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Ils s'en sortent après une lutte à mains nues contre un requin

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Deux pêcheurs sous-marins l'ont échappé belle lundi sur un atoll de Polynésie française. Attaqués par un requin, ils ont dû lutter à mains nues contre le squale alors qu'ils étaient prisonniers de ses mâchoires, selon leur récit.

Les deux hommes pêchaient lundi au fusil-harpon dans une passe récifale de l'atoll de Makemo lorsqu'un requin gris de récif d'environ deux mètres tenta d'attraper un poisson fléché par l'un des pêcheurs, Hoatua Iotua. Son cousin, Teva Tokoragi, essaya alors d'éloigner l'animal, transpercé par une flèche au niveau de l'aileron.

Croyant le requin sonné, les deux pêcheurs commencèrent à extraire leur flèche. Mais le requin se réveilla et chargea Teva Tokoragi en agrippant son bras. Hoatua frappa à plusieurs reprises sur la gueule du requin, qui finit par lâcher prise.

Si Teva parvint à se hisser dans leur barque, la lutte n'était pas terminée pour Hoatua: "J'ai commencé à monter sur le bateau, mais il est revenu sur mon genou, donc je suis tombé dans la mer et j'ai eu un autre combat avec le requin: je l'ai encore attrapé pour qu'il ne déchire pas mon genou", a-t-il confié.

Tandis qu'il maintenait la tête du requin, Teva tenta de lui couper la queue pour l'affaiblir. Mais le Polynésien avait déjà perdu beaucoup de sang et manquait d'énergie. Hoatua parvint enfin à ouvrir la gueule du requin: "J'ai poussé sa tête vers le bas et j'ai vite sauté sur le bateau" pour rejoindre le rivage.

Teva Tokoragi, plus gravement blessé, a été évacué lundi par avion vers un hôpital à Tahiti, où il a été opéré. Hoatua Iotua a été suturé sur l'atoll et devrait rejoindre le même hôpital jeudi.

Les attaques sont très rares en Polynésie française, alors que pêcheurs et plongeurs côtoient au quotidien de nombreuses espèces de requins. Des scientifiques ont rappelé que ces attaques sont toujours dues à des "comportements à risques" des humains.

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Mercredi, 20 Avril, 2016 - 11:22
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Le gel a recouvert une grande partie du pays

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La nuit de mardi à mercredi a fait claquer des dents à plus d'un. Par endroits, les températures ont chuté sous la barre du zéro même à deux mètres du sol.

Le gel n'a pas touché que les régions d'altitude, a indiqué mercredi SRF Meteo. À Tänikon (TG) et à Welschenrohr (SO), la température de l'air est descendue sous le zéro degré à deux mètres du sol. Le phénomène était plus répandu dans les régions plus élevées, comme à Marsens (FR) par exemple.

Les Grisons ont enregistré des températures de -9,4°C au col de l'Ofen. Selon les météorologues, la nuit de mercredi à jeudi sera moins froide. Mais la gelée au sol reste possible sur le Plateau. L'air se refroidira dans la nuit depuis le sol. Les couches les plus proches de la terre seront les plus froides.

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Mercredi, 20 Avril, 2016 - 11:29
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Sepp Blatter tiendra sa chronique dans Schweiz sam Sonntag

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Sepp Blatter devient chroniqueur du dimanche. L'ex-président de la FIFA entame à 80 ans une collaboration avec l'hebdomadaire dominical Schweiz am Sonntag. Le Haut-Valaisan aura carte blanche tous les 15 jours.

Sa chronique paraîtra dès dimanche prochain, en alternance avec un billet de l'écrivain Pedro Lenz. L'initiative de cette collaboration revient au rédacteur en chef de l'hebdomadaire du groupe AZ Patrik Müller, a indiqué ce dernier mercredi à l'ats.

"Je lui ai demandé s'il aurait du plaisir à disposer régulièrement d'un espace dans les colonnes de Schweiz am Sonntag", précise le rédacteur en chef. Et M. Müller d'ajouter qu'il s'attend à ce que l'ex-mentor de la FIFA puisse s'exprimer plus librement désormais que quand il était en fonction.

Président de la toute puissante Fédération internationale de football (FIFA) durant près de 18 ans, Joseph Blatter est frappé d'une suspension totale de six ans, l'excluant de tout lien ou participation à des événements organisés par la FIFA. Sa culpabilité a été confirmée, mais la peine réduite, par la commission de recours de la FIFA.

Il est reproché en l'occurrence à Sepp Blatter un versement suspect de deux millions de francs en 2011 à Michel Platini en contrepartie d'un mandat de conseiller pour la période 1998-2002. Le Français, président de l'UEFA, est lui aussi suspendu pour la même affaire. Les deux hommes ont fait recours auprès du Tribunal international du sport à Lausanne, la plus haute instance en la matière.

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Mercredi, 20 Avril, 2016 - 11:45
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Romaric Thiévent: «On agite le spectre de la traite d’êtres humains»

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:49

Propos recueillis par Blandine Guignier

Des centaines de danseuses de cabaret se retrouvent sans permis de travail depuis le 1er janvier 2016. Romaric Thiévent, géographe, auteur d’une thèse sur les danseuses de cabaret extra-européennes en Suisse, soutenue en juin 2015 à l’Université de Neuchâtel, éclaire leur parcours.

Qui étaient les détentrices d’un permis d’artiste de cabaret?

Les trois quarts des femmes venaient des pays de l’Est (Ukraine, Moldavie, Russie) ou de République dominicaine. A cela s’ajoutaient quelques nationalités «résiduelles» comme les pays d’Asie du Sud-Est ou le Maroc. La tranche d’âge la plus représentée était celle des 20-30 ans, l’industrie du sexe valorisant le corps de la femme jeune.

Faisaient-elles une seule fois le voyage ou revenaient-elles plusieurs années de suite en Suisse?

Elles venaient pour la plupart une ou deux fois seulement en Suisse, grâce à des agences de placement. Mais la question est plutôt de savoir pourquoi elles faisaient ce travail plus ou moins longtemps. Les conditions de travail très difficiles dans les cabarets, du fait notamment des horaires de nuit et des abus d’alcool, constituaient le premier facteur. Ces femmes avaient, par ailleurs, des projets migratoires extrêmement différents. Certaines avaient besoin d’une somme d’argent précise et s’arrêtaient une fois qu’elles l’avaient réunie, d’autres en avaient fait un projet de vie.

Avez-vous été confronté dans vos entretiens à des cas de traite d’êtres humains?

Les personnes interrogées m’ont parlé de cas d’exploitation: retenues sur salaire, arnaques aux cartes AVS, etc. Mais je n’ai eu accès à aucune situation d’exploitation extrême.

Un des arguments en faveur de l’abolition de ce permis était pourtant justement la lutte contre la traite…

Je trouve ce discours étrange, car le statut de danseuse de cabaret avait été créé dans le but de mieux protéger les femmes extra-européennes, qui venaient travailler dans les cabarets au bénéfice d’un permis d’artiste. Pour les protéger contre les multiples abus dont elles étaient victimes dans un secteur jusqu’alors peu réglementé. Or, l’Etat a failli à faire appliquer la loi et, plutôt que d’intensifier les contrôles, il a supprimé un permis, donc une voie migratoire.

On a tendance, dans la presse et chez les politiciens, à agiter le spectre de la traite d’êtres humains lorsqu’on parle de flux migratoires des travailleuses du sexe, parce qu’on a du mal à accepter qu’il s’agisse d’un choix, même par défaut. Une danseuse de cabaret ukrainienne m’a dit un jour qu’elle ne voyait pas en quoi il était plus dégradant de venir danser dans un cabaret ici que de travailler sur un marché à Kiev pour une misère.

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Cabarets, la fin d’une époque

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:50

Robert Gloy

Reportage. D’ici à la fin de l’année, la plupart de ces établissements désuets vont fermer. Les clients s’encanaillent ailleurs. Quant aux filles de l’Est, brimées par la loi, elles sont parties se rhabiller.

Jeudi, 1 heure du matin, en Vieille-Ville de Genève. Au Crazy Paradise, l’un des derniers cabarets de la place, six jeunes femmes courtement vêtues sont assises au bar. L’une d’elles se lève pour aller se déhancher autour d’une barre sur des rythmes électroniques. Sous la lumière bleu foncé, la danseuse laisse apercevoir sa poitrine. Un seul homme pour se rincer l’œil. «Les clients se font attendre, raconte Antonio Lopes de Bem, gérant du lieu. Et c’est ainsi toutes les nuits, du lundi au samedi, de l’ouverture à la fermeture à 5 heures du matin.»

Des salles désertes, le Crazy Paradise n’en a pas toujours connu, depuis son ouverture en 1997. «Jusqu’en 2010 environ, une bonne vingtaine de clients venaient chaque soir discuter et boire des verres avec nos filles, relate le patron. Aujourd’hui, on en compte difficilement cinq.» Une absence de spectateurs qui se ressent sur la marche des affaires. «Nos revenus ont drastiquement baissé depuis le début de cette année.» Précisément depuis le 1er janvier 2016, date de la suppression du visa de danseuse de cabaret, qui empêche désormais les gérants d’engager des danseuses provenant de pays extra-européens (lire Romaric Thiévent: «On agite le spectre de la traite d'êtres humains»).

Jusqu’alors, les candidates venaient pour la plupart d’Ukraine, de Russie, de Moldavie ou de République dominicaine. Ce qui contribuait au succès de ce genre de boîtes, comme l’explique Jürg König, président de l’Association suisse des cafés-concerts, cabarets, dancings et discothèques (ASCO): «Le cabaret était un lieu d’exotisme. C’était l’occasion de passer un bon moment avec des femmes venant d’autres cultures.» A présent, ils doivent recruter en Suisse ou au sein des pays de l’Union européenne.

Si cette modification de la loi n’est pas la seule raison de la débandade des cabarets, elle semble cependant porter le coup de grâce à ce secteur à l’agonie depuis plusieurs années. L’ASCO a vu le nombre de ses cabarets chuter de 300 à 150 en l’espace de dix ans. Et depuis janvier dernier, le rythme s’est accéléré partout en Suisse: à Zurich, cinq établissements ont fermé leurs portes. La ville de Lucerne a perdu son dernier cabaret il y a quelques semaines. A Genève, il en reste cinq, leur nombre ayant été divisé par trois en moins d’une décennie.

Après une dizaine d’années d’activité, le Chaux-de-Fonnier François Butzberger vient d’abandonner son cabaret baptisé La Fourmi. L’interdiction de fumer dans les établissements publics, entrée en vigueur en 2010, a constitué un premier coup dur pour le secteur, précise-t-il. «Les gens sortent moins.»

Jürg König, qui a quant à lui fermé son cabaret à Berne l’année dernière, remarque également une évolution dans les mœurs: «Le profil type du client de cabaret est un homme d’affaires en déplacement, à la recherche de divertissement.» Cependant, pour rencontrer des femmes et éventuellement partager un moment de plaisir, l’offre s’est diversifiée. Les services d’escorts ainsi que les salons de massage se sont développés, tout comme les prostituées. A Genève, par exemple, le nombre de travailleuses du sexe enregistrées a été multiplié par quatre sur la période 2008-2015.

Et il y a le rapport qualité-prix. Dans un cabaret, pour une soirée, un client doit dépenser plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de francs. Au Crazy Paradise, la moindre bouteille de champagne coûte 400 francs, et les prix grimpent vite, pour atteindre plus de 5000 francs pour une bouteille de Dom Pérignon rosé millésimé. «Pour ceux qui sont en quête d’un échange sexuel, il existe des solutions moins coûteuses, reconnaît Jürg König. Et ceux qui souhaitent conquérir glamour et exotisme ne se rendent plus dans les cabarets.»

Les clients ne sont pas les seuls à bouder. «Il est de plus en plus difficile de recruter des danseuses», déplore le patron du Crazy Paradise, Antonio Lopes de Bem. Les conditions de travail ne sont plus suffisamment attrayantes. Le salaire s’élève à environ 2300 francs net par mois. Elles reçoivent jusqu’à 1300 francs pour financer leur loyer ainsi qu’une commission de 2 à 3% sur chaque boisson consommée par le client. En contrepartie, elles travaillent 23 nuits par mois. «J’attends, je danse un peu, je souris», résume Clara, une jeune Roumaine de 31 ans qui cherche un emploi dans la restauration, qu’elle espère moins monotone…

Par ailleurs, si officiellement les danseuses de cabaret ne sont pas des travailleuses du sexe, certaines recourent à la prostitution pour augmenter leurs revenus. Anastasia, une autre danseuse du Crazy Paradise, l’avoue clairement: «Le but est de partir avec un client.» L’absence de fréquentation rend donc ces terrains de chasse peu attractifs.

Antonio Lopes de Bem précise qu’aucune activité sexuelle n’est autorisée à l’intérieur de l’établissement. «Mais si une de mes danseuses couche avec un client en dehors de ses heures de travail, c’est sa vie privée…» Les cabarets flirtent ainsi avec la loi. Ces dernières années, plusieurs établissements genevois ont fait l’objet d’enquêtes pour des motifs d’encouragement à la prostitution. C’est le cas, notamment, du Velvet, du Pussycat et de La Coupole. Quant au Crazy Paradise, il a dû fermer ses portes quelques jours en 2012 pour les mêmes raisons, sans que les soupçons soient confirmés. Aujourd’hui, le gérant est convaincu: «Si une femme veut se prostituer, il existe d’autres endroits où elle trouvera plus facilement des clients.»

Strip-Club contre cabaret

Face à ce déclin, certains exploitants tentent une reconversion. Le Genevois Lionel Mansi a réussi la sienne. En 2012, cette figure emblématique de la vie nocturne genevoise, qui travaillait dans les cabarets depuis 1988, a transformé son établissement en club de strip-tease. Il gère aujourd’hui Le Sensi dans le quartier des Pâquis.

Lors d’une visite ce même jeudi soir, une dizaine de femmes en petite tenue accueillent les clients. Comme au Crazy Paradise, elles font de la pole dance autour de la barre verticale, sur une petite scène. Contrairement aux danseuses de cabaret, elles réalisent de vraies figures acrobatiques et se retrouvent tantôt la tête en bas, tantôt les jambes autour de la barre. Les dernières chansons de pop électronique qui résonnent dans les enceintes finissent d’enivrer la dizaine de clients, hommes d’affaires âgés de 30 à 40 ans.

Le but de leur venue? Pour 80 francs, obtenir une danse privée très sensuelle d’environ six minutes en tête à tête, au sous-sol de l’établissement. «Entre fin 2012 et 2016, mon chiffre d’affaires a doublé, explique Lionel Mansi. Dans un strip-club, il n’y a aucune ambiguïté, les gens viennent pour vivre un moment érotique. Beaucoup de mes clients fréquentaient auparavant les cabarets. Nous accueillons même des couples, ce qui n’est pas courant dans l’autre lieu.»

Et les danseuses? Elles viennent pour la plupart de France et de République tchèque, se considèrent comme des artistes et entretiennent soigneusement leur page Facebook. «Mes danseuses travaillent dans le monde entier pour différents établissements.» Lionel Mansi est convaincu qu’il n’y aura plus de cabarets sous leur forme actuelle à Genève dans cinq ans. «Le concept est révolu.»

Le Crazy Paradise pourrait fermer cette année encore. «J’envisage de le transformer en discothèque, annonce son patron. Je ne peux plus continuer à puiser dans mes économies pour le faire tourner.»


«Danseuse», un statut contesté

Controversé depuis son entrée en vigueur, le visa de danseuse de cabaret a été supprimé en début d’année.

Depuis 1995, les ressortissantes non qualifiées, en provenance d’Etats tiers, bénéficiaient d’un visa particulier qui leur permettait d’exercer l’activité de danseuse de cabaret en Suisse huit mois par an. Le but principal de ce programme était de protéger ces danseuses d’éventuelles exploitations. Une aubaine pour les cabarets: grâce à ce statut, ils pouvaient embaucher des femmes venant de pays non européens, satisfaisant ainsi une forte demande. Mais l’Office fédéral des migrations (ODM) a constaté que les femmes abusaient de ce permis pour pratiquer la prostitution. «La Suisse était le seul pays en Europe à avoir un tel statut», explique Alexander Ott, directeur de la police des étrangers à Berne.

La suppression de ce visa est entrée en vigueur le 1er janvier 2016. Désormais, les cabarets doivent recruter leurs danseuses au sein des pays de l’Union européenne. La plupart des cantons l’avaient déjà aboli. Seuls dix d’entre eux, dont Genève et Neuchâtel, appliquaient encore ce statut en 2015.

Le libre établissement pour les travailleuses bulgares et roumaines sera effectif à partir du 1er juin 2016, mais il est déjà possible qu’un cabaret les emploie sous certaines conditions.

Pour Michel Félix, responsable de la communication de l’Association de défense des travailleurs et travailleuses du sexe à Genève (Aspasie), «il est trop tôt pour analyser les conséquences de la décision fédérale». Seule certitude, ce visa de danseuse leur assurait un cadre sûr. Désormais, «il y a le risque que ces femmes ne se prostituent illégalement».

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La punaise de lit, le cauchemar de toute une population

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:51

Sandra Hildebrandt

Récit. Evelyne Bon et sa chienne Dana se sont spécialisées dans la détection des punaises de lit. Tout en parvenant à calmer les clients les plus paniqués par ce problème grandissant.

Evelyne Bon applique contre sa peau un tube transparent rempli de punaises de lit, pour les pouponner. L’ouverture est recouverte d’un tissu assez fin pour que ces minuscules bêtes puissent se nourrir de son sang, sans pour autant sortir. Il s’agit de les garder en vie pour les montrer à ses clients lors de détections de ces insectes, en nette recrudescence. Un phénomène qui s’observe dans tous les pays industrialisés et touche toutes les classes sociales.

«Je les aime!» dit-elle. Ce qui a des effets positifs. En plus des connaissances qu’elle apporte sur les punaises de lit, Evelyne parvient, grâce à sa passion, à calmer les personnes très angoissées, au bord du désespoir. Parmi ces dernières, Amanda*. Une habitante de Morges chez qui Evelyne s’est rendue à deux reprises. «Mieux vaut deux fois qu’une», insiste Amanda. Désespérée, elle avait appelé D.Tec Punaises, la société d’Evelyne, le 24 décembre 2015. «C’était la panique totale, j’étais en pleurs. Les punaises de lit infestent M. et Mme Tout-le-Monde, indépendamment de la propreté des lieux. J’étais persuadée qu’il y en avait partout et que je ne pourrais plus vivre ici», relate la Morgienne qui, à l’époque, n’arrivait plus à dormir.

Autre cliente à rassurer, Chloé*. Cette jeune femme de 25 ans, qui a fait appel à la société de détection, attend avec impatience la venue d’Evelyne et de sa chienne. Elles lui permettront de savoir si son appartement de Crissier est infesté. «Depuis un moment déjà, mon ami et moi nous demandons si nous avons des punaises de lit», explique Chloé qui a de petites piqûres dans le dos depuis quelques mois. Cela coïncide avec son retour d’un séjour à l’étranger. «Mon ami est plutôt du genre à laisser traîner, mais moi, il faut que je sache.»

Informer pour détendre

La spécialiste s’est alors immédiatement déplacée. Elle sait qu’elle doit réagir rapidement: «Les gens cogitent et tout d’un coup, ils ont besoin d’être sûrs.» Dans près de 60% des cas, pas l’ombre d’une punaise dans l’appartement. Le prix de la certitude? 250 francs.

De la peur donc et, souvent, de la honte aussi. «Certaines personnes me demandent d’enlever de ma voiture les plaques magnétiques avec le nom de mon entreprise lorsque je viens pour une détection», relate Evelyne. Mais le pire est la méfiance de l’entourage: «Les gens ne sont plus invités», de peur qu’ils n’amènent des punaises avec eux.

Alors qu’Evelyne monte au 8e étage de l’immeuble de Chloé, le labrador retriever qui procédera à la détection reste dans la voiture. L’appartement visité n’est pas grand. Quelques endroits poussiéreux, beaucoup d’objets, des affaires traînant çà et là: un terrain propice à la multiplication des punaises.

Munie de son classeur bleu qui contient explications et illustrations, Evelyne commence toujours par offrir des informations théoriques sur la punaise de lit: origine, propagation, durée de vie… Chloé pose de temps en temps une question, ce qui n’est pas le cas de tous les clients. «Certains souhaitent seulement la détection, alors je m’adapte, précise Evelyne. Je rencontre des gens qui présentent un taux de stress phénoménal. Dans ce cas, il est impensable d’uniquement tester le logement et de repartir après quinze minutes.»

Evelyne propose, comme à son habitude, de cacher des punaises dans l’appartement. Immédiatement, Chloé se raidit. «Mettons-les à un endroit où nous pouvons les surveiller», demande la jeune femme qui n’a pas réalisé qu’elles sont enfermées et ne peuvent s’échapper.

La cliente choisit de les cacher dans la cuisine, derrière la machine à laver. Elles resteront là, enfermées dans leur tube, un moment, pour que l’odeur se diffuse. Pendant ce temps, Evelyne commence la détection seule, avant d’aller chercher sa chienne, Dana. Un travail d’équipe. La spécialiste inspecte le matelas, ses coins, ses coutures, ainsi que les pas de vis du lit, munie de sa lampe de poche. Sensibles à la lumière, les punaises sont censées bouger sous le faisceau lumineux. Des déjections trahissent aussi une présence.

Arrive Dana, qui ne retient pas son excitation. Elle trépigne, se secoue, grimpe sur son maître. Son collier bleu autour du cou, elle entre en mode «travail». Sa maîtresse la détache à l’entrée de la chambre et lui ordonne de chercher. Dana renifle fort, pour détecter les odeurs de punaises. Du doigt, la maîtresse indique le tracé à suivre, les endroits où chercher plus intensivement. La chienne enfouit sa truffe dans le canapé, elle a appris à inspecter en profondeur. Les prises électriques, l’espace derrière les plantes, rien n’échappe à Dana.

Le jeu comme récompense

Le verdict est sans appel: «Vous n’en avez pas.» Chloé est rassurée. C’était l’ampleur des mesures à prendre pour s’en débarrasser qui l’effrayait. La détection n’est pourtant pas terminée. Pour écarter définitivement tout doute, il reste à faire trouver par Dana le tube de punaises d’Evelyne.

Cette fois-ci, il est hors de question de la guider. La chienne renifle partout et, rapidement, se rapproche de la machine à laver, puis regarde son maître. Evelyne doit rester attentive aux signaux. Trois éléments lui permettent de valider une alerte de la bête: une activité olfactive plus intense et des muscles qui se tendent. Finalement, lorsque Dana sent quelque chose, elle s’assied près de la source. Voilà, elle les a trouvées. Sa maîtresse lui lance sa balle orange en caoutchouc en guise de récompense.

* Les prénoms et les lieux ont été changés.


Le génome de la punaise enfin décrypté

Elles affectionnent la compagnie de l’homme depuis des milliers d’années. Elles n’en restaient pas moins un mystère pour la communauté scientifique. Jusqu’à cette étude parue récemment dans Nature Communications. Fruit d’une collaboration de longue haleine (quatre ans) entre une centaine de chercheurs américains, cette recherche a permis de décrypter le génome de la punaise de lit. De quoi explorer la biologie fondamentale du nuisible parasite – capable de survivre sans nourriture pendant des mois et de se reproduire à la vitesse de l’éclair –, mais aussi comprendre son adaptation aux insecticides.

Les chercheurs se sont aperçus que l’insecte développe des mécanismes de résistance à ce genre de produit à partir du moment où il se nourrit de sang. Cette découverte pourrait conduire au développement de nouveaux insecticides plus efficaces.

SL

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Qui a peur de Glassdoor, le «TripAdvisor de l’emploi»?

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:52

Eclairage. Le site américain qui permet aux employés de noter leur entreprise attaque le marché suisse. En mettant une foule de nouvelles informations à disposition des candidats, il commence à bousculer le secteur des ressources humaines.

Au mois de février, l’équipe des ressources humaines de L’Oréal Suisse a suivi une nouvelle formation. L’objet du cours? Glassdoor, le site américain sur lequel les employés peuvent noter leur entreprise. Souvent qualifiée de «TripAdvisor de l’emploi», la plateforme rassemble des informations sur les conditions de travail, les salaires, le déroulement des entretiens d’embauche ou encore les dirigeants des entreprises. Les avis, postés de manière anonyme par des personnes qui travaillent ou ont travaillé pour les sociétés passées au crible, donnent naissance à une note moyenne sur 5.

Créé en 2008, Glassdoor, qui publie aussi des offres d’emploi, a connu une forte croissance ces dernières années, principalement dans les pays anglo-saxons. Le site rassemble aujourd’hui 11 millions d’avis sur 500 000 entreprises, quasiment le double d’il y a deux ans. Une croissance qui a permis au site de se distancier de plateformes similaires, comme le site autrichien Kununu, disponible uniquement en allemand. Et c’est avec cette force de frappe que Glassdoor s’est officiellement lancé sur le marché helvétique fin 2015. Pour l’heure, la plupart des avis concernent des multinationales. Mais des sociétés suisses, des organisations internationales, des ONG, des universités et même des PME sont également notées.

«Travaillez ailleurs si vous le pouvez!», «La hiérarchie en demande toujours plus sans jamais reconnaître vos efforts», «Le service RH ne sert à rien»: les entreprises romandes vont devoir affronter de plus en plus fréquemment ce type de commentaires peu reluisants. Olivier Deslandes, responsable des ressources humaines de la banque privée Lombard Odier, actif dans le recrutement depuis plus de deux décennies, prédit un «tsunami» dans les années à venir: «Les directions générales et les responsables de communication et de ressources humaines devront composer avec un canal d’informations impossible à filtrer, et donc une perte de contrôle de l’image de la société à l’extérieur.»

La fin du politiquement correct

Le responsable des ressources humaines ajoute qu’«en matière d’éthique ou de respect des employés, les entreprises seront obligées de faire correspondre les valeurs qu’elles affichent pour leur communication à la réalité». Certaines habitudes, comme par exemple laisser un manager brillant mais tyrannique terroriser son équipe, comme c’est le cas dans certaines sociétés, ne pourront plus être tolérées. Les responsables des RH devront aussi s’habituer à recevoir des candidats mieux informés, notamment sur le déroulement des entretiens d’embauche et les salaires auxquels ils peuvent prétendre, et plus enclins à demander des précisions sur certains aspects négatifs de l’environnement de travail. «Cela rendra les discussions de recrutement beaucoup moins politiquement correctes», estime Olivier Deslandes. 

«Glassdoor nous oblige clairement à repenser notre manière de travailler, explique Emmanuelle Grosclaude, responsable des ressources humaines de L’Oréal Suisse. Tout ce qui se passe au sein de l’entreprise peut être diffusé très rapidement, que ce soit par un collaborateur ou un candidat après un entretien d’embauche par exemple. Du coup, les exigences en matière de qualité sont exacerbées, notamment lorsque nous recevons des candidats. Cela dit, nous considérons Glassdoor comme un formidable outil.»

Glassdoor n’est en effet pas réservé aux employés. Sur leur profil, les entreprises peuvent répondre aux commentaires, poster des informations et des images et accéder à des analyses et à des études comparatives. Le site permet surtout d’obtenir des informations que les collaborateurs hésitent à transmettre à leur hiérarchie. «Nous pouvons ainsi agir pour améliorer certaines situations, ajoute Emmanuelle Grosclaude. Nous invitons d’ailleurs les employés à poster leurs commentaires afin d’avoir un maximum de feedbacks et l’image la plus objective possible. Il s’agit aussi d’un moyen pour en apprendre davantage sur nos concurrents. Par ailleurs, la transparence accrue est bénéfique pour tout le monde et rendra les processus de recrutement plus efficaces. Je n’ai aucun intérêt à ce qu’un nouvel employé découvre un aspect du travail qui ne lui convient pas une fois qu’il se trouve engagé.»

Outre la formation qui vise à apprendre à l’équipe RH comment utiliser Glassdoor, L’Oréal a mis en place des actions concrètes. Chaque trimestre, un rapport résumant l’évolution de la réputation de l’entreprise sur le site est transmis à la direction. Et les ressources humaines ont désormais pour mission de répondre à tous les avis.

Chez Swisscom, tous les commentaires négatifs postés sur Glassdoor reçoivent aussi une réponse, une habitude adoptée déjà avec le site Kununu, bien implanté en Suisse alémanique. Et l’opérateur va même plus loin pour désamorcer les situations conflictuelles.

«Nous demandons à la personne de nous contacter via une adresse e-mail afin de discuter directement des problèmes, indique David Luyet, chef de la section People Relationship & HR Marketing. Nous tenons à montrer que nous prenons ces situations au sérieux, même si la démarche ne reçoit souvent pas de réponse.» Du côté des candidats, en se basant sur son expérience avec Kununu, Swisscom estime que 10 à 15% d’entre eux citent des avis lus online pour demander des explications lors d’un entretien.

Risque de perte d’objectivité

La société genevoise de services informatiques Blue-infinity, qui compte 400 employés, a également pris les devants. En cas de commentaire négatif, Sonia Nair, la directrice du marketing et de la communication, effectue un sondage à l’interne pour voir si cela correspond au sentiment des employés. Après avoir, dans un premier temps, ajouté des contributions à sa page Glassdoor, Blue-infinity a finalement décidé de cesser d’y être actif.

«Les mauvais commentaires, cela fait partie du jeu, remarque Sonia Nair. Mais tout n’est pas si transparent. L’anonymat donne la possibilité à n’importe qui de rédiger une évaluation de la société, et à une même personne de multiplier les profils. Par ailleurs, Glassdoor nous a proposé d’ouvrir un compte premium payant, dont une des options permet de décider quel avis serait mis en avant sur notre profil. Cette démarche – que nous avons refusée – engendre aussi une perte d’objectivité.»

Outil pour attirer les talents

La plupart des entreprises de Suisse romande ne se montrent pas aussi pro­actives. Face au nombre encore restreint de commentaires, plusieurs responsables de ressources humaines interrogés disent n’avoir aucune stratégie particulière concernant Glassdoor. Ils indiquent ne pas effectuer de surveillance systématique et regarder plutôt ce qu’il s’y passe «par curiosité».

Beaucoup de spécialistes du recrutement réagissent encore de manière dubitative, voire carrément ironique, à l’évocation de ce nouveau «TripAdvisor de l’emploi», constate David Talerman, auteur de l’ouvrage Travailler et vivre en Suisse et observateur assidu du secteur des ressources humaines dans la région. «Mais ils rigoleront beaucoup moins dans un ou deux ans. Grâce à cet outil, ce n’est plus seulement le candidat qui est passé à la loupe, mais aussi l’entreprise. Il s’agit d’un enjeu majeur dans un contexte de guerre globale pour attirer les talents. Pour convaincre des personnes qui ne sont pas sur le marché de rejoindre une entreprise, il faut d’autres paramètres que le salaire. Et désormais, Glassdoor met tout sur la table.» 

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François Wavre / Lundi13
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Point final: rebelles au grand cœur

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:53

Une envie d’appuyer l’hommage rendu aux caissières par l’émission Temps présent avec deux petites histoires. La première, assez récente, est celle d’une vieille dame dont un des plaisirs quotidiens consistait à passer tous les jours dans la petite Migros de son quartier. Elle perdait la mémoire mais ses pieds connaissaient le chemin. Les caissières la saluaient de son nom, l’aidaient à trouver ce qu’elle voulait dans les rayons, lui signalaient quand elles avaient l’impression que son réfrigérateur devait être plein à craquer de Caprice des Dieux et qu’elle pouvait renoncer à acheter de nouvelles boîtes pour quelques jours. Eh oui, on causait. C’était avant les caisses que le client manie lui-même.

La seconde histoire s’est déroulée il y a quelque quarante ans. Il arrivait alors à une caissière, à peine sortie de l’adolescence, de tromper son employeur. Quand un client lui semblait dans le besoin, attachant ou simplement mignon, elle tipait des prix bien plus bas que ce qu’indiquaient les étiquettes collées sur les articles. Surpris par la somme qu’elle réclamait au bout du compte, l’heureux bénéficiaire lui signalait parfois son erreur présumée. Elle posait alors son index sur les lèvres et soufflait: «Chut!» C’était la faute au cinéma, plus précisément à Alain Tanner, son film Jonas qui aura 25 ans en l’an 2000 et Miou-Miou dans le rôle de la caissière rebelle qui faisait des prix à la tête du client. C’était avant les codes-barres et les scanners.

Les caissières? Des humanistes qui résistent à l’air du temps

catherine.bellini@ringier.ch

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Meapasculpa: Nabilla comme toi et moi

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:54

Frères et sœurs lecteurs et lectrices qui tournez la page du journal avec mépris lorsque vous tombez sur une interview de Nabilla ou zappez avec impatience quand vous apercevez son minois sur un plateau de télévision, n’ayez contre elle le cœur endurci.

Ne la détestez pas, ne la méprisez pas.

C’est vrai, elle n’a pas grand-chose à dire. Sa conversation tient du café du Commerce version bimbo de 20 ans. Elle n’a pas de message, n’est pas militante ou idéologue, n’a pas de métier ni de prix Nobel, ne crée rien, ne chante pas, n’écrit pas de poésie. Elle parle aux journalistes, et donc à vous, comme à la télévision ou à ses copines, dit «grave» ou «chelou».

Elle parle de ce qu’elle connaît, c’est-à-dire son mec, la télévision, les fringues, les autres people et Nabilla. Faute d’objets de discussion, Nabilla est le sujet de Nabilla. Sa personne, son expérience de la vie et donc, comme la miss n’a que 24 ans, surtout son enfance. Papa, maman, les disputes, le divorce, le déménagement, les bêtises, la grand-mère Courage. Ce qu’elle vous raconte à longueur d’interview, à peu de chose près, vous pourriez le raconter. Votre enfance aussi est un roman.

Pourtant, justement, frères et sœurs lecteurs et lectrices qui estimez que cela n’a pas d’importance et que les médias deviennent vraiment n’importe quoi en lui déroulant le tapis rouge, vous vous trompez.

Quand un journal interviewe Luc Ferry ou le nouveau Prix Nobel de médecine, il ne fait que souligner le fossé qui existe entre eux, leur pensée haut de gamme, leur cerveau puissant, leur érudition, et vous, à qui il faut forcément tout expliquer.

Nabilla, ne sachant rien de plus que vous, n’étant qu’elle-même, et donc tout sauf une autorité morale, intellectuelle, théologique ou économique, revalorise à la fois la parole des gens qui n’ont rien à dire et ce rien qui compte tellement.

Un emballage avenant (taille de guêpe, poitrine, yeux de biche) l’a propulsée sur le devant de la scène et en a fait le choix du public pour être notre porte-parole, notre ambassadrice, le miroir en version hyperprésentable de nos peines et tourments intimes, une humaine lambda qui s’est précipitée sous la cloche de verre de la célébrité comme on se jette sous les roues d’un train.

Soyons reconnaissants. Rien n’est plus difficile que de parler de soi. Essayez de tirer des confidences intéressantes sur leur enfance ou leur adolescence de la part de patrons d’entreprise, de professeurs d’université ou même d’artistes connus. Avec Nabilla, il n’y a qu’à ouvrir le robinet. C’est formidable. Comme elle ne parle de rien, elle dit l’essentiel: papa, maman, les disputes, le divorce, les bêtises, la grand-mère Courage. Ce qu’on oublie lorsqu’on est devenu Luc Ferry, Prix Nobel de médecine ou patron d’entreprise. Il faut dire merci à Nabilla.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Luc Ferry: «Seule une prise de conscience mondiale pourra réguler les progrès de la technomédecine.»

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:55

Interview. Dans son nouvel essai, «La révolution transhumaniste», le philosophe français nous prévient: la techno-médecine et l’ubérisation du monde vont bouleverser notre existence. Jusqu’à remettre en question la définition même de notre humanité.

La révolution est en route: passer d’une médecine thérapeutique, qui répare ce qui peut l’être, à une médecine de l’amélioration progressive de l’être humain. Une technoscience dont l’ambition prométhéenne est de supprimer la loterie des inégalités génétiques, les affres du vieillissement, l’inéluctabilité de la mort. Une biotechnologie qui entend proposer des choix, par exemple aux parents d’enfants à naître, plutôt que de subir la loi du hasard. Le tout avec l’appui de l’intelligence artificielle, de cette alliance à venir entre l’homme et la machine.

Tel est l’enjeu capital empoigné par Luc Ferry dans La révolution transhumaniste (Ed. Plon), inquiet de voir que cette menace, qui est aussi un espoir, est encore peu considérée en Europe, contrairement aux Etats-Unis. Dans son excellent livre, à la langue claire et forte, Luc Ferry prône une régulation des biotechnologies qui n’interdirait pas tout, mais n’autoriserait pas tout non plus. Le philosophe évoque dans son livre une autre révolution rapide, peu compréhensible et disruptive: la nouvelle économie collaborative, l’ubérisation du monde, qui s’appuie aussi sur les «big data» et l’intelligence artificielle.

Comment définir le transhumanisme, et en quoi est-il une révolution, pour reprendre le titre de votre essai?

D’abord et avant tout, ce mouvement, qui a pris une importance considérable aux Etats-Unis et suscité des milliers de publications, des débats passionnés avec des penseurs de tout premier plan comme Michael Sandel ou Jürgen Habermas, entend passer d’une médecine thérapeutique classique – dont la finalité depuis des millénaires était de soigner, de réparer – au modèle de l’augmentation du potentiel humain.

De là l’ambition de combattre le vieillissement et même de parvenir à augmenter la longévité humaine, non seulement en éradiquant les morts précoces, comme ce fut le cas depuis le XIXe siècle, mais en recourant à la technomédecine, voire à l’ingénierie génétique. Pour le moment, rien de réel ne prouve que c’est possible pour l’homme, même si ça l’est pour les souris transgéniques de l’Université de Rochester, mais Google a déjà investi des centaines de millions de dollars dans le projet. Il s’agit aussi de corriger volontairement la loterie génétique, qui distribue injustement les qualités naturelles et les maladies. C’est là ce que signifie le slogan transhumaniste From chance to choice: passer du hasard aveugle au choix éclairé. Nous en sommes encore loin, mais qui peut dire à quoi ressemblera la biochirurgie en l’an 2300? Il faut anticiper.

Quelle est l’idéologie à l’œuvre derrière cette foi en un progrès sans fin, capable, grâce aux nouvelles technologies, de résoudre les maux dont souffre aujourd’hui l’être humain, y compris sa propre condition de mortel?

Il ne s’agit en rien d’une foi aveugle, mais du mouvement le plus profond des démocraties depuis la fin du XVIIIe siècle, une lame de fond qui consiste à passer sans cesse de ce qui nous détermine de l’extérieur de manière aveugle (hétéronomie) à ce que nous pouvons librement décider (autonomie). C’est comme ça qu’on est passé, en Europe, de la monarchie à la république, ou encore du mariage imposé par les parents et les villages au mariage d’amour choisi librement par les individus.

Le transhumanisme s’inscrit dans cette idée que l’humain est perfectible, que la nature n’est pas une loi morale, qu’on peut et qu’on doit passer autant qu’il est possible du déterminisme naturel injuste et aveugle (la maladie génétique vous tombe littéralement dessus) à une lutte librement consentie contre les inégalités non seulement sociales mais aussi naturelles. A priori, il n’y a rien là de choquant pour un démocrate...

L’actualité ne montre-t-elle pas que les scientifiques avancent au contraire avec prudence sur le terrain de l’amélioration génétique ou des applications de l’intelligence artificielle? L’optimisme technophile, qui ne se donne aucune limite à l’amélioration de l’homme, n’est-il pas plutôt le fait de compagnies privées comme Google?

La prudence est de rigueur. Elle est plus nécessaire que jamais, mais il y a un abîme entre la prudence et la haine du progrès dont votre question se fait l’écho...

Que préconisez-vous pour que les politiques prennent enfin la mesure de ce qui est en train de se jouer sous nos yeux? La difficulté, pour eux, pour nous tous, n’est-elle pas de comprendre une recherche si complexe qu’elle devient incompréhensible?

Excellente question, et c’est tout l’objet de mon livre. Il ne faudra ni tout autoriser ni tout interdire, donc il faudra réguler. Mais la technoscience nous échappe sans cesse pour trois raisons: elle va très vite, elle est très difficile à comprendre et elle est mondialisée, de sorte que les législations nationales n’ont plus grand sens. Seule une prise de conscience européenne, voire mondiale, pourra avoir une efficacité...

Pourquoi discutez-vous également, dans votre livre, de la nouvelle économie collaborative de l’internet, illustrée par Uber?

La troisième révolution industrielle – et il n’y en a que trois, pas quatre, comme le prétendent à tort certains – a deux retombées majeures, l’une du côté de la médecine, l’autre du côté de l’économie dite collaborative. Les deux sont en réalité inséparables. Sans les big data, l’internet des objets, la robotique et l’intelligence artificielle, il n’y aurait ni Uber ni transhumanisme. J’ai voulu mettre ce lien au jour, dans mon livre, pour qu’on comprenne enfin les enjeux multiples de cette révolution.

N’y a-t-il pas, derrière cet enjeu technophile, la remise en question de la définition même de notre humanité?

Oui, c’est le grand risque. L’université de la singularité créée par Google et dirigée par Ray Kurzweil veut, en hybridant l’homme avec la machine et la robotique avec l’intelligence artificielle, créer une véritable posthumanité. Projet délirant ou fantaisiste? Stephen Hawking, Bill Gates et Elon Musk l’ont pris assez au sérieux pour signer ensemble une pétition contre les dangers de l’intelligence artificielle. Or, ce ne sont pas précisément des technophobes...

Votre propos n’est-il pas aussi de rappeler le rôle essentiel de la philosophie dans ce type de débat fondamental? Le transhumanisme nous contraint à nous poser des questions ultimes, lesquelles sont aussi le moteur de la philosophie. Votre livre est aussi une méthode, un encouragement à s’intéresser au présent plutôt qu’au passé. Or, selon vous, la France actuelle est trop portée vers la nostalgie d’elle-même, incapable d’affronter l’avenir. Dire cela, est-ce la marque d’un philosophe de droite?

La première tâche de la philosophie consiste à penser son époque. Elle doit être, comme le disait Hegel, son temps saisi dans la pensée – «ihre Zeit in Gedanken erfasst». Est-ce de droite ou de gauche? J’avoue que ces catégories me paraissent totalement absurdes aujourd’hui, de sorte que je vous les abandonne bien volontiers. La vérité, qui n’est jamais ni de droite ni de gauche, c’est que nous vivons une troisième révolution industrielle, dont les deux retombées, la technomédecine et l’économie collaborative, vont bouleverser le monde davantage dans les cinquante ans qui viennent que dans les cinq mille ans qui précèdent.

Mais la nostalgie...

Oui, dans ce contexte, c’est vrai, je n’en peux plus des idéologies dépressives et des nostalgies de la IIIe République. J’avais envie de penser le monde nouveau dans lequel vont vivre mes filles, pas de pleurnicher sur la disparition de celui de mes arrière-grands-parents. Si c’est de droite, je veux bien être pendu sous un fraisier...

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Nuit debout: un mouvement nécessairement intolérant

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:56

Analyse. Les contradictions d’un mouvement révolutionnaire porteur de violence.

D’extrême gauche? Non, non, non! Altermondialiste? Non plus, l’altermondialisme a sa propre histoire, elle commence au Mexique, se poursuit aux Etats-Unis. OK, mais c’est quoi, alors, Nuit debout? Stéphane, un jeune homme, ne nous le dira pas. Peut-être ne le sait-il pas lui-même et ne veut pas le savoir. Voilà un mouvement, établi place de la République à Paris depuis le 31 mars, qui revendique une singularité mais est bien incapable de se définir, sinon par opposition à l’existant.

Justement: si Nuit debout n’existait pas, ou pas encore? Si, pour l’heure, il n’était qu’un «en soi» en quête d’un hypothétique «pour soi», un être sartrien sans but? A moins que, et ce serait too much: si l’objectif recherché ici était le point de départ, un élan sans cesse répété comme dans un gif, cette brève animation qui cartonne sur les réseaux sociaux et reproduit à l’infini une même scène? Un «pour soi» qui ne dépasserait pas le stade de l’«en soi»? Un principe sans vécu?

Jus de crâne? Mais oui, il faut bien, pour essayer de comprendre. Stéphane, lundi 18 avril, dégaine une formule cliché qui l’amuse, digne du bon vieux La haine de Mathieu Kassovitz, quoique signifiant l’inverse de la réplique culte du film (l’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage): «Ce qui compte, ce n’est pas la destination, c’est le chemin parcouru», balance-t-il. Comme d’autres mouvements d’«occupation» anticapitalistes – dont Occupy Wall Street en 2011 –, Nuit debout a tendance à faire durer le plaisir. Littéralement exhibitionniste, se donnant au regard des passants dans un lieu hautement symbolique, il remet chaque soir l’ouvrage délibératif sur le métier de l’assemblée générale, pied de nez à la démocratie représentative jugée à l’agonie.

Pour l’instant, Nuit debout donne l’impression de ne produire que du «process». Un esprit procédurier qui se veut à la fois bienveillant et strictement égalitaire avec ses membres délibérants. On annonce certes une «constitution», mais quand pourra-t-on la lire? «Laissez-nous du temps, répond Stéphane, nous avons commencé il y a quinze jours, la Commune de Paris n’a duré qu’un mois (un peu plus de deux et fut écrasée en mai 1871, ndlr).»

Est-ce donc là une nouvelle Commune? En quelque sorte. Il est question d’autogestion, de choses plus ou moins nouvelles ayant acquis un intérêt, voire un caractère d’urgence, avec la crise économique, le chômage de masse et les prévisions sur le réchauffement climatique: circuits courts, décroissance, nouvelles monnaies, véganisme, anti-spécisme, économie coopérative… tout l’arsenal d’une société différente, entre progrès et régression volontaire. Le film Merci patron! de François Ruffin – une charge contre le «néolibéralisme» incarné par Bernard Arnault, le «patron» de LVMH – a donné le signal de départ à l’insurrection Nuit debout, mise en partition par l’économiste Frédéric Lordon.

Contradiction dans les termes

Si Nuit debout délibère tant et donne à ce point l’impression de jouir de lui-même, c’est qu’il craint la violence des actes. Instruit des «horreurs du XXe siècle», viscéralement «antiraciste», il a les mains liées. Pourtant, comme tout mouvement radical, il porte en lui la violence. Alors, quand il dérape, il se questionne aussitôt. L’éviction d’Alain Finkielkraut, samedi 16 avril, de la place de la République, traité de «fasciste» par une partie de la foule, a ébranlé certains nuitdeboutistes. Telle Léa, qui, le surlendemain, à la suite de cet incident, animait sur cette même place un groupe de discussion dans le cadre de la «commission réflexion».

Thème du jour: la liberté d’expression. Une contradiction dans les termes, une notion somme toute bourgeoise, étant donné l’orientation objectivement à gauche du mouvement. Si la plupart, dans le groupe, disent leur attachement à la libre parole, d’autres s’érigent en «tiers état» et déclarent Finkielkraut «ennemi du peuple», «raciste» et «islamophobe», alors que pendant ce temps sur les réseaux sociaux se déverse contre lui un flot de haine – d’anciennes déclarations sur les Noirs en équipe de France de football et la violence en islam ont fait de lui le «punching-ball» de la banlieue.

On touche ici à la contradiction ou, si l’on préfère, à la vérité de Nuit debout: intrinsèquement révolutionnaire, nécessairement intolérant.

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Boris Allin
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Fatima Montandon: «Je préfère être intelligente que belle»

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:56

Et vous, comment ça va?

«Ça va très bien. J’arrive à la fin de mon stage d’avocate qui dure deux ans, après cinq ans d’études et un master en droit. Dans ma vie, j’ai un côté très studieux et un autre plus créatif qui s’exprime au travers de mon blog de mode. Dès l’âge de 14 ans, j’ai toujours travaillé à côté de l’école et de mes études. Gagner son argent de poche, ça responsabilise. Travailler quand on est jeune, ça apprend à être ponctuel et sérieux. On comprend qu’il faut faire un effort pour obtenir quelque chose. Très jeune, j’ai fait des photos de mode et des défilés. C’est ma mère qui m’avait inscrite dans une agence de mannequins pour me faire prendre des cours de maintien. J’ai aussi été speakerine et chroniqueuse à la RTS. Durant mon gymnase, j’étais aide-coach puis arbitre de basket. Je n’ai jamais eu de standing de jobs. Cela m’aurait bien plu de bosser chez H&M.

Apparence multiculturelle

Je suis née à Neuchâtel, d’un père suisse et d’une mère dominicaine. Mes parents se sont rencontrés en République dominicaine où mon père voyageait. Il était employé de banque. Ils ont eu ma grande sœur là-bas, puis sont venus s’installer en Suisse où je suis née. Pourquoi je m’appelle Fatima? Parce que mes parents aimaient ce prénom. On me demande presque tous les jours si je suis Marocaine. Je me dis, au moins, j’ai une apparence multiculturelle.

Quand j’ai eu 4 ans, ils ont divorcé. Est-ce que j’ai souffert? Je ne suis pas du genre à exposer mes sentiments. Je vis le chagrin dans mon coin. Je préfère partager ma joie de vivre que ma tristesse. Ma mère s’est remariée et a eu une fille, qui a 13 ans. Mon père a également eu une troisième fille, elle a 9 ans. J’ai donc trois sœurs. Ça anime la vie familiale!

Toute jeune, j’ai fait plein de sports différents: équitation, basket, course à pied, krav maga, kung-fu, gymnastique artistique, tennis, rock’n’roll acrobatique et j’en oublie. Au gymnase, j’ai choisi économie et droit. Je suis ambitieuse et j’ai toujours révisé jusqu’au dernier moment. Toute petite déjà, je faisais signer des minicontrats à ma mère, avec des clauses minuscules au bas de la feuille, pour de petits prêts. Je crois que c’est en regardant une émission de la télévision locale RTN9, qui mettait en scène des plaidoiries, que j’ai découvert le droit. J’étais enfant et je trouvais ça hyper-intéressant.

Cela peut vraiment paraître paradoxal, mais je n’accorde pas trop d’importance à mon image. D’ailleurs, les compliments me mettent très mal à l’aise. Je change tout de suite de sujet lorsqu’on m’en fait. Et je suis une pive en matière de regards charmeurs, je ne les intercepte pas. Evidemment, l’intelligence et la beauté sont un duo apprécié, mais à choisir, je préfère être intelligente, ça peut porter plus loin, car il y a une possibilité d’évoluer. La beauté ne dure pas, sauf pour George Clooney. En plus, une personne qui est belle mais bête, elle est moche.

Blog de mode

Dans la vie, j’aime me lancer des défis, faire des projets et surtout les réaliser. Mon blog de mode, que j’ai commencé en octobre 2013, vient de ce trait de caractère. J’ai d’ailleurs consacré mon mémoire à ce sujet. Il s’intitule: La création d’un blog de mode sous l’angle de la propriété intellectuelle et du droit des contrats. C’était l’occasion de réunir mes deux centres d’intérêt. J’aime bien les mots. Quand j’écris un article, cela me prend du temps. Pour le moment, je ne fais pas ça pour me faire de l’argent. Si, pas à pas, cela m’amène à en vivre, je serais hyper-contente.

Pour certains produits et habits, je m’approche des marques. Dans d’autres cas, ce sont les marques qui viennent à moi. Je peux également recevoir du cash, tout dépend de la marque ou de l’intermédiaire. Il m’arrive de rencontrer d’autres blogueuses à des événements. L’ambiance est très amicale. Samedi, je participerai à un vide-dressing avec huit d’entre elles à Genève. Je me réjouis. Mon avenir? En septembre, j’aurai les examens. Dans le canton, il y a 50% de taux d’échec au premier examen de brevet d’avocat. Il reste deux chances. Par la suite, je vais voir les opportunités qui s’offrent à moi. Mon souhait serait de marier les deux domaines que j’aime: le droit et la mode. J’ai déjà quelques idées…»

Vide-dressing samedi 23 avril, de 11 h à 19 h, Hôtel N’vY Manotel, rue de Richemont 18, Genève, entrée libre. www.fmfb.ch

Retrouver les billets de Sabine Pirolt dans son blog Et vous, comment ça va?
sabine.pirolt@hebdo.ch 

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Sabine Pirolt
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Tchernobyl: ils reviennent malgré la radioactivité

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:57

Boris Mabillard

Reportage. Trente ans après la catastrophe nucléaire, des exilés de la guerre du Donbass et des victimes de la crise économique choisissent de s’installer dans la Zone II, normalement interdite en raison de la contamination. Le maire de Bazar leur propose des loyers à des prix imbattables.

Tchernobyl, Zone II, ce n’est pas un avertissement, ni une mise en garde, mais une interdiction. A cause des radiations, personne ne devrait y vivre. Les forêts dans un rayon de 30 kilomètres autour de la centrale, arrêtée il y aura trente ans le 26 avril à la suite du pire accident nucléaire de l’histoire, resteront radioactives pour des milliers d’années. Pourtant, des gens sont restés au cœur du désastre. Pas seulement les 158 babouchkas qui, officiellement, ont refusé de quitter leur maison et dont la plupart ont aujourd’hui pas loin de 80 ans. Mais aussi de nouveaux arrivants prêts à tout pour un logement pas cher.

A 120 kilomètres au nord-ouest de Kiev, le paysage change imperceptiblement, les villages aussi, et les habitations désertées se multiplient. Nous sommes arrivés dans la «zone» sans avoir passé aucun checkpoint ni vu de panneau qui signale le risque de contamination radioactive. Les gens du coin savent, eux, où passe la frontière invisible, car, après des tests effectués en 1993, certaines localités ont été évacuées en plus de celles qui l’avaient été au lendemain de la catastrophe. C’est le cas de Bazar. Une petite bourgade de quelques centaines de maisons qui tient son nom de son passé mongol, au XIIIe siècle, alors qu’elle était le plus grand marché d’esclaves de toute la région.

Des radiations «bénéfiques»

Dans la rue principale, cabossée, le trafic est anémique, les gens se retournent au passage de chaque véhicule, mais presque rien ne bouge. Deux tiers des bâtiments sont ravagés, comme si des bombes avaient été larguées, mais tout est paisible. Au centre: la mairie, le parc adjacent et sa statue soviétique en mémoire des martyrs de la Seconde Guerre mondiale. Parmi les personnes qui se sont récemment réinstallées à Bazar, il y a des familles de l’est de l’Ukraine qui ont décidé de s’exiler à cause de la guerre.

Vadim, mon chauffeur-traducteur-caméraman, nous conduit à l’adresse de l’une d’entre elles: un couple de retraités qui, après avoir fui la sécessionniste République populaire de Donetsk, a entièrement rénové une petite maison, qu’il a entourée d’une palissade, la seule au milieu des bicoques à l’abandon, envahies de buissons et de ronces en fleurs.

Evgueni et Olga nous reçoivent sur la rue en robe de chambre, pour lui beige et pour elle rose pétant. Ils viennent de Ienakievo, la ville natale de Viktor Ianoukovitch, l’ancien président en exil depuis la révolution de Maïdan: «Nous ne pouvions plus vivre dans le Donbass, les prorusses nous menaçaient en raison de notre loyauté à l’Ukraine. Ce sont des bandits.»

C’est sur internet qu’ils ont eu vent de logements pas chers à louer dans la «zone». Ils ont alors pris contact avec le maire qui leur a attribué une des maisonnettes en souffrance. «Nous payons 156 hryvnias de loyer annuel (environ 6 francs, ndlr), mais nous avons fait nous-mêmes tous les travaux de rénovation», explique Evgueni. Impossible de se loger ailleurs en Ukraine à ce prix, même dans les villes dévastées du Donbass, les loyers sont au moins vingt fois plus chers. «Nous avons aussi un immense jardin où nous faisons pousser patates, tomates, choux et salades, et même de la vigne», poursuit-il.

Et les radiations? Vous n’en avez pas peur? «Il y a des coins du Donbass ou de Kiev où les radiations sont plus élevées qu’ici. On dit même que c’est pas trop mauvais pour la santé et que boire du vin ou de la vodka permet d’éliminer les toxines radioactives», répond en riant Olga. Le couple touche une double retraite de la compagnie minière où ils travaillaient.

«Ce ne serait pas assez pour vivre. Heureusement, nous sommes presque autonomes grâce à notre potager. En été et en automne, nous mangeons nos légumes frais, nos œufs. Et en hiver ce que nous avons mis en conserve», raconte Evgueni. Par rapport à la plupart des habitants de Bazar, ils sont des privilégiés. Chef mécanicien dans la mine de Ienakievo, Evgueni gagnait bien et sa femme, dans l’administration de la compagnie, aussi: «Nous avons quitté un superbe appartement stalinien de 100 mètres carrés», dit-elle tristement.

Tous deux n’utilisent pas de dosimètre pour mesurer la radioactivité de leurs cultures et font confiance aux paroles du maire. «Des chercheurs allemands qui ont étudié la contamination dans la région s’étaient installés à Bazar, c’est la preuve qu’il n’y a pas de problème ici. Des forêts sont contaminées vers Klishchi (qui se prononce comme Clichy, à Paris) et au nord de Bazar, mais dans le village, il n’y a pas de problème.» La contamination des forêts non loin de Bazar, confirmée par les cartes qui montrent avec précision la dissémination de la radioactivité, n’empêche pas Evgueni d’aller aux champignons avec ses chiens et de cueillir des myrtilles. Le couple rigole: «Et alors? Nous venons du Donbass, on ne risque rien. Vous trouvez qu’on se porte mal?»

Le maire, Budko Alexandr Vasilievitch, montre le même optimisme. Il nous reçoit dans son bureau austère dans une aile du rez-de-chaussée. Le reste de l’imposant bâtiment de deux étages est inutilisé. «Selon nos mesures, le taux de radioactivité est normal, comme à Kiev ou même moins. En fait, la mortalité est plus importante chez les personnes qui ont quitté le village. Je pense que le niveau de radiation que connaît Bazar permet de renforcer les défenses immunitaires.» Mais le petit dispensaire de Bazar ne soignant que les pathologies légères, les malades en fin de vie sont hospitalisés en dehors de la zone. Autre signe que les radiations ne sont pas létales, ajoute Budko Alexandr Vasilievitch: l’abondance du gibier. Selon lui, les cerfs, les élans et les loups pullulent: «Un chien a même été tué par un loup il y a quatre jours à côté de la mairie.»

Il est né à Bazar et, après vingt ans dans l’armée, il est revenu chez lui en 2004: «Je veux que les gens s’établissent ici. Surtout des enfants, pour que Bazar devienne leur village.» Il sort d’un tiroir la Constitution ukrainienne et en lit l’article 47: chaque Ukrainien doit pouvoir bénéficier d’un logement à un prix abordable. «Avec la crise économique actuelle, ce n’est plus possible; ce que je fais en encourageant les gens à venir habiter ici est dans l’esprit de la Constitution.» En 1986, au moment de la catastrophe, il y avait 2600 habitants. Mais, en 1993, à la suite de nouvelles mesures de la radioactivité, la Zone II est élargie: Bazar et les localités alentour sont alors évacués. Le gouvernement reloge tous ceux qui doivent déménager. Mais 300 obstinés refusent d’abandonner leur village. En 2004, Bazar compte encore 240 âmes. Le maire entre alors en scène pour repeupler la zone et, en 2016, la population atteint désormais 570 habitants.

Youlia, la bibliothécaire de Bazar, rejoint le maire. Elle fait partie de ceux qui sont partis et ont bénéficié du logement offert par l’Etat. Mais, dans un deuxième temps, elle a préféré revenir et donner son appartement à sa fille: «J’avais des allergies et mon mari ne se portait pas bien. Ici, ça va beaucoup mieux.» Le maire acquiesce, «l’air est pur, ici, grâce aux forêts, on devrait même y construire un sanatorium». Deux sociétés d’exploitation forestière emploient chacune une quinzaine de personnes, ce qui ne suffit pas, déplore le maire: «Nous avons deux problèmes: l’alcool et le chômage, qui dépasse les 60%.»

La contamination? «Pas de problème»

Budko Alexandr Vasilievitch aimerait développer l’agriculture, attirer les investisseurs. La contamination radioactive autorise-t-elle les cultures? «Les légumes sont testés au marché, il n’y a jamais de problème. Seules quelques forêts sont polluées, à Klishchi surtout», assène-t-il. Si le classement en Zone II interdit la vente des maisons qui sont propriété de l’Etat, le maire espère cependant que le gouvernement déclasse la commune de Bazar: «Cela aurait dû se faire cette année à l’occasion du trentième anniversaire, mais le dossier n’avance pas malgré les promesses et les études qui montrent la disparition partielle du rayonnement radioactif.»

Nous nous rendons à Kiev chez Vitalii Petruk, le chef de l’Agence ukrainienne d’administration de la zone d’exclusion de Tchernobyl, pour savoir si les terres de Bazar peuvent être cultivées sans risque. Il n’a jamais entendu parler de Bazar et s’enquiert auprès de son adjoint, qui n’en sait pas plus. Son département a publié un fascicule de cartes des différentes zones. Il les détaille: la Zone I dite «des 10 kilomètres» est totalement fermée. La Zone II dite «d’exclusion obligatoire» est fermée, mais on peut y séjourner quelques heures à condition d’être muni du permis ad hoc et d’être accompagné d’un guide. «Dans la Zone I, le rayonnement dépasse par endroits les 40 milliSievert (mSv).

Dans la Zone II, en revanche, le rayonnement tourne autour des 3 mSv, mais des taches de contamination à près de 30 mSv subsistent notamment dans les forêts (à titre de comparaison, en Europe, un territoire doit être évacué à partir de 10 mSv, ndlr). C’est pour cela qu’on ne peut s’y rendre qu’accompagné d’une personne qui connaît les lieux à éviter.» Dans tous les cas, la culture y est interdite. La chasse et la coupe du bois aussi. De même que la cueillette des baies et des champignons dans lesquels se concentre la radioactivité.

Comment se fait-il donc qu’à Bazar les gens cultivent et récoltent sans souci? Pour Vitalii Petruk, s’il y a des gens à Bazar, c’est que la ville ne fait pas partie de la zone. Une des cartes confirme ses dires, mais une autre en revanche inclut Bazar dans la Zone II. «Elles sont schématiques», s’impatiente le fonctionnaire. Les contours semblent au contraire très précis. Mais sur un des deux plans, la limite de la Zone II suit les frontières administratives de l’oblast (région) de Kiev et non pas celles des mesures constatées sur le terrain. En fait, seule la partie de la Zone II qui se situe dans la région de Kiev est surveillée, mais pas celle qui dépend de l’oblast de Jytomyr, où se trouve Bazar. La radioactivité n’y est pourtant pas inférieure.

Retour à Bazar. Selon des forestiers, un fermier de Lougansk, dans le Donbass, aurait repris une grande exploitation agricole dans le hameau voisin de Mezhyliska. Youri Mikhailovitch Andréiev a été kidnappé par les rebelles séparatistes. Il est torturé et séquestré pendant 207 jours et enfin libéré en échange d’une rançon. Sa vie devenue impossible dans le territoire contrôlé par les prorusses, il décide de migrer: «Pour celui qui veut travailler, Bazar, c’est comme l’Alaska. Tout est possible. J’ai emprunté 500 000 dollars pour réparer les installations et louer 1000 hectares de terres.» Il veut faire du bio et exporter: «Je ne cultive que les terres vierges de toute pollution.» Et pour prouver son engagement, il nous emmène muni d’un dosimètre sur l’un de ses champs: 1,5 mSv, similaire à la situation de Kiev.

Nous poursuivons avec lui vers des champs à l’arrière de Bazar: «Le maire voulait me les louer, mais j’ai découvert qu’ils sont radioactifs. Les loyers sont modiques pour les maisonnettes mais plus élevés pour les terres. Le maire est un escroc qui empoche illégalement l’argent.» Le dosimètre s’affole et se met à biper bruyamment, le sol est contaminé: 3,5 mSv au moins, quant au strontium radioactif, il y en a deux cents fois la dose maximale autorisée.

L’absence de chiffres

Vladimir, le propriétaire, n’est pas loin. Nous l’informons de nos découvertes et du danger: «Et alors? Le président Petro Porochenko n’a rien fait pour moi. Le gouvernement ne m’a pas nourri. Et le seul risque ici, c’est de mourir de faim.» Il montre du doigt deux personnes affairées à prendre des mesures sur une parcelle adjacente: «Demandez-leur, ils savent.» Ce sont deux chercheurs de l’Institut de biotechnologie de l’Université de Jytomyr. Mikhailo Vychnuk, le responsable, se veut rassurant: «Il y a environ 300 becquerels par kilo de terre, ça va. Plus les radionucléides, césium et strontium. Nous cultivons des patates en essayant de diminuer la radioactivité.» Les mangeriez-vous? «Je ne suis pas médecin, mais je les mange déjà.» Et les champignons des forêts polluées? «Aussi, mais il vaut mieux manger beaucoup de patates et peu de champignons!»

Impossible d’obtenir des chiffres sur l’espérance de vie et le nombre de patients atteints de cancer. Pour Youri Mikhailovitch Andréiev, le fermier de Lougansk, l’alcool tue probablement plus que le cancer. Il nous montre un groupe d’adolescents titubants qui se battent dans un abribus désaffecté: «Je les connais, ils refusent de bosser et préfèrent désosser totalement un mur pour en retirer l’acier. De quoi gagner 300 hryvnias (12 francs, ndlr) qu’ils dépensent pour acheter 12 bouteilles de samogon (la vodka artisanale, ndlr).»

Avant de quitter Bazar, nous nous arrêtons chez un couple de retraités, Nicolai et Galina. Ils n’ont jamais quitté leur maison: «Je ne peux pas vous recevoir, je ne me sens pas bien à cause d’allergies dermatologiques», s’excuse la vieille babouchka. Ont-ils eu vent de cas de cancers? «Oui, beaucoup de gens en ont eu.» Le mari reprend: «Et personne ne veut en parler.»

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L’Homo sapiens «cursor», une machine faite pour courir

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:58

Décodage. L’engouement pour la course dite minimaliste renvoie aux origines de l’homme. Plusieurs études tendent à prouver qu’elle réduit le risque de blessures.

La course à pied, c’est bon pour votre santé, mais pas pour vos articulations: cet état de fait, plus d’un médecin l’a déjà proféré à un patient-coureur. Pour certains sportifs, l’adage «je cours, donc je souffre» semble même être une fatalité. Qui de se plaindre d’une douleur aux genoux, qui aux hanches ou dans le bas du dos… Mais depuis une dizaine d’années, une mode est venue mettre à mal cette croyance qui veut que courir soit synonyme de petits bobos en tout genre: le minimalisme. Cette pratique consiste à revenir vers les fondamentaux d’une foulée naturelle (voir infographie ci-dessous).

Le minimalisme a connu un incroyable boom à partir de 2009 et la publication aux Etats-Unis de Born to Run, un best-seller traduit il y a quatre ans en français – sous le même titre – par les Editions Guérin. Ecrite comme un thriller par Christopher McDougall, cette enquête part d’une «question toute bête», comme la qualifie ce journaliste adepte de courses longue distance: «Pourquoi mon pied me fait-il mal?»

A force de se retrouver face à des médecins lui disant que le sport agresse son corps, McDougall a décidé de partir à la rencontre des Indiens Tarahumaras qui, dans les montagnes du nord du Mexique, sont connus pour pouvoir courir des centaines de kilomètres sans entraînement particulier, tout en ne portant que des sandales ultrafines uniquement destinées à les protéger des anfractuosités des sentiers escarpés. Et de consulter aussi Daniel Lieberman.
Ce professeur de biologie évolutionniste à Harvard intervient également dans le documentaire Sommes-nous faits pour courir?. Réalisé en 2012 par l’anthropologue Niobe Thompson, et disponible sur YouTube, ce film propose un bon condensé de la théorie qui traverse le livre de McDougall: et si l’homme était le plus grand coureur de fond que la Terre ait jamais porté? Plus que des «sapiens», nous serions des «cursor», ayant appris à courir bien avant de nous mettre à penser.

De cueilleur à coureur

Résumons l’affaire, de manière forcément schématique. Nos lointains ancêtres étaient de grands singes vivant dans la canopée pour échapper aux prédateurs, et possédaient alors un corps adapté à la grimpe et à la vie dans les arbres. La disparition progressive des forêts les a poussés à descendre sur la terre ferme, où ils ont été chassés presque jusqu’au dernier. Les survivants ont donc dû s’adapter à de nouvelles conditions de vie et, durant des centaines de générations, ont vu leur morphologie se transformer.

Ainsi naquit un nouveau singe, bipède, qui est à l’origine de l’Homo sapiens. De cette évolution est née la caractéristique première de l’homme: si nous ne pouvons pas courir vite – la plupart des animaux sont bien plus rapides – nous sommes par contre endurants. Notre corps est une formidable machine faite pour courir non pas vite, mais longtemps.

Notre voûte plantaire et notre mollet agissent comme des ressorts restituant de l’énergie lorsque notre pied frappe le sol; cette énergie gratuite est utilisée uniquement lorsque nous courons, pas quand nous marchons. De même, le grand fessier, notre plus grand muscle, n’est pas utile à la marche, mais travaille avec vigueur dès que nous accélérons le pas, afin de stabiliser notre buste. Dès lors, nos ancêtres récents, les chasseurs-cueilleurs, sont devenus de grands coureurs pratiquant notamment la chasse à l’épuisement, consistant à poursuivre des troupeaux sur des centaines de kilomètres afin d’épuiser les bêtes, qui n’arrivent pas à haleter pour se refroidir lorsqu’elles courent, tandis que les hommes transpirent pour réguler leur température.

Malheureusement, notre mode de vie sédentaire a en quelque sorte atrophié nos muscles, de même que le port de chaussures a déconditionné nos pieds, qui sont pourtant conçus pour la course à pieds nus et richement innervés. C’est justement ce que cherche à retrouver le minimalisme à travers des baskets aux semelles plates, fines et souples, offrant un contact très direct avec le sol. Plus qu’une mode, cette tendance n’est en réalité qu’un retour aux fondamentaux.

Mais, attention, on ne peut pas du jour au lendemain passer d’une paire de chaussures lourdes et profilées à des modèles légers. Il faut un temps d’adaptation qui peut aller jusqu’à une année, et en recommençant de zéro, le temps que les pieds retrouvent une vraie musculature leur permettant d’assurer leur rôle de ressort naturel. Différentes études, relayées notamment par le Québécois Blaise Dubois, animateur du site lacliniqueducoureur.com, ont d’ailleurs prouvé que depuis l’avènement des chaussures dites techniques dans les années 1980, les blessures n’ont pas diminué, bien au contraire.

Médecin du sport spécialisé dans la course à pied au centre Vidy-Med à Lausanne, Marcos Del Cuadro insiste: «La pratique de la course à pied réduit les risques d’arthrose. Une activité régulière a un effet protecteur, elle renforce les articulations. Cependant, tout est question de quantité, il ne faut pas tomber dans l’excès. Les courses de type ultra-trails peuvent par exemple être très traumatisantes du fait des nombreux micro-traumatismes répétés. De plus, les personnes qui ont un passé sportif profitent d’un avantage par rapport aux débutants.» Et d’expliquer qu’il est avant tout important de courir sur l’avant du pied, et non sur le talon – ce qui est d’ailleurs impossible avec des chaussures minimalistes –, comme lorsqu’on court naturellement, soit à pieds nus.

En cas d’attaque sur le talon, avec une pose du pied beaucoup plus en avant que le buste, l’onde de choc qui s’ensuit se répercute jusque dans la nuque. Alors qu’avec une attaque sur le milieu et l’avant du pied, la jambe est naturellement dans l’axe du corps, le genou légèrement fléchi, ce qui diminue l’impact et fluidifie le mouvement. Faites le test: courir de cette manière aboutit à une cadence plus agréable, et également moins bruyante. Observez également les pelotons lors des compétitions: les coureurs qui en constituent le premier tiers courent tous ou presque de cette façon. Et beaucoup de populaires le disent: en changeant leur manière de courir, ils ont vu des douleurs chroniques disparaître, pour autant que l’adaptation se soit faite très progressivement.

Patrimoine génétique

«Nos muscles ont aussi un rôle amortissant lors de l’attaque sur l’avant-pied, pourquoi nous en priver?», questionne Marcos Del Cuadro. Le médecin conseille ainsi à tous ceux qui se mettent au running de démarrer directement avec des chaussures de type minimaliste, puisqu’un débutant devra de toute manière commencer de manière progressive. De même, il incite les parents à laisser leurs enfants évoluer au maximum pieds nus, et à leur acheter des chaussures avec des semelles fines, afin qu’ils se musclent dès leur plus jeune âge.

C’est d’ailleurs pour cela, analyse un anthropologue comme Daniel Lieberman, que les meilleurs coureurs sont Africains, à l’image d’Abebe Bikila, qui a remporté en 1960 le marathon olympique de Rome à pieds nus. Dès l’enfance, ils évoluent la plupart du temps sans chaussures et courent parfois tous les jours des dizaines de kilomètres pour se déplacer. Ils ne sont pas génétiquement différents, mais possèdent simplement des pieds plus musclés et toniques.

«Nous avons oublié notre héritage et notre patrimoine génétique, résume Niobe Thompson dans son documentaire. Si nous ne comprenons pas que nous sommes des chasseurs-cueilleurs faits pour bouger toute la journée, nous aurons des problèmes.»


Tchat en direct

Jeudi 21 avril dès 18 heures

Vous avez des questions sur la course à pied? Posez-les sur hebdo.ch et, jeudi 21 avril de 18 h à 19 h, deux spécialistes y répondront en direct de la clinique Vidy-Med, à Lausanne: le médecin du sport Marcos Del Cuadro ainsi que le physio du sport et coureur élite Miguel Allueva.

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Rwanda: Dr Drone et son «dronodrome» de pisé

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:58

Le pays qui s’apprête à recourir le plus intensivement aux drones n’est pas celui que vous croyez. Les Etats-Unis? La Suisse? La Finlande? Tout faux: c’est le Rwanda, s’il l’on en croit le magazine en ligne américain Ozy. A vrai dire, rien d’étonnant à cela. On l’a vu avec le smartphone: comme la téléphonie fixe est sous-développée sur le continent, les Africains s’en servent depuis le début comme banque ou moyen d’obtenir du vétérinaire un diagnostic sur une vache malade.

Pareil pour le drone: au Rwanda, les routes carrossables sont rares et, quand il pleut, elles sont impraticables. S’il faut du sang pour une transfusion dans un dispensaire de campagne, le Dr Drone livre le colis en deux temps trois mouvements. D’ailleurs, le Rwanda possède sa propre fabrique de drones, une société nommée Charis. C’est l’EPFL, où le professeur Jonathan Ledgard dirige le projet Afrotech, qui a donné l’élan à ce moyen de transport révolutionnaire.

Ministre de la Jeunesse et des IT, Jean Philbert Nsengimana est enthousiaste. Tellement qu’il envisage de construire d’ici à fin 2017, à Kigali, le premier «dronodrome» du monde pour accueillir des drones mus à l’énergie solaire. L’architecte envisagé pour cette structure constituée de plusieurs dômes en pisé est le célébrissime Norman Foster. 

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10 courses romandes à découvrir, 10 marathons internationaux hors normes

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:59

Sélection. Le nombre de marathons a explosé, comme celui des petites courses. Et il y en a pour tous les goûts, entre petites trottes et «trails» exigeants.

Courses romandes

La montée du Nozon (VD)
Pompaples-Vaulion

Un magnifique parcours de 13,6 km dans les gorges du Nozon, avec en bonus une traversée de Romainmôtier. A peine le temps de jeter un coup d’œil à l’abbatiale avant de repartir en forêt pour quelques montées abruptes qui mettent à mal les mollets.

Samedi 30 avril, montee-nozon.ch

Gruyère Running (FR)
Hauteville

Quatrième édition cette année pour une course bucolique proposant une boucle de 19,8 km autour de la partie sud du lac de la Gruyère.

Samedi 21 mal, www.gruyere-running.ch

Fyne Terra (VD)
Yverdon-les-Bains

Un semi-marathon au bord de l’eau, sous forme d’un aller-retour le long de la rive est du lac de Neuchâtel. Au-delà du sport, la manifestation veut attirer l’attention sur l’importance de préserver les écosystèmes.

Samedi 4 juin, www.fyne-marathon.ch

Semi-marathon de Fribourg
Courtepin

Désireux de doter Fribourg d’une seconde course phare en marge de l’historique Morat-Fribourg, les organisateurs de ce semi-marathon créé en 2013 ont imaginé un beau parcours roulant en campagne. Sous forme de deux boucles situées dans les parties alémanique et romande du canton.

Dimanche 5 juin, www.semi-marathon-fribourg.ch

Transju’trail (JU)
Mouthe-Les Rousses

L’épreuve phare de ce trail permet aux amateurs de longues distances de se mesurer sur un parcours costaud de 72 kilomètres. Pour les plus raisonnables, possibilité de s’inscrire pour des versions allégées de 36, 23 et 10 km.

Dimanche 5 juin, www.transjutrail.com

Trophée du Scex-Carro (VS)
Dorénaz-cabane du Scex-Carro

Une course de montagne de 7,5 km permettant de se tester avant d’éventuellement se lancer à l’assaut de la mythique Sierre-Zinal.

Dimanche 12 juin, www.tropheeduscexcarro.ch

Le long de la rivière du Doubs (NE)
Biaufond-Les Brenets

Avec en guise de long parcours une distance de semi-marathon, cette course qui fête cette année son 30e anniversaire suit comme son nom l’indique le cours du Doubs. Il faut aimer les petits sentiers escarpés.

Samedi 18 juin, www.cross-club.ch

Course Chaplin (VD)
Corsier-sur-Vevey

Si on s’inscrit sur internet, cette manifestation est gratuite! On court 11 km sur le bitume et en forêt, ça monte et ça descend. Avec un tour dans les jardins du Manoir de Ban – fermés jusqu’à récemment au public – qui devrait être maintenu malgré sa transformation en Musée Chaplin.

Samedi 27 août, www.coursechaplin.ch

Demi de Jussy (GE)
Jussy

Un semi-marathon qui se court, à l’instar des 100 km de Bienne, de nuit. Une belle course de campagne pour célébrer la fin de l’été.

Samedi 17 septembre, www.demidejussy.ch

Run Evasion Rhône (GE)
Genève-Dardagny

Un parcours bucolique de 22,3 km le long du Rhône, entre petites montées, descentes et faux plats. Assez exigeant, donc.

Dimanche 9 octobre, www.runevasionrhone.ch


Marathons internationaux

Le plus insolite
Marathon de la Grande Muraille

Courir un quart du parcours sur l’une des sept nouvelles merveilles du monde, c’est possible avec ce marathon qui recèle quand même une difficulté de taille: plus de 5000 marches à franchir, ce qui est plutôt «casse-pattes».

Samedi 21 mai, www.great-wall-marathon.com

Le plus rock’n’roll
Marathon de Liverpool

Cette course fait partie des Rock’n’Roll Marathon Series, soit trente compétitions – la plupart étant situées aux Etats-Unis – qui ont comme particularité de proposer de la musique live tout au long du parcours. Avec quelques belles têtes d’affiche, comme cette année, à Liverpool, l’excellent groupe Cast.

Dimanche 29 mai, www.runrocknroll.com/liverpool

Le plus haut
Marathon de l’Everest

Départ de cette compétition de l’extrême: le camp de base de l’Everest, situé à plus de 5000 mètres d’altitude. L’arrivée se fait, elle, 2000 mètres plus bas. Sans surprise, ce sont le plus souvent des athlètes népalais qui squattent le podium.

Dimanche 29 mai, www.everestmarathon.com

Le plus difficile
Inca Trail Marathon

Il faut s’inscrire à un voyage organisé pour prendre part à ce marathon proposant, deux fois par année, un dénivelé positif de quelque 6400 mètres. Mais l’arrivée, qui se fait au Machu Picchu, est à couper le souffle… Pour ceux qui en ont encore.

Du 4 au 12 juin et du 6 au 14 août, www.andesadventures.com

Le plus lent
Marathon du Médoc

Il ne faut pas viser un chrono en s’inscrivant à cette «compétition» traversant de nombreux domaines viticoles proposant des dégustations. Et avec, en guise de coup de fouet final, des ravitaillements constitués sur la fin du parcours d’huîtres et d’entrecôte.

Samedi 10 septembre, www.marathondumedoc.com

Le plus sauvage
Kenya Wildlife Marathon

Courir dans une réserve naturelle, au beau milieu d’animaux en liberté – donc sous la surveillance de gardes. C’est ce que permet ce marathon qui veut en parallèle délivrer un message sur l’importance de la conservation de la faune.

Samedi 1er octobre, www.kenyawildlifemarathon.com

Le plus historique
Marathon d’Athènes

Le marathon de New York est le plus mythique, celui de Berlin le plus rapide. Mais il ne faudrait pas oublier celui qui se court chaque année entre le site de Marathon et le stade d’Athènes, où eurent lieu en 1896 les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne. Soit le long du parcours emprunté en 490 avant Jésus-Christ par Phidippidès, ce soldat qui est à l’origine de ces courses de 42,195 km qui font fantasmer tous les coureurs.

Dimanche 13 novembre, www.athensauthenticmarathon.gr

Le plus international
Marathon d’Istanbul

Courir en Europe et en Asie. C’est possible grâce à un parcours qui emprunte le pont du Bosphore, soit 1500 mètres pour passer en quelques minutes d’un continent à l’autre.

Dimanche 13 novembre, www.istanbulmarathon.org

Le plus zen
Bagan Temple Marathon

Situé en Birmanie, sur une surface de 5o km2, le site de Bagan propose des vestiges archéologiques bouddhistes uniques au monde.
Le parcours permet de jeter un coup d’œil sur quelque 200 temples.

Samedi 26 novembre, www.bagan-temple-marathon.com

Le plus froid
Marathon du pôle Nord

Même si ce marathon se court sur un jour, c’est toute une expédition pour arriver, à partir de la Norvège, au camp de base d’où est donné le départ. Ce qui est le plus difficile, ce sont évidemment les températures extrêmes, pouvant descendre jusque dans les moins 40°C, qu’il faut affronter. La course se fait dès lors sur une boucle à parcourir douze fois, afin que les ravitaillements puissent se faire sous une tente chauffée.

Du 6 au 11 avril 2017, www.npmarathon.com

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Montée du Nozon
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Mike King
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Staccato: avenir du bidet

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 05:59

Dès que j’ai une minute, je fonde les aqualiques anonymes. En attendant, je fais ce que je peux pour m’astreindre à un régime strict: deux à trois douches par semaine, pas plus. Et surtout sans me savonner de partout: je m’en tiens aux pieds et aux zones creuses. C’est dur, mais juste. Car l’abus d’eau, ce vice sournois, menace, je le sens, la santé de ma peau.

Ces conclusions auxquelles je suis arrivée en me tâtant sont aujourd’hui confirmées par des pointures de la dermatologie: avec une douche par jour, la peau perd sa pellicule protectrice naturelle et devient toute sèche, explique dans Time une experte en maladies infectieuses de l’Université Columbia. Et, comme une peau sèche est plus vulnérable aux bactéries, la meilleure manière d’augmenter ses chances de tomber malade, c’est de se faire mousser, chaque jour, sous une abondante douche chaude, avec un savon antibactériologique (ce sont les pires). Le Figaro répercute l’alarme: une prise de conscience est en marche, l’abus d’eau ne restera peut-être plus longtemps un fléau méconnu.

Question suivante: comment lutter? Comment ne PAS se doucher tous les jours? Je veux dire: tout en lavant quand même, au moins quotidiennement, les parties indispensables?

Les adeptes de la tradition montagnarde manient la lavette avec agilité. Personnellement, je la trouve peu ragoûtante et bactériologiquement suspecte.

La solution, c’est le bidet, bien sûr. Il permet un rinçage bénéfique à l’eau courante, juste là où il faut, et pas seulement une fois par jour. Très pratique pour les pieds aussi. Le bidet est l’ami idéal de notre hygiène et de notre peau. Comment peut-on dire qu’il ne sert à rien?

Oui, je sais, c’est culturel. Le bidet est un objet méditerranéen, qui disparaît du paysage domestique à mesure que l’on monte vers le nord. Ça ne répond pas à la question qui me hante: comment faire sans?

J’ai enquêté: la lavette décline. La plupart des gens s’en tiennent à une douche intégrale par jour et ignorent les rinçages intimes intermédiaires. Parmi les sans-bidet, je suis la seule à grimper sur les bords de ma baignoire pour une douche ciblée qui préserve mon film hydrolipidique. Au péril de ma vie.

J’ai bon espoir: la lutte contre l’abus d’eau ne fait que commencer et, grâce à elle, le bidet, ce joyau de la vie domestique, gagnera enfin la place qu’il mérite. A bas les barrières culturelles. Vive la fraîcheur intime pour tous. 

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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La longue marche du «running»

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 06:00

Laurent Favre

Dossier. La course à pied hors stade est devenue un véritable phénomène tant social qu’économique. Pratiquée jusqu’à la fin des années 60 par quelques excentriques essentiellement américains, elle est aujourd’hui le sport populaire par excellence. Récit à quelques jours des 20 km de Lausanne.

Pour leur trente-cinquième édition, les 20 km de Lausanne vont battre un record de participation. Plus de 28 000 inscrits sont attendus ces 23 et 24 avril dans la capitale olympique. Lausanne bouge et c’est peut-être l’effet Free to Run. Ce très beau documentaire signé du Genevois Pierre Morath, sorti le 26 février en Suisse romande et en salle en France depuis le 13 avril, est venu rappeler à tous une histoire tellement oubliée qu’elle en est devenue littéralement incroyable: la course à pied, pratique si populaire, si simple, si naturelle, fut longtemps proscrite hors des stades d’athlétisme et sa libération fut l’enjeu de difficiles conquêtes sociales.

Jusqu’à la fin des années 60, personne ne courait, hormis les fous et les voleurs. Il existait bien quelques courses hors stade, certaines même prestigieuses, comme le Marathon de Boston, ou historiques, comme Morat-Fribourg, créée en 1933, mais elles ne rassemblaient que quelques centaines de concurrents. Tous étaient des hommes, tous âgés de 20 à 40 ans, tous licenciés dans des clubs athlétiques, tous compétiteurs et tous venus pour réaliser une performance. Aujourd’hui, tout le monde court, personne n’est membre d’un club et c’est celui qui n’a pas de baskets aux pieds qui est montré du doigt. Un renversement culturel comparable à celui de notre comportement face au tabac.

En 2011, à la sortie du film Contagion, de Steven Soderbergh, un spécialiste des pandémies invité à en évaluer la crédibilité scientifique avait fait cette remarque: «Un détail très malin et très réel est d’avoir fait débuter l’histoire au deuxième jour. Parce qu’on ne sait jamais exactement à partir d’où et de quand un virus commence à se propager.» Il en est de même à propos de l’épidémie de la course à pied, que nous appellerons également running, eu égard au rôle primordial des Etats-Unis dans cette affaire.

Impossible de dater précisément l’acte de naissance de cette vague qui a submergé la planète. L’homme a toujours couru, mais où et quand a-t-il pour la première fois couru en toute conscience pour son unique plaisir? Tout ce que l’on sait, c’est qu’il y a eu un commencement. Et que ce «big bang» a créé un univers en constante expansion.

Le James Dean du bitume

Au deuxième jour, le virus est localisé à Eugene, Oregon, au début des années 60. C’est là que vit Bill Bowerman. Ancien héros de guerre, entraîneur d’athlétisme à l’Université d’Oregon, journaliste à ses heures, Bowerman réfléchit. Il n’arrive pas à sortir de sa tête les impressions marquantes ressenties un an plus tôt lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande. Venu étudier les méthodes d’entraînement de son confrère Arthur Lyllard, il a été initié au jogging, une pratique nouvelle dont Lyllard vante les bienfaits pour la santé. Est-ce là le point de départ, le point zéro?

Ce n’est même pas certain. Mais c’est le deuxième jour qui importe. Parce qu’à Eugene, Oregon, le virus est implanté dans un bouillon de culture. La ville est la capitale américaine de l’athlétisme, la seule à vibrer d’amour pour le track and field. Pour une poignée de mains et de dollars (500 chacun), Bill Bowerman s’est associé à un jeune businessman passionné de course à pied. Il s’appelle Phil Knight. Les deux hommes importent des chaussures de sport du Japon, puis décident de créer leurs propres modèles, sous la marque Blue Ribbon, qu’ils renommeront assez rapidement Nike. Le monstre en devenir sommeille jusqu’à ce que Bowerman invente une semelle absorbant les chocs et renvoyant l’énergie, la célèbre Waffle («gaufre»). Le premier athlète de haut niveau à en bénéficier est un jeune coureur impétueux, Steve Prefontaine. Lui aussi est originaire de l’Oregon, lui aussi court à Eugene, lui aussi s’entraîne avec Bill Bowerman.

En 1975, Steve Prefontaine se tuera dans un accident de la route à seulement 24 ans. Sa mort confère une aura à la James Dean à ce beatnik du demi-fond, qui lutte moins contre ses adversaires à pointes que contre les officiels pointilleux. «Pre» rêve de créer un circuit athlétique semblable à celui du tennis, de rompre avec l’hypocrisie de l’amateurisme, qui engraisse les fédérations et affame les champions. Cheveux longs, moustache bravache, il ne court qu’en tête, à son allure, et se fait peu à peu le porte-parole de son époque. L’heure est à la contestation. Prefontaine est son prophète et il chausse des Nike.

Les enfants du baby-boom étouffent dans le carcan du vieux monde. Les filles surtout. Pour elles aussi, du moins les pionnières, courir devient un moyen de s’émanciper, de revendiquer, de prouver. On les trouve à l’autre bout des Etats-Unis. Côte est comme côte ouest, et comme partout ailleurs dans le monde, la course de fond et même de demi-fond est interdite aux femmes. On craint pour leur santé et même pour leur féminité. Courir serait une activité dangereuse, insane, limite diabolique, qui ferait pousser les poils et descendre les organes. Plus prosaïquement, on pense qu’elles en sont simplement incapables. Aux Jeux olympiques, les femmes ne peuvent que sprinter, sur 200 mètres, jusqu’en 1960. Et jusqu’en 1984, elles n’auront droit qu’au 800 mètres.

L’esprit «Spiridon»

En 1966, une jeune Américaine se glisse en cachette dans le peloton du Marathon de Boston. Malgré son très bon chrono (3 h 21, meilleur que deux tiers des participants), l’histoire ne retiendra pas le nom de Bobbi Gibb mais celui de Kathrine Switzer, qui s’inscrit l’année suivante sous le nom de «K. V. Switzer» et hérite du dossard 261. Encadrée par son entraîneur et par son copain, elle est interpellée au bout de quelques kilomètres par l’organisateur de la course, qui la somme de s’arrêter. L’entraîneur tente de parlementer, le copain balance un coup d’épaule, l’organisateur vole dans les fourrés et Kathrine Switzer poursuit une route désormais sans retour. A l’arrivée, choquée d’avoir vécu la discrimination, elle comprend qu’elle doit désormais incarner la cause des femmes, à travers la course à pied.

Son cas traverse l’Atlantique et parvient aux yeux plus qu’aux oreilles de deux Romands. Le Jurassien Yves Jeannotat et le Valaisan Noël Tamini ont fondé en 1972 une petite revue spécialisée: Spiridon (du nom du vainqueur du premier marathon des Jeux olympiques rénovés en 1896, Spyrídon Loúis). Cette publication ne parle que de course à pied – c’est la première en français, la troisième dans le monde – et elle le fait d’une façon totalement nouvelle. Dans la culture classique, la course est synonyme d’effort, d’endurance, de discipline.

Les héros qui courent sont tous tragiques, de Philippidès, mort d’avoir trop couru, à Emil Zátopek, la locomotive tchèque, visage grimaçant, tourmenté, qui semble en surchauffe permanente. Spiridon prône une pratique comme source de plaisir, de découverte et de bien-être. La course à pied est présentée et racontée comme une expérience intime, profonde, quasi mystique. Elle est appropriée à tous: femmes, enfants, vieux, dilettantes. Elle peut se pratiquer sans licence, sans chronomètre, sans classement.

Secondés par une poignée de convertis portés par la foi du charbonnier, Tamini et Jeannotat font de chaque édito un manifeste, de toute prise de parole une prise de position. Alors forcément, Kathrine Switzer, ils l’invitent en Suisse et l’inscrivent à Morat-Fribourg, où les femmes resteront persona non grata jusqu’en 1977. Là encore, la Bostonienne n’est pas la première; Marijke Moser avait couru sous un faux nom en 1971. Mais la notoriété de l’Américaine rallume le débat et fait avancer la cause.

Pratique sauvage

De février 1972 à juin 1989, Spiridon n’aura sorti «que» 111 numéros, sans jamais franchir le cap des 10 000 abonnés ni le seuil de rentabilité. C’est cependant un véritable réseau social avant l’heure – mais avec les délais postaux – qui a essaimé partout en Europe. Ses lecteurs ont presque tous créé une course, de la même manière que les quelques acheteurs du premier album du Velvet Underground ont tous fondé un groupe. Dans les années 70, des courses, il s’en organise des centaines. On les accuse de «tuer l’athlétisme», ce qui est un comble mais pas forcément faux avec le recul. En Suisse, Sierre-Zinal, la course de l’Escalade, le Grand Prix de Berne, les 20 km de Lausanne s’imposent rapidement dans le calendrier. Morat-Fribourg, qui enregistrait 2000 inscrits en 1971, en compte 16 000 en 1986.

Très vite, le petit torrent de montagne devient un long fleuve tranquille, selon l’expression d’Yves Jeannotat. Avec la planche à voile et le skate, le jogging devient le sport à la mode et Nike débarque en Europe. La course à pied entre dans nos vies. «L’analyse sociale de la pratique sportive de ces trente dernières années montre clairement un basculement d’un sport institutionnalisé vers une pratique plus libre, «sauvage», observe le spécialiste du marketing sportif Michel Desbordes.

Cela correspond, notamment chez les femmes, à une quête du sport-santé et du plaisir hédoniste. Les études montrent également que cela répond aux impératifs de la vie moderne: l’enfant et l’adolescent pratiquent dans des clubs, l’étudiant dans le cadre de l’université. Aux alentours de 25 ans, lorsque l’on entre dans la vie active et/ou que l’on fonde un foyer, on arrête, parce qu’on n’a plus le temps. On se remet au sport à la trentaine, avec des contraintes d’emploi du temps. La natation et le vélo satisfont à ces impératifs mais la course à pied est le sport naturellement et immédiatement le plus accessible.»

Un fleuve qui charrie

Chaussant fièrement sa première paire (bleue avec la virgule jaune), l’auteur de ces lignes s’entend dire par sa tante, au début des années 80: «Knie fait des chaussures, maintenant?» Elle n’ignorera pas Nike longtemps. La métaphore de Jeannotat est reprise par Raymond Vouillamoz, qui tourne Ce fleuve qui nous charrie à Morat-Fribourg et fixe sur pellicule ce nouveau phénomène de société. C’est déjà l’odyssée intérieure plus que l’exploit sportif qu’incarne Jean-Luc Bideau. A Hollywood aussi, les acteurs, ces prescripteurs des nouveaux usages, courent. A Central Park, on peut croiser désormais Jackie Onassis (ex-Kennedy) ou Dustin Hoffman, qui vient de tourner Marathon Man.

C’était impensable aux débuts des années 70, lorsque le parc était un repaire de drogués et de petites frappes. L’homme qui a mis les joggeurs à la place des dealeurs s’appelle Fred Lebow. Il fait partie de cette poignée d’originaux qui, une fois par semaine, se retrouvent pour courir, d’abord dans le Bronx puis à Central Park, l’ancêtre du Marathon de New York. Coureur médiocre mais visionnaire génial, Lebow veut sortir le marathon de son ghetto, s’en servir pour unir la ville. En 1976, il lance l’idée d’une course traversant les cinq arrondissements de Big Apple (Manhattan, Queens, Bronx, Brooklyn, Staten Island). Pour promouvoir son projet, il engage Frank Shorter.

Cet Américain né en Allemagne est plus que le vainqueur du marathon olympique du Munich en 1972. Il est le Federer de la course à pied, souple, léger, aérien. Ce qui n’était que souffrance, effort, discipline, devient avec lui beauté, grâce, pureté. «S’ils ferment les rues de New York pour un marathon, il faut que je voie ça», dit-il pour justifier sa présence. Il vient aussi parce que Lebow le paie, ce qui est une autre nouveauté et un autre bouleversement. Shorter ne gagne pas, mais la course est un succès.

Dans le documentaire de Pierre Morath, on voit l’envoyé spécial de CBS résumer la situation: «Personne n’est mort, personne n’a été renversé par une voiture. Pour Bill Rogers, le vainqueur, et pour la ville de New York, c’est un succès.» Le running vient d’inventer le turbo. Le Marathon de New York devient une référence, un must (43 000 participants), une marque. Au fil des années, Fred Lebow (décédé en 1994 d’un cancer) invente ou perfectionne toute une gamme de services qui sont aujourd’hui la norme partout dans le monde: les courses intermédiaires, les prix pour chacun, l’accueil, la photo souvenir, le dossard personnalisé, etc.

Triomphe de l’économie

Toutes les villes veulent leur marathon, devenu un formidable outil de communication. Et tant pis si les chronos moyens sont de plus en plus faibles. «Le peloton grossit par l’arrière, constate l’ancien marathonien français Dominique Chauvelier, l’inventeur du concept de «meneur d’allure». Au Marathon de Paris 2015, le chrono moyen était de 4 h 11 et le chrono médian de 3 h 55, ce qui veut dire qu’il y avait encore 20 000 coureurs à plus de quatre heures.»

«Il y a trente ans, une centaine de Suisses couraient Morat-Fribourg en moins d’une heure; ils n’étaient que douze en 2013», observe de son côté Olivier Petitjean, rédacteur en chef de la revue spécialisée Running Romand. Morat-Fribourg, revenue à 12 000 participants après avoir chuté à 6000 inscrits, doit lutter pour rester attractive au regard des critères actuels. «La course a des spécificités qui rebutent certains coureurs: on court le dimanche matin, sur du bitume, sur un parcours linéaire, dans la campagne», énumère son directeur, Laurent Meuwly.

La pratique libre et libertaire des années Flower Power est devenue encadrée, assistée. On continue de s’évader, mais en regardant sa montre pour caler sa foulée ou brûler des calories. On dépense en moyenne 600 francs pour ce qui reste fondamentalement une paire de baskets, un short et un t-shirt. Le salaire moyen des participants au Marathon de New York est supérieur à 100 000 dollars par an. Même l’acte d’achat est devenu chose complexe. Les magasins Courir vendent des baskets qui ne sont pas faites pour courir. Dans les enseignes spécialisées, qui abondent désormais, le vendeur a tôt fait, en une question («pronateur ou supinateur?»), de vous faire comprendre que la course à pied est devenue une chose sérieuse. Fallait-il vraiment aller jusque-là? 

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Overdoses dans un festival: 28 personnes inculpées

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La justice argentine a inculpé mercredi 28 personnes, dont 19 policiers, pour leur responsabilité présumée dans la mort de cinq jeunes lors d'un concert de musique électronique samedi dernier à Buenos Aires. Ils auraient ingéré des drogues synthétiques.

Cinq autres "clubbers" ont été hospitalisés dans un état grave dans la capitale argentine pour intoxication. Le juge fédéral Sebastian Casanello a donné suite à la demande du procureur Federico Delgado, chargé de l'enquête sur cette fête qui s'est déroulée dans la nuit de vendredi à samedi, et qui estime que les policiers ont "fermé les yeux" sur la vente de stupéfiants pendant l'événement.

Les policiers "n'ont pour le moins pas appliqué les contrôles préventifs qu'implique leur fonction et ont agi de manière coordonnée avec les agents de sécurité privée qui se trouvaient à l'intérieur du site", a précisé le juge dans une note publiée par le centre d'information judiciaire.

Six des 19 policiers inculpés ont été démis de leurs fonctions. Parmi les autres personnes mises en examen figurent plusieurs responsables de la sécurité, des chefs d'entreprises et trois inspecteurs communaux.

Le président de la société Dell Producciones, qui organisait cette fête Time Warp dans un hangarde la Costa Salguero, était toujours en fuite mercredi, alors qu'un mandat d'arrêt a été délivré contre lui. D'après les premiers éléments de l'enquête, un dealer a vendu des pastilles contenant diverses drogues, provoquant des "overdoses". La fête a continué ensuite après l'évacuation en ambulances des victimes.

Les cinq morts, quatre Argentins et un Uruguayen, avaient entre 21 et 25 ans. Ils participaient régulièrement à des soirées électroniques.

"Les cachets se vendaient comme des sandwiches dans un stade de football", s'est alarmé le procureur Delgado. Il a estimé que l'eau a manqué durant la fête, que la ventilation était insuffisante et que les spectateurs étaient entassés les uns sur les autres. "Au fur et à mesure que les gens avaient besoin de s'hydrater, le prix des bouteilles d'eau augmentait", a-t-il encore fait remarquer.

Time Warp avait prévu un deuxième concert le lendemain, finalement annulé. Le parlement communal de la capitale argentine a interdit jusqu'à nouvel ordre les fêtes de musique électronique.

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 07:28
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Solar Impulse reprend son tour du monde jeudi

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L'avion solaire suisse Solar Impulse 2 va reprendre son tour du monde jeudi, après neuf mois de pause forcée à Hawaï, a annoncé son équipe mercredi. Bertrand Piccard sera aux commandes de l'appareil, qui doit s'élancer à 17h00 (en Suisse) de l'aéroport de Kalaeloa.

Il devrait rejoindre après 62 heures de vol Mountain View, près de San Francisco, dans le nord de la Californie américaine.

Parti d'Abou Dhabi le 9 mars 2015, l'avion solaire a accompli jusqu'ici près de 18'000 kilomètres. Le tour du monde a subi un coup d'arrêt en juillet, à mi-parcours de son périple.

L'appareil a été immobilisé pendant neuf mois, le temps de réparer les batteries endommagées lors de sa dernière étape au-dessus de l'océan Pacifique, un périple record de cinq jours et cinq nuits entre la ville japonaise de Nagoya et l'archipel américain d'Hawaï.

Il a réussi son premier vol d'essai fin février et a effectué depuis lors neuf vols au total. Les ailes de l'appareil sont couvertes de plus de 17'000 cellules photovoltaïques, qui chargent ses batteries la journée.

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Jeudi, 21 Avril, 2016 - 09:08
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