Des musiciens demandent des droits d’auteur à l’armée américaine, qui aurait utilisé leurs œuvres à Guantánamo, pour briser la résistance des prisonniers.
Prison. L’armée américaine a une conception curieuse de la musicothérapie. Quel est le pire outrage que l’on puisse faire à un créateur, pire que le plagiat? Utiliser son œuvre, en l’occurrence des chansons, pour torturer autrui.
Les Skinny Puppy, groupe électro hardeux canadien, aux tenues de scène sympathiques (ambiance hôpital psychiatrique et boucherie), ont appris de la part d’un gardien de Guantánamo, le camp américain du sud-est de Cuba, que leur musique était diffusée dans des cellules pendant des heures, à plein tube. Leurs chansons auraient été utilisées pour torturer et fragiliser des détenus récalcitrants… Du coup, le groupe demande 666 000 dollars de droits de diffusion au Ministère de la défense américain (un chiffre choisi pour sa connotation diabolique, puisque c’est celui de «la Bête» dans l’Apocalypse). Le leader du groupe, Nivek Ogre, a déclaré au site Huffington Post que sa musique avait été utilisée au moins à quatre reprises. Et d’ajouter, provocant, sur la chaîne CBS: «Je ne suis pas contre le fait qu’on se serve de notre musique pour torturer, mais qu’on le fasse sans notre permission.»
De son côté, le Pentagone parle de rumeurs infondées. Son porte-parole, Todd Breasseale, suggère que le groupe cherche simplement à se faire de la publicité. Et rappelle que la privation de sommeil et la manipulation sensorielle ne sont pas autorisées par l’armée. Oui, mais Guantánamo s’est déjà montré peu regardant envers les lois… La playlist de l’armée américaine, en la matière, est éloquente, comme le rappelle The Guardian: Eminem, REM, Rage Against the Machine, Metallica, Queen, ou même Nancy Sinatra et sa chanson These Boots Are Made for Walking… Tous ont été utilisés pour venir à bout du courage de «l’ennemi».