Quelques jours avant que les Suisses n’approuvent la participation de leur pays à l’espace Schengen, le 5 juin 2005, je demandai à Jacques Rummelhardt, ambassadeur de France à Berne, comment réagirait l’Union européenne si un non helvétique sortait des urnes. Droit dans les yeux, il me répondit: «Vous savez, avec la Suisse, on finit toujours par s’arranger.» Je me dis alors que, malgré une UE forte de 26 membres, la Suisse pouvait encore espérer jouer à Guillaume Tell sans y perdre trop de plumes. «Archétype de l’Europe», comme aimait la qualifier l’ex-président et poète sénégalais Léopold Sédar Senghor, la Confédération helvétique pouvait, certes au prix de gros efforts, se rapprocher de l’UE sans jamais vraiment la toucher. Telle une superbe courbe asymptotique.
Puis il y eut le 9 février 2014. Tout en se réjouissant que leurs peuples n’aient jamais à se prononcer sur la question de l’immigration, les dirigeants de l’UE ne pouvaient admettre que la Suisse foule aux pieds la liberté de circulation des personnes. Alors fini de jouer? A la faveur d’une ouverture à la Croatie, toute relative, Berne vient d’obtenir de Bruxelles un très léger clignotement du feu vert en vue de nouvelles négociations bilatérales. Va-t-on encore finir par s’arranger, quitte à boire la coupe jusqu’à la lie? Si c’est le cas, peu nombreux seront ceux convaincus de la nécessité d’une adhésion de la Suisse à l’UE. Mais alors, bonjour la galère!