Avez-vous vu ces doigts gantés de cuir qui, d’un geste élégant, ajustaient la position des lunettes de soleil? Avez-vous remarqué que ces femmes du début des sixties ne sortaient pas sans rouge à lèvres et, presque toutes en tailleur, balançaient au bout du pied des escarpins pointus? Ces belles images ont envahi nos médias il y a peu, cahiers de souvenirs de l’exposition nationale de Lausanne. On a cru y humer comme une madeleine de Proust, plus précisément le parfum que nos mères se giclaient dans le cou en pinçant délicatement la pompe d’un flacon de verre. Pschitt, pschitt! Avant de nouer un foulard vaporeux, façon Jacky Kennedy, pour protéger leur permanente du vent de Vidy, puis d’enfiler une paire de gants assortis à leur petit sac. Dans celui-ci, comme dans un tour de prestidigitateur, elles faisaient disparaître tout un attirail de beauté, y compris un mouchoir en tissu brodé fraîchement repassé. En 1964, le sac à dos était réservé à l’excursion en montagne, la besace informe pas encore née. Certes, nos mères étaient rarement libérées, la plupart mettaient un tablier pour cuisiner, le retiraient, beauté oblige, pour servir le dîner. Elles n’allaient pas voter, elles n’en avaient pas le droit, mais mijotaient le rôti pendant que les hommes glissaient leur bulletin dans l’urne puis prenaient l’apéro. Non, pour rien au monde on ne changerait notre place contre la leur. Mais, en ce dimanche de Fête des mères, on se dit: qu’est-ce qu’elles nous ont fait rêver!
