Manifestation. Voies historiques et produits labellisés sont deux des éléments forts de la Semaine du goût 2013.
Les voies de communication historiques qui sillonnent la Suisse ont deux qualités majeures: elles invitent qui s’y aventure à parcourir des pans de notre histoire, et également à découvrir de savoureux produits du terroir. «Sur leur trajet, les ViaStoria allient la culture, l’histoire et la gastronomie, explique Josef Zisyadis, le président et cofondateur de la Semaine du goût. Les voies de communication sont presque toujours liées à l’échange des produits alimentaires entre régions et pays. Après avoir désigné 11 villes du goût au fil de nos éditions, il nous a semblé intéressant cette année de mettre l’accent sur les ViaStoria. C’est un projet d’importance nationale et européenne, et on n’en parle pas assez.» C’est ainsi que la Semaine du goût 2013 propose huit itinéraires gourmands aux amateurs de sensations gustatives.
Sur la route des AOP. Les AOP-IGP (Appellation d’origine protégée-Indication géographique protégée) sont également de la partie, présentant quatre produits liés à quatre voies: le Sbrinz AOP sur la ViaSbrinz, la Damassine AOP sur la ViaCook, la Tête de Moine AOP sur la ViaJura et le Rheintaler Ribelmais AOP sur la ViaValtellina. Pourquoi ces produits? «Parce qu’ils ont un lien direct avec ces itinéraires culturels principaux, explique Alain Farine, directeur du bureau de l’Association suisse des AOP-IGP. Mais il y a des produits labellisés sur le trajet de nombreuses voies historiques de communication en Suisse. L’estomac préoccupe les hommes depuis longtemps», sourit-il.
Mis à part ça, la 13e Semaine du goût, qui a lieu du 12 au 22 septembre, propose des centaines d’événements à travers toute la Suisse, et édite pour la troisième fois un magazine tiré à 120 000 exemplaires et en trois langues.
En quelques années, la manifestation s’est imposée comme un des acteurs majeurs de la promotion du goût en Suisse et son expertise est largement reconnue. Edition après édition, la Semaine du goût fait prendre conscience aux Suisses de l’importance du bien manger, du respect des produits de saison et de proximité. Et tout ça de manière gourmande. Une belle aventure, un pari joliment réussi.
Le programme complet sous www.gout.ch
VRENI GIGER
Une marraine bio
«La Semaine du goût accorde une large place aux produits régionaux et de saison comme à la biodiversité. C’est une vision d’avenir qui me tient à cœur, je la partage et la défends.» L’Appenzelloise Vreni Giger, 40 ans et marraine de la Semaine du goût 2013, a la particularité de privilégier largement les produits bios dans sa cuisine. Le Jägerhof, à Saint-Gall, était un bistrot de quartier servant surtout des saucisses avant qu’elle ne prenne la direction des fourneaux, en 1996. Depuis, elle ne cesse d’enchanter ses convives avec une cuisine aérienne mais néanmoins enracinée dans le terroir, qui lui vaut 17 points au GaultMillau. Elle cultive une passion particulière pour les poissons du lac de Constance: ombles chevaliers, truites, perches, brochets et féras. En tant que marraine, elle participera à toutes les officialités de la Semaine du goût. Elle sera ainsi présente à Loèche, une des étapes de la ViaCook, les 21 et 22 septembre, pour la fête de clôture de la manifestation. Mais, pour goûter à sa cuisine, les Romands devront continuer de faire le voyage jusqu’à Saint-Gall.
Sacrée tête
Les révolutionnaires français lui auraient donné son nom en découvrant les fromages de l’abbaye de Bellelay à la fin du XVIIIe siècle et voulant se moquer des religieux. L’histoire est sympathique – en tout cas pour les anticléricaux – mais peu plausible, la mention de Tête de Moine apparaissant avant ça. Ce que l’on peut affirmer, c’est que l’invention de la girolle, en 1981, a permis au fromage jurassien de se faire largement connaître. Et apprécier. Il faut dire que ses odeurs de champignon, ses arômes de foin et son agréable acidité en font un élément de choix sur bien des plateaux. Et puis voilà un fromage qui, depuis toujours, a la particularité de ne pas se laisser couper en morceaux, mais demande à être raclé, puis dégusté sous la forme de rosettes. Délicat comme un moine.
Subtile et orientale
Plutôt au nord, plutôt verdoyant, le Jura est loin de l’Orient. Sauf lorsqu’on y déguste de la Damassine. Le prunier de Damas serait en effet originaire du Proche-Orient, et c’est le duc d’Anjou qui l’aurait découvert à Jérusalem lors de la cinquième croisade. Peut-être, mais ce qui est certain, c’est que les flaveurs de l’eau de vie jurassienne sont riches et subtiles. Prune sauvage, bien sûr, mais également amande, pomme, citron, miel, banane séchée, coriandre, girofle, cannelle… Au nez et en bouche, c’est tout un marché oriental qui s’offre à nous. Et, dans le cœur et la tête des buveurs, le soleil brille, et parfois tape un peu fort les imprudents. Peut-être que Thomas Cook et ses amis, lors de leur périple en Suisse, en burent à leur arrivée dans le Jura pour voyager encore plus loin…
L’or des Alpes
De prime abord, il a l’air plutôt rude, sec, fermé sur lui-même. Comme un montagnard. Le Sbrinz est un fromage viril, qui semble venir tout droit de la nuit des temps, avec sa croûte comme une armure. Mais quand on l’ouvre, qu’on le hume, qu’on y goûte, derrière le sel arrivent de splendides arômes, ceux des différentes herbes des vallées et des alpages de l’Oberland et de la Suisse centrale. Au XVIe siècle, le Sbrinz était exporté vers l’Italie, où les commerçants – les Saümer qui empruntaient la Via Sbrinz – l’échangeaient contre du riz, des marrons, du vin et de l’huile. Certains pensent que les Italiens l’appréciaient tellement qu’ils en copièrent la recette pour créer un de leurs plus fameux fromages: le parmesan. La prochaine fois que vous ferez des pâtes, essayez donc l’original!
Epis nourriciers
C’est à tort que la farine de maïs – qu’on connaît surtout sous l’appellation polenta – est considérée comme un mets un peu grossier, un plat de pauvre, bien nourrissant mais finalement peu appétissant. Surtout lorsqu’il s’agit de Rheintaler Ribelmais, une semoule issue d’une variété de maïs traditionnelle de la vallée du Rhin. Plus blanche que jaune, elle est généralement dégustée sucrée, avec du café au lait. Certains cuisiniers en font aujourd’hui des flancs et il existe même une bière au Ribelmais. On trouve cette intéressante et goûteuse farine sous plusieurs formes, semoule ou bramata. Tentez l’expérience: cuite puis grillée à la poêle, accompagnez la Rheintaler Ribelmais d’une compote de pruneaux, cela fera une sympathique solution de rechange au traditionnel gâteau du Jeûne.