités par jour.

Le périple s’achève derrière une dernière porte où la température chute à 4°C. Devant nos yeux, 14 000 m2 d’entrepôt où sont stockés les milliers de produits de l’entreprise. A l’extérieur, des camions patientent en attendant le chargement des palettes à destination des entrepôts régionaux et des grands distributeurs de Suisse. Pierre Charvet marque une pause et nous fait cadeau d’un fromage à pâte molle. C’est une nouveauté. Un produit baptisé Le Délice de l’Horloger. Un clin d’œil des Laiteries Réunies à leurs voisins Rolex, Vacheron Constantin et Patek Philippe.


Des Airs de multinationale

Le groupe Laiteries Réunies, entreprise suisse à structure coopérative, gère neuf sociétés filiales actives dans quatre secteurs d’activités.

Les Laiteries Réunies prennent désormais des airs de multinationale. Le groupe est propriétaire de neuf sociétés filiales actives dans quatre secteurs d’activités: le lait et les produits laitiers, la boucherie et la charcuterie, mais aussi le négoce et la logistique. En 2015, le chiffre d’affaires s’est élevé à 239 millions de francs, dont  17% du total sont représentés par le secteur laitier.

En tout, les Laiteries Réunies transforment 50 millions de litres de lait par an, produits par 7100 vaches de 63 exploitations réparties dans les cantons de Genève et de Vaud, ainsi que dans les zones franches du Pays de Gex et de Haute-Savoie.

Jusqu’en 2012, c’est le groupe lucernois Emmi qui avait la main sur la production des TamTam et des Perle de Lait. «Mais le développement des affaires s’est révélé plus complexe que prévu», se souvient Pierre Charvet, directeur général des Laiteries Réunies. Cette dernière reprend alors les parts d’Emmi en 2013 et décide de relancer le TamTam.

La première mesure consistera à remettre le petit Mexicain, symbole de la marque, sur les couvercles des pots. «Un carton en Suisse romande», souligne Pierre Charvet. TamTam fêtera ses 50 ans au mois de septembre prochain. Les célèbres flans inondent les rayons frais de Coop, de Migros, de Manor, d’Aligro. Le groupe vient aussi de conquérir d’autres distributeurs: Aldi et Lidl. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Mehdi Atmani
Rubrique Une: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

La mort de la neige et des glaciers

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:57

L’Université de Neuchâtel et l’Office fédéral compétent ont constaté que, à l’automne, la neige tombe en moyenne douze jours plus tard qu’en 1970 et que, au printemps, elle disparaît vingt-cinq jours plus tôt.
 

Ils ont encore relevé que le manteau neigeux était en moyenne plus mince d’un quart qu’à l’époque. Toujours plus de stations de moyenne montagne doivent cesser l’exploitation de leur domaine skiable. Pour survivre en altitude, il faut toujours plus de canons pour guerroyer contre le réchauffement climatique. Des canons à neige. D’ailleurs, on ne sait pas encore si Loèche-les-Bains aura assez d’argent pour sauver ce genre d’équipement nécessaire à son domaine skiable.

Le glacier d’Aletsch est le plus long des Alpes. Il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco. Depuis des années, il fond plus vite que le fromage à raclette le plus gras du Valais. A cause du réchauffement climatique. Jusqu’ici, les géologues partent de l’idée que ce géant de glace perdra 90% de son volume au cours du siècle. Et que, peu à peu, d’immenses lacs de montagne verront le jour, qui à leur tour enrichiront un paysage transfiguré.

Selon la thèse officielle, il faut accepter la fonte des glaciers et ne pas voir que la face sombre du changement. Les Valaisans se consolent comme ils peuvent: les glaciers des autres meurent avant les nôtres, qui sont plus épais et situés en plus haute altitude que ceux des cantons de Vaud, de Berne et des Grisons.

Beaucoup d’agences publicitaires s’arrachent les cheveux. Comment vendre une mort de la neige et des glaciers désormais inéluctable? Solution intermédiaire macabre: aller voir les glaciers avant qu’ils ne soient morts.

Mais les choses se présentent très différemment de ce que l’on croyait. Au nord de Riederalp, 200 millions de mètres cubes de rocher menacent de s’effondrer en direction du glacier d’Aletsch. Ce serait trois fois plus qu’en 1991 à Randa. En dépit de toutes les études pertinentes, nul n’aurait pensé que ce fût possible. Sur place, des géologues et des spécialistes français tentent de comprendre ce qui se passe.

En effet, la pente bouge à une vitesse de 60 centimètres par jour. Nul ne saurait plus exclure un énorme effondrement. Ni que cette masse de roche donne naissance à un lac, comme à Randa. Un lac dont la rupture inonderait la vallée du Rhône partout où le cours du fleuve n’est pas encore corrigé.

La neige et les glaciers sont notre patrie. La stratégie énergétique 2050 est une étape trop modeste. Mais, même contre elle, une UDC lasse de la patrie lance le référendum. C’est un nouveau Röstigraben! 

Mots clés: 
Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Prix Nobel de consolation

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:58

Cette semaine, le prix Nobel de la paix a été décerné à Juan Manuel Santos, le président de la Colombie, pour l’accord de paix avec les FARC, mettant fin à cinquante ans de guerre.

Sauf que cinq jours avant l’annonce du Nobel, le peuple colombien a rejeté l’accord de paix par référendum, à une infime majorité, car ils le trouvaient trop clément avec les guérilléros. Mais bon, visiblement le nom était déjà gravé sur la médaille, c’était compliqué de changer, et on ne va pas laisser la démocratie se mettre en travers d’une si jolie histoire. Donc Juan Manuel Santos, la paix, il ne l’a pas encore, mais il a déjà le Nobel qui va avec. C’est comme une pote qui a reçu une Mini Cooper pour ses 18 ans mais qui n’a jamais réussi à passer le permis.

Faire la paix c’est difficile, sinon tout le monde la ferait. D’ailleurs ça fait longtemps que le comité du prix Nobel ne récompense plus ceux qui la font, mais ceux qui essaient de la faire, comme pour leur dire: «Allez, encore un petit effort, vous y êtes presque.» C’est une gommette. L’équivalent d’une remarque dans le carnet: il se donne de la peine, en a, et nous en fait.

Mais je n’aimerais pas être à la place du comité. Le Nobel de la paix, c’est comme l’Eurovision, c’est pas évident de trouver un gagnant chaque année. Et ça donne Conchita Wurst.

Pendant la Seconde Guerre mondiale ils n’ont pas décerné le Nobel de la paix. Tout le monde était puni. Au lit sans Nobel! Faut dire que les gens n’avaient pas trop le temps de venir le chercher et ça l’aurait pas trop fait. Un peu comme décerner le GaultMillau en Somalie.

Mais depuis, ils le donnent, beaucoup, et parfois ils devraient attendre de voir la fin du film. Les Palestiniens encerclés par un mur et croulant régulièrement sous les bombes doivent être heureux de savoir qu’un prix Nobel a été décerné pour la paix au Proche-Orient, il y a déjà vingt-deux ans. Ils doivent se dire qu’elle fait beaucoup boum, la paix. Les trois lauréats sont d’ailleurs morts depuis, dont un seul de façon totalement naturelle. Bon, à l’époque, Yasser Arafat était allé chercher le prix en tenue de camouflage avec son flingue, donc c’était pas encore gagné…

Gandhi ne l’a jamais eu mais Henry Kissinger oui, lui dont le nom est associé à de nombreux massacres. Mais il a contribué à la fin de la guerre au Vietnam. Et aussi à son déclenchement. Mais dans ce cas-là, ça devient un peu caricatural, on peut aussi donner le Nobel de la paix à l’équipage de l’Enola Gay, l’avion qui a bombardé Hiroshima, pour son rôle dans la fin de la Seconde Guerre mondiale.

C’est ça qui est contradictoire dans un prix pour la paix: le meilleur moyen d’être responsable d’une paix, c’est d’avoir été responsable de la guerre qui précède. Ça devient n’importe quoi, c’est comme dire: «Aujourd’hui j’ai sauvé la vie d’une vieille dame!» «Ah ouais t’as fait quoi?» «J’ai arrêté de lui donner des coups de pied.» Ça compte pas!

Est-ce vraiment surprenant, quand le prix lui-même porte le nom de l’inventeur de la dynamite? C’est vrai, moi, quand je pense à la paix, je pense à une colombe qui vole paisiblement, avec un tube de dynamite enfilé dans le croupion. Prix Nobel de la paix… A quand le prix Depardieu du fitness ou le prix Tiger Woods de l’amour conjugal?

Pour moi le Nobel de la paix a perdu ce qu’il lui restait de crédibilité quand il a été attribué à Barack Obama en 2009, huit mois après son élection. T’as rien le temps de faire en huit mois, à part un bébé prématuré. Ce prix, c’est censé être un vrai accomplissement, pas un pot de bienvenue! On le lui a donné principalement parce qu’il n’était pas George W. Bush. Je viens de vérifier sur ma carte d’identité: moi non plus! Je me réjouis de l’avoir l’année prochaine…

La paix, c’est pas notre point fort, à part quand il s’agit de la défaire, dans les cours de récré ou sur les champs de bataille, mais autant mettre parfois son cynisme de côté pour saluer ces tentatives. Donc bravo à Juan Manuel Santos et au peuple colombien, lâchez pas, même si ce prix, pour l’instant, c’est que de la poudre aux yeux, au moins pour une fois on ne parle pas de vous à cause de celle qui s’envoie dans le nez. Je vous laisse, j’ai la saison 2 de Narcos à mater. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Getty images
Getty images
Getty images
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

les 5 additifs les plus courants

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:58

Le glutamate de sodium (E621)

Exhausteur de goût qui peut être tiré du soja ou du blé. Son impact sur la santé est controversé, il est soupçonné de provoquer des troubles digestifs et comportementaux. Mais les preuves ne sont pas irréfutables. Son goût est addictif.

La gomme carraghénane (E407)LVP / DR

Epaississant et gélifiant à base d’algues, qui sert à lier des produits trop liquides.

Le phosphate de sodium (E339)

Il sert à stabiliser des aliments, à réduire leur acidité mais aussi à les épaissir. Certaines études soupçonnent qu’il favorise l’hyperactivité chez les enfants.

Le triphosphate (E451)

Stabilisant qui aide à améliorer la texture et favorise la rétention d’eau, notamment de la charcuterie.

Lécithine (E322)

Extrait de la pression de céréales comme le soja ou le blé, cet émulsifiant sert à donner du fondant aux produits. On le trouve dans de nombreux chocolats, sauf s’ils sont bios. 

 


De l'insecte au bonbon

1. La Cochenille 


On extrait de cet insecte rouge d’Amérique du Sud de l’acide carminique, qu’il produit pour se protéger des prédateurs.

2. L'Additif

Il faut environ 140 000 cochenilles pour 1 kilo d’acide carminique (E120).

3. Le Bonbon

L’additif E120 est utilisé pour donner leur couleur rouge à certains aliments, comme les fraises Tagada.

Copyright des images: LVP / DR

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
LVP / DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

5 produits à la loupe

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:59

Décodage. Barbara Pfenniger, spécialiste de l’alimentation à la Fédération romande des consommateurs, décrypte pour «L’Hebdo» la composition de quelques aliments de grande consommation.

Jambon en tranches

Viande de porc, sel nitrité (sel de cuisine, conservateur E250), maltodextrine, sirop de glucose, stabilisants (E450, E451), antioxydant (E301), dextrose, extrait d’épices.

« Le sirop de glucose rend le produit plus humide. Les stabilisants lui donnent un aspect plus homogène, ils aident à faire plus de jambon avec moins de viande en liant l’eau qu’elle contient. Les nitrites sont là pour la conservation, il faut veiller à ce que les enfants n’en consomment pas trop. On remarque qu’il y a aussi une sorte de gros sucre, la maltodextrine, pour donner du goût et améliorer la texture. »
 

Margarine

Eau, huiles et graisses végétales (palme, karité, tournesol), huile de colza (17%), babeurre (10%), amidon modifié, sel comestible (0,5%), émulsifiants (mono et di-glycérides d’acide gras, lécithines), agent conservateur (sorbate de potassium), acidifiant (acide lactique), arôme naturel, vitamines (A, D), colorant (caroténoïdes).

« Le premier élément mentionné est celui qui est présent en plus grande quantité, c’est-à-dire, ici, de l’eau, un ingrédient peu coûteux. L’arôme est naturel mais on ne sait pas duquelmil s’agit. Cela peut très bien être un arôme tiré de micro-organismes, par exemple. »

Petit-beurre

Farine de blé, amidon de blé, sucre, huile de tournesol, beurre 2,5%, sirop de glucose-fructose, sel de cuisine, arômes naturels, poudres à lever (E500, E503), malt d’orge.

« En Suisse, les fabricants peuvent encore appeler «petit-beurre» un biscuit qui contient un mélange de graisses avec seulement 2,5% de beurre, contrairement à la France, qui l’interdit. Sa valeur nutritive est faible. Par contre, les poudres à lever sont inoffensives, elles sont proches de celles que vous avez dans votre placard pour faire des gâteaux. »

Boisson fruitée

Eau, sucre, jus de citron (4%), jus d’ananas (3,2%), jus d’orange (3,2%), jus de mandarine, jus de lime, vitamine C, arôme naturel. (Plus de tests de boissons sur www.frc.ch/sucre)

« C’est de l’eau sucrée avec deux cuillérées à soupe de jus issu de concentré, c’est-à-dire hautement transformé. La saveur provient de l’arôme ajouté. »

Séré aux fruits

Lait écrémé, sucre, crème, fraises à base de concentré de purée (6%), amidon de maïs cireux modifié (E1442), maltodextrine, arôme, concentré de jus de betterave rouge, concentré de jus de citron.

« Il y a plus de sucre ajouté que de fruits. »

Copyright des images: Jaromila / Maximilian Stock / Judd Pilossof / Keystone

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
Jean-Bernard Sieber / Arc
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Le LiFi, une idée lumineuse

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:59

L’inventeur du téléphone, Alexander Graham Bell, y avait déjà pensé en 1880: utiliser la lumière pour transmettre des informations. Mais son «photophone» de l’époque a fini aux oubliettes, trop sensible aux intempéries et impossible à utiliser en intérieur, puisqu’il fonctionnait avec les rayons du soleil. L’homme avait pourtant mis le doigt sur la communication sans fil. Et en particulier l’ancêtre du wifi.

La technologie revient aujourd’hui en force grâce au développement des ampoules LED. Cette source de lumière possède une particularité qui en fait un vecteur idéal en plus d’être économe: sans que notre œil le perçoive, ces diodes s’allument et s’éteignent en réalité plusieurs millions de fois par seconde, transmettant une sorte de code morse à vitesse grand V. Exactement ce que fait, plus lentement, le wifi.

Du coup les applications de ce LiFi (contraction de light et de fidelity) débarquent sur le marché les unes après les autres. La semaine dernière, le français Lucibel sortait un petit luminaire qui, branché sur le réseau, diffuse du LiFi dans son cône de lumière.

Au sud de Paris, 77 lampadaires ont été équipés, permettant non seulement un accès gratuit au réseau mais aussi la possibilité de transmettre des informations géolocalisées aux utilisateurs (alertes, travaux).

Le métro de la capitale envisage un guidage LiFi pour ses voyageurs, tandis que les supermarchés planchent sur celui des chariots pour vous amener en droite ligne vers le rayon ad hoc, un musée liégeois commente les toiles directement sur votre smartphone… Et on nous promet même des smartphones équipés en masse de récepteurs LiFi dès l’année prochaine.

Bref, vous n’aurez bientôt plus peur d’une coupure de wifi. Mais si le LiFi s’arrête, ce sera les ténèbres à coup sûr.

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Staccato: un vétérinaire maltraitant

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 05:59

Cette semaine, je vise le million de clics avec un superscoop zoolo-saignant: «Scandale: le vétérinaire est un sadique!» Bon, d’accord, il y a un truc: dans mon histoire, le maltraité n’est pas l’animal, mais son propriétaire. Nettement moins vendeur, je sais.

N’empêche, je suis indignée par ce qui est arrivé à mon amie Julie. L’autre jour, je l’ai ramassée en miettes. Je savais que son homme devait subir une importante opération cardiaque et j’ai craint le pire. En fait, le mari allait bien, c’est Julie qui avait besoin d’aide: elle sortait de chez le vétérinaire, où elle était allée faire piquer son chat.

C’était un chat très vieux, très maigre, il n’en avait clairement plus pour longtemps. Mais il ne donnait aucun signe de souffrance et semblait assumer son déclin avec sérénité. Par délicatesse pour son homme, Julie avait donc attendu que ce dernier soit hospitalisé pour se charger de la triste tâche d’accompagner le minou à son dernier rendez-vous.

nerveusement éprouvée, mon amie avait besoin d’empathie et de douceur. Mauvaise adresse. Le vétérinaire était scandalisé qu’elle ne soit pas venue plus tôt. Il le lui a fait savoir avec la plus franche brutalité. En crescendo sadique, il a parlé de «maltraitance», puis de «cruauté».

Et lorsque Julie, épuisée, en larmes, lui a demandé de faire son travail, il lui a intimé de changer de ton, sous peine de la dénoncer pour mauvais traitements. L’amie a surtout craint qu’il ne refuse d’administrer la fatale piqûre; pour en finir, elle est passée sous les fourches caudines des excuses. Bestial, non?

J’en conclus que le statut d’ami des animaux ne vous empêche pas d’être humainement une ordure, mais ça, on le savait déjà.

Je note surtout ceci: il est désormais considéré comme anormal, cruel, condamnable de laisser un animal s’éteindre à la maison, de mort naturelle. Et gratuitement. Que les vétérinaires militent pour cette vision des choses est compréhensible: Julie a payé 141 francs pour se faire engueuler, alors que son chat s’apprêtait à mourir pour pas un rond.

Mais pourquoi les propriétaires d’animaux domestiques se laissent-ils faire? Si j’en étais, je lancerais un mouvement: halte à la médicalisation de la fin de vie félino-canine! A bas l’impôt mortuaire obligatoire! Sus à la rapacité vétérinaire! Je ne vois rien de tel et je m’étonne. Je dois être bête.
 
anna.lietti@hebdo.ch / @AnnaLietti

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no

Un bon coup de gueule qui fait du bien

$
0
0
Jeudi, 13 Octobre, 2016 - 06:00

On peut certes considérer la foi de Daniel Borel en la technologie avec un zeste de scepticisme. Peut-être faut-il prendre son enthousiasme pour la Silicon Valley avec une nuance de distance. Pourtant, dans les circonstances actuelles, la mythologie du Grand Soir digital est presque en deçà de la réalité des faits. Et c’est dans ce creuset au sud de San Francisco que continuent de bouillonner les innovations de ce qu’on appelle la «4e révolution industrielle». A un rythme toujours plus rapide, elles affectent notre vie quotidienne et nos jobs.

Dans l’interview qu’il nous a accordée, le créateur de l’entreprise Logitech demande un audit technologique des politiques et de l’administration fédérale. Une façon provocante mais sérieuse sur le fond d’interroger les connaissances de ceux qui nous gouvernent. Il s’étonne du peu d’attention accordé à la numérisation de l’économie et de la société. Voilà pourquoi il propose la création d’un nouveau département qui coifferait les sciences, la technologie et la formation. Et donc l’élection d’un 8e conseiller fédéral (lire Daniel Borel: "Je plaide pourun 8e conseiller fédéral responsable des sciences, de la technologie et de la formation."). 

On peut être tenté de disqualifier Daniel Borel en affirmant qu’il ne comprend pas les subtilités du système politique suisse – le président de la Confédération et chef de l’Economie, Johann Schneider-Ammann, ne s’en est du reste pas privé. On peut s’étonner qu’il questionne la gouvernance et le budget du Conseil des écoles polytechniques présidé depuis 2008 par l’ancien conseiller aux Etats glaronais Fritz Schiesser. On relèvera qu’il insiste pour que l’instance qui coiffe les deux grandes écoles soit déménagée de Zurich à Berne. Avec le développement de l’EPFL ainsi que le boom économique de l’arc lémanique et de la Suisse romande qui s’est ensuivi, il n’y a en effet aucune raison valable de perpétuer cet héritage de l’histoire.

La Suisse est-elle parée pour l’avenir? Le fondateur de Logitech, qui est aussi le président du Strategic Advisory Board de l’EPFL, n’est pas rassuré par les scores d’une Suisse presque systématiquement en tête des classements de l’innovation. Lui qui a failli voir son groupe sombrer à deux reprises, il est sensible à la fragilité des choses. Il explique aussi pourquoi jusqu’ici notre pays (et l’Europe) a peiné à suivre le rythme de l’informatique.

Nos atouts se trouvent plutôt dans les industries qui allient les biotechnologies, la microtechnique et l’informatique. Des industries plus «lentes», pour reprendre son expression, mais qui opèrent aussi plus «en profondeur». Pourtant, dans ces domaines-là également, rien n’est définitivement acquis. Surtout lorsque l’on ferme les frontières et que l’on plombe fiscalement les créateurs de nouvelles entreprises.

Daniel Borel n’a pas la langue dans sa poche, et c’est précieux. Il s’enflamme pour tous ceux qui veulent inventer l’avenir – un mot qu’il utilise plus souvent qu’à son tour. A cheval entre la Suisse et la Silicon Valley depuis une quarantaine d’années, implanté en Asie depuis presque aussi longtemps, il fait partie de ces passionnés dont la verve critique n’a d’égal que leur amour du pays. Voilà pourquoi il faut l’écouter. 

Edition: 
Rubrique Print: 
Image: 
DR
Rubrique Une: 
Auteur: 
Pagination: 
Pagination masquée
Gratuit: 
Contenu récent: 
En home: 
no
Viewing all 15989 articles
Browse latest View live