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Être Suisse. Par Caroline Iberg

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:58

«C’est très suisse ce que tu dis là.» Voilà une phrase que j’ai déjà entendue à plusieurs reprises lorsque je suis en week-end en France. Anodine au premier abord, elle sous-entend qu’il y a une façon «suisse» de se comporter qui pourrait figurer dans un mode d’emploi, une sorte de guide du «Suisse pour les nuls». Mais y a-t-il réellement une manière commune de se sentir citoyen suisse et d’agir en tant que tel? Je ne le crois pas.

En effet, la richesse linguistique et culturelle de notre pays fait que le Vaudois n’aura pas la même perception de son appartenance à la Suisse qu’un Schwytzois, qu’un Grison ou même qu’un Zurichois. Il n’y a qu’à comparer les références culinaires, musicales ou historiques entre collègues alémaniques, tessinois et romands dans un même bureau bernois pour s’en convaincre. Cependant, ce sont aussi ces différences qui font la Suisse, les Suisses, aujourd’hui. Un patrimoine pluriel, des horizons variés.

Cependant, un point commun définit l’«être Suisse»: l’art de cultiver une certaine ambivalence entre ouverture et repli, entre modernité et tradition – jusqu’à risquer parfois de se tirer une balle dans le pied.

Etre Suisse, c’est par exemple mettre en avant une neutralité obsolète tout en soutenant bec et ongles une armée de milice qui l’est tout autant. C’est donner son avis au moins quatre fois par an dans les urnes tout en cherchant obstinément le compromis. C’est se revendiquer terre d’accueil, grâce à la Croix-Rouge, notamment, tout en souhaitant limiter l’immigration et fermer les frontières. C’est posséder une technologie de pointe dans de nombreux domaines tout en ayant des partis politiques faisant la promotion d’idées dignes de la fin du XIXe siècle. C’est se situer au centre de l’Europe tout en prétendant ne pas vouloir faire partie de l’Union européenne.

Etre Suisse, c’est donc avoir en soi cette balance qui, au gré du vent politique et économique, peut pencher d’un côté ou de l’autre, accentuant la nécessité pour chacun de s’engager activement pour ses valeurs – le «bon» côté de la balance –, pour ma part celles de l’ouverture et de la modernité.

La seconde question cruciale en cette veille de fête nationale est la suivante: faut-il être fier d’être Suisse? Je ne le crois pas davantage. Tout d’abord, parce que c’est le hasard de la naissance qui nous a fait naître ici plutôt que là. Ensuite, parce que, dans le monde globalisé dans lequel nous vivons, mettre la nation sur un piédestal n’a plus lieu d’être. Enfin, parce que la fierté nationale conduit à des dérives commises en son nom qui ne sont plus à démontrer.

Je ne me sens donc pas fière d’être une Suissesse, je suis simplement heureuse de faire partie de ce pays. D’avoir pu et de pouvoir encore profiter de ses avantages: qualité de vie, diversité des paysages, mobilité, formation, et j’en passe. Il nous faut donc préserver les qualités de notre patrie et tenter de la rendre meilleure: plus ouverte, plus européenne, plus égale et plus solidaire.

Mais nous en reparlerons quand nous aurons un hymne national que nous saurons chanter au-delà des deux premières strophes… Euh, reparlons-en plutôt l’an prochain. 

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Meapasculpa: Bertrand «Solar» Piccard

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:58

Je me suis réveillée mardi matin, Bertrand Piccard avait atterri à Abou Dhabi après 42 000 kilomètres de vol sans un litre de carburant, et personne dans la rue ne portait de t-shirt à l’effigie de Solar Impulse, pas de foule en liesse, rien. J’ai pensé à la première Coupe de l’America remportée par Alinghi sous la houlette d’Ernesto Bertarelli, aux casquettes rouges que l’on voyait sur toutes les têtes alors.

Bertrand Piccard agace. Et ça ne va pas s’arranger maintenant qu’il a réussi une nouvelle fois, après le tour du monde en ballon, son pari. Je m’en suis rendu compte avec une sorte d’effarement candide lorsque j’essuyais pour la troisième fois une rebuffade de la part de la tablée à qui je faisais part de mon excitation devant l’imminence de l’arrivée de Solar Impulse. «Marre!» Mes amis en avaient même marre d’entendre son nom.

Bertrand Piccard agace, et ça m’agace.

Les premiers qu’il agace, ce sont les journalistes. Ça commence par mon propre journal adoré qui emballe l’affaire en un cinquième de page, 1200 signes TTC. Il les agace parce qu’il les bat sur leur propre terrain, le storytelling, mettant en scène avec un professionnalisme tellement redoutable son propre projet que les journalistes n’ont plus qu’à suivre.

Trop beau, trop optimiste dans un monde médiatique où ceux qui n’annoncent pas le pire ne sont pas crédibles, pratiquant l’hypnose donc forcément embobineur, Piccard agace les journalistes parce qu’il donne des leçons – d’écologie, de psychologie, de management –, et que les journalistes veulent, eux, donner des leçons aux lecteurs.

Bertrand Piccard agace, et ça m’agace. Je n’en reviens pas. Je pense aux couples qui se querellent à cause des poubelles et des chaussettes sales et à qui le thérapeute conjugal conseille de ne pas se noyer dans les détails mais de se focaliser sur le sentiment amoureux préexistant aux chaussettes sales.

Nous ne savons tellement plus ce qu’est un aventurier que quand nous en avons un sous les yeux, nous ne le reconnaissons plus. Nous voyons tellement de films gonflés d’effets spéciaux que quand des choses étonnantes se passent sous nos yeux, nous les regardons avec condescendance, comme si elles allaient de soi. Nos cerveaux zappeurs sont si impatients que nous trouvons intolérable que les cinq mois annoncés se soient transformés en un an. On se demande à quoi ça sert, Solar Impulse. Aller sur la Lune non plus ne servait à rien, ni écrire A la recherche du temps perdu, ni traverser le désert de Gobi comme Ella Maillart. Pourtant, Proust, Ella sont nos héros.

Fils de Jacques, petit-fils d’Auguste, Bertrand Piccard est né avec l’obligation d’avoir un destin. Au lieu de se laisser écraser par cette pression, comme tant d’héritiers, il en fait sa légende personnelle et poursuit le rêve. Ce n’est pas agaçant: c’est émouvant. 

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Création d’un comité pour les énergies vertes

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:58

Olivier Dessibourg

«Faire le tour du monde,ça n’a pas de fin! Ce n’est que le début!» Les responsables de Solar Impulse ont le sens de la formule. A peine leur circumnavigation à bord de l’aéroplane solaire achevée, après 17 étapes, mardi à Abu Dhabi, d’où ils étaient partis le 9 mars 2015, ils ont présenté les suites qu’ils allaient donner à leur projet.

Si André Borschberg veut se lancer dans une aventure industrielle qui doit voir la commercialisation de drones solaires strato­sphériques, Bertrand Piccard, lui, veut se consacrer à une nouvelle entité fondée avec son compère: le Comité international des technologies propres (ICCT). «Durant le tour du monde, dit l’aventurier vaudois, dans le cadre de notre initiative #FutureIsClean (le futur est propre), nous avons réuni sur tous les continents 420 associations qui œuvrent en faveur des énergies renouvelables», à l’unisson avec le message que portait l’avion Solar Impulse 2.

«L’ICCT doit être une plateforme unique pour que ces différentes associations communiquent entre elles et puissent parler d’une seule voix. Nous ambitionnons ainsi de conseiller les gouvernements sur ce sujet en fonction des conditions spécifiques dans chaque pays.» Mardi, dans un tweet, l’équipe a annoncé avoir obtenu le soutien des Nations Unies à son initiative.

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Être Suisse. Par Céline Amaudruz

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:59

Arborer le passeport à croix blanche aujourd’hui, c’est avant tout une responsabilité. C’est porter un héritage de liberté vieux de plus de sept siècles, une histoire faite de bravoure et de résistance face aux oppresseurs dès 1291 déjà. Par leur acte fondateur courageux, nos devanciers ont posé les bases de ce qui est aujourd’hui le pays dont nous sommes les ressortissants. La Suisse n’a plus connu de guerres depuis plus de cent cinquante ans alors que les conflits ont régulièrement ravagé notre continent.

C’est à celles et ceux qui ont œuvré avant nous que nous devons cette singulière situation dont nous profitons. Nous avons la chance de disposer, chacune et chacun, de droits inimaginables ailleurs. Chez nous, le citoyen est à la base de la politique, celui qui a le dernier mot, quel que soit l’échelon auquel il appartient. A chaque déplacement aux urnes, nous votons plus que nos voisins français en une vie, eux qui n’ont que le choix d’un parti ou d’un autre.

C’est un lourd privilège que de disposer de droits aussi étendus. Notre pays fonctionne sur la confiance que l’Etat place en chacun d’entre nous. Etre Suisse signifie donc que nous devons être à la hauteur de ce système qui nous vaut d’être libres mais aussi responsables. On l’oublie trop souvent, à l’heure où certains cherchent à séparer droits et devoirs, alors qu’ils sont consubstantiels.

Les mots latins ornant la coupole du Palais fédéral, Unus pro omnibus, omnes pro uno (Un pour tous, tous pour un), résument bien ce qui fait l’essence même de la Suisse, à savoir que nous sommes tous liés les uns aux autres dans une communauté de destins, où chacun est appelé à jouer son rôle. Au fil des siècles, en accueillant les cantons qui sonnaient à sa porte, la Confédération est devenue un trait d’union entre des langues et des religions différentes mais réunies sous une même bannière, la croix suisse.

Etre Suisse, c’est être fier de nos racines et confiant dans l’avenir. Cet avenir que nous nous dessinons souverainement comporte bien des inconnues, mais lorsque le doute fragilise nos âmes, rappelons-nous les mots du bourgmestre de Strasbourg devant arbitrer le litige religieux entre Zurich et Zoug à la suite de l’épisode de la soupe au lait de Kappel en 1529: «Vous, Confédérés, vous êtes d’étranges gens; quand même vous avez noise ensemble, vous restez pourtant unis, et n’oubliez jamais la vieille amitié.» 

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Staccato: in/off

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:59

Parmi les spectacles remarquables que j’ai vus cette année au Festival d’Avignon, il y a, programmé en off, Marco Polo, du metteur en scène globe-trotter Eric Bouvron. Je ne voulais pas le rater, encore éblouie par ses Cavaliers, d’après Kessel, vus l’an dernier.

Eric Bouvron cultive l’art de nous emmener dans des royaumes lointains avec trois bouts de ficelle. C’est plus magique que tous les effets spéciaux de cinéma milliardaire. Il raconte des histoires profondes qui interrogent le pouvoir, l’orgueil, le besoin de croire. Beau spectacle, me suis-je dit comme l’an dernier en sortant dans le soleil d’Avignon; dommage, on ne le verra pas à Vidy.
On ne verra pas plus Marco Polo au Théâtre de Vidy à Lausanne qu’on n’avait de chances de le voir figurer au programme officiel – in – d’Avignon.

Pourquoi? Parce qu’il dure une heure trente (pas cinq ou douze), qu’il raconte une histoire avec un début et une fin, qu’il ne propose aucune expérimentation corporelle ou sonore limite, ne soumet le spectateur à aucune épreuve. En un mot: c’est du théâtre de facture traditionnelle, ce que la peinture figurative est à l’art contemporain. Et le théâtre de facture traditionnelle n’a plus sa place dans des programmes officiels et subventionnés comme celui d’Avignon ou de Vidy.

Amusant retournement: il n’y a pas si longtemps, l’art institutionnel était celui qui perpétuait la tradition, tandis que, dans ses marges, l’avant-garde osait l’expérimentation formelle. En 2016, cette dernière est devenue la condition d’accès aux scènes qui comptent. Le off est in, et vice versa.

Tant mieux? Personnellement, j’ai été biberonnée à Grotowski et à Pina Bausch; la Comédie-Française, ce n’est pas trop mon truc. Sortir d’une représentation la tête en bas, tous repères ébranlés, nourrie de questions sismiques, c’est l’expérience ultime à laquelle j’aspire.

Seulement voilà. Chez Grotowski et Pina Bausch, casser les formes relevait de la nécessité. Si elle n’est plus urgence mais nouvelle normalité, la recherche formelle devient une fin en soi. Ces dernières années, j’ai vu beaucoup de spectacles qui exploraient avec talent des langages nouveaux. Mais pour quel propos? Je cherche encore.

J’imagine un théâtre absolument révolutionnaire, qui casserait toutes les conventions de programmation: on ne saurait pas, en y entrant, quel genre de spectacle on irait voir, pourvu qu’il ait des choses à dire. Mais non, c’est trop d’audace, allez, off.

anna.lietti@hebdo.ch /  @AnnaLietti

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Psychologie: lire des romans rend plus social

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 05:59

La lecture de romans améliore l’empathie et réduit les préjugés. A condition que le récit développe une certaine complexité psychologique. C’est ce que rappelle le chercheur Keith Oatley, de l’Université de Toronto, dans une étude parue dans Trends in Cognitive Sciences.

«En quelques générations, écrit le psychologue, le niveau d’empathie de l’humanité a augmenté.» Ce qui constituerait pour lui le bouleversement majeur de notre histoire. 

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Etre Suisse

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 06:00

La mondialisation n’est pas heureuse pour tous. En cet été 2016, post-Brexit, on s’aperçoit avec un rien de stupeur qu’elle a froissé les identités les mieux établies, comme celle du Royaume-Uni, que l’on croyait soudé par son passé prestigieux, incarné par une reine aux allures d’immortelle.

Les attentats terroristes perpétrés au cœur des villes européennes suscitent effroi, angoisse puis volonté de sursaut, de résistance: si nos valeurs et nos modes de vie sont attaqués, c’est bien ce que nous sommes qui est haï par les barbares.

Les questions sur l’appartenance nationale ne datent toutefois pas d’hier. Elles courent au fil de l’histoire avec plus ou moins de virulence selon les époques et les nécessités. Naguère, il fallait faire corps, faire nation, pour monter au front. Les boucheries meurtrières qui s’ensuivirent au XIXe et au XXe siècle semblaient nous avoir éloignés de la nécessité de définir, donc d’exclure, pour embrasser large, ouverts dans un joyeux multiculturalisme consumériste.

Difficile toutefois de rester généreux quand les temps sont durs. Les crises économiques, surtout quand elles se prolongent, génèrent des envies de protection, de cocon. Quand le pouvoir d’achat se rétrécit comme peau de chagrin, quand les perspectives de lendemains meilleurs semblent se dérober, l’interrogation identitaire envahit les consciences ébranlées: qui suis-je?

Aux prises avec des réalités économiques et financières qu’ils s’évertuent à dompter avec un succès tout relatif, les responsables politiques peinent à élaborer des réponses satisfaisantes ou rassurantes.

Comme souvent, l’histoire est réécrite, simplifiée, traficotée: le passé est idéalisé par l’incapacité à penser l’avenir avec confiance.

En Suisse, la célébration du mythique 1er août, inventé à la fin du XIXe siècle, offre chaque année à notre pays composite l’occasion de penser une identité nationale qui ne va pas de soi, qui ne repose ni sur un territoire, ni sur une langue, ni sur une religion, ni même sur une longue histoire commune.

Ce rituel d’introspection patriotique n’en est que plus passionnant. S’en dégagent de riches réflexions sur les valeurs. Pas de totems chez nous, pas de Louis XIV, pas de Napoléon, si peu d’épopées militaires glorieuses et de figures héroïques incontestées, mais pourtant une convergence d’intérêts qui transcende les époques.

C’est ce qui apparaît dans les textes que nous publions (lire Être Suisse). Pour ce 1er Août 2016, L’Hebdo a demandé à des personnalités romandes de s’exprimer sur leur rapport à l’identité suisse, leur sentiment d’appartenance et de fierté. Le débat est aussi ouvert sur la page Facebook du magazine. A vous, chères lectrices, chers lecteurs, de vous en emparer. 

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Être Suisse

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 06:00

Réflexions. A l’occasion du 1er Août, «L’Hebdo» ouvre le débat sur l’identité suisse: qu’est-ce qu’être Suisse aujourd’hui? Qu’est-ce qui nourrit notre fierté, notre sentiment d’appartenance ou, au contraire, notre scepticisme? Des personnalités romandes répondent.

C’était en 1992: à l’Exposition universelle de Séville, le slogan de l’artiste Ben Vautier «La Suisse n’existe pas» généra un formidable tollé. Si le rôle des artistes est de provoquer des réactions plutôt qu’une adhésion distraite, alors ce fut magnifiquement réussi. Une génération plus tard, presque vingt-cinq ans après les cris d’orfraie et les ricanements désabusés, la Confédération affiche une santé économique et un moral national au top. Comme si chaque Suisse, mais aussi nombre d’étrangers qui ont pris racine entre Romanshorn et Genève, s’était personnellement employé à faire mentir ce trait d’autodérision.

La Suisse existe, mais qui est-elle? C’est là que le débat identitaire, qui traverse désormais toutes les démocraties européennes, se corse chez nous. Ni le territoire, ni la langue, ni la religion, ni même une longue histoire commune ne permettent de définir les Suisses. Nous détestons d’ailleurs la notion de nation, et notre fédéralisme fait office de vaccin antinationaliste, en cultivant amoureusement nos attaches cantonales, régionales ou locales (ce qui ne veut pas dire que la politique échappe aux discours nationalistes et à leur ténébreuse emprise).

Sur la forme, le patriotisme rouge à croix blanche est à la mode. Sur le fond, c’est l’adhésion à un corpus de valeurs qui définit l’Helvète du XXIe siècle. C’est ce qui ressort clairement des textes que nous publions dans les pages suivantes. Sollicitées par L’Hebdo à l’occasion de la fête nationale du 1er Août, des personnalités romandes s’expriment sur leur rapport à l’identité suisse, auscultent, entre réflexions historiques et émotions, leur sentiment d’appartenance et de fierté.

Si beaucoup d’entre elles sont nées Suisses, et interrogent ce privilège dû au hasard, d’autres le sont devenues volontiers, avec une ferveur de convertis, qui nous enseigne une chose: malgré les infinies diversités qui composent la Suisse, malgré les doutes qui l’assaillent parfois, son pouvoir d’attraction est massif.


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Le théâtre de la terreur

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 06:00

Yuval Noah Harari

La stratégie de la mouche: pourquoi le terrorisme est-il efficace? Il fait relativement peu de victimes, n’endommage pas les infrastructures de l’ennemi. Et pourtant ça marche. Fin mars 2016, au lendemain des attentats de Bruxelles, Yuval Noah Harari a écrit cette réflexion pour «L’Obs» sur «le théâtre de la terreur». Ce texte est hélas plus que jamais d’actualité et sa lecture est éclairante.

Un terroriste, c’est comme une mouche qui veut détruire un magasin de porcelaine. Petite, faible, la mouche est bien incapable de déplacer ne serait-ce qu’une tasse. Alors, elle trouve un éléphant, pénètre dans son oreille et bourdonne jusqu’à ce que, enragé, fou de peur et de colère, ce dernier saccage la boutique. C’est ainsi, par exemple, que la mouche al-Qaida a amené l’éléphant américain à détruire le magasin de porcelaine du Moyen-Orient.

Comme son nom l’indique, la terreur est une stratégie militaire qui vise à modifier la situation politique en répandant la peur plutôt qu’en provoquant des dommages matériels. Ceux qui l’adoptent sont presque toujours des groupes faibles, qui n’ont pas, de toute façon, la capacité d’infliger d’importants dommages matériels à leurs ennemis. Certes, n’importe quelle action militaire engendre de la peur. Mais dans la guerre classique, la peur n’est qu’un sous-produit des pertes matérielles, et elle est généralement proportionnelle à la force de frappe de l’adversaire. Dans le cas du terrorisme, la peur est au cœur de l’affaire, avec une disproportion effarante entre la force effective des terroristes et la peur qu’ils parviennent à inspirer.

Peur et confusion

Modifier une situation politique en recourant à la violence n’est pas chose aisée. Le premier jour de la bataille de la Somme, le 1er juillet 1916, l’armée britannique a déploré 19 000 morts et 40 000 blessés. A la fin de la bataille, en novembre, les deux camps réunis comptaient au total plus d’un million de victimes, dont 300 000 morts. Pourtant, ce carnage inimaginable ne changea quasiment pas l’équilibre des pouvoirs en Europe. Il fallut encore deux ans et des millions de victimes supplémentaires pour que la situation bascule.

En comparaison, le terrorisme est un petit joueur. Les attentats de Bruxelles du 22 mars 2016 ont fait 31 morts. En 2002, en plein cœur de la campagne de terreur palestinienne contre Israël, alors que des bus et des restaurants étaient frappés tous les deux ou trois jours, le bilan annuel a été de 451 morts dans le camp israélien. La même année, 542 Israéliens ont été tués dans des accidents de voiture. Certaines attaques terroristes, comme l’attentat du vol Pan Am 103 de 1988, qui a explosé au-dessus du village de Lockerbie, en Ecosse, font parfois quelques centaines de victimes. Les 3000 morts des attentats du 11 septembre constituent un record à cet égard. Mais cela reste dérisoire en comparaison du prix de la guerre classique.

Faites le compte de toutes les victimes (tuées ou blessées) d’attaques terroristes en Europe depuis 1945 (qu’elles aient été perpétrées par des groupes nationalistes, religieux, de gauche ou de droite…), vous resterez toujours très en deçà du nombre de victimes de n’importe quelle obscure bataille de l’une ou l’autre guerre mondiale, comme la 3e bataille de l’Aisne (250 000 victimes) ou la 10e bataille de l’Isonzo (225 000 victimes). Aujourd’hui, pour chaque Européen tué dans une attaque terroriste, au moins un millier de personnes meurent d’obésité ou des maladies qui lui sont associées. Pour l’Européen moyen, McDonald’s est un danger bien plus sérieux que l’Etat islamique.

Comment les terroristes peuvent-ils alors espérer arriver à leurs fins? A l’issue d’un acte de terrorisme, l’ennemi a toujours le même nombre de soldats, de tanks et de navires qu’avant. Ses voies de communication, routes et voies ferrées sont largement intactes. Ses usines, ses ports et ses bases militaires sont à peine touchés. Ce qu’espèrent pourtant les terroristes, quand bien même ils n’ébranlent qu’à peine la puissance matérielle de l’ennemi, c’est que, sous le coup de la peur et de la confusion, ce dernier réagira de façon disproportionnée et fera un mauvais usage de sa force préservée.

Bouleverser les équilibres

Leur calcul est le suivant: en tournant contre eux son pouvoir massif, l’ennemi, fou de rage, déclenchera une tempête militaire et politique bien plus violente que celle qu’eux-mêmes n’auraient jamais pu soulever. Et, au cours de ces tempêtes, ce qui n’était jamais arrivé arrive: des erreurs sont faites, des atrocités sont commises, l’opinion publique se divise, les neutres prennent position, et les équilibres politiques sont bouleversés. Les terroristes ne peuvent pas prévoir exactement ce qui sortira de leur action de déstabilisation mais, ce qui est sûr, c’est que la pêche a plus de chance d’être bonne dans ces eaux troubles que dans une mer politique calme.

Voilà pourquoi un terroriste ressemble à une mouche qui veut détruire un magasin de porcelaine. Petite, faible, la mouche est incapable de déplacer ne serait-ce qu’une simple tasse. Alors, elle trouve un éléphant, pénètre dans son oreille et bourdonne jusqu’à ce que, enragé, fou de peur et de colère, ce dernier saccage la boutique. C’est ce qui est arrivé au Moyen-Orient ces dix dernières années. Les fondamentalistes islamiques n’auraient jamais pu renverser eux-mêmes Saddam Hussein. Alors ils s’en sont pris aux Etats-Unis, et les Etats-Unis, furieux après les attaques du 11 septembre, ont fait le boulot pour eux: détruire le magasin de porcelaine du Moyen-Orient. Depuis, ses décombres leur sont un terreau fertile.

Faire dans le spectaculaire

Le terrorisme est une stratégie militaire peu séduisante, parce qu’elle laisse toutes les décisions importantes à l’ennemi. Comme les terroristes ne peuvent pas infliger de dommages matériels sérieux, toutes les options que l’ennemi avait avant une attaque terroriste sont encore à sa disposition après, et il est complètement libre de choisir entre elles. Les armées régulières cherchent normalement à éviter une telle situation à tout prix. Quand elles attaquent, leur but n’est pas d’orchestrer un spectacle terrifiant qui attise la colère de l’ennemi et l’amène à répliquer.

Au contraire, elles essaient d’infliger à leur ennemi des dommages matériels sérieux afin de réduire sa capacité à répliquer. Elles cherchent notamment à le priver de ses armes et de ses solutions tactiques les plus dangereuses. C’est par exemple ce qu’a fait le Japon en décembre 1941, avec l’attaque surprise qui a coulé la flotte américaine à Pearl Harbor. Ce n’était pas un acte terroriste; c’était un acte de guerre. Les Japonais ne pouvaient prévoir avec certitude quelles seraient les représailles, à part sur un point: quel que soit ce qu’ils décideraient de faire, il ne leur serait plus possible d’envoyer une flotte dans le Sud-Est asiatique en 1942.

Provoquer l’ennemi sans le priver d’aucune de ses armes ou de ses possibilités de répliquer est un acte de désespoir, un dernier recours. Quand on a la capacité d’infliger de gros dommages matériels à l’ennemi, on n’abandonne pas cette stratégie pour du simple terrorisme. Imaginez que, en décembre 1941, les Japonais aient, pour provoquer les Etats-Unis, torpillé un navire civil sans toucher à la flotte du Pacifique à Pearl Harbor: ç’aurait été de la folie!

Mais les terroristes n’ont pas trop le choix. Ils sont si faibles qu’ils n’ont pas les moyens de couler une flotte ou de détruire une armée. Ils ne peuvent pas mener de guerre régulière. Alors, ils choisissent de faire dans le spectaculaire pour, espèrent-ils, provoquer l’ennemi, et le faire réagir de façon disproportionnée. Un terroriste ne raisonne pas comme un général d’armée, mais comme un metteur en scène de théâtre: c’est là un constat intuitif qu’illustre bien, par exemple, ce que la mémoire collective a conservé des attentats du 11 septembre.

Si vous demandez aux gens ce qu’il s’est passé le 11 septembre, ils répondront probablement que les tours jumelles du World Trade Center sont tombées sous le coup d’une attaque terroriste d’al-Qaida. Pourtant, en plus des attentats contre les tours, il y a eu ce jour-là deux autres attaques, notamment une attaque réussie contre le Pentagone. Comment se fait-il qu’aussi peu de gens s’en souviennent?

Si l’opération du 11 septembre avait relevé d’une campagne militaire classique, l’attaque du Pentagone aurait retenu la plus grande attention, car elle a permis à al-Qaida de détruire une partie du QG ennemi, tuant et blessant au passage des dirigeants et des experts de haut rang. Comment se fait-il que la mémoire collective accorde bien plus d’importance à la destruction de deux bâtiments civils et à la disparition de courtiers, de comptables et d’employés de bureau?

C’est que le Pentagone est un bâtiment relativement plat et arrogant, tandis que le World Trade Center était un grand totem phallique dont l’effondrement a produit un énorme effet audiovisuel. Qui a vu les images de cet effondrement ne pourra jamais les oublier. Le terrorisme, c’est du théâtre, nous le comprenons intuitivement – et c’est pourquoi nous le jugeons à l’aune de son impact émotionnel plus que matériel. Rétrospectivement, Oussama ben Laden aurait peut-être préféré trouver à l’avion qui a frappé le Pentagone une cible plus pittoresque, comme la statue de la Liberté. Il y aurait certes eu peu de morts, et aucun atout militaire de l’ennemi n’aurait été détruit, mais quel puissant geste théâtral!

A l’instar des terroristes, ceux qui les combattent devraient aussi penser en metteurs en scène plutôt qu’en généraux. Pour commencer, si l’on veut combattre le terrorisme efficacement, il faut prendre conscience que rien de ce que les terroristes font ne peut vraiment nous détruire. C’est nous seuls qui nous détruisons nous-mêmes, si nous surréagissons et donnons les mauvaises réponses à leurs provocations.

Les terroristes s’engagent dans une mission impossible, quand ils veulent changer l’équilibre des pouvoirs politiques par la violence, alors qu’ils n’ont presque aucune capacité militaire. Pour atteindre leur but, ils lancent à nos Etats un défi tout aussi impossible: prouver qu’ils peuvent protéger tous leurs citoyens de la violence politique, partout et à tout moment. Ce qu’ils espèrent, c’est que, en s’échinant à cette tâche impossible, ils vont rebattre les cartes politiques, et leur distribuer un as au passage.

De la légitimité de l’état

Certes, quand l’Etat relève le défi, il parvient en général à écraser les terroristes. En quelques dizaines d’années, des centaines d’organisations terroristes ont été vaincues par différents Etats. En 2002-2004, Israël a prouvé qu’on peut venir à bout, par la force brute, des plus féroces campagnes de terreur. Les terroristes savent parfaitement bien que, dans une telle confrontation, ils ont peu de chances de l’emporter.

Mais, comme ils sont très faibles et qu’ils n’ont pas d’autre solution militaire, ils n’ont rien à perdre et beaucoup à gagner. Il arrive parfois que la tempête politique déclenchée par les campagnes de contre-terrorisme joue en faveur des terroristes: c’est pour cette raison que cela vaut le coup de jouer. Un terroriste, c’est un joueur qui, ayant pioché au départ une main particulièrement mauvaise, essaie de convaincre ses rivaux de rebattre les cartes. Il n’a rien à perdre, tout à gagner.

Pourquoi l’Etat devrait-il accepter de rebattre les cartes? Puisque les dommages matériels causés par le terrorisme sont négligeables, l’Etat pourrait théoriquement en faire peu de cas, ou bien prendre des mesures fermes mais discrètes loin des caméras et des micros. C’est d’ailleurs bien souvent ce qu’il fait. Mais d’autres fois les Etats s’emportent et réagissent bien trop vivement et trop publiquement, faisant ainsi le jeu des terroristes. Pourquoi les Etats sont-ils aussi sensibles aux provocations terroristes?

S’ils ont souvent du mal à supporter ces provocations, c’est parce que la légitimité de l’Etat moderne se fonde sur la promesse de protéger l’espace public de toute violence politique. Un régime peut survivre à de terribles catastrophes, voire s’en laver les mains, du moment que sa légitimité ne repose pas sur le fait de les éviter. Inversement, un problème mineur peut provoquer la chute d’un régime s’il est perçu comme sapant sa légitimité.

Au XIVe siècle, la peste noire a tué entre un quart et la moitié de la population européenne, mais nul roi n’a perdu son trône pour cela, nul non plus n’a fait beaucoup d’efforts pour vaincre le fléau. Personne, à l’époque, ne considérait que contenir les épidémies faisait partie du boulot d’un roi. En revanche, les monarques qui laissaient une hérésie religieuse se diffuser sur leurs terres risquaient de perdre leur couronne, voire d’y laisser leur tête!

Aujourd’hui, un gouvernement peut tout à fait fermer les yeux sur la violence domestique ou sexuelle, même si elle atteint de hauts niveaux, parce que cela ne sape pas sa légitimité. En France, par exemple, plus de 1000 cas de viols sont signalés chaque année aux autorités, sans compter les milliers de cas qui ne font pas l’objet de plainte. Les violeurs et les maris abusifs, au demeurant, ne sont pas perçus comme une menace existentielle pour l’Etat parce que, historiquement, ce dernier ne s’est pas construit sur la promesse d’éliminer la violence sexuelle.

A contrario, les cas, bien plus rares, de terrorisme, sont perçus comme une menace fatale, parce que, au cours des siècles derniers, les Etats occidentaux modernes ont peu à peu construit leur légitimité sur la promesse explicite d’éradiquer la violence politique à l’intérieur de leurs frontières.

Au Moyen Age, la violence politique était omniprésente dans l’espace public. La capacité à user de violence était de fait le ticket d’entrée dans le jeu politique; qui en était privé n’avait pas voix au chapitre. Non seulement de nombreuses familles nobles, mais aussi des villes, des guildes, des églises et des monastères avaient leurs propres forces armées. Quand la mort d’un abbé ouvrait une querelle de succession, il n’était pas rare que les factions rivales – moines, notables locaux, voisins inquiets – recourent aux armes pour résoudre le problème.

Le terrorisme n’avait aucune place dans un tel monde. Qui n’était pas assez fort pour causer des dommages matériels substantiels était insignifiant. Si, en 1150, quelques musulmans fanatiques avaient assassiné une poignée de civils à Jérusalem, en exigeant que les croisés quittent la Terre sainte, ils se seraient rendus ridicules plutôt que d’inspirer la terreur. Pour être pris au sérieux, il fallait commencer par s’emparer d’une ou deux places fortes. Nos ancêtres médiévaux se fichaient bien du terrorisme: ils avaient trop de problèmes bien plus importants à régler.

Une atteinte fatale

Au cours de l’époque moderne, les Etats centralisés ont peu à peu réduit le niveau de violence politique sur leur territoire, et depuis quelques dizaines d’années les pays occidentaux l’ont pratiquement abaissé à zéro. En Belgique, en France ou aux Etats-Unis, les citoyens peuvent se battre pour le contrôle des villes, des entreprises et autres organisations, et même du gouvernement lui-même sans recourir à la force brute.

Le commandement de centaines de milliards d’euros, de centaines de milliers de soldats, de centaines de navires, d’avions et de missiles nucléaires passe ainsi d’un groupe d’hommes politiques à un autre sans que l’on ait à tirer un seul coup de feu. Les gens se sont vite habitués à cette façon de faire, qu’ils considèrent désormais comme leur droit le plus naturel. Par conséquent, des actes, même sporadiques, de violence politique, qui tuent quelques dizaines de personnes, sont vus comme une atteinte fatale à la légitimité et même à la survie de l’Etat. Une petite pièce, si on la lance dans une jarre vide, suffit à faire grand bruit.

C’est ce qui explique le succès des mises en scène terroristes. L’Etat a créé un immense espace vide de violence politique – un espace qui agit comme une caisse de résonance, amplifiant l’impact de la moindre attaque armée, si petite soit-elle. Moins il y a de violence politique dans un Etat, plus sa population sera choquée face à un acte terroriste. Tuer 30 personnes en Belgique attire bien plus d’attention que tuer des centaines de personnes au Nigeria ou en Irak. Paradoxalement, donc, c’est parce qu’ils ont réussi à contenir la violence politique que les Etats modernes sont particulièrement vulnérables face au terrorisme. Un acte de terreur qui serait passé inaperçu dans un royaume médiéval affectera bien davantage les Etats modernes, touchés au cœur.

Une lutte sur trois fronts

L’Etat a tant martelé qu’il ne tolérerait pas de violence politique à l’intérieur de ses frontières qu’il est maintenant contraint de considérer tout acte de terrorisme comme intolérable. Les citoyens, pour leur part, se sont habitués à une absence totale de violence politique, de sorte que le théâtre de la terreur fait naître en eux une peur viscérale de l’anarchie, comme si l’ordre social était sur le point de s’effondrer. Après des siècles de batailles sanglantes, nous nous sommes extraits du trou noir de la violence, mais ce trou noir, nous le sentons, est toujours là, attendant patiemment le moment de nous avaler de nouveau. Quelques atrocités, quelques horreurs – et nous voilà, en imagination, en train de retomber dedans.

Afin de soulager ces peurs, l’Etat est amené à répondre au théâtre de la terreur par un théâtre de la sécurité. La réponse la plus efficace au terrorisme repose sans doute sur de bons services secrets et sur une action discrète contre les réseaux financiers qui alimentent le terrorisme. Mais ça, les gens ne peuvent pas le voir à la télévision. Or, ils ont vu le drame terroriste de l’effondrement des tours du World Trade Center. L’Etat se sent donc obligé de mettre en scène un contre-drame aussi spectaculaire, avec plus de feu et de fumée encore. Alors au lieu d’agir calmement et efficacement, il déclenche une énorme tempête qui, bien souvent, comble les rêves les plus chers des terroristes.

Comment l’Etat devrait-il faire face au terrorisme? Pour réussir, la lutte devrait être menée sur trois fronts. Les gouvernements, d’abord, devraient se concentrer sur une action discrète contre les réseaux terroristes. Les médias, ensuite, devraient relativiser les événements et éviter de basculer dans l’hystérie. Le théâtre de la terreur ne peut fonctionner sans publicité. Or, malheureusement, les médias ne font souvent que fournir cette publicité gratuitement: ils ne parlent que des attaques terroristes, de façon obsessionnelle, et exagèrent largement le danger, parce que de tels articles sensationnels font vendre les journaux bien mieux que les papiers sur le réchauffement climatique.

Le troisième front, enfin, est celui de notre imagination à tous. Les terroristes tiennent notre imagination captive, et l’utilisent contre nous. Sans cesse, nous rejouons les attaques terroristes dans notre petit théâtre mental, nous repassant en boucle les attaques du 11 septembre ou les attentats de Bruxelles. Pour 100 personnes tuées, 100 millions s’imaginent désormais qu’il y a un terroriste tapi derrière chaque arbre. Il en va de la responsabilité de chaque citoyen et de chaque citoyenne de libérer son imagination et de se rappeler quelles sont les vraies dimensions de la menace. C’est notre propre terreur intérieure qui incite les médias à traiter obsessionnellement du terrorisme et le gouvernement à réagir de façon démesurée.

Que dire encore du terrorisme nucléaire ou bioterrorisme? Que se passerait-il si ceux qui prédisent l’Apocalypse avaient raison? Si les organisations terroristes venaient à acquérir des armes de destruction massive, susceptibles, comme dans la guerre classique, de causer d’immenses dommages matériels? Quand cela arrivera (si cela arrive), l’Etat tel que nous le connaissons sera dépassé. Et, du même coup, le terrorisme tel que nous le connaissons cessera également d’exister, comme un parasite meurt avec son hôte.

Si de minuscules organisations représentant une poignée de fanatiques peuvent détruire des villes entières et tuer des millions de personnes, l’espace public ne sera plus vierge de violence politique. La vie politique et la société connaîtront des transformations radicales. Il est difficile de savoir quelle forme prendront les batailles politiques, mais elles seront certainement très différentes des campagnes de terreur et de contre-terreur du début du XXIe siècle. Si, en 2050, le monde est plein de terroristes nucléaires et de bioterroristes, leurs victimes songeront au monde occidental d’aujourd’hui avec une nostalgie teintée d’incrédulité: comment des gens qui jouissaient d’une telle sécurité ont-ils pu se sentir aussi menacés?

© Yuval Harari 2016
© Albin Michel pour la traduction française 2016, par Clotilde Meyer

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Stéphanie Chasseloup: «Je vais perdre mon meilleur ami le 24 août»

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Jeudi, 28 Juillet, 2016 - 06:00

Et vous, comment ça va?

«Ça va bien. Dans quelques jours, je m’envole pour Houston, au Texas. C’est la dernière fois que je verrai mon meilleur ami. Il s’appelle Jeff Wood, il a 42 ans et ça fait vingt ans qu’il attend la mort, dans une cellule de 6 mètres carrés. Le 29 février, son dernier appel a été rejeté. Il a reçu sa date: il sera exécuté le 24 août. Je le connais depuis cinq ans. On s’écrit toutes les semaines. Lorsque j’ai eu un cancer du sein en 2013, il m’écrivait tout le temps du fin fond de sa cellule. Sa priorité était que je m’en sorte. Mon cancer nous a soudés.

Jeff est mon superpote, mon «cupcake» comme je l’appelle. Dans mes lettres, je lui parle de mon travail, de ma famille, de mes amis, de mes sorties. Je travaille à plein temps dans une société d’import-export et j’habite Yverdon. Je suis célibataire et je n’ai pas d’enfants. Lui a moins de choses à me raconter. Il ne parle jamais de son affaire, parce que tout peut être copié et utilisé contre lui.

J’ai déjà traversé six fois l’Atlantique pour me rendre à la prison de Livingston où Jeff attend son injection. Ceux qui viennent de loin ont droit à des visites de quatre heures. Ce qu’on se raconte? Tout. On se fait des blagues, on partage des fous rires. Mais on pleure aussi. Le détenu est menotté dans le dos et amené par trois gardiens au parloir qui est vitré.

Lors de ma dernière visite, en janvier, Jeff m’a demandé: «Tu veux assister à ma mort? Il faut que je sache parce que je ne peux avoir que cinq témoins, et d’autres personnes veulent venir.» J’ai décidé que je n’irai pas. Depuis qu’il a une date, les gens vont le voir plus souvent. Il a une fille de 22 ans. Ça va être très dur de le perdre. Il m’a écrit: «J’en ai marre de voir pleurer les gens qui me rendent visite.» Je lui ai donc promis qu’on rigolerait, qu’on se raconterait des blagues et qu’on ferait de notre mieux pour profiter un max de ces dernières heures ensemble.

Contre la barbarie

Jeff est le troisième prisonnier que je vais perdre. Tout a commencé le 24 mars 2010. Cette date est gravée dans ma tête. Ce soir-là, je suis tombée sur un reportage d’une chaîne française sur un condamné à mort d’une prison texane. Rien ne le reliait au meurtre. J’ai eu le choc de ma vie. J’ai contacté ses amis sur Facebook et leur ai demandé comment je pouvais les aider. Coupable ou innocent, je suis contre la peine de mort. C’est un retour à la barbarie. Les correspondants des prisonniers – certains condamnés à mort en ont plusieurs – ne sont pas là pour les juger.

Notre rôle, c’est d’être une fenêtre sur le monde pour qu’ils ne soient pas punis davantage en étant totalement isolés. Jeff a été condamné pour complicité d’assassinat dans une affaire qui a mal tourné. Il était dans sa voiture lorsque son passager s’est rendu dans le magasin d’une station d’essence et a abattu le vendeur en voulant le braquer. Il n’a pas de sang sur les mains.

Pourquoi je fais tout ça? J’ai besoin d’aider les gens et de combattre l’injustice. Je ne suis pas croyante. Mon moteur, ce n’est ni la pitié ni la compassion. J’ai besoin d’être là pour quelqu’un et d’apporter de l’humanité. Il faut dire que ces prisonniers m’apportent tellement au niveau humain. Ce sont des amis au même niveau que ceux de ma vie de tous les jours. Tout ce qu’ils ont en eux et qu’on leur défend de montrer, ils nous le donnent.

J’ai eu de la chance, je suis toujours tombée sur des gars honnêtes, gentils et drôles. De plus, ils savent un tas de choses, car ils ont beaucoup de temps pour lire. Dans quelques jours, je retrouverai une amie israélienne à Houston. Elle vient également visiter des détenus. On passera la semaine ensemble. J’ai croisé beaucoup de correspondantes, ce sont en majorité des femmes. Il y a beaucoup de groupies. Il faut les fuir comme la peste. Elles sont très jalouses et veulent garder leur condamné à mort pour elles et lui interdisent d’avoir d’autres correspondantes.

Dans ma tête, je vais perdre Jeff le 24 août. J’ai de la peine à croire à un sursis. Je me suis préparée mentalement comme je pouvais. J’ai déjà prévenu mes amis que je ne serai plus trop atteignable. Je vais souffrir, mais l’amitié que nous partageons en vaut tellement la peine.»

Pétition pour Jeff Wood www.savejeffwood.com et www.lifespark.org (pour correspondre avec des détenus)

sabine.pirolt@ringier.ch
Blog Et vous, comment ça va?

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Sabine Pirolt
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Ces destinations qui n’en peuvent plus des touristes

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:50

Peggy Frey

Décodage. Jungfraujoch, Machu Picchu, Galápagos, Bhoutan, Cinque Terre: des sites exceptionnels qui souffrent de plus en plus du tourisme de masse. Une situation qui pousse certaines destinations suisses, comme dans d’autres pays, à prendre des mesures drastiques pour sauvegarder leur patrimoine.

Imposer des quotas de visites pour un site, le parc naturel des Galápagos le fait depuis les années 70. La Thaïlande est allée plus loin en mai dernier, en interdisant purement et simplement l’accès à l’île de Tachai pour préserver son environnement. Sable blanc, eau turquoise, cette perle de l’archipel des Similan, située à une soixantaine de kilomètres des côtes méridionales de la péninsule thaïlandaise, faisait pourtant rêver les voyageurs. Un peu trop!

Jusqu’à 1000 touristes se rendaient chaque jour sur ses plages, qui ne supportent l’empreinte écologique que de 70 visiteurs. «Cet afflux de vacanciers, de bateaux de plaisance et la profusion de paillotes ont provoqué le réchauffement de la mer, entraînant la détérioration des récifs coralliens et du littoral», a expliqué à la presse thaïlandaise Thon Thamrongnawasawat, expert maritime de l’université Kasetsart à Bangkok.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement thaïlandais envisage d’exclure d’autres sites maritimes des destinations touristiques, notamment Maya Bay, la célèbre plage du film The Beach, avec Leonardo DiCaprio. «Limiter, voire interdire l’accès à un lieu est une décision cohérente, s’il est menacé et que son patrimoine est mis en péril définitivement, estime Gilles Rudaz, spécialiste de la stratégie en matière de paysage à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV).

Une perspective à long terme est essentielle, puisque l’activité touristique dépend de la pérennité de la ressource sur laquelle elle repose.» En France, l’exemple de la grotte de Lascaux illustre bien ce propos: les fac-similés – Lascaux II, ouvert au public dès 1983, puis III et bientôt IV – reproduisent les peintures rupestres de la grotte initiale, permettant de préserver l’originale sans mécontenter les visiteurs.

Avec 1,2 milliard de touristes dans le monde en 2014, la hausse de fréquentation de certains sites se poursuit et devient même une menace pour les locaux. Exemple en Italie, où les habitants des villages des Cinque Terre saturent, victimes des 2,5 millions de voyageurs venus visiter leurs bourgades de pêcheurs en 2015. A la suite d’une pétition demandant de «sauver les Cinque Terre du tourisme de masse», les autorités viennent de mettre en place la vente de billets en quantité limitée: seuls 1,5 million de touristes annuels pourront se balader sur les sentiers pédestres, uniques accès terrestres à ces villages médiévaux.

Montagnes mises en scène

Le constat est le même au Pérou, où l’Unesco a menacé d’inscrire le Machu Picchu sur sa liste noire du patrimoine en danger si les autorités locales ne restreignaient pas l’accès au sanctuaire. Le but: préserver l’érosion des terrasses agricoles et la beauté de la cité inca. «Paradoxalement, en voulant protéger un site, son classement au patrimoine mondial éveille la curiosité et attire encore davantage de visiteurs», remarque Rafael Matos-Wasem, professeur et chercheur à la Haute école de gestion et tourisme, HES-SO Valais.

En Suisse, c’est le secteur alpin de la Jungfrau-Aletsch qui est aujourd’hui victime de son succès. Pendant la saison estivale, la capacité du train de la Jungfraujoch est fréquemment saturée. «Pour préserver l’environnement alpin et la qualité du service aux voyageurs, nous ne transportons pas plus de 5000 personnes par jour, souligne Patrizia Bickel, responsable communication de la compagnie ferroviaire de la Jungfrau. Durant l’été 2015, cette limite a été atteinte sur près de quarante-deux jours.» Pour gérer cette surfréquentation, l’Office du tourisme d’Interlaken essaie de mieux répartir les flux de visiteurs et renforce sa communication pendant les saisons creuses.

Au Bhoutan, la préservation du «bonheur national brut» passe par une taxe de séjour élevée, l’obligation de rester dans un coûteux circuit organisé et un quota de 100 000 visiteurs par an. Mais pour Véronique Kanel, porte-parole de Suisse Tourisme, ce type de mesure est pour l’instant inutile en Suisse: «Notre pays échappe au tourisme de masse, du fait aussi du franc fort, qui restreint l’afflux de touristes en ce moment.»

Fixer un quota d’accès contre l’éruption touristique dans son pays, l’Islande y pense pour préserver son fonds de commerce naturel, à savoir ses paysages. Depuis 2010 et le réveil du volcan Eyjafjöll, le nombre annuel de visiteurs augmente de 20 à 25% et a dépassé le million en 2015… soit trois fois la population islandaise. En attendant d’éventuels quotas, les autorités du pays édictent des lois environnementales et tentent de préserver leur patrimoine à coups de campagnes de sensibilisation. Cela ne suffit cependant pas à dissuader les conducteurs de 4x4 qui s’engagent hors des sentiers autorisés.

Préserver et valoriser un patrimoine naturel attrayant est aussi un défi pour la Suisse. «La nature est le premier argument de visite de notre pays, explique Véronique Kanel. Si nous disposons de beaucoup de moyens pour sa protection, nous n’avons pas de grands espaces, contrairement à d’autres Etats.» Pour varier l’offre et satisfaire les visiteurs, l’enjeu consiste à faire coïncider plusieurs activités en un même lieu tout en préservant des zones de tranquillité.

«Le tourisme ne doit pas être trop diffus, mais plutôt concentré en certains endroits», estime Philippe Wäger, chef du secteur environnement du Club alpin suisse. Certaines montagnes comme le Titlis, le Schilthorn ou le Pilatus ont été mises en scène et «offertes» au tourisme de masse; d’autres, non équipées d’infrastructures, sont moins visitées et restent ainsi préservées.

Lucerne et les cars

Loin des grands espaces islandais et des sommets alpins, les habitants de Venise, Berlin ou Amsterdam n’en peuvent plus de voir débarquer des hordes de touristes à valise à roulettes. A bout de nerfs, ils ont fait pression sur les autorités locales et des mesures de limitation sont à l’étude. Même constat plus au sud: les centres historiques de Barcelone et de Lisbonne ont la gueule de bois chaque lundi matin après l’affluence de fêtards venus s’enivrer dans leurs ruelles le temps d’un week-end.

Mais s’attaquer à un pilier de l’économie ibérique reste un sujet sensible en pleine crise. A Lucerne, ce ne sont pas les fêtards, mais les cars de Chinois qui sont montrés du doigt. «Circuler au centre-ville devenait impossible. Il a été demandé aux chauffeurs de limiter leur stationnement au temps de déchargement et de chargement de leurs passagers et de se garer hors du centre-ville dans l’intervalle», explique Sibylle Gerardi, de l’Office du tourisme de Lucerne.

Reste que, pour un touriste venu d’une métropole chinoise, «Lucerne est un village sous-peuplé!» note Véronique Kanel. Juger du «trop de monde» dans un lieu touristique est très subjectif. «D’ordinaire, le touriste asiatique apprécie les lieux très fréquentés, alors que l’Occidental essaie de les fuir. La charge psychologique d’un lieu, l’encombrement ressenti par quelqu’un qui visite un site, est une notion qui varie beaucoup selon son interlocuteur», note Rafael Matos-Wasem, de la HES-SO Valais.

A l’opposé du tourisme de masse, une baisse de fréquentation peut aussi avoir des conséquences néfastes pour un site. Pour relancer le tourisme et attirer les plongeurs, la station balnéaire turque de Kusadasi n’a pas hésité à couler un vieil Airbus A300 en mer Egée. Même scénario en mer Noire, où un Tupolev a été immergé dans les eaux bulgares. Sacrifier des sites pour en préserver d’autres, faire coïncider business touristique et protection des sites, c’est là l’équilibre à trouver pour les responsables des destinations prisées. 

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Les plus de 30 ans, nouvelle cible des séjours linguistiques

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:51

Julien Calligaro

Tendance. Les plus de 30 ans plébiscitent les séjours linguistiques à l’étranger, qui leur apportent une plus-value sur le marché du travail. Certaines écoles proposent même des cours réservés à ces nouveaux élèves.

Depuis peu, les plus de 30 ans représentent plus du tiers des participants à des voyages linguistiques, selon l’Association suisse des organisateurs de séjours linguistiques (SALTA). Conséquence: les programmes qui visent cette nouvelle clientèle sont à la mode. «De telles offres n’existaient pas il y a dix ans, indique Claudio Cesarano, président de cette organisation faîtière qui regroupe près de 90% des écoles de langues et voyagistes suisses. Actuellement, une vingtaine d’établissements dans le monde les proposent.» Les enseignements spécifiques – dont font partie les cours «30 +» – ont progressé de 9% rien que sur l’année 2015.

Formules au choix

Boa Lingua, qui organise des séjours linguistiques à l’étranger, fait un constat similaire: «Depuis cinq ans, le segment des plus de 30 ans affiche une croissance deux fois plus importante que celui des plus jeunes», détaille Jessica Monnet, directrice pour la Suisse romande. Pour répondre à cette demande grandissante, le voyagiste a décidé de collaborer avec deux nouvelles écoles de langues du groupe EC qui proposent des séjours réservés aux plus de 30 ans.

En Suisse romande, les agences Pro Linguis, Globo-study ou encore ESL offrent également de tels services. L’école EF a décidé de faire de même, mais pour les plus de 25 ans. «L’apprentissage d’une langue en compagnie de personnes du même âge favorise la motivation et facilite les contacts, poursuit Jessica Monnet. Les étudiants plus matures souhaitent pouvoir échanger avec des personnes qui partagent leurs centres d’intérêt.»

Comme dans des écoles de langues «classiques», les établissements «30 +» proposent différents choix de formules, telles que des cours en groupe à la journée ou des leçons individuelles. L’offre la plus répandue reste cependant la combinaison entre les cours le matin et les activités culturelles l’après-midi (visites de musées, excursions, etc.). A prestation égale, les tarifs pour les plus de 30 ans sont identiques à ceux pour les plus jeunes.

Comptez entre 800 et 2000 francs, en fonction du prestataire choisi, pour deux semaines de cours à 20 périodes d’enseignement par semaine, hébergement en famille d’accueil compris. Dans ces classes spécialisées, l’apprentissage de la langue est en revanche adapté à l’âge. Il ne s’agit pas de préparer un examen: on y développe des compétences professionnelles. L’objectif est d’apprendre du vocabulaire commercial, de pouvoir suivre une conférence ou encore de communiquer de façon plus spontanée avec des collègues étrangers.

Pour trouver un job

Judith, 50 ans, est partie deux fois à Londres pour «rafraîchir» son anglais. La crainte d’un décalage social entre elle et de plus jeunes élèves l’a poussée à suivre un programme réservé aux plus de 30 ans: «J’avais peur de me retrouver dans une classe sans avoir de réels points d’accroche avec les gens», avoue-t-elle. Tout comme elle, ses camarades de classe étaient salariés et avaient dû prendre des vacances pour partir en séjour linguistique.

Les plus de 30 ans partent la plupart du temps moins d’un mois, tandis que les jeunes s’offrent des voyages plus longs. Le premier séjour de Judith a duré deux semaines, le second trois. «Le peu de temps disponible pousse les gens à être très impliqués et à faire des efforts pour parler leur langue maternelle le moins possible.»

La plus-value qu’apportent les séjours linguistiques au niveau professionnel explique en grande partie l’engouement de la clientèle plus âgée. «C’est un critère d’employabilité de plus en plus important, constate Grégoire Evequoz, directeur de l’Office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue, à Genève. Aujourd’hui, les salariés changent plus facilement de travail ou de fonction au sein d’une entreprise. Cela nécessite une adaptation des compétences, notamment linguistiques.» Grégoire Evequoz évoque notamment l’allemand, qui donne parfois accès à des formations professionnelles supérieures qui n’existent pas en français.

L’anglais n’en est pour autant pas moins important. Selon SALTA, deux tiers des séjours linguistiques des Suisses ont pour destination un pays anglophone. Edouard Frey, un Genevois de 52 ans, est parti six mois à Vancouver, au Canada, en 2010. Son but, alors: atteindre un niveau d’anglais assez élevé pour travailler à l’étranger. «Les cours du soir suffisent pour se débrouiller pendant les vacances. Mais si l’on veut aller plus loin, rien de tel qu’un séjour en immersion.» En 2011, il décide de repartir pour trois mois, cette fois à Bournemouth, en Angleterre. Cette dernière expérience lui permet de décrocher en 2012 un contrat d’un an au Soudan du Sud pour le CICR en tant qu’ingénieur. «Sans ces neuf mois, je n’aurais jamais eu ce poste.»

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Des ovules qui se marchandent au prix fort

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:52

Enquête. Aux Etats-Unis, de plus en plus de jeunes filles vendent leurs ovules pour, notamment, financer leurs études. Mais elles prennent de graves risques avec leur santé.

Quand Selma* termine ses études de lettres, en 2012, la vie n’est pas facile. Elle tentait de percer comme actrice, tout en travaillant comme rédactrice free-lance à Seattle. Et elle devait rembourser sa dette étudiante. «Pour y parvenir, je devais m’installer à Los Angeles, mais je n’en avais pas les moyens», raconte cette petite brune de 28 ans aux airs de Christina Ricci. Elle décide alors de vendre ses ovules. «Je l’ai fait à trois reprises. A chaque fois, j’ai touché 8000 dollars. Cela m’a permis de financer mon déménagement et mon mariage.»

L’histoire de Selma est loin d’être unique. De plus en plus de jeunes filles américaines se résolvent à vendre un morceau de leur corps pour financer «des études, des vacances ou simplement s’acquitter de leurs frais quotidiens», explique Sierra Falter, l’une des trois cofondatrices de la plateforme We Are Egg Donors. Ce phénomène est né en 1987, lorsque la chaîne Cleveland Clinic a créé un programme pour recruter des «donatrices» prêtes à proposer leurs ovules à des femmes ne pouvant pas concevoir.

La pratique a vraiment pris son envol dans les années 2000, quand la technique s’est améliorée, quand de plus en plus de femmes d’âge mûr et de couples gays ont voulu avoir des enfants. Aujourd’hui, 12% des naissances par fécondation in vitro (FIV), soit 17 000 par an, se font au moyen d’un don d’ovules. La recherche sur les cellules souches, grande consommatrice d’ovules, a encore accru la demande.

«Les donneuses d’ovules sont recrutées par des agences qui agissent comme des intermédiaires pour les cliniques de fertilité ou des instituts de recherche, note Jennifer Lahl, qui a réalisé un documentaire à ce sujet intitulé Egg­sploitation. Celles-ci publient des annonces sur les campus universitaires, sur Facebook ou sur Craigslist.» Les jeunes femmes intéressées sont alors soumises à une batterie de tests médicaux, génétiques et psychologiques.

«Certaines familles sont très exigeantes, indique Sanford Bernardo, qui dirige Northeast Assisted Fertility Group. Elles veulent une donneuse qui a étudié dans une bonne université, qui joue du violon, qui pratique un sport, qui est jolie.» Les grandes blondes, les juives et les Asiatiques sont les plus demandées. Cette agence reçoit des demandes du monde entier. «Nous avons même eu un couple suisse», glisse le directeur. Le don d’ovules est interdit sur sol helvétique, comme dans de nombreux pays.

Le profil des donneuses est mis en ligne dans une base de données que les parents peuvent consulter. Lorsqu’une jeune fille est sélectionnée, elle entame deux semaines d’injections d’hormones pour stimuler sa production d’ovules. Certaines vont en générer jusqu’à 50. Ils sont récupérés au moyen d’une intervention chirurgicale.

Bombes à retardement

La procédure est loin d’être sans danger. La prise d’une dose massive d’hormones peut provoquer un syndrome d’hyperstimulation ovarienne, une accumulation de liquide dans l’abdomen. Ce qui risque de déboucher sur une thrombose, une attaque cérébrale – entre 14 et 30% des donneuses d’ovules en sont victimes – ou encore une torsion des ovaires. Alexandra, une doctorante en biologie à l’Université du Kansas, en a fait la douloureuse expérience, lorsqu’elle a décidé de vendre ses ovules en 2002.

«Je me suis levée un matin et j’ai eu la sensation que mes boyaux étaient noués avec un morceau de ficelle, relate-t-elle. Lorsque le médecin a vu mon abdomen distendu, il est devenu tout blanc. Il a dû retirer mon ovaire droit, qui était de la taille d’un pamplemousse et s’était entortillé dans ma trompe de Fallope.»

Les conséquences d’un don d’ovules peuvent aussi se manifester avec du retard. Leah Campbell, une écrivaine qui vit aujourd’hui en Alaska, s’est portée comme un charme durant les six mois qui ont suivi ses deux interventions. Puis elle a arrêté d’avoir ses règles. «Lorsqu’elles ont repris, la douleur était atroce.» Son médecin a diagnostiqué une endométriose, une excroissance de muqueuse utérine.

Les spécialistes qu’elle a consultés ont estimé que l’infection avait été déclenchée par la prise d’hormones. Trois ans et cinq opérations plus tard, Leah Campbell a dû se résoudre à l’inévitable: elle ne pourrait jamais avoir d’enfants. «Cela a été très dur à accepter. Ma mère m’a abandonnée très jeune et j’ai toujours rêvé de devenir maman.»

D’autres ont subi les effets de leur don des années plus tard. Parmi elles, Jessica. Cette étudiante en cinéma à l’Université Columbia avait 29 ans quand elle est revenue d’un séjour au Japon avec un mal de ventre persistant. Quatre ans plus tôt, elle avait effectué trois dons d’ovules en l’espace de douze mois. «Elle avait un cancer du côlon en phase terminale, relate sa mère, Jennifer Schneider, qui est elle-même médecin. C’est très rare à son âge, d’autant plus qu’il n’y avait pas d’antécédents familiaux.» Elle est décédée deux ans plus tard, à 31 ans. Plusieurs études ont montré un lien entre la prise d’hormones de stimulation ovarienne et le cancer des ovaires, du sein, de l’utérus ou du côlon.

Jusqu’à 100 000 dollars

Malgré ces dangers, le secteur n’est pas du tout réglementé. «La loi interdit la vente d’organes, mais elle prévoit des exceptions pour certains tissus, comme les ovules, car ils sont renouvelables», commente Judith Daar, responsable du comité d’éthique de l’Association américaine pour la médecine reproductive. Celle-ci a bien émis des directives interdisant de payer les donneuses plus de 10 000 dollars, de faire varier la rémunération en fonction de leur apparence ou leur origine ethnique et d’effectuer plus de six retraits d’ovules par femme. Mais elles sont rarement appliquées.

«Après mes trois premiers dons, on m’a proposé 16 000 dollars pour un quatrième, car mes œufs étaient de bonne qualité, et je suis juive», raconte Selma. Sur certaines des annonces publiées à Harvard, Yale ou Princeton, les montants atteignent même 50 000 ou 100 000 dollars. «Face à des sommes pareilles, peut-on encore parler de consentement éclairé? s’interroge Josephine Johnson, une bioéthicienne. Ces jeunes femmes, qui sont souvent très endettées, ne perçoivent plus les risques liés à la procédure.»

Les blessures peuvent aussi être psychologiques. «Les donneuses signent un contrat dans lequel elles s’engagent à renoncer à leurs droits sur les enfants nés grâce à leurs ovules», précise Sanford Bernardo. Leah Campbell, qui ne peut plus procréer, souffre de savoir qu’elle a des enfants qu’elle ne connaîtra jamais. «Je sais que ce ne sont pas les miens, mais j’aimerais pouvoir au moins leur envoyer une carte à Noël.»

* Prénom d’emprunt


De l’or blanc

Les femmes vendent aussi leur lait maternel, aux Etats-Unis. Un marché sur lequel sont actifs plusieurs acteurs. Les firmes Prolacta Bioscience, Medolac Laboratories et International Milk Bank l’achètent pour fournir les services de néonatologie d’hôpitaux. Et le portail Only The Breast, qui compte 50 000 membres. «Ce sont des femmes au foyer ou des employées qui prolongent leur congé maternité grâce à cet argent, relève son fondateur, Glenn Snow. Certaines peuvent toucher jusqu’à 2000 dollars par mois.»

Les clientes sont des femmes qui ne produisent pas – ou pas assez – de lait ou qui souffrent d’une maladie les empêchant d’allaiter.

Mais les abus ne sont jamais loin. Sur Only The Breast, plusieurs annonces s’adressent aux hommes en quête de lait maternel «pour le plaisir» ou pour gagner du muscle. Plus grave, «certaines femmes renoncent à nourrir leur propre bébé pour vendre davantage de lait ou le diluent à l’aide de lait de vache», s’inquiète John Honaman, le directeur d’une banque de lait maternel à but non lucratif. Une étude de l’Université de l’Ohio a en outre révélé que 74% des échantillons de lait maternel vendus en ligne étaient contaminés par des bactéries.

Glycom, une start-up cofinancée par Nestlé, pourrait bientôt mettre fin à ce marché gris. Elle cherche à synthétiser en laboratoire les sucres complexes contenus dans le lait maternel, pour le remplacer. «Notre produit est prometteur aussi chez les adultes souffrant de problèmes digestifs», note John Theroux, le CEO de l’entreprise. Les premières applications seront sur le marché d’ici à un an.

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Fritz Kramer: arrête-moi si tu peux!

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:54

Zoom. Après avoir échappé à la justice helvétique, un Suisse de 68 ans accusé d’escroquerie a finalement été arrêté aux Etats-Unis. Il est tombé dans un piège du FBI.

On sait peu de chose de Fritz Kramer. Ceux qui l’ont côtoyé racontent qu’il employait des ruses de Sioux pour masquer ses traces, dans la vraie vie comme dans ses communications sur internet. Seule certitude: ce Suisse de 68 ans avait un talent pour embobiner les investisseurs naïfs.

Depuis 2008, Fritz Kramer contactait de riches retraités, par e-mail et sur Skype, en leur proposant d’investir dans l’achat d’or et de diamants en République du Congo. Il promettait d’exporter les matières précieuses vers la Suisse, l’Asie et les Etats-Unis. Aucun bobard n’était trop gros dans sa chasse aux gogos. Fritz Kramer usait notamment de la corde philanthropique. Le Suisse affirmait que son système d’investissement – en réalité totalement fictif – reposait sur l’achat de diamants et d’or «en direct» aux mineurs congolais.

Ce procédé permettait, selon lui, de court-circuiter les intermédiaires locaux corrompus et ainsi de mieux rémunérer les producteurs. Un véritable bienfaiteur, ce Fritz Kramer! Mieux encore: en plus de lutter contre la corruption, le système devait rapidement multiplier par dix la mise des investisseurs.

Problème: durant les huit ans qu’a duré le manège, personne n’a vu la couleur d’un lingot ni d’un diamant. Et les investisseurs n’ont bien entendu jamais revu leur argent. Le Suisse inventait toutes sortes de subterfuges pour justifier ses retards de remboursement, partant généralement du principe que les plus alambiqués seraient les plus convaincants. Tantôt son partenaire local souffrait soudain d’un cancer, tantôt l’argent liquide envoyé au Congo disparaissait dans l’incendie d’une voiture. A chaque fois, les clients étaient poussés à remettre au pot pour ne pas perdre tout leur investissement de départ.

C’est ce qu’affirme le bureau du procureur de San Francisco dans un acte d’inculpation émis contre le Suisse début juillet. Le parquet californien s’est saisi de l’affaire sur la base de plusieurs plaintes de retraités de la région de Santa Clara, clientèle que le Suisse semblait viser tout particulièrement. Fritz Kramer aurait perçu plus de 11 millions de dollars d’une quarantaine d’investisseurs.

Pas à son coup d’essai

Les enquêteurs américains affirment que l’aigrefin n’en était pas à son coup d’essai et que, en parallèle de sa pêche aux retraités californiens, le Suisse avait probablement fait bon nombre de victimes dans son pays. Selon eux, Fritz Kramer aurait été inculpé pour fraude en 2013 par la justice suisse. Ces accusations n’auraient toutefois débouché sur aucune condamnation, et l’homme aurait ainsi tranquillement poursuivi ses activités, protégé par son droit légitime à la présomption d’innocence.

Seulement voilà: depuis un an environ, l’agent spécial du FBI Mark Matulich s’était lancé aux trousses de Fritz Kramer. L’enquêteur entretenait de longues discussions sur Skype avec le Suisse, auprès duquel il se présentait comme un investisseur potentiel. Sachant que l’accusé ne pourrait être extradé de son propre pays, les enquêteurs américains se sont fixé un objectif plus simple et efficace: amener Fritz Kramer à se rendre aux Etats-Unis, où il pourrait être arrêté.

Le piège s’est refermé le 6 juillet, lorsque le Suisse s’est finalement rendu en Californie pour rencontrer celui qu’il pensait être un énième client crédule. L’agent Mark Matulich lui a passé les menottes. Le tribunal s’est montré ferme, refusant sa mise en liberté conditionnelle durant le procès. Devant la cour, l’un des clients lésés a exprimé sa gratitude envers les enquêteurs: «Merci d’avoir attrapé Fritz Kramer. C’est un menteur, un voleur et un escroc. Il mérite de finir sa vie derrière les barreaux.» Le Suisse maintient qu’il n’a trompé personne, et que ses investissements au Congo ont tout simplement échoué. Fritz Kramer plaide non coupable. Il risque un maximum de vingt-cinq ans de prison. 

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Erythréens rançonnés jusqu’en Suisse par les trafiquants de migrants

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:55

Marie Maurisse

Enquête. Plusieurs Erythréens de Lausanne et de Berne ont dû payer une rançon pour libérer leurs proches kidnappés au Sud-Soudan. L’argent a été donné de la main à la main à des intermédiaires basés en Suisse. C’est un délit de chantage, mais aucune enquête n’est ouverte.

La gare de Berne grouille de passants au visage fermé et au pas pressé. En ce milieu de matinée, les voyageurs jouent des coudes sur les escalators. Dans la foule anonyme apparaît soudain le visage gracile d’Eyob, 37 ans. Cet Erythréen d’origine est employé comme agent de nettoyage aux toilettes de la gare. Son quotidien est rythmé par le travail. C’est l’heure de sa pause. Aujourd’hui, Eyob a décidé de sortir de sa réserve pour raconter son histoire. Son témoignage est risqué. «Mais je n’ai pas peur», affirme-t-il.

Étrange coup de téléphone

Eyob est arrivé en Suisse il y a trois ans, après un long voyage périlleux à pied, en camion et en bateau. Lui a eu de la chance, il a atteint sa terre promise, la Suisse, sans trop de dommages. Mais quelques mois après son installation, le 26 février 2013, il reçoit un étrange coup de téléphone. Trois ans plus tard, il s’en souvient comme si c’était hier. Au bout du fil, un homme lui dit: «Nous détenons votre frère en captivité. Si vous ne nous payez pas une rançon, vous ne le reverrez jamais.» Abasourdi, Eyob répond qu’il ne rentrera pas dans ce jeu, et raccroche. Mais sa fermeté ne décourage pas les ravisseurs, qui le rappellent en ajoutant: «Nous ne plaisantons pas.» Pour l’Erythréen, le cauchemar ne fait que commencer.

Pendant des jours entiers, il imagine son petit frère enfermé dans une pièce sombre, menotté et torturé. Les Erythréens connaissent tous quelqu’un, au sein de leur communauté, qui a vécu l’enfer du kidnapping. Car pour les trafiquants d’êtres humains, le peuple de cet Etat de la Corne de l’Afrique, indépendant depuis 1993, est une vraie mine d’or. Selon les Nations Unies, plus de 5000 Erythréens fuient leur pays chaque mois pour échapper à la dictature d’Issayas Afewerki, dont le régime répressif a réduit la liberté d’expression à néant et l’avenir des jeunes à peau de chagrin.

L’exode est tel que selon le Haut Commissariat aux réfugiés, en 2014, la diaspora érythréenne dans le monde s’élevait à plus de 360 000 personnes, soit près de 6% de la population totale. Pour les Bédouins du désert du Soudan ou du Sinaï, ces migrants installés en Occident ont le portefeuille bien rempli et sont prêts à tout pour aider leurs proches durement séquestrés. C’est pourquoi ils capturent les Erythréens qui fuient leur terre natale et s’enrichissent sur leur dos.

Réduits à l’esclavage

Les Erythréens qui partent vers l’Europe franchissent généralement la frontière vers l’Ethiopie, puis le Soudan. Ils remontent jusqu’à l’Egypte, passent au Liban. Et de là, ils prennent un bateau vers la Grèce, porte d’entrée de l’Union européenne. Pour eux, c’est la double peine: non seulement ils quittent leur terre lors d’un voyage épuisant et dangereux, mais en plus ils peuvent être la proie de malfaiteurs qui les réduisent quasiment à l’esclavage. Les ennuis commencent dès le début de leur périple, dès qu’ils passent au Soudan. C’est là, dans la région de Kassala, qu’ils sont parfois capturés par des groupes criminels.

Des bandes armées les enferment par dizaines dans des maisons isolées de la région ou les emmènent jusqu’au désert du Sinaï, à la frontière israélo-égyptienne, où ils sont maintenus en captivité jusqu’à ce que leurs familles paient le prix fort pour les libérer.

Ce commerce lugubre dure depuis 2009. L’enfermement n’est pas le seul sévice subi par les Erythréens kidnappés: ceux-ci sont souvent victimes de torture. Un rapport de l’ONG Human Rights Watch, paru en 2014, a largement documenté les violences subies par les jeunes hommes ou femmes, dont une partie sont des mineurs. Un Erythréen de 23 ans y raconte son rapt en mars 2012, près du camp de réfugiés soudanais Shagarab. Des Bédouins l’ont embarqué vers le Sinaï, où il est resté six semaines.

«Ils me frappaient avec une barre de métal. Ils coulaient du plastique fondu sur mon dos. Ils fouettaient la plante de mes pieds puis me forçaient à rester debout pendant de longs moments, même parfois pendant des jours. Ils menaçaient de me tuer en posant un pistolet sur ma tempe. Ils me pendaient au plafond de sorte que mes pieds ne touchent pas le sol et m’électrocutaient. Un autre Erythréen est décédé après avoir été pendu au plafond plus de vingt-quatre heures. Il est mort sous nos yeux.»

A la gare de Berne, Eyob garde un visage impassible. Son frère a eu de la chance: ses bourreaux étaient armés, mais ils lui ont donné à manger, ne l’ont pas battu et n’ont pas abusé de lui. Mais s’il a échappé au pire, c’est aussi parce que Eyob et sa famille ont réussi à verser rapidement les 4500 francs que les kidnappeurs réclamaient. Frères, sœurs, cousins, amis… Tous se sont mobilisés pour faire sortir le jeune homme de cet enfer. Une fois la somme réunie, Eyob contacte les ravisseurs. Comment peut-il virer l’argent? Ceux-ci lui donnent un mode opératoire bien plus simple: «Ils m’ont d’abord dit d’appeler une certaine Helen, qui vit à Berne, se souvient-il. Mais elle n’a pas répondu. Ils m’ont alors transmis le numéro d’un certain Senay, à Zurich.»

Pour sauver son frère, Eyob suit les instructions à la lettre. Il se rend à Zurich le lendemain, où Senay l’attend au bord d’une route. Il fait nuit. La discussion est tendue. «Je lui ai dit qu’il était hors de question que je lui donne les billets ici», reprend Eyob. L’homme l’emmène alors chez lui. Ses enfants et sa femme dorment dans la pièce à côté, il faut chuchoter. Quelques mots sont échangés en érythréen. Eyob lui déclare: «Si demain, mon frère n’est pas libéré et acheminé à Khartoum, chez un ami, je porte plainte. Ici, c’est la Suisse, il y a des règles, des lois, et vous aurez des ennuis.»

En face de lui, Senay appelle le Soudan et dit aux criminels: «Il ne plaisante pas, faites ce qu’il dit.» Le jour suivant, le frère d’Eyob est relâché sain et sauf. Quelque temps plus tard, il embarque sur un rafiot et passe la Méditerranée. Actuellement, il est réfugié aux Pays-Bas. Eyob n’a jamais porté plainte. Mais s’il parle aujourd’hui, c’est qu’il ne supporte plus que les trafiquants qui ont violenté son frère soient restés impunis.

Le système finance le djihad

Son travail à la gare de Berne lui permet de rembourser petit à petit les amis qui l’ont aidé à verser les 4500 francs. Comment cet argent, depuis Zurich, a atterri dans les poches des kidnappeurs? Nul ne le sait. Selon un rapport publié en février dernier par l’agence européenne Frontex, le procédé majoritairement utilisé par les trafiquants de migrants est le «hawala», ce système informel de transfert de fonds qui fonctionne sur le réseau: il suffit de donner un code secret à un contact à l’étranger pour qu’il fasse un versement dans le pays où il se trouve.

Le remboursement se fait plus tard et l’intermédiaire se rémunère grâce au taux de change. Un moyen discret et moins cher que de passer par les franchises de type Western Union, dont les frais sont exorbitants. Dans La Stampa, le professeur de criminologie à l’Université d’Oxford Federico Varese explique que «le hawala finance le djihad».

Eyob n’est pas le seul Erythréen de Suisse à avoir déboursé des milliers de francs pour libérer un membre de sa famille du joug de criminels. Selon l’enquête de L’Hebdo, plusieurs autres personnes ont aussi été concernées. Mais rares sont ceux qui en parlent ouvertement: la communauté érythréenne, divisée entre les opposants au dictateur Afewerki et ceux qui lui sont favorables, veut rester secrète sur le sujet par peur de représailles. Car si les trafiquants de migrants trouvent des intermédiaires en Suisse pour encaisser les rançons, ne pourraient-ils pas aussi menacer les récalcitrants ou agresser leurs proches restés au pays?

La loi du silence fait perdurer cette pratique, d’autant plus que, de leur côté, les autorités font bien peu pour y mettre fin. Le Soudan et l’Egypte n’ont que rarement ouvert des enquêtes sur les groupes qui agissent sur leur sol. Quant à la Suisse, elle n’a pas la légitimité pour enquêter sur les réseaux mafieux liés aux migrants, dans la mesure où ils ne se trouvent pas sur place. Par contre, les autorités cantonales peuvent lancer une procédure si une des personnes impliquées réside en Suisse ou si l’argent du crime transite par notre pays.

A l’Office fédéral de la police (Fedpol), on nous indique ne pas avoir connaissance de cas de rançons délivrées en Suisse. «Il s’agit de délits d’enlèvement et de chantage, indique la porte-parole, Anne-Florence Débois. Dès lors que les gens portent plainte auprès de leur police cantonale, le phénomène sera mieux connu.» La Suisse n’est pas le seul pays où transitent les rançons, mais les autres pays sont aussi confrontés aux limites du droit. Seule la Suède a agi en condamnant un intermédiaire qui recevait l’argent payé par les Erythréens pour libérer leurs proches.

Si ce jugement, qui fera jurisprudence, a été rendu, c’est surtout grâce au travail considérable de Meron Estefanos, une Erythréenne qui vit près de Stockholm et qui aide ses compatriotes pris en otages en leur parlant au téléphone et en diffusant conseils et témoignages sur Radio Erena une fois par semaine. Celle-ci a poussé la justice suédoise à enquêter sur les rançons payées en Suède et ne compte pas s’arrêter là. Son obstination a été rendue publique par deux journalistes françaises, auteures du documentaire Voyage en barbarie, qui a remporté le prix Albert Londres en 2015 et relate le calvaire des Erythréens capturés dans le Sinaï.

Le rôle des associations

En Suisse, la parole se libère peu à peu. Car les associations qui viennent en aide aux réfugiés érythréens les exhortent de plus en plus à rendre leur histoire publique. Une militante dans le domaine de l’asile a rencontré l’année dernière un Erythréen, domicilié à Lausanne, dont le frère s’était fait capturer par des Bédouins au Soudan. «Ils demandaient 1500 francs et il ne pouvait pas les payer lui-même, explique-t-elle. On a beaucoup réfléchi et on a finalement fait une collecte.»

Comme dans le cas d’Eyob, les ravisseurs ont utilisé un téléphone à carte prépayée pour contacter le réfugié à Lausanne. Un rendez-vous est donné à la gare de Berne pour transmettre l’argent à un intermédiaire qui travaille pour les réseaux criminels. Tout s’est passé très vite.

«Deux jeunes Erythréens sont sortis d’un train, ont pris l’enveloppe avec le liquide et sont remontés dans le wagon qui repartait vers Zurich», raconte cette militante. Le lendemain, son frère était libre. Pour le moment, aucune plainte n’a été déposée. «Mais si on ne dit rien, ça continuera. C’est terrible, cette prise en otage, parce que si tu donnes l’argent, tu cautionnes le système; et si tu ne le donnes pas, tu peux avoir un mort sur la conscience. Nous avons attendu quinze jours avant de céder et cela a été très dur pour tout le monde.»

L’histoire se termine bien: le jeune homme pris en otage, que nous appellerons Nasih, car il souhaite garder l’anonymat, a bien été relâché et a réussi à gagner la Suisse. Il vit actuellement dans un foyer près de Lucerne, en attendant que le Secrétariat d’Etat aux migrations statue sur son cas. Des boucles fines, le sourire en coin, Nasih s’estime chanceux: il n’a pas subi de sévices physiques durant sa captivité.

Mais lorsqu’il raconte, son regard se perd dans le vide. C’était il y a à peine moins d’un an. «Nous étions environ 60 personnes enfermées dans une petite maison quelque part au Sud-Soudan. Les hommes qui nous gardaient avaient des pistolets mais surtout des bâtons. Ils criaient, ils nous frappaient. Ils m’ont dit d’appeler mes parents. Ils ont vendu leurs vaches et leur chèvre, mais cela ne suffisait pas. Alors ils ont contacté mon frère qui a pu payer le reste. J’ai pu sortir de cette maison et je suis allé à Khartoum rejoindre mon oncle.» Puis la Libye et des passeurs, encore. Un bateau pneumatique avec 350 personnes à bord et les rives de l’Italie. Enfin, la Suisse.

Lorsqu’on lui demande quelles séquelles il garde de son kidnapping, Nasih répond calmement: «Je n’ai plus mal, ça va, j’arrive à dormir.» Le garçon n’a pas eu de prise en charge psychologique. Il ne parle pas anglais ni français et à Lucerne, son foyer ne lui propose pas de cours d’allemand. «J’ai demandé si c’était possible de résider près de Lausanne, où vit mon frère, mais on m’a dit que la Suisse était un petit pays et que je pourrais le voir souvent.» Ses moyens ne lui permettent cependant pas de prendre le train. Il a vu son frère deux fois en un an. En Erythrée, ses parents n’ont plus rien. Quant à ceux qui l’ont kidnappé, ils ne font l’objet d’aucune enquête. 

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Keystone / Ti-Press Gabriele Putzu
Delphine Deloget et Cécile Allegra
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Les balades qui font du bien: mystérieux temple à ciel ouvert

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:56

Combe du Bez. Le pont des Anabaptistes est plus qu’une construction qui permettait de traverser une gorge. C’était un lieu de rassemblement.

«Wanted.» Si ce n’est pas en anglais que le canton de Berne mettait à prix la tête des anabaptistes aux siècles passés, le procédé était le même. Ingénieur agronome à la retraite et mennonite – c’est ainsi que s’appellent les anabaptistes aujourd’hui – Daniel Geiser raconte: «Les autorités engageaient des chasseurs d’anabaptistes qui, souvent, étaient des vauriens. Ces derniers disaient où étaient cachés ces gens persécutés ou alors ils les livraient directement à la justice.»

Pas étonnant que ces chrétiens évangéliques, qui prônent le baptême volontaire et conscient, se soient cachés pour pratiquer leur culte. Le pont des Anabaptistes est l’un de ces lieux secrets où se réunissaient ces croyants de la région des Prés-de-Cortébert et des Boveresses, dans le Jura bernois. C’est sous cette construction, qui était jadis en pierre et traversait la combe du Bez à l’endroit le plus serré, qu’ils priaient et chantaient. «Ils utilisaient des airs populaires, mais des paroles religieuses, pour ne pas éveiller l’attention de ceux qui auraient pu les entendre», explique Daniel Geiser.

Si le pont de pierre s’est effondré et a été remplacé par une élégante passerelle en bois et en métal, l’endroit a conservé d’innombrables traces du passé. En contrebas, sur les parois de roche calcaire qui bordent la gorge, une kyrielle d’inscriptions mystérieuses intriguent les visiteurs.

Daniel Geiser avoue que le mystère des multiples chiffres et lettres gravés à même le rocher n’a pas été résolu. La communauté mennonite a même fait creuser et enlever la terre qui recouvrait des rochers à un mètre cinquante de profondeur et trouvé encore d’autres inscriptions, mais toujours pas d’explication, sauf peut-être pour les lettres «CBBAM». «Selon un touriste américain, ce serait l’équivalent de «Cebram», qui veut dire Abraham. Il y a passablement de gens des Etats-Unis qui passent par ici, car ils ont leurs racines dans la région.»

Non loin du pont, une colonne – œuvre de Jean-Pierre Gerber en pierre calcaire de Laufon – découpée en six parties qui tournent sur elles-mêmes résume l’histoire des anabaptistes du XVIe au XXIe siècle. Les persécutions furent aussi nombreuses que cruelles. Aujourd’hui, la communauté suisse compte quelque 2400 membres, dont certains continuent d’habiter dans les fermes des montagnes jurassiennes sises en altitude.

La découverte de la région continue par une promenade du côté des Prés-de-Cortébert, en direction de la métairie de La Petite-Douanne. Passé le pont, d’est en ouest, un chemin pédestre monte brièvement dans les bois avant de déboucher sur des pâturages parsemés d’érables, de sapins et de tilleuls. Le paysage est magnifique et les immenses plaines merveilleusement dépaysantes.

Parcours: Les Prés d’Orvin -  métairie de Gléresse -  pont des Anabaptistes -  Prés de Cortébert -  métairie de la Petite-Douanne -  métairie du Milieu -  Les Prés d’Orvin.
Durée: environ 3h45


Nos adresses dans les environs

Métairie de La Petite-Douanne, Courtelary

Fondue confectionnée avec du fromage maison ou jambon-röstis, la cuisine est délicieuse et l’accueil chaleureux. La salade verte est servie dans un grand plat et le thé dans un pot familial. Fermé le mercredi.

Twannbergli, 032 944 12 37

Métairie de La Cuisinière, Les Prés-de-Cortébert

Entrecôtes et steaks de bœuf, croûtes au fromage et aux champignons, assiette campagnarde, il y en a pour tous les goûts dans cet endroit au milieu des champs.

www.lacuisiniere.ch

Restaurant de l’Ours, Cortébert
Comme son nom ne l’indique pas, on y sert de la cuisine chinoise. Dépaysant. Fermé le lundi.

Les Chéseaux 2
032 489 17 75

Le chemin des anabaptistes

Deux jours de marche pour se plonger dans 400 ans d’histoire. Forfait d’un jour proposé.

www.chemin-des-anabaptistes.ch

Les archives anabaptistes, commune de Corgémont, chapelle du Jean Gui

Bibles du XVIe siècle, objets de culte, livres de chants anciens, avis d’expulsion édités par l’Etat de Berne, écrits originaux polémiques entre les réformateurs et les anabaptistes. Consultables sur rendez-vous uniquement. Entrée 5 fr.

079 797 33 53 ou
e.rm.geiser@bluewin.ch

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Sabine Pirolt
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Les balades qui font du bien: l’époustouflant balcon sur le Doubs

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:57

Les Roches de Moron. Le site permet de prendre de la hauteur, d’oublier les petits et les grands problèmes du monde.

Grandiose, époustouflant, magique. Voilà trois adjectifs qui viennent à l’esprit du visiteur lorsqu’il découvre la vue depuis Les Roches de Moron. Immense serpent tantôt vert mousse, vert opale ou olive noire, le Doubs semble figé sous le soleil, rendant vaine toute agitation. Au loin, à perte de vue, ce ne sont que pâturages boisés et collines de forêt touffue.

On raconte que cet endroit était un ancien site druidique. Les druides, gardiens du savoir et de la sagesse, y officiaient, tournés vers les éléments. On dit également que l’air, grand maître des lieux, permet de prendre du recul sur les petits et grands problèmes de la vie. Rien de plus vrai, car ici, tout est calme et beauté. Rien ne laisse deviner tout ce qui, jadis, se tramait en contrebas. Entre la Suisse et la France, uniquement séparées par le Doubs, toutes sortes de commerces illégaux allaient bon train.

Président des Sentiers du Doubs et agriculteur, Didier Calame raconte: «Il y avait pas mal de contrebandiers. Au début du XXe siècle, les douaniers, qu’on appelait les gabelous, faisaient même deux patrouilles en vingt-quatre heures. Ils travaillaient dix heures par jour et devaient être aussi futés que les contrebandiers pour déjouer leurs ruses.» Le Planchottier – c’est ainsi que l’on nomme les habitants des Planchettes, village à un kilomètre et demi des Roches de Moron – évoque les autres activités qui florissaient alors aux siècles passés. «Il y avait un laminoir où on préparait des pieux de métal pour l’horlogerie, mais aussi des verreries et des moulins et leurs meules à grain. La dernière usine a fermé vers 1900.»

Et l’agriculteur d’évoquer «la guerre des vaches» qui a aussi eu lieu dans la région, dans les années 60. «Dans les années 50, les agriculteurs ne pouvaient acheter que des vaches de la race simmental à cause du cartel en place. A l’époque, elles donnaient peu de lait, alors que les Français avaient de bons résultats avec les montbéliardes. Les agriculteurs allaient donc chercher des veaux en France et leur faisaient passer le Doubs à pied, très tôt le matin. Les paysans par ici ont toujours été des têtes de lard. Ils allaient jusqu’au bout de leurs idées.»

Si Les Roches de Moron offrent une vue imprenable sur le Doubs, ceux qui aiment varier les plaisirs et les points de vue pourront entamer une promenade de quelque vingt-cinq minutes en direction de l’ouest pour rejoindre le belvédère de l’Escarpineau. Par endroits, le long du chemin à travers les feuillages, on devine les falaises en contrebas. Arrivé à destination, le promeneur peut encore admirer le panorama depuis une plateforme en bois qui surplombe le vide.

Au loin, le barrage du Châtelot. Les travaux de construction qui ont débuté en 1950 ont impliqué environ 200 ouvriers durant trois ans et le hameau de Moron, qui se trouvait autrefois à l’emplacement actuel du lac artificiel, a été englouti par les eaux. Selon les auteurs des brochures Les chemins de la contrebande franco-suisse, il est possible d’observer les ruines des bâtiments lors de sécheresses importantes. Didier Calame raconte: «Nemorin Caille, célèbre chasseur de loutres – leur éradication a été encouragée dès 1888 – habitait en face de l’actuel barrage du Châtelot. Il connaissait la région comme sa poche. Les anciens disent que son fantôme contrôle la vallée…» 


Nos adresses dans les environs

Depuis le parking du Restaurant des Roches de Moron, toutes sortes de promenades sont possibles, dont celle qui mène au belvédère de l’Escarpineau (25 minutes). Quant au Saut du Doubs, il est à environ 1 h 40 de marche.

Restaurant des Roches de Moron, Les Planchettes

Jolie terrasse, cuisine traditionnelle et grande carte de glaces (32 arômes). Fermé le mercredi et exceptionnellement le lundi 15 août.

032 913 41 17

La Ferme des Brandt, La Chaux-de-Fonds

Une ferme du XVIIe siècle, dans un décor bucolique. Fait maison, le pain est cuit au four à bois et le cochon de lait à la bière des Franches-Montagnes. Fermé lundi et mercredi.

Petites Crosettes 6
032 968 59 89
info@fermedesbrandt.ch

Musée paysan et artisanal, La Chaux-de-Fonds

Pour savoir comment vivaient nos ancêtres.

Rue des Crêtets 148
www.chaux-de-fonds.ch

Moulins souterrains du Col-des-Roches

Pour trouver un peu de fraîcheur. Dans une grotte de quelque 20 mètres de profondeur, un système hydraulique qui actionnait meules et scies. Un musée permet de comprendre le contexte historique et technique.

www.lesmoulins.ch

Brochures instructives et ludiques Les chemins de la contrebande franco-suisse

Pour marcher et s’amuser en famille.

www.parcdoubs.ch ou info@parcdoubs.ch

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Sabine Pirolt
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Livetrotters: Stockholm, la vie les pieds dans l’eau

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:57

Jacqueline Pirszel

Reportage. Qu’elle soit douce ou salée, liquide ou gelée, l’eau est au centre du quotidien des habitants de la capitale suédoise.

Edifiée sur quatorze îles du vaste lac Mälar et sur l’archipel de la mer Baltique, la ville de Stockholm entretient une relation particulière avec l’eau. «Je ne connais personne qui ne se baigne pas! Tous les Suédois savent nager, c’est dans leurs gènes», se réjouit Rebecka. Rencontrée au Båthuset, une joyeuse cantine nautique, la charmante étudiante en droit de 21 ans savoure sa chance: elle n’a que trois minutes à marcher jusque chez elle, puisqu’elle vit dans un appartement les pieds dans l’eau à Pampas, quartier résidentiel situé à quelques minutes seulement du centre de la capitale suédoise.

Pour comprendre comment vivent les habitants de ce biotope atypique, j’ai rencontré Annika et Anders, les parents de Rebecka, dans leur maison édifiée sur les rives du lac, dotée d’une vue à couper le souffle, bien évidemment… Sitôt rentré, le père propose de se détendre sur le balcon familial. L’occasion d’échanger quelques propos sur leur quotidien les pieds dans l’eau.

Annika raconte: «Quand nos cinq enfants ont quitté la maison familiale, on s’est retrouvés seuls avec mon mari, à regarder la télé tous les soirs. On s’est dit que c’était ennuyeux. Nous avons alors vendu la maison pour nous installer dans cet appartement au bord de l’eau.» Pendant de nombreuses années, les rives du lac servaient aux activités industrielles. «C’est dans notre immeuble que se trouvait la blanchisserie de l’hôpital. Les autorités de la ville ont tout transformé en nettoyant et en rendant cette région très verte et agréable. Regardez tous ces gens qui, aujourd’hui, se baladent, bronzent ou font du sport. Auparavant, il n’y avait que des camions qui passaient par ici!»

Planning pour kayak

Durant l’heure passée sur le balcon, nous avons aperçu des nageurs et des pêcheurs, des kayaks et des bateaux, des dormeurs et des hyperactifs. En effet, les rives sont le cadre d’innombrables activités comme la course à pied et le vélo, des pratiques facilitées par la séparation très claire entre les pistes piétonnes et cyclables. Les parties rocheuses de la rive offrent des terrasses naturelles en pierre pour bronzer, tandis que les zones vertes se prêtent particulièrement bien à la sieste…

En toute saison, les habitués fréquentent le lac. «L’été pour se baigner, l’hiver pour faire du patin à glace… et se baigner aussi, en fait, se vante Anders. Durant la saison froide, je fais mon jogging et il m’arrive de plonger dans l’eau glacée juste après. C’est une pratique commune ici. C’est comme courir dans la neige après le sauna.»

Rebecka et son père se sont même livrés à un petit concours: «Quand j’étais plus jeune, nous voulions savoir qui de nous deux se baignerait le plus tôt et le plus tard dans l’année. Eh bien, il se trouve que nous ne nageons que de mars à novembre.» Avant de conclure malicieusement: «La moyenne de résistance au froid se situe apparemment autour des 18 °C pour les Suédois.»

Epatée par tant de courage, quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai découvert que toute la famille pouvait se déplacer en quelques minutes seulement entre son appartement du bord du lac et sa maison de vacances, située dans l’archipel de la Baltique, non loin de la capitale. «Avez-vous un bateau?» Tout en posant la question, j’aperçois un calendrier bien étrange, dans le genre des plannings hebdomadaires d’utilisation des machines à laver le linge dans nos locatifs. Celui-ci concerne l’usage des kayaks collectifs. «Il y en a deux à disposition des habitants de l’immeuble. Nous nous consultons régulièrement entre voisins pour que chacun puisse en profiter», explique Anders.

En hiver, l’eau peut se transformer en piège. «Parfois, à la radio, on nous rappelle qu’il est trop tôt pour aller patiner. Combien de gens se sont déjà fait avoir par une glace superfine!» s’effraie Annika, qui surveille le lac durant la saison froide. «Un jour, notre chien est tombé dans le lac. Heureusement sans mal», se rappelle Rebecka.

Plénitude nordique

Douce ou salée, l’eau est omniprésente à Stockholm. Alors qu’Anders aime le lac en toute saison, Annika préfère les poissons de la mer. «Il y a quelque chose d’unique avec la Baltique, même si elle est plus fraîche. Ça doit correspondre à mon caractère plus «salé», rigole-t-elle. De toute façon, ça n’est pas la chaleur que nous recherchons. C’est la sensation de plénitude que nous procure la baignade en fin de journée. C’est ça qui nous rend heureux.» 

Suivez le journal de bord des Livetrotters. Interagissez avec eux sur les réseaux sociaux ou envoyez-leur un message, des idées ou des conseils sur Livetrotters@hebdo.ch


Où sont les autres livetrotters? que font-ils?

Paros
Marie Romanens

La voici en Grèce, sur l’île de Paros dans les Cyclades, à observer un double mouvement de population: les étrangers affluent à la recherche de soleil dans cette île touristique; les indigènes fuient dans l’espoir de meilleures conditions de vie.

Catane
Nina Seddik

Dès son arrivée en Sicile, elle s’est lancée à la recherche d’Abraha Towaldé, un ancien réfugié érythréen, reconverti depuis en «ange gardien» pour les nouveaux migrants arrivés dans la grande ville. Sans parvenir à le retrouver, malgré tous ses eforts dans la jungle de l’administration et des ONG.

Thessalonique
Raphaël Surmont

A l’instar de nombreux digital natives, il explore le concept de la «retraite productive» dans la grande ville du nord de la Grèce. Néanmoins, il n’est pas facile de travailler par une température de 37 °C. Puis il découvre des chemins de fer grecs bien plus confortables qu’il ne le pensait.

Lisbonne
Aude Haenni

C’est dans le restaurant d’Ädu Wahlen et Marc Lupien qu’elle s’est rendue. Un couple venu de Bâle pour servir bratwurst et raclette aux habitants de la capitale portugaise, qui adorent la décoration kitsch de leur restaurant. Mais la crise, au Portugal, rend les lendemains difficiles. 

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Jacqueline Pirszel
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Régis Colombo
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Pour un athlète, cinq autres Suisses à Rio

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:58

Laurent Favre

Décodage. Avec 106 athlètes défilant sous la bannière helvétique, la délégation suisse à Rio sera la plus imposante depuis vingt ans. Pourtant, les sportifs ne composeront que la partie visible de l’iceberg suisse au Brésil.

Pour un athlète aux Jeux olympiques, on peut compter cinq autres Suisses à Rio. La délégation de Swiss Olympic, l’organe faîtier du sport en Suisse, comprend, outre les sportifs, 85 membres de l’encadrement (11 chefs d’équipe, 45 coachs, 18 membres du staff médical, 11 membres du service de presse et divers collaborateurs). Swiss Olympic a également accrédité 60 journalistes, 17 photographes et un technicien travaillant pour les médias suisses. La SSR a accrédité 140 personnes directement auprès du CIO, qui a également accepté 5 représentants de médias suisses ENR (non-rights holders).

Le CIO compte actuellement quatre Suisses parmi ses 90 membres actifs: Patrick Baumann, René Fasel, Gian-Franco Kasper et Denis Oswald. Le nom de l’Italo-Valaisan Gianni Infantino, nouveau président de la FIFA depuis le 26 février 2016, n’a pas été proposé parmi les huit nouveaux membres qui entreront au CIO en août. Le CIO tout comme la douzaine de sports olympiques qui ont le siège de leur fédération internationale à Lausanne enverront, outre leurs dirigeants, bon nombre de personnels administratifs.

Pour la seule Fédération internationale de gymnastique (FIG), par exemple, ils seront douze du staff lausannois. Même schéma dans les nombreux pôles scientifiques qui gravitent autour de Lausanne: l’Université de Lausanne (ISSUL), l’IDHEAP, le CIES de Neuchâtel seront des observateurs attentifs en mission d’étude.

Aux côtés des sponsors officiels du CIO, Omega jouera un rôle actif. L’horloger biennois ne se contente pas d’apposer son logo sur les outils de chronométrage, il assure tout le dispositif opérationnel de l’opération. Une mission d’envergure qui fera traverser l’Atlantique à 480 tonnes de matériel, avec 450 chronométreurs pour les faire fonctionner. Bien occupés également, le TAS et son secrétaire général, Matthieu Reeb.

Le Tribunal arbitral du sport a quitté Lausanne pour s’installer du 27 juillet au 21 août à Rio où il pourra traiter les cas de dopage et les appels des sportifs exclus des Jeux par les diverses fédérations. «Pour la première fois de l’histoire olympique, le TAS dispose à Rio d’une chambre qui lui permet d’agir en qualité d’autorité de première instance», souligne l’institution dans un communiqué.

Tradition bien établie

La Suisse sera donc bien présente à Rio. Reste à le faire savoir. C’est le rôle des lobbyistes. Ponctuellement, Lausanne viendra rappeler son statut de «capitale olympique». La délégation vaudoise comprendra Ian Logan, le directeur du Comité d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) en 2020. Lausanne organise un cocktail le 12 août à la House of Switzerland. Depuis Salt Lake City 2002, la tradition d’une Maison suisse est bien établie. «Cinq personnes venues de Berne gèrent le management, avec l’aide du consulat général, détaille Nicolas Bideau, le chef de Présence Suisse. En tout, le staff comprend une soixantaine de personnes, presque toutes ont un lien avec la Suisse.»

Sur la trentaine de maisons nationales montées à Rio, la House of Switzerland est «l’une des rares ouvertes au public» et à vraiment se concevoir comme un outil promotionnel et non comme un bar pour VIP. «Nous accueillons notamment des start-up suisses afin de leur permettre de se développer ici, en collaboration avec Swissnex et le Swiss Business Hub, ajoute Nicolas Bideau, qui prolonge une action entamée lors de la Coupe du monde de football. C’est la même campagne, avec le même objectif et la même recette: proposer une offre forte et ludique, en y ajoutant nos contenus et nos messages. En 2014, cela nous avait valu 100 000 visiteurs et d’importantes retombées médiatiques.» 

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Les balades qui font du bien: l’autoroute à moines

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:58

Vy aux Moines. Voie d’échange créée par les moines pour relier le prieuré Saint-Pierre de Môtiers à l’abbaye de Montbenoît en France voisine, ce chemin fut emprunté par des pèlerins, marchands, contrebandiers et réfugiés.

Trente-trois kilomètres, c’est la distance que devaient parcourir les moines qui ralliaient l’abbaye de Montbenoît, fondée au XIIe siècle dans le Haut-Doubs, en France voisine, en partant du prieuré Saint-Pierre à Môtiers.

Assis dans son jardin à Fleurier, le président de l’Association de la Vy aux Moines et amoureux de son coin de pays, Nicolas Giger, 82 ans, explique: «A l’époque, c’était un parcours aventure. Les chemins n’étaient pas sûrs. Il y avait des brigands et des bêtes sauvages. On raconte que des pèlerins s’égaraient dans la neige et le brouillard, que d’autres, après avoir vu la vouivre de Saint-Sulpice, disparaissaient dans les tourbières de La Brévine et qu’un ours attaqua la mule d’un pieux abbé bernois qui, tentant de fuir, chuta quelque 60 mètres plus bas.»

Aujourd’hui, ce parcours médiéval est devenu plus sûr. Le chemin, lui, est toujours rude, culminant à 1212 mètres à son point le plus élevé. Heureusement, il est possible de s’arrêter à La Brévine et de ne parcourir ainsi que treize kilomètres. Coureur à pied, Nicolas Giger a déjà fait le parcours Môtiers-Montbenoît aller et retour en un jour. «Ça fait quand même un bout. C’était il y a quelques années, j’étais plus jeune. J’avais la septantaine et j’étais bien entraîné. L’absinthe, ça conserve… Mais le but c’est tout de même de prendre son temps, en famille et de dormir en route.»

Le parcours suisse démarre donc face à la gare de Môtiers. Un détour par le prieuré Saint-Pierre, dont les premières mentions connues datent du XIe siècle, s’impose. Le chemin continue le long de la route qui mène à Boveresse. Antique capitale de la «bleue», le village vivait autrefois de la culture de cette plante. Légèrement en retrait du village, un étonnant séchoir à absinthe, unique spécimen au monde. Retour sur la Vy. Les choses sérieuses commencent: 477 mètres de dénivellation jusqu’à la Citadelle, point culminant de la promenade. Auparavant, le chemin passe devant le tilleul des catholiques.

Nicolas Giger raconte: «Cet arbre de 500 ans abritait dans son tronc creux une statue de Notre-Dame: les pères priaient pour lui demander protection. Aujourd’hui, nous avons mis une image à la place de la statue, qui a été arrachée et mise en pièces à la Réforme.»

Repos à la Citadelle

L’itinéraire, très bien balisé, continue dans la forêt puis mène à travers champs. De loin, le promeneur aperçoit une maison aux volets striés de bleu et blanc. Monlési a été construite en l’honneur de la reine Louise de Prusse. Jean-Jacques Rousseau y a séjourné de 1762 à 1765. La montée continue. Le marcheur arrive enfin au point culminant, à 1212 mètres. Nicolas Giger: «C’est là, à la Citadelle, que se reposaient les moines. Cette bâtisse était fortifiée pour se protéger des bandes de malandrins. Aujourd’hui ne subsistent que quelques pierres.»

De là, la Vy redescend, longe une clairière, traverse un pré occupé par des génisses ou un champ d’herbes hautes. Le lac des Taillères enfin. Selon la légende, au XVe siècle, les habitants d’Estafilades furent réveillés par un bruit effroyable. A la place d’une forêt, ils découvrirent une vaste étendue d’eau.

Pour rejoindre La Brévine, il faut encore compter une petite heure de marche. Le sentier pédestre longe le lac sur une centaine de mètres avant de prendre beaucoup de hauteur. Ceux qui pensaient en avoir fini avec l’effort devront serrer les dents. L’arrivée à La Brévine n’en est que plus délicieuse. Les transports publics se chargeront de ramener le promeneur au bercail. 

Parcours: la Vy aux Moines mène le promeneur jusqu’à l’abbaye de Montbenoît en France, soit 33 kilomètres.

Renseignements:

  • A l’Association de la Vy aux Moines, Nicolas Giger, 032 861 12 15 (prospectus à disposition). Ou sur www.travers-info.ch et  www.neuchateltourisme.ch
  • A l’office du tourisme de Morteau (+33 381 67 18 53) ou à celui de Villers-le-Lac (+33 381 68 00 98).

Durée: 3 heures pour notre balade de Môtiers à La Brévine.


Nos adresses dans les environs

Hôtel de Ville ou l’Auberge Au Loup Blanc, La Brévine

Le même gérant s’occupe des deux établissements. Tous les produits sont de la région ou faits maison. Les viandes sont cuites sur le principe de la torrée, dans la cheminée. Excellent gruyère régional, glaces artisanales. Fermé le lundi.

Hôtel de Ville, Village 179, 032 935 13 44
Auberge Au Loup Blanc, Village 168, 032 938 20 00

Boulangerie pâtisserie Jeune, La Brévine

A ne pas rater, les taillaules, célèbres brioches neuchâteloises, de la boulangerie du village. Pour les taillaules aux raisins, commander un jour à l’avance. Fermé le lundi.

Village 167, 032 935 11 17

La Maison des Seignes, Les Seignes (F)

40 euros la nuitée pour une personne, 60 euros pour deux. Repas: 18 euros par personne, vin compris.

lamaisondesseignes.free.fr

Maison d’hôte Chez les Colin, Hauterive- la-Fresse (F)

130 euros, en demi-pension tout compris.

www.chezlescolin.fr

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