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Wall-E se met sur son trente et un

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:58

Les geeks n’ont pas exactement la réputation d’être de grands amoureux de haute couture. Mais, pour casser cette image, la marque Her Universe a organisé, durant le Comic-Con de San Diego, un concours entre 27 designers de mode. Leur objectif: créer une robe de soirée inspirée de la culture geek. Une top-modèle est ainsi arrivée sur scène vêtue d’une longue robe de soirée couleur crème aux motifs inspirés de la Carte du Maraudeur de Harry Potter et qui disparaissent dès que le tissu est chauffé à 40 °C.

Une designer a présenté une jupe orange, un haut gris et d’énormes lunettes qui faisaient référence à l’adorable petit robot Wall-E inventé par Pixar. Et une autre artiste a montré un costume noir serti de cuir et de fourrure, qui pouvait se transformer en robe chétive et violette, inspiré des personnages de Jon Snow et Daenerys Targaryen de la série Game of Thrones. Lancé par l’actrice Ashley Eckstein, vêtue d’une robe en Lego ce jour-là, Her Universe veut promouvoir les habits inspirés de la culture pop pour les femmes. Sa marque a conçu toute une série de produits du genre, comme des leggings Star Wars et des débardeurs Transformers. 

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Meapasculpa: alerte à la bombe de l’amour

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:58

Chère madame la terroriste de l’amour à Annecy,

Chapeau. Votre mari doit être fier de vous. Vous lui avez prouvé à quel point vous teniez à lui. Les jours passent, après avoir fichu un bordel sans nom à l’aéroport de Genève en annonçant une passagère avec une bombe, vous avez été condamnée à six mois de prison dont trois mois ferme, et je n’en reviens pas de l’audace infinie, énorme, démesurée, de votre geste. Il faut être un gamin de 3 ans, et encore, pour ne pas savoir qu’une fausse alerte à la bombe est une chose grave qui mérite une grosse fessée, voire de la prison ferme comme vous l’avez appris à vos dépens. Donc, vous saviez que c’était grave. Néanmoins, votre fureur, votre dépit, votre rage, votre douleur étaient trop débordants pour que vous puissiez freiner cet élan ravageur.

Au nom de toutes les femmes, je vous remercie d’avoir démontré de quoi une femme jalouse est capable. C’est beau une femme jalouse. Ça peut faire autant de ravages qu’un terroriste.

Que votre mari entretienne ou non une aventure avec la femme objet de votre courroux importe peu. Vengeance ou coup de semonce, qu’importe. Vous nous vengez de toutes les fois où nous avons regardé ailleurs, courbé l’échine, attendu que ça passe. Vous nous vengez de toutes les humiliations subies en silence, de toutes les dragues de bureau minables de la part d’hypocrites patrons, de toutes les permissions égoïstes que s’accordent les hommes pendant que les femmes comme vous restent vissées à la maison avec quatre mômes et que, forcément, côté séduction et cabrioles, ça laisse à désirer.

Vous avez tenté ce que nous avons toutes rêvé de faire un jour, hésitant entre l’étranglement, les épingles vaudoues, l’acide, la crevaison de pneu ou l’empoisonnement, aux filles que nos maris reluquent avec plus ou moins d’insistance ou de lâcheté.

Madame, vous êtes une héroïne.

L’amour et, partant, la jalousie, sont le plus puissant moteur qui existe et grâce à vous, on s’en souvient maintenant. L’amour est terroriste, parfois. L’amour fait mal et veut faire mal, souvent.

Madame, vous êtes une héroïne mais il va falloir remonter la pente. Quand on fait tout exploser, ou presque, il y a pas mal de morceaux à recoller.

J’espère que vous avez bien pris votre pied, pendant quelques heures au moins. Que la jubilation, même passagère, vous a fait oublier l’humiliation que vous pensez avoir subie. J’espère que votre mari est conscient de la chance qu’il a d’avoir une femme qui tient autant à lui. C’est exprimé avec un peu d’emphase, certes, la manière est un peu démonstrative, il faut en convenir. Ça fait cher la déclaration de jalousie. Mais vous avez pris l’univers entier à témoin: quand on aime, on devient folle.

Je vous souhaite bonne chance.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Les balades qui font du bien: la fabuleuse histoire des pionniers du bois

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:59

Mont Raimeux. Sur le flanc nord, le château de Raymontpierre résume l’histoire de la région, marquée par l’influence de la cité rhénane.

Le mont Raimeux est l’étape phare de la Via Jura entre Bâle et Moutier. Pour les plus téméraires, le tracé pédestre court même beaucoup plus loin, ouvrant la voie à un nouveau chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, inauguré en 2009, qui relie la cité rhénane à Bienne par Romont (BE). Mais nous n’irons pas si loin. Le Raimeux, 1300 mètres au collet, mérite sa propre balade. Elle se réalise en moins de quatre heures, d’abord par son flanc nord en pente douce, au départ de Courrendlin et de Rebeuvelier, vers le sommet et son vaste plateau au panorama grandiose, puis par la descente sinueuse et rafraîchissante dans les à-pics surplombant le village de Grandval.

Commençons donc par là: Rebeuvelier, sa fontaine, sa scierie. Notez bien ce tracteur chargé de rondins, ou le bruit de cette tronçonneuse au loin. Pensez-y en amorçant la montée, toute douce par les champs en bordure de forêt. Car l’exploitation du bois, au nord du Raimeux, est une vieille histoire.

Tout commence en 1575. Pour faire face à la quasi-faillite de sa principauté épiscopale de Bâle, le prince-évêque Christophe Blarer de Wartensee doit vendre les meubles. Il liquide les propriétés de l’évêché en ville, ainsi que les terres qu’il possède sur le flanc nord du Raimeux. Grâce au pécule ainsi dégagé, il souhaite relancer l’économie du fer. Mais qui dit fer dit charbon, et donc bois. Georges Hugué, bourgeois de Delémont et nouveau propriétaire du domaine du Raimeux, accepte de bâtir un manoir fortifié qui favorisera l’exploitation forestière et, au passage, barrera la route à la réforme protestante.

Le château de Raymontpierre sort de terre en 1595, juché à 900 mètres d’altitude, à mi-chemin du sommet. Il comptait alors une cour, une cuisine, une étable et une chapelle, défendues par trois tours rondes. Le promeneur imaginera sans peine la difficulté qu’a représentée sa construction. Ce n’était pas le bois ni la pierre qui manquaient alentour, bien entendu, mais le sable, qui devait être puisé dans la Gabiare, à Vermes, sept kilomètres plus bas et 400 mètres de dénivelé par un chemin escarpé. Si, à ce stade de la balade, la sueur vous perle déjà au front, songez aux paysans requis pour la construction, qui faisaient le trajet deux fois par jour chargés d’une brante de sable.

Une lignée prestigieuse

Courage: du château de Raymontpierre, le sommet du Raimeux, son panorama à couper le souffle et ses bonnes auberges de campagne ne sont plus qu’à une demi-heure de marche. Encore un mot, au passage, sur le fortin et son destin. A l’épuisement de la lignée Hugué, en 1623, le château passe en main de la famille soleuroise de Staal, qui s’étiole, elle aussi, en 1808. Le manoir devient la propriété d’un cousin de Metternich, est vendu aux La Roche de Bâle, avant d’être repris par la firme d’armement Bührle, en 1944, qui restaure la bâtisse alors toute décrépite. La demeure appartient aujourd’hui aux héritiers d’Hortense Anda-Bührle, décédée en 2014, elle-même fille d’Emil Georg Bührle.

Parcours: la Via Jura mène de Bâle à Bienne par Delémont, sur environ 125 kilomètres de chemins pédestres. Le passage le plus spectaculaire est le mont Raimeux. L’ascension peut s’effectuer du nord au sud, depuis Courrendlin et Rebeuvelier. La descente peut se faire par deux chemins qui serpentent dans les falaises surplombant le village de Grandval. Le premier, plus facile, passe par la Combe des Geais depuis le hameau de Raimeux de Grandval. Le second, dit «sentier du Gore Virat», est un peu plus escarpé et longe un ruisseau. Des passerelles en bois permettent de contempler ses cascades. Il débouche à Corcelles. Un train par heure part en direction de Crémines, Grandval et Moutier.

Durée: près de 4 heures pour notre balade de Rebeuvelier à Grandval.


Nos adresses dans les environs

Restaurant du Signal, Raimeux de Grandval

A la carte de cet établissement qui se situe sur le mont Raimeux, une cuisine campagnarde avec des viandes de l’exploitation.

Ouvert seulement le week-end.
079 650 58 67

Restaurant du Raimeux, Raimeux de Crémines

Installé juste avant la descente sur Grandval, dans une ferme avec étable et ses vaches, le lieu fait le bonheur des enfants. A tester: une belle carte d’une dizaine de cafés, dont «café montagne», «café lutteur» ou «café soleil». Au menu: croûte au fromage, röstis et saucisse à rôtir, notamment.

Ouvert tous les jours sauf mercredi et jeudi.
032 499 99 50

Restaurant de la Croix Blanche, Crémines

Cet établissement sert des tartares au cœur du petit village.

Ouvert tous les jours.
032 499 99 26

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François Pilet
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L’esprit de Tintin n’est pas mort

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:59

Jacques Neyrinck craint que l’exploit accompli par Bertrand Piccard et André Borschberg aux commandes de «Solar Impulse 2» ne soit pas considéré à sa juste valeur par le Parlement et l’opinion publique suisses, manipulés par des lobbys, affirme-t-il. Il plaide pour une hausse des crédits alloués à la recherche sur les énergies renouvelables, photovoltaïque en particulier.

Lorsque Auguste Piccard monta le premier dans la stratosphère, Hergé s’en inspira pour créer le personnage de Tournesol. Sous nos yeux dubitatifs, son fils Jacques Piccard devint à son tour l’homme le plus profond de la planète en descendant dans les abysses océaniques. Le petit-fils Bertrand fait le tour du monde sans consommer de carburant. On ne connaît guère de famille pionnière qui ait poursuivi avec une telle constance sur trois générations le rêve pour le rêve, pas pour la gloire, pas pour le gain, pas pour le pouvoir. Même Jules Verne n’y a pas songé.

Les experts chagrins, qui constituent toujours une majorité, ont émis toutes sortes de réserves sur l’application économique de cet exploit, qui ne poursuivait absolument pas ce but. Puisque eux-mêmes n’en avaient pas eu l’idée, il fallait que celle-ci soit erronée. Comment expliquer à ces esprits obtus que la gratuité d’une action porte en soi sa raison d’être? Il n’y avait pas davantage d’intérêt à aller sur la Lune, à faire voler la première montgolfière, à aller aux deux pôles ou à grimper au sommet de l’Himalaya.

La démonstration de Solar Impulse prouve que l’énergie solaire, la seule renouvelable, suffit à tous les besoins, y compris à l’approvisionnement d’un avion capable de faire le tour de la Terre. A fortiori, la Suisse pourrait cesser d’utiliser des combustibles fossiles ou nucléaires pour ses installations fixes, si le Conseil fédéral, soutenu par le Parlement et par le peuple, en décidait ainsi. Mais ce n’est pas le cas et cela risque de ne pas l’être avant longtemps. La Suisse vit dans l’insouciance, la manipulation et l’ignorance en ce qui concerne son alimentation énergétique.

Au début des années 2000, le recours aux énergies renouvelables était tourné en ridicule dans les débats parlementaires: on pourrait au mieux produire 2 ou 3% de l’énergie électrique nécessaire à la Suisse. En réalité, les énergies vertes ont couvert près d’un tiers de la consommation électrique allemande, à hauteur de 32,5% en 2015 contre 27,3% en 2014. Il est vrai que l’investissement initial a été en partie subventionné, mais il en fut de même pour le nucléaire.

Le discours officiel de la Suisse blâme aussi l’Allemagne parce qu’elle compenserait la production du nucléaire arrêté par un recours accru aux centrales à charbon. En réalité, de 1990 à 2014, la part de ces centrales a baissé de 25,6% à 17,8% dans le total de la production électrique. Le renouvelable a vraiment remplacé les combustibles fossiles et le nucléaire.

La performance de Solar Impulse a donc une portée symbolique: faire prendre conscience au peuple suisse qu’il est en son pouvoir de se priver des énergies non renouvelables qui, par tautologie, cesseront un jour d’être disponibles. Insister sur la nécessité d’entreprendre des recherches dans ce domaine au lieu de restreindre les crédits comme le Parlement vient de le faire. Soutenir les entreprises débutantes dans ce même domaine au lieu de laisser péricliter notre production de cellules photovoltaïques.

Pour cela, il faudrait que le Parlement et l’opinion publique cessent d’être instrumentalisés par des lobbys. Le poids des sommes dépensées pour décrier les énergies renouvelables a créé un déni de réalité. Rappelons que la Confédération n’a subventionné Solar Impulse qu’à hauteur de 5 millions sur les 170 qui furent nécessaires. Se glorifier maintenant de son succès en le présentant comme une mutation de l’image de la Suisse est indécent.

Passer au renouvelable signifie créer un nouveau secteur économique avec des emplois à la clé. L’EPFL a servi de berceau au projet Solar Impulse à une époque où personne d’officiel n’y croyait. Ce fut une aventure technique qui mesure l’excellence de l’école. En effet, pour atteindre le seuil de faisabilité, il fallut maîtriser une foule de paramètres relevant de techniques diverses. Il ne suffit pas d’être bon, il faut être le meilleur pour réussir un projet à la marge du possible.

C’est ce potentiel de haute technologie qu’il faut maintenant exploiter. C’est un autre destin pour la Suisse que le fromage, le chocolat et la banque. Piccard et Borschberg ne se satisfont pas d’être des pionniers d’une aventure extraordinaire: ils font une proposition concrète que la politique doit saisir.

Retrouvez les billets de Jacques Neirynck dans son blog

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La chronique de Jacques Pilet: «Empalés sur leur clocher»

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 05:59

Le 1er août fut joyeux, les feux généreux, les discours attendus. Tranquille patriotisme. Heureusement. Lorsqu’il monte les tours, il vire au chauvinisme. Partout l’air du temps va dans ce sens. La nation, les racines, l’identité, avec la xénophobie en filigrane, on n’en peut plus.

Retrouvée chez des amis chantants, une chanson de Brassens sonne aujourd’hui comme une provocation: La ballade des gens qui sont nés quelque part. Le poète y va fort sur «la race des chauvins, des porteurs de cocardes».

«Maudits soient ces enfants de leur mère patrie
Empalés une fois pour toutes sur leur clocher
Qui vous montrent leurs tours, leurs musées, leur mairie
Vous font voir du pays natal jusqu’à loucher
Qu’ils sortent de Paris ou de Rome ou de Sète
Ou du diable vauvert ou de Zanzibar […]
Ils plaignent de tout cœur les pauvres malchanceux
Les petits maladroits qui n’eurent pas la présence
La présence d’esprit de voir le jour chez eux.»

Au fond, pourquoi cette allergie? Parce que le chauvinisme divise, peut conduire à la guerre, mais surtout, il ratatine l’esprit et la vision, il coupe du réel, il fait des monomaniaques, il rend stupide.

L’inénarrable Ueli Maurer en apporte une nouvelle illustration avec son discours du 1er Août. Le conseiller fédéral a longuement évoqué le roman de Jeremias Gotthelf L’araignée noire (1842). Il raconte l’histoire d’un village qui, pour payer moins d’impôts au prince et s’enrichir, conclut un pacte avec le Diable. Qui exige alors qu’un enfant par famille ne soit pas baptisé. Cela tourne mal. Un baiser du malin fait d’une paysanne une araignée noire qui sèmera la désolation.

«Très actuel», selon Maurer, qui ne cache pas son arrière-pensée. Conclure un accord avec l’Union européenne au nom de l’économie, c’est diabolique. C’est se trahir. On connaît la conviction de cet UDC, plus radical encore que ses propres troupes, souvent plus pragmatiques. On peut sourire de son passéisme, mais ce genre de discours porte en Suisse alémanique.

Il existe bien sûr toutes sortes de chauvinismes. Le claironnant à la française, le provincial à la catalane, le catholique à la polonaise, le musulman à la turque, l’épique à la russe… et le campagnard à la suisse. Nous aimons tant nous gaver d’images d’une paysannerie sans rapport avec la réalité urbaine et mélangée. Dans les pubs, à la télé, les armaillis, leurs vaches, leurs montagnes envahissent le paysage. Le plus beau du monde évidemment.

Ce n’est pas la pire façon de cultiver le nombrilisme national. Mais ces petits drapeaux rouge et blanc plantés partout, à la longue, ne font pas de bien à la tête. Et creusent les écarts avec les «autres», d’ici et d’outre-frontières.

Nous ne sommes pas seulsà nous enfoncer dans ce que déteste Brassens. Et pour cause. L’internationalisme est passé de mode. Celui du poète, gentiment anarchiste, a disparu. Celui de la révolution rouge, on le disait prolétarien, s’est effondré. Celui du libéralisme mondialisé est encore bien là, mais de plus en plus contesté. Jusqu’aux Etats-Unis, dans les deux camps, on commence de maudire les traités de libre-échange. Quant au plus raisonnable, expérimenté en Europe, basé sur une alliance volontaire de peuples que rapprochent une civilisation et une histoire, ouverte néanmoins sur le reste du monde, il est critiqué de toute part.

Alors il n’en reste qu’un. Montant, virulent, ravageur. L’internationalisme de l’extrême islamisme.

Dès lors, vers quoi se tourner? Cultiver le nationalisme, invention relativement récente dans l’histoire, qui a fait couler tant de sang?

Ou ne pas se laisser intimider. Tel le conseiller fédéral Didier Burkhalter qui, lui, a tenu un discours quasi onusien. Aux antipodes du propos de son collègue à la mine grincheuse. Le Neuchâtelois évoquait les guerres, les réfugiés, le terrorisme, cherchant les moyens de faire face. «Nous avons le choix: le choix entre regarder de loin et attendre, ou se rendre compte que rien n’est si loin et qu’il faut agir, que nous avons un rôle à jouer. Le choix entre être spectateur et acteur dans notre monde.» Sa dissertation sur «l’eau et le feu» avait de la classe. Elle était prononcée à Vallorbe, devant la rivière qui file plus bas vers des horizons européens.

La fête a montré tant de façons de vivre sa suissitude, mot détestable qui rime avec solitude. Celle que nous préférons a encore toutes ses chances.

jacques.pilet@ringier.ch

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Sans argent, pas de médailles d’or

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 06:00

Avec le renoncement de Belinda Bencic, de Roger Federer et de Stan Wawrinka, l’euphorie préolympique retombe un peu. C’est vrai qu’avec une équipe de tennis helvétique au zénith, on pouvait espérer une multiplication presque biblique des médailles. Pourtant, malgré ces trois forfaits, la Suisse conserve de très belles chances de victoires avec 106 athlètes, la délégation la plus importante depuis Atlanta en 1996. Elle débarque aussi en force à Rio avec une Maison suisse déjà très remarquée et des entreprises bien décidées à faire parler d’elles (lire Rio 2016: l'économie suisse déploie tous ses charmes).

Puisqu’il faut faire contre mauvaise fortune bon cœur, ajoutons qu’il pourrait même y avoir une vertu à cette absence du trio Bencic, Federer et Wawrinka. Pour les stars du tennis, les Jeux olympiques ne sont qu’une échéance importante parmi d’autres. Pour les sportifs de disciplines moins médiatisées, voire obscures, c’est LE rendez-vous qui les habite et sur lequel se focalisent tous leurs efforts de préparation.

On peine à imaginer l’intensité des entraînements et les sacrifices consentis par ces athlètes qui vivent, sur le plan des conditions matérielles et financières, sur une autre planète que les dieux de la raquette. Sans parler du cas des footballeurs. Ce sont les as du VTT, les gymnastes, les forçats du triathlon ou de l’aviron. Ils incarnent encore au plus près l’esprit olympique et mériteraient une plus grande reconnaissance. A Rio, ils devraient faire des résultats aussi bons qu’aux Jeux de Londres, dans un large éventail de disciplines (lire À Rio 2016, la Suisse en force).

Les résultats actuels des sportifs suisses sont d’autant plus étonnants qu’ils ont affaire à des concurrents qui jouissent, eux, de puissants appuis étatiques. On connaît la stratégie de la Chine devenue depuis quelques années une grande nation du sport, qui met systématiquement le paquet dans toutes les disciplines offrant les meilleures chances de médailles. Mais la Suisse doit aussi faire face à des pays moins peuplés comme les Pays-Bas, l’Australie ou le Canada qui ont doublé (voire quadruplé pour ce dernier) leurs soutiens publics au sport de compétition. En République tchèque, par exemple, bon nombre d’athlètes touchent un très confortable salaire de l’armée.

Par comparaison, dans les disciplines d’été, 40% des sportifs d’élite helvétiques ont un revenu annuel inférieur à 7000 francs. Difficile de vivre de son sport dans ces conditions. Voilà pourquoi l’organisation Swiss Olympic est partie en croisade et demande 30 millions supplémentaires en plus des 45 millions déjà perçus actuellement. Favoriser le sport de masse comme nous le faisons, c’est formidable. Mais faut-il obligatoirement, pour le sport d’élite, se contenter d’un système digne d’un pays du quart-monde?

Avec le scandale du dopage à la russe et le rêve olympique des Brésiliens ébranlé par la crise qui les agite, l’époque n’est pas particulièrement favorable à un appui accru aux athlètes de haut niveau. L’aspect financier n’en reste pas moins essentiel. Dans une Suisse qui s’autocongratule à chaque victoire de ses champions, il n’est pas inutile de répéter cette évidence: sur la durée, sans argent, pas de médailles d’or. 

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À Rio 2016, la Suisse en force

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 06:00

Lionel Pittet et Laurent Favre

Eclairage. Malgré l’absence des stars Federer et Wawrinka,  la Suisse envoie sa plus forte sélection depuis vingt ans aux Jeux olympiques qui s’ouvrent vendredi 5 août. Revue des troupes, alors que Swiss Olympic table sur cinq médailles. Autour des athlètes, dirigeants des fédérations sportives internationales, juristes du Tribunal arbitral du sport, chronométreurs, fonctionnaires fédéraux et lobbyistes composent l’autre délégation suisse.

L’histoire retiendra peut-être que c’est un soir de fête nationale que tout a commencé. Lundi 1er août, dans le hall des départs de l’aéroport de Kloten, les facettes du tableau d’affichage tournent et se figent pour annoncer le vol Swiss de 22 h 40 à destination de Rio de Janeiro. Le signal du début de l’aventure pour une grosse partie de la délégation suisse aux Jeux olympiques.

Tous portent les effets que, quelques semaines plus tôt, ils étaient venus percevoir à Luterbach, dans le canton de Soleure. Ils avaient alors l’air de recrues touchant le paquetage militaire, les filles et le sourire en plus. La chronique de la Suisse aux JO a toujours hésité entre la tentation de deux clichés contraires: d’un côté des touristes en vacances, de l’autre des soldats en mission. Entre l’idéalisme de Coubertin («l’essentiel est de participer») et le rigorisme protestant (on n’est pas là pour rigoler).

D’une édition à l’autre, d’un extrême à l’autre, les responsables de Swiss Olympic ont souvent tâtonné, louvoyé, imposant tantôt une stricte sélection pour n’envoyer que des athlètes à potentiel de médaille, puis lâchant la bride qu’ils venaient de tirer parce que des standards élevés usent les candidats avant l’heure. Constamment, ils ont cherché la meilleure formule, ne restant inflexibles que sur un point: une tolérance zéro et une vigilance maximale à propos du dopage. Mais quelles que soient les modes, les générations ou les tendances, le résultat est resté invariablement le même: depuis Rome 1960, la moisson suisse tourne à une moyenne de 5 médailles, avec quelques pics (9 en 2000 à Sydney) et quelques gouffres (1 en 1992 à Barcelone).

Cinq médailles, c’est encore une fois l’objectif fixé par Swiss Olympic aux 106 sportifs (47 femmes et 59 messieurs) qui représenteront la Suisse dans 16 disciplines à Rio. C’est une de plus que les quatre ramenées de Londres en 2012, où Swiss Olympic en espérait 10. «Si tous nos candidats aux médailles restent en bonne santé et s’ils peuvent réaliser leur meilleure performance le jour J, alors on peut même envisager plus que ça, espère Ralph Stöckli, le nouveau chef de mission. A Londres, nous avons constaté que tout pouvait se jouer sur un détail. Faire un pronostic est toujours hasardeux.» Essayons tout de même…

Le contre-exemple du tennis

En sport, rien n’est jamais acquis. La débandade de l’équipe de tennis en est l’exemple cuisant. Il y a deux semaines, la Suisse pouvait rêver d’atteindre son quota de médailles juste avec des raquettes. La Suisse brille en tennis depuis vingt-cinq ans et le titre surprise de Marc Rosset aux JO de Barcelone en 1992. A Rio, les chances étaient démultipliées par les combinaisons qu’offraient Federer et Wawrinka chez les hommes, Martina Hingis, Belinda Bencic et Timea Bacsinszky chez les dames. Le double mixte Hingis-Federer semblait imbattable, les paires Hingis-Bencic et Federer-Wawrinka étaient très compétitives.

Le directeur du sport d’élite de Swiss Tennis, Alessandro Greco, s’en réjouissait dernièrement. «Jamais encore nous n’avons été représentés par une délégation aussi forte.» Les forfaits de Federer le 26 juillet, de Bencic le 27 et de Wawrinka le 2 août ont tout remis en question. Aucun garçon n’a le classement suffisant pour remplacer numériquement Federer et Wawrinka; Viktorija Golubic, appelée pour épauler Bacsinszky en double, a été la victime indirecte du forfait de Bencic. Il n’y a plus que deux Suissesses en lice: Timea Bacsinszky et Martina Hingis, qui s’aligneront ensemble en double. Seule la Vaudoise est admise dans le tableau du simple dames.

En VTT, une paire d’as

La sélection suisse de VTT aligne le quintuple champion du monde de cross-country Nino Schurter. A 30 ans, le Grison règne sur sa discipline. Remporter l’or à Rio serait la suite logique de sa progression olympique après avoir décroché le bronze en 2008 et l’argent en 2012. En octobre dernier, il s’était par ailleurs imposé lors de l’épreuve du test préolympique sur le parcours des Jeux de Rio. Chez les dames, Jolanda Neff (23 ans) pourrait aussi laisser ses rivales admirer ses belles boucles blondes de derrière. Elle devra toutefois réussir à oublier des problèmes de dos qui l’ennuient parfois et passer outre la pression des grands événements, elle qui est passée à côté des deux dernières éditions des Mondiaux.

Pour les spécialistes de VTT comme pour la plupart des athlètes présents à Rio, les Jeux olympiques constituent de véritables balises dans une carrière. Il n’y a guère qu’en football, en tennis et dans quelques autres sports que le prestige des Jeux n’écrase pas toutes les compétitions. Dans les autres disciplines, l’avenir se découpe en tranches de quatre ans. La retraite sportive de la judoka Juliane Robra (qui a échoué à se qualifier pour Rio) ou celle, annoncée pour la fin des Jeux, de l’escrimeuse Tiffany Géroudet l’illustrent.

Nino Schurter souligne son objectif olympique dans toutes les interviews qu’il accorde depuis plusieurs années. Même lorsqu’il annonçait une parenthèse «cyclisme sur route» à sa carrière en 2014, il restait «focalisé sur la conquête du titre olympique en 2016». Dernièrement, il soulignait même que la Coupe du monde de VTT était cette année secondaire à ses yeux. Forcément, les attentes et la pression sont maximisées.

L’or dans la continuité

S’il ne fallait pas tenir compte de la glorieuse incertitude du sport, une médaille d’or serait aussi garantie au quatre sans barreur poids léger de Mario Gyr, Simon Niepmann, Simon Schürch et Lucas Tramèr. En aviron, ce quatuor-là domine sa discipline sans partage et reste sur quatre titres européens consécutifs et trois mondiaux. Pas question de se cacher: seule la médaille d’or aurait la bonne couleur à leurs yeux.

«Depuis début 2015, nous n’avons jamais terminé moins bien classés qu’à la deuxième place des épreuves auxquelles nous avons pris part. Une médaille serait donc la continuité logique, explique le Genevois Lucas Tramèr. Et comme nous savons que nous pouvons rivaliser avec les meilleurs, nous visons l’or. C’est pour gagner que nous allons aux Jeux.» Le quatre de couple (Barnabé Delarze, Nico Stahlberg, Augustin Maillefer et Roman Röösli) se contenterait d’une médaille. Après des problèmes de blessures ces derniers mois, l’équipage a démontré son potentiel lors des épreuves de Coupe du monde à Lucerne (3e) et Poznan (4e).

L’histoire de Lucas Tramèr dit toute la diversité des profils amenés à se croiser au village olympique. Il y a ceux qui, par leurs résultats, gagnent (très) bien leur vie. Mais en majorité, les athlètes qui seront au centre de l’attention pendant deux semaines jouent à Tetris pour faire rentrer dans un même agenda les exigences du sport de haut niveau et d’autres occupations. A 26 ans, Lucas Tramèr est étudiant en médecine; pas le moins exigeant des cursus universitaires.

En octobre, il entamera un stage professionnel d’une année. Les JO comme adieux au sport de haut niveau? «Je ne prends aucune décision pour l’instant, avant la fin de la saison. Il y a tellement de facteurs qui entrent en ligne de compte. Mais il est clair que ma motivation à l’avenir dépendra aussi de notre résultat à Rio.»

D’autres belles histoires

Comme en aviron, ils seront quatre à conjuguer leurs efforts pour remporter une médaille en escrime. Max Heinzer, Benjamin Steffen, Peer Borsky et Fabian Kauter forment un quartet à l’épée qui ne se fixe pas de limite. «Si on arrive à appliquer la tactique juste, nous sommes l’équipe la plus difficile à battre au monde, expliquait le dernier cité à la Tribune de Genève en début d’année. Je sais que nos adversaires n’aiment pas nous affronter. Parce qu’on est athlétiquement et techniquement très forts.

On possède un gaucher, deux gars très vifs et un très grand: le mix est parfait. Si on l’est sur la piste, à Rio, la Suisse peut viser l’or.» Depuis les Jeux olympiques de Séoul en 1988, cela faisait vingt-huit ans que l’équipe de Suisse masculine à l’épée n’avait plus décroché sa qualification. Mais les trois titres européens remportés entre 2012 et 2014 lui valent l’expérience des grands rendez-vous et la légitimité d’y croire.

Le rebond de la gymnastique

Ce sont des souvenirs enfouis profondément dans l’histoire du sport du pays. En 1952, la délégation suisse rentre de Helsinki les valises lourdes de quatorze médailles. Pour moitié, elles ont été remportées à la barre fixe, aux barres parallèles, aux anneaux. La gymnastique est – de loin – le sport qui a rapporté le plus de médailles olympiques à la Suisse: 48, contre 23 à l’aviron, 21 à l’équitation, 20 au tir, 18 au cyclisme. Les sportifs suisses les plus médaillés sont des gymnastes, Georges Miez et Eugen Mack (8 médailles chacun, dont 4 d’or pour Miez).

Hormis le titre au cheval d’arçons du Lucernois d’adoption Donghua Li en 1996 à Atlanta, la Suisse n’a plus rien fait depuis sur soixante-quatre ans. Malgré la très forte concurrence internationale, la double championne d’Europe Giulia Steingruber a les arguments pour remettre au goût du jour la vieille tradition gymnique du pays.

La der de Cancellara

Pour la Suisse, la belle histoire des Jeux de Rio pourrait aussi être écrite par Fabian Cancellara. Le cycliste bernois ne devrait pas être là. A 35 ans, il vit la dernière saison de sa riche carrière professionnelle. Et à l’heure de l’aborder, il ne se projetait pas au Brésil. Les classiques, le Tour de France, oui. Mais pas participer à ses quatrièmes Olympiades. Il a changé d’avis en cours de route, requinqué par quelques bons résultats, dont un dixième titre de champion de Suisse du contre-la-montre et une victoire lors du prologue du Tour de Suisse. Double médaillé à Pékin (or, argent), il n’est plus tout à fait le même coureur qu’en 2008. Mais en contre-la-montre, il demeure un redoutable spécialiste. Un vieux lion capable de rugir une dernière fois.

La revanche des champions de Londres

Expérimentés eux aussi, Steve Guerdat et Nicola Spirig seront aussi tout à fait en mesure de rééditer leur exploit d’il y a quatre ans. Depuis les Jeux de Londres, le cavalier jurassien et la triathlète zurichoise sont restés au plus haut niveau. De récentes mésaventures ont perturbé leur dernière ligne droite vers Rio et c’est ainsi avec un supplément d’esprit de revanche qu’ils évolueront au Brésil. Première médaillée d’or suisse dans la capitale anglaise (il avait fallu avoir recours à la photo-finish pour la départager de la Norvégienne Lisa Norden), Nicola Spirig s’est cassé la main en mars, dans la dernière ligne droite vers la défense de son titre.

Elle a dû faire l’impasse sur les récents Championnats d’Europe mais sera bien au rendez-vous carioca. L’histoire de Steve Guerdat est encore plus dérangeante. En mai 2015, il remporte le concours de La Baule, mais les tests antidopage de ses chevaux se révèlent positifs. Il sera vite blanchi, mais l’épisode est un coup à sa carrière – il manque les Championnats d’Europe – et surtout à sa réputation. Lui aussi, à Rio, aura les armes pour briller, tête de proue d’une solide équipe de sports équestres aussi porteuse d’une chance de podium.

Voilà pour la logique. Statistiquement, il faut compter sur trois chances de médaille pour obtenir une médaille. A Londres en 2012, l’équipe de France avait gagné exactement le nombre de médailles prévu (35) mais un médaillé sur deux n’était pas celui escompté. Trop d’attentes, trop de pression? «De savoir que beaucoup plus de gens que d’habitude vont regarder nos courses, nous soutenir, c’est une grande source de motivation et de fierté», assure le rameur Lucas Tramèr. Les Jeux olympiques possèdent un caractère propre et très spécifique, qui décuple les enjeux et magnifie des disciplines d’ordinaire totalement délaissées par le public et les médias.

Le Maracanã, comme le Nid d’oiseau de Pékin, peut être destructeur quand on n’est habitué qu’au Bout-du-Monde de Champel ou à la Charrière de La Chaux-de-Fonds. Il faut maîtriser ses nerfs autant que son corps, et ce n’est pas un hasard si des champions olympiques comme Roger Federer, Nicola Spirig, Steve Guerdat ou Fabian Cancellara ont d’abord déçu lors de leur première participation. A Rio, 75 des 107 athlètes suisses seront des néophytes. Pour eux, l’objectif sera surtout de battre leur record personnel et de préparer Tokyo 2020. Swiss Olympic a prévu une prime de 40 000 francs pour une médaille d’or, mais aussi 2000 francs pour une huitième place. Dans l’éternel mouvement de balancier, la carotte a repris le dessus sur le bâton. 

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Les balades qui font du bien: voyage au gré des étangs, dans un paysage façonné par l’homme

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 06:00

Florian Fischbacher

Saignelégier. Plans d’eau et tourbières du plateau franc-montagnard racontent une longue histoire de l’empreinte humaine sur l’environnement régional, dans un écosystème fragile.

L’étang de la Gruère, un miroir d’eau brune entouré par la végétation. Sa singulière beauté fait parfois oublier que ce lieu a été façonné au cours des siècles par les gens qui ont vécu et travaillé là.

Pour atteindre ce havre de paix perché à 998 mètres d’altitude, la balade débute à Saignelégier, chef-lieu des Franches-Montagnes. On dépasse rapidement l’hippodrome qui accueille chaque été le traditionnel Marché-Concours de chevaux, pour se plonger dans les pâturages. Le tracé longe ensuite un chemin bordé de murs en pierres sèches émoussés par le temps. On s’attendrait presque à y croiser un paysan du XIXe siècle charriant une cargaison de tourbe. Cette combe d’apparence si harmonieuse et naturelle est pourtant le résultat de siècles d’exploitation agricole: les zones de pâturages, prairies, bosquets ou forêts ont été volontairement réparties selon leur topographie.

Bientôt, l’étang des Royes apparaît entre les arbres. Plus petit et moins fréquenté que celui de la Gruère, il offre des abords sauvages. La scierie qui le jouxtait a disparu depuis des décennies.

Après avoir contourné ce premier réservoir artificiel, l’itinéraire traverse le hameau des Cerlatez, où se trouve le Centre Nature, qui se charge de la protection et de l’étude des tourbières. Le parcours côtoie alors la route jusqu’à l’étang de la Gruère.

Une fois les rives du petit lac atteintes, l’affluence estivale est vite oubliée, la magie opère. Seuls les sillages de quelques canards oisifs viennent troubler la sérénité des flots sombres bordés de pins. La flore est foisonnante. Les naturalistes habiles sauront même y déceler la présence de plantes carnivores.

Au loin, un pêcheur; l’étang abrite plusieurs espèces de poissons introduites par l’homme. On aperçoit aussi un nageur, «la baignade est tolérée, mais on conseille plutôt aux gens d’aller ailleurs, en piscine», indique François Boinay, le directeur du Centre Nature.

Difficile de croire que ce cadre idyllique est le fruit de la volonté humaine. Une digue a pourtant été aménagée ici au XVIIe siècle, créant ce bassin de retenue pour alimenter un moulin. «Les moulins le long du Doubs appartenaient à des seigneurs. Les habitants des Franches-Montagnes ont donc construit les leurs pour éviter de devoir payer un impôt et s’épargner de longs trajets», raconte François Boinay.

Exploitation massive

L’étang a été créé au milieu d’une tourbière. Matière organique fossile, la tourbe lui confère sa couleur distinctive. Elle est le résultat de l’accumulation en milieu humide de mousses particulières: les sphaignes. Ces organismes dépourvus de racines grandissent en continu, privant petit à petit de lumière les couches inférieures, qui finissent par mourir. Les restes de mousses mortes forment alors ce matériau meuble. Le processus est extrêmement lent: moins d’un millimètre par année. Il a fallu plus de 10 000 ans pour que la tourbière de la Gruère atteigne les 9 mètres d’épaisseur qu’elle affiche par endroits.

Mais ce milieu exceptionnel reste un écosystème fragile, longtemps menacé par l’activité humaine. La tourbe séchée a été extraite pour être utilisée comme combustible jusqu’au milieu des années 50, bien que le site soit devenu une réserve naturelle en 1943. Beaucoup des tourbières avoisinantes ont été exploitées massivement pendant la Seconde Guerre mondiale, la Suisse manquant de charbon. «Environ 90% des tourbières suisses ont disparu à cette époque», précise François Boinay. Elles sont désormais toutes protégées, grâce à l’initiative populaire dite «de Rothenthurm», acceptée en 1987. «Les tourbières sont une archive extraordinaire, poursuit le directeur du Centre Nature, elles permettent d’étudier des milliers d’années d’histoire du climat.»

Après avoir flâné autour de l’étang, retour à la route. Une scierie occupe l’emplacement de l’ancien moulin, sur lequel une usine électrique a été installée durant la première moitié du XXe siècle. De là, au choix: retourner à Saignelégier en bus ou poursuivre la balade en empruntant le sentier juste en face. Un sentier qui vaut la peine de s’y engager.

Le chemin part en pente douce, puis longe entre les arbres la grande tourbière de La Chaux-des-Breuleux, qui abrite elle aussi, à quelques mètres de la frontière bernoise, un étang, appelé le Lavoir. Des travaux ont été entrepris pour revitaliser et éviter l’assèchement de la tourbière. «Les drains qui ont été aménagés pour son exploitation industrielle durant la Seconde Guerre mondiale doivent être bouchés à l’aide de sciure et de palplanches», explique François Boinay. De ces interventions, l’œil non averti peine toutefois à déceler la trace.

Non loin de cet endroit peuplé d’herbes jaunies, de conifères épars, de buissons et de fleurs typiques des milieux humides s’élève le village de La Chaux-des-Breuleux, où la promenade se termine sous les saluts de plusieurs éoliennes, dernières manifestations de la propension humaine à modifier son environnement.

Parcours: Saignelégier – étang des Royes – Les Cerlatez – étang de la Gruère – étang du Lavoir – La Chaux-des-Breuleux.
Durée: environ 4 heures (3 h 15 si l’on prend le bus depuis l’arrêt «Moulin de la Gruère»).


Nos adresses dans les environs

Café du Soleil, Saignelégier

Une institution, où l’on sert une cuisine régionale de qualité. Aussi à la carte, un foie gras à l’absinthe et sa confiture d’oignons, des desserts embellissant encore la journée ou cette fondue à la BFM, bière produite dans ce chef-lieu des Franches-Montagnes. L’établissement abrite aussi un hôtel et un espace culturel.

Marché-Concours 14
www.cafe-du-soleil.ch

Auberge de la Couronne, La Theurre

En milieu de parcours, ce restaurant saura contenter les amateurs de cuisine locale et simple ou les promeneurs en quête de rafraîchissements sur une terrasse ensoleillée. Le soir, une carte plus sophistiquée est proposée. Possibilité de louer des chambres.

La Theurre/Saignelégier
www.couronne-latheurre.ch

Centre Nature Les Cerlatez

Ouvert en 1993, ce centre géré par la Fondation Les Cerlatez propose des expositions, des animations scientifiques et abrite même un vivarium. L’équipe s’occupe aussi de l’entretien du sentier bordant l’étang de la Gruère.

Les Cerlatez/Saignelégier
www.centre-cerlatez.ch

Fromagerie de Saignelégier

La plus grande des neuf fromageries fabriquant de la Tête de Moine AOP est ouverte à la visite de 15 h à 17 h en été, ou alors sur demande. Ses caves d’affinage abritent 490 000 meules de ce fromage typique.

Chemin du Finage 19
www.tdm-saignelegier.ch

Le Marché des Paysannes, Saignelégier

Tout pour votre pique-nique dans ce magasin qui propose des produits du terroir, comme du pain ou du saucisson sec, confectionnés par les membres de l’association qui gère l’échoppe.

Rue de la Gruère 1, 032 950 13 20

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Régis Colombo
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Le Null Stern, un hôtel trop nul

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Jeudi, 4 Août, 2016 - 06:00

Marie Maurisse

C’est la nuit à la belle étoile la plus chère du monde. A Safiental, dans les Grisons, dormir dans un lit double posé en pleine nature coûte la modique somme de 250 francs. «Sans immobilier, sans mur et sans toit», précise le site internet. Pas de salle de bain non plus. Le tarif comprend tout de même le service d’un majordome, une boisson de bienvenue et un petit-déjeuner.

Le groupe à l’origine de ce concept unique, «Null Stern – the only star is you», s’était déjà fait remarquer en 2008 et en 2010 pour avoir proposé des nuitées dans un bunker. Cette année, il change de cadre et se déplace dans les Grisons. Avec succès: toutes les nuits sont réservées jusqu’à la fermeture, le 31 août. Les réservations sont ouvertes pour l’année prochaine.

Les artistes suisses Frank et Patrik Riklin ainsi que l’hôtelier Daniel Charbonnier sont à l’origine de cette marque: «Zéro étoile – la seule étoile, c’est vous». Leur audace étant de proposer la sobriété maximale… au prix fort. Magie du marketing: le «luxe écologique» pousse les touristes à dépenser des fortunes pour avoir des sensations qu’ils auraient pu avoir gratuitement.

La presse internationale, elle, semble séduite et vante la «vue panoramique sur les Alpes». A croire que les journalistes anglais n’ont jamais campé. 

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Null Stern
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Françoise Gardiol: «Les nomades nourrissent la tolérance entre les civilisations»

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:49

Interview. Ethnologue formée à Paris, Françoise Gardiol, auteure d’essais sur les questions de diversité culturelle, souligne l’importance du rôle des voyageurs dans la société.

Comment devient-on nomade?

La réponse varie d’une personne à l’autre. Certains partent pour fuir un quotidien insatisfaisant. D’autres pour se découvrir ou se retrouver. Quoi qu’il en soit, la curiosité reste bien souvent le motif de départ principal, car répondre à l’appel nomade, c’est être prêt à se dépouiller de tout ce que l’on connaît, afin de trouver une autre forme de vie.

Tout partirait alors d’une envie de rébellion?

En quelque sorte, oui. Les nomades sont des idéalistes, qui assument d’aller à contre-courant de leur société. Ils expérimentent d’autres façons de vivre et montrent que celles-ci sont possibles.

Gardent-ils toutefois une place dans leur milieu d’origine?

Les nomades se tissent une nouvelle personnalité, plus ouverte. Il n’est dès lors pas rare qu’ils se sentent en décalage au moment du retour ou de séjours dans leur pays d’origine. Ils s’y révèlent en revanche indispensables. De simples citoyens, ils sont en effet devenus témoins de la diversité culturelle et humaine, et nourrissent la tolérance entre civilisations. Un rôle essentiel à l’heure où la peur de l’autre ne cesse de croître. 

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A vélo, seul ou en famille, prouver qu’une autre vie est possible

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:50

Témoignages. En solitaire, en couple ou parfois avec enfants, les nomades à vélo réalisent plus qu’un voyage. Ils adoptent une manière différente d’être au monde. De passage en Suisse, cinq d’entre eux racontent les raisons de leur départ et leur nouveau quotidien.

Ils ont tout abandonné. Remis leur logement, résilié leur assurance maladie, retiré leur inscription auprès du Contrôle des habitants. Et les voilà partis. Chacun en son temps, mais tous direction l’est, avec un objectif commun: rouler sans attendre et autant que possible. Hervé Neukomm, Claude Marthaler, Luciano Lepre ainsi que Céline et Xavier Pasche sont tous des «nomades à vélo».

Certains parmi eux appréciaient pourtant leur quotidien suisse: un entourage présent, un bel appartement, des activités et hobbys enrichissants… D’autres, au contraire, souffraient d’ennui et de décalage avec la société. Tous ont finalement obéi à ce même besoin, irrépressible: s’en aller. Qui pour vivre pleinement sa passion du vélo, qui pour assouvir sa soif de curiosité ou réaliser un vieux rêve.

«Plus qu’un projet, c’est une envie viscérale de se découvrir et de changer de mode de vie», s’accordent-ils à dire. Depuis cinq, sept ou onze ans, pas un jour ne passe sans qu’ils voyagent. Au sens propre pour Laetitia Masip et les Pasche, qui sont encore en route. Au sens figuré pour Claude Marthaler, Luciano Lepre et Hervé Neukomm qui, en Suisse ou en Colombie, accueillent des cyclonautes, organisent des conférences sur leurs aventures et repartent régulièrement sillonner les routes. Ici ou là-bas, ils vivent de leurs économies, de boulots divers et des articles ou images qu’ils réalisent.

Ils l’assument: «Etre nomade, c’est accepter les situations insolites et se laisser guider par ses intuitions et ses envies.» Seront-ils un jour repus et en quête de sédentarisation? Rien n’est moins sûr. Même si plusieurs soutiennent que, «s’il est primordial de déployer ses ailes, il est aussi important de ne pas perdre ses racines».


«Je suis tombée amoureuse de la Chine»

Laetitia Masip, 34 ans, sur la route depuis 2009. Budget mensuel: entre 500 et 1000 fr., selon les pays. Sources de financement: économies, petits boulots. Profession: volontariat. Canton: Vaud.

Elle s’est déplacée à deux roues pendant sept ans. Sa moyenne: 80 km par jour. Laetitia Masip a traversé l’Italie, la Croatie, le Monténégro, la Syrie, la Turquie ou encore l’Azerbaïdjan, avant de poser pied à terre en Chine. Là, elle s’est arrêtée sept mois pour pratiquer l’art du taï-chi. Un séjour qui marque la suite de son parcours: tombée amoureuse de l’Empire du Milieu, Laetitia Masip y revient une première fois après une année de bénévolat en Thaïlande et une seconde après des «détours» de six et deux mois au Canada et à Taïwan. Elle y restera près de deux ans en tant que guide à vélo.

En juin 2015, Laetitia Masip se retrouve en Suisse. De passage, pas de retour. S’il a duré plus longtemps que prévu, son séjour helvétique s’est en effet terminé en avril dernier, lorsqu’elle a repris la route. Avec un nouvel objectif: allier le vélo à son autre passion, l’ornithologie. Laetitia Masip se donne une année pour participer à des projets de conservation liés aux oiseaux. Elle pédale, récolte des fonds et s’attelle à vivre dans le respect de ses convictions.

www.entreicietla.com


«Tout faire comme les locaux»

Céline et Xavier Pasche, 34 et 35 ans, sur la route depuis 2010. Budget mensuel: 1000 fr. par mois. Sources de financement: économies et articles. Profession: elle, anthropologue et accompagnatrice en montagne; lui, dessinateur en bâtiment. Canton: Vaud.

Ils s’étaient fixé une destination, la Nouvelle-Zélande, et trois ans pour l’atteindre. Céline et Xavier Pasche ont finalement mis cinq ans pour rejoindre leur point final. Où dormir? Où trouver de l’eau? Quelle route choisir? Pour toute réponse, les Pasche ont décidé de suivre leur instinct. Et de tout miser sur la confiance: ne jamais cadenasser les vélos, boire l’eau comme des locaux ou encore pédaler sans se soucier à l’avance de la météo. Résultat: rien à signaler. Même l’arrivée de leur fille, Nayla, née en chemin et aujourd’hui âgée de 2 ans et demi, n’a que peu changé leur manière de voyager. «Nous avons simplement adapté notre rythme et prévu plus de moments de repos.»

De passage en Suisse durant quatre mois, le couple est reparti début mai direction le Grand Nord: Sibérie, Alaska, Canada… En route, ils réaliseront des portraits d’enfants qu’ils distribueront dans les écoles. Histoire de jouer le rôle que beaucoup attribuent aux voyageurs en tout genre: témoins des autres cultures.

www.ylia.ch


«Je ne me suis jamais senti aussi libre»

Hervé Neukomm, 37 ans, sur la route de 2004 à 2016. Pas de budget. Sources de financement: économies issues de son ancien poste de banquier au Credit Suisse puis de son activité au sein de l’agence Globetrotter. Canton: Vaud.

Hervé Neukomm est parti en septembre 2004 pour «vivre autre chose». Son idée de base était simple: relier la Suisse au Tibet, en dix mois maximum. C’était compter sans le froid des montagnes turques qui l’a poussé à bifurquer. Hervé Neukomm arrive alors en Jordanie. Il avance, se retrouve en Egypte, au Soudan et, quitte à continuer, descend jusqu’au Cap, en Afrique du Sud. Un an et demi de parcours durant lesquels l’aventurier a frôlé la mort plus d’une fois. Peu lui importe, il ne s’est «jamais senti aussi libre de sa vie». Il s’arrête toutefois deux ans, pour s’improviser guide indépendant en Namibie. Puis il repart. Oublié, le Tibet. C’est au Brésil qu’Hervé Neukomm se rend finalement. Son nouveau but? Fabriquer un bateau-vélo qui lui permette de parcourir l’Amazone.

«J’ai pédalé entre quatre et six heures par jour, parfois huit. Et, quatre ans plus tard, je suis arrivé au bout des quelque 6400 km du fleuve, à Macapá.» Un exploit qui lui a permis de trouver l’harmonie. «J’ai dû briser mes chaînes pour devenir libre. Mais je n’ai jamais oublié mes racines et j’ai appris à quel point j’ai besoin de la nature pour vivre.» Installé à Leticia, en Colombie, Hervé Neukomm s’épanouit désormais au cœur d’une réserve de 250 hectares. Il y tient une agence de voyages responsable et y mène, avec sa compagne Adriana, des projets sociaux, culturels et de conservation.

hervepuravida.com


«Je me sens bien partout»

Claude Marthaler, 55 ans, seize ans de vie pleine à vélo, puis de manière plus ponctuelle. Pas de budget. Sources de financement: conférences, activité de guide de voyages à vélo, articles pour la presse suisse et spécialisée. Profession: cyclonaute et auteur. Canton: Genève.

Ni vagabond ni sédentaire, il est un nomade avec un camp de base. S’il a un pied-à-terre à Genève, Claude Marthaler ne cesse pourtant de parcourir les routes du monde. Son plus long périple: 122 000 km parcourus entre 1994 et 2001 à travers l’Asie, les Amériques puis l’Afrique. Suivent des voyages espacés dans le temps: au Ladakh, en Bolivie, de Genève à Saint-Pétersbourg, puis trois ans entre l’Afrique et l’Asie, six mois le long de la frontière orientale de l’Europe ou, plus récemment, trois mois à Cuba ou au Tadjikistan.

Sa curiosité est sans fin. Son besoin de routine inexistant. Claude Marthaler a le goût du risque et sait qu’il se sent bien où qu’il soit. L’écriture le pousse à voyager, et le voyage le pousse à écrire. Pour preuves, il a publié huit livres, dont Le chant des roues (Olizane, 2002), Entre selle et terre (Olizane, 2009) ou encore Confidences cubaines (Transboréal, 2015). Et, comme écrire ne suffit pas, Claude Marthaler profite de chaque occasion pour parler du vélo. Lors de conférences, mais aussi dans le cadre du Café des Voyageurs et autres rencontres qu’il organise en tant que membre de PRO VELO Genève. Une manière de se sentir toujours en voyage et de soutenir le cycliste qu’il admire le plus, celui du quotidien.

www.yaksite.org


«Je me contente du minimum»

Luciano Lepre, 61 ans, sur la route de 1996 à 2004, puis de manière ponctuelle. Budget: 10 fr. par jour. Sources de financement: économies, articles, photographies. Profession: photographe. Canton: Valais.

Luciano et Verena Lepre se rendaient chaque année au Népal pour soutenir une famille et mener des projets humanitaires. Puis 1996 est arrivé. Et l’envie de rejoindre cette destination habituelle par la route. A vélo. Une épopée de quinze mois qui s’est prolongée sur deux, puis trois et finalement huit ans à travers l’Asie, l’Australie, les Amériques et l’Europe. De retour en Suisse, le couple enchaîne les conférences. Mais Luciano Lepre n’a qu’une idée en tête, repartir. Il se fixe alors une devise: suivre l’axe du plaisir.

Depuis 2010, Luciano Lepre vit plusieurs mois par an au Japon, où il officie comme guide de voyage. Le reste de l’année, il le passe à Villeneuve (VD) avec sa femme, désormais active à temps partiel dans le social. Sa philosophie de vie n’a cependant pas changé: il se contente du minimum et s’attelle à rester le plus autonome possible, sans aide de l’Etat. 

www.veraluc.com

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Alexandre Lachavanne
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L’amour est vraiment dans le pré

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:51

Reportage. Louer un taureau pour saillir les vaches d’un troupeau est de plus en plus à la mode. «L’Hebdo» est allé à la rencontre de Gospel, un limousin d’une tonne. «Il est calme, il fait le boulot quand il doit le faire», assure un professionnel, satisfait des perfomances de l’animal.

Ce premier vendredi d’août à Mont-Soleil, dans le Jura bernois, Karina, Kiléa, Koréa et leurs copines semblent avoir le cœur gros. Même le veau Domino a un air dépité. Gospel, beau taureau limousin de 5 ans a terminé sa mission de trois mois. Roland Stoller et son employé Jürg Stegmann, un jeune agriculteur de la région, viennent de le séparer du reste du troupeau. Le camion chargé de l’emmener vers sa prochaine destination doit arriver d’un moment à l’autre.

Comme Tarzan, Gregor, Nico ou Samuel, Gospel fait partie de l’équipe des 250 taureaux de location de la maison Vianco, sise en Argovie. Responsable du bétail de rente, Urs Jaquemet explique: «La location est de plus en plus à la mode dans le milieu agricole. Nous ne faisons pas de publicité. Le bouche à oreille suffit.»

De fait, rien ne vaut l’odorat d’un taureau pour reconnaître qu’une vache est en chaleur. Et agir. L’ovule n’étant fécondable que durant douze à vingt-quatre heures, l’insémination artificielle demande beaucoup d’observation et davantage de préparatifs, puisqu’il faut rentrer la vache, l’attacher et la manipuler. La location d’un taureau coûte 300 francs pour deux mois – durée de séjour minimale – puis 100 francs supplémentaires par mois. L’agriculteur peut rendre la bête lorsqu’il en a envie. Une telle location est rentable pour les propriétaires de troupeaux d’une vingtaine de vaches, vu le prix d’une insémination – soit de 50 à 60 francs – par animal.

Gospel se fiche bien de ce genre de préoccupations humaines. Ses compagnes s’approchent de l’enclos dans lequel il est enfermé pour le renifler une dernière fois et lui tenir compagnie. Il est calme. Un autre troupeau l’attend à Remaufens, dans le canton de Fribourg. Des missions, ce beau limousin en a un sacré paquet au compteur. Vingt-six plus précisément. De Courgenay (JU) à Lumbrein (GR) en passant par La Sagne, il a déjà fait le tour de la Suisse (lire ci-dessous, Un taureau au taquet). Alors les adieux, il a l’habitude.

Le camion arrive. Jürg Stegmann et le chauffeur installent des barrières qui le guideront jusqu’à la bétaillère. Ils ouvrent l’enclos. Gospel fonce sur la rampe, arrive dans la remorque, tourne plusieurs fois sur lui-même. Sa tonne de muscles fait tanguer le véhicule. Pas de doute, Karina et les autres ont croisé un sacré athlète de la reproduction. Outre ses 99 descendants légitimes, ses notes, attribuées par des professionnels selon un modèle idéal, parlent pour lui: 89-91-89.

La première note évalue son gabarit, la deuxième sa musculature et la troisième ses membres. Les notes jusqu’à 85 points sont considérées comme bonnes, celles jusqu’à 90 comme très bonnes et celles qui vont au-delà comme excellentes. Mais dans le milieu taurin, c’est un peu comme chez les humains. Urs Jaquemet: «Les bonnes notes sur l’apparence physique n’assurent pas la performance. Si un taureau est beau et ne fait pas son travail, les paysans ne seront pas contents.» Gospel, lui, a donné entière satisfaction. Roland Stoller: «Je l’ai loué, car je n’ai que sept vaches. Un taureau va mieux s’il est occupé. Ce ne serait pas le cas si j’en possédais un.»

Torrides, les taureaux

En la matière, tout est question de tempérament, et certains sont plus zélés que d’autres. «Il y en a des chauds et des moins chauds, a constaté Urs Jaquemet. Certains le font une fois, d’autres toute la journée. L’acte dure environ cinq secondes. Avec l’âge, vers 9 ou 10 ans, certains taureaux en ont un peu marre. Ils deviennent sélectifs et choisissent les femelles qu’ils veulent saillir. Pour celui qui loue un tel animal, ce n’est pas très drôle.» Mais foin de jeunisme dans la profession, ceux qui imaginent que les éléments frais émoulus sont plus performants se mettent le doigt dans l’œil.

Urs Jaquemet détaille: «Les tout jeunes ne savent pas comment ça fonctionne. De plus, certains, qui sont plus petits que les vaches qu’ils ont l’ambition de saillir, versent sur le dos pendant l’acte et se cassent la queue. Celle de derrière, évidemment.» Et Gospel? «Il est calme. Il fait le boulot quand il doit le faire.»

Les mâles les plus demandés sont ceux âgés de 11 ans. Il leur reste alors, en moyenne, trois ou quatre ans de carrière devant eux avant de terminer en tartare, en viande séchée ou en hamburger. Mais, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, le pire ennemi de ces reproducteurs n’est pas l’âge mais le poids.

Un taureau d’une tonne qui saillit des génisses de 400 à 500 kilos, «ça peut poser des problèmes dans la mécanique», selon Urs Jaquemet. De plus, un animal trop volumineux ne pourra pas occuper une couchette pour les vaches, ce qui pose problème. Un gabarit trop imposant pourrait alors signifier la fin des plaisirs terrestres et un ultime voyage direction Vianco. Mais le retour chez l’employeur n’est pas forcément fatal. Les collaborateurs bovins y séjournent souvent aux mois d’octobre et de novembre, quand le travail sur appel vient à manquer. Il arrive également que, entre deux missions, un taureau retourne dans l’entreprise pour une pédicure. «Nous avons un stand de contention. Les pieds de la bête sont fixés. Les vrais professionnels travaillent avec une meule.»

Le temps est venu de démarrer. Les déplacements, ce n’est pas une partie de plaisir pour Gospel. Rester enfermé des heures dans un petit espace, alors qu’il vient de passer trois mois au grand air, ça rend nerveux. Un dernier coup d’œil à travers une des lucarnes latérales de la bétaillère en direction de ses ex-compagnes, un ultime beuglement, et c’est parti.

Falballa renifle le camion

Il est 13 h 15, ce premier samedi d’août, et le soleil joue à cache-cache derrière les nuages, là-haut sur la montagne, au-dessus de Montreux. Agriculteur de 41 ans, Gabriel Villard s’apprête à ouvrir la porte de sa remorque à bestiaux. A l’intérieur, Gospel, qui est arrivé la veille dans la ferme de l’agriculteur, à Remaufens. L’homme et la bête ont alors fait connaissance. L’éleveur a mis une heure pour le conduire dans les pâturages de Chessy, qu’il afferme pour son troupeau. Curieuses, Océane, Vanina, Diane, Falballa, Binocle et toutes les autres reniflent le camion. Visiblement, Gospel n’a pas perdu au change.

«Ces demoiselles l’attendaient depuis une semaine…» rigole ce père de famille qui loue un taureau pour la première fois. On est tard dans la saison et il voulait une bête expérimentée pour couvrir sa trentaine de génisses. Le fermier ouvre la porte arrière qui se transforme en rampe. Gospel regarde autour de lui, relax. En vrai pro, il sort calmement du camion. Très vite, son troupeau l’entoure. Tout le monde renifle tout le monde. Sa mission peut commencer. Gabriel Villard évoque son dernier taureau, Fabuleux, auquel il s’était attaché, mais qui a fini en saucisses, en raison de problèmes aux pattes. S’attacher à un taureau, ça se traduit comment?

«On le garde deux ans de plus qu’il ne faudrait. On lui donne un coup de kärcher sur le dos, de temps en temps, pour lui faire plaisir. De son côté, il venait vers moi et il s’appuyait.» Mais Gabriel Villard reste toujours sur ses gardes. «Manipuler un taureau, ce n’est pas anodin. Une bête comme ça, il ne faut jamais la taper ni la brusquer. Il te le rend un jour. C’est rancunier, un taureau.» Un tel animal peut être dangereux pour les promeneurs. Son conseil? «Il faut que les gens passent au loin, car il protège son troupeau.» Et à quoi reconnaît-il qu’un taureau a un caractère agréable? «Si je peux lui mettre la main sur le cul, c’est un bon type…»


Un taureau au taquet

Gospel va de canton en canton, passe plusieurs semaines au sein de chaque troupeau de vaches visité.

  • 28 septembre 2011 naissance à Remaufens (FR)
  • 23 janvier 2013 premier emploi de reproducteur à Courgenay (JU)
  • 10 juin 2013 nouvelle tournée, qui passe par les cantons de Glaris et d’Argovie
  • 31 janvier 2014 départ pour les Grisons et Berne
  • 4 décembre 2014 missions à Grabs (SG) puis à Lumbrein (GR)
  • 27 avril 2015 mandats dans les cantons de Zurich puis du Jura
  • 15 mars 2016 attendu dans les cantons de Neuchâtel et de Berne
  • 5 août 2016 dépêché à Remaufens (FR)

Profil

Gospel

  • Né: 28 septembre 2011, vêlage facile
  • Poids à la naissance: 39 kg; croissance journalière: 1200 g
  • Race: limousine
  • Père: Cristal
  • Mère: Utopie
  • Grand-père paternel: Talent
  • Grand-mère paternelle: Ricorée
  • Grand-père maternel: Satan
  • Grand-mère maternelle: Protéine
  • Poids actuel (estimé): 1 tonne
  • Nombre de postes de travail: 26
  • Nombre de descendants légitimes: 99 (soit des bovins labellisés Vache Mère Suisse, donnant de la viande Natura-Beef, Natura-Veal ou SwissPrimGourmet)
  • Tempérament: très calme
  • Défauts: aucun
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Les forçats du rêve olympique chinois

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:54

Julie Zaugg

Reportage. L’Empire du Milieu multiplie les médailles à Rio de Janeiro. Un succès fondé sur un système d’académies sportives brutales, véritables usines à athlètes, qui broient les esprits et les corps.

Les deux plongeurs chinois sont en équilibre au bord de la planche, raides comme des piquets. Ils prennent une inspiration, fléchissent les genoux et s’élancent dans les airs, tourbillonnant sur eux-mêmes, parfaitement synchronisés, avant de fendre l’eau presque sans faire d’éclaboussures. Chen Aisen et son partenaire Lin Yue sont en lice pour le plongeon synchronisé à 10 mètres aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro. Le troisième tour vient de se terminer et ils sont en tête du classement.

De l’autre côté du globe, à l’académie sportive Wei-Lun, à Guangzhou, il est 3 heures du matin. La mère de Chen Aisen, sa coach et une poignée de membres de l’équipe de plongeon de l’école sont venus assister au sacre d’un des leurs, diffusé sur grand écran dans une petite salle décorée de drapeaux olympiques et de bannières chinoises. «En se rendant aux JO, mon fils a réalisé la moitié de son rêve, glisse la mère de cet athlète qui a commencé à s’entraîner à 3 ans. S’il reçoit l’or, il l’aura accompli en entier.» Le sixième et dernier tour s’achève. Les deux plongeurs ont réalisé un saut parfait. Ils ont gagné.

Machine à médailles d’or

La Chine, qui a la plus importante délégation à Rio avec 416 athlètes, est une machine à remporter des médailles d’or. A Londres en 2012, elle en a récolté 38, devancée uniquement par les Etats-Unis. Quatre ans plus tôt, alors qu’elle hébergeait les Jeux sur son territoire, à Pékin, elle en a obtenu 51, loin devant les 36 médailles d’or américaines.

Il n’en a pas toujours été ainsi. La Chine a boycotté les Jeux olympiques entre 1952 et 1980 pour protester contre le droit accordé à Taiwan de concourir en tant que nation indépendante. Le Comité olympique est toutefois revenu sur cette décision en 1979, et Pékin a repris sa place dans la famille olympique.

«Les Jeux d’été de 1984 à Los Angeles marquent le début de la montée en puissance de la Chine», relève David Wallechinsky, président de la Société internationale des historiens olympiques. L’ascension a été fulgurante: si le pays n’a occupé la première place du podium que cinq fois à Séoul en 1988, il a obtenu l’or 32 fois à Athènes en 2004, se hissant à la deuxième place du classement des médailles.

Pour la Chine, les Jeux olympiques représentent un outil diplomatique. «A partir des années 80, Pékin s’en est servi pour prouver l’émergence d’une Chine nouvelle qui joue un rôle dominant sur la scène internationale, mais aussi pour montrer au reste du monde l’image d’une nation ouverte et moderne», détaille Xu Guoqi, historien, auteur de l’ouvrage Olympic Dreams: China and Sports.

Pour réaliser son rêve olympique, Pékin a mis en place un système de formation des athlètes centralisé, géré par l’Etat. Des millions ont été dépensés pour débaucher des entraîneurs à l’étranger, construire des infrastructures sportives de luxe et adopter les dernières technologies en matière de science du sport. «En gymnastique, les coachs travaillent en binôme avec des biomécaniciens qui passent leur temps à analyser, au ralenti, des vidéos des figures accomplies par les athlètes», raconte Jeff Thomson, un coach de gymnastique canadien qui a observé les entraînements en Chine.

Pour maximiser ses chances, Pékin a mis l’accent sur les disciplines qui comportent un grand nombre de spécialités – et donc de médailles – comme la natation, la gymnastique, le judo, le canoë-kayak ou le plongeon. «Le gouvernement a en outre identifié un certain nombre de sports pratiqués seulement par un petit nombre de pays, où la compétition n’est pas très forte, comme le tir, le tennis de table ou le badminton», précise David Wallechinsky. Constatant que le taekwondo était pratiqué essentiellement par des athlètes coréens, la Chine a monté sa première équipe nationale en 1995, remportant l’or en 2000 à Sydney.

Le sport féminin, systématiquement sous-financé, a lui aussi capté l’attention du gouvernement. Il a mis sur pied un ambitieux programme d’entraînement pour l’haltérophilie féminine, obtenant une médaille d’or en 2004 à Athènes.

Mais la véritable colonne vertébrale de la machine olympique chinoise, ce sont les 2183 académies sportives du pays, qui hébergent quelque 400 000 élèves. Liang Cheng avait 6 ou 7 ans lorsqu’il a été recruté pour devenir gymnaste professionnel. «Des gens du gouvernement sont venus dans mon école et ont sélectionné les enfants les plus prometteurs en nous observant et en nous demandant d’effectuer des exercices», se souvient-il.

Pékin a mis sur pied un vaste réseau de découvreurs de talents qui sillonnent le pays en quête de la prochaine star olympique. Ils passent les enfants en revue, à la recherche de certaines caractéristiques physiques. Ceux avec de bons réflexes et une bonne coordination se formeront au tennis de table; ceux avec de grandes mains et des bras courts se mettront à l’haltérophilie; ceux qui sont flexibles et ont de l’équilibre deviendront gymnastes ou plongeurs.

Après s’être fait repérer, Liang Cheng a été enrôlé dans un internat sportif dans la capitale provinciale de Hangzhou, à plusieurs centaines de kilomètres de sa ville natale, Wenzhou. Il n’a presque plus revu sa famille. «J’ai récemment renoué contact avec mon frère, relate le gymnaste âgé de 42 ans. Je le connaissais à peine, car j’avais passé si peu de temps avec lui.»

La plupart des enfants envoyés dans ces écoles sont des fils et filles de paysans ou d’ouvriers. La famille de Liang Cheng est issue de la classe moyenne, mais elle a tout perdu durant la révolution culturelle. «Pour ces gens, la chance de recevoir une formation sportive professionnelle aux frais de l’Etat est perçue comme une aubaine», souligne Jeff Thomson.

Discipline de fer

Dans ces internats sportifs, il règne une discipline de fer. «Leurs méthodes sont directement inspirées de celles employées dans l’ancien bloc soviétique», note Susan Brownell, anthropologue spécialisée dans le sport chinois. Celles qui ont produit les gymnastes roumaines et les nageuses est-allemandes des années 80.

Le lendemain de la victoire de Chen Aisen, la vie a repris son cours normal à l’académie Wei-Lun, à Guangzhou. De jeunes coureurs d’endurance à la musculature impressionnante font des tours de terrain pendant que l’équipe de badminton s’échauffe sur un carré d’herbe. Ce campus héberge plus de 1300 élèves âgés de 5 à 18 ans. «Nous avons déjà envoyé plus de 20 athlètes aux Jeux olympiques, indique l’entraîneur en chef de l’école, Zhang Yongchun. Nos principales forces sont le plongeon, la gymnastique, l’escrime, le trampoline et le tennis de table.»

Dans l’un des immeubles rose pâle qui abritent les salles d’entraînement, la session de trampoline bat son plein. Un garçonnet âgé de 7 ans saute, rebondit, saute plus haut encore, puis effectue une pirouette sous le regard attentif de sa coach, qui hurle des instructions depuis une estrade. Au sol, une fillette fait la planche en grimaçant, un chronomètre placé devant elle. Il fait une chaleur moite et étouffante. Les seuls bruits sont ceux des ressorts des trampolines qui se détendent à chaque fois qu’un gamin se hisse dans les airs et le râle poussif d’un vieux ventilateur.

«Nous nous entraînions avant le petit-déjeuner, le matin, l’après-midi et même le soir, se souvient Liang Cheng. La seule pause était une courte sieste après le repas de midi.» Ce régime draconien ne laisse que peu de place aux études. «La plupart de ces jeunes athlètes ne vont plus du tout à l’école ou seulement quelques heures par semaine», note Susan Brownell. Beaucoup savent à peine lire.

La surveillance ne se relâche jamais. «Les athlètes passent vingt-quatre heures sur vingt-quatre ensemble, dormant dans des dortoirs, mangeant à la cantine, raconte Marek Ploch, un coach polonais de canoéisme qui a entraîné l’équipe nationale chinoise entre 2002 et 2010. Ils sont traités comme à l’armée, obligés de marcher en file indienne dans les couloirs.» Les loisirs et les visites familiales ne sont pas encouragés.
L’entraînement lui-même est fondé sur la répétition et la routine. Les jeunes archers passent une année entière à s’exercer à tendre puis à relâcher la corde de l’arc avant même d’avoir le droit de tirer une seule flèche.

Les méthodes employées peuvent être brutales: les histoires de gymnastes dont les jambes sont nouées durant la nuit pour accroître leur flexibilité, de plongeuses battues par leur coach ou de marathoniens obligés de boire du sang de tortue pour accroître leur endurance abondent.

La nouvelle volée d’élèves de plongeon de l’école Wei-Lun vient d’arriver. Agés de 5 ans à peine, ils s’exercent à faire le grand écart sur des tapis de gym bleus qui sentent la transpiration, pendant que leurs collègues un peu plus âgés s’élancent depuis des planches qui donnent sur des bassins remplis de cubes de mousse jaune. L’une des coachs s’approche d’un garçonnet en t-shirt jaune, pose un pied sur une de ses jambes, saisit l’autre et la tend derrière sa tête. Il crie de douleur et fond en larmes. Au fond de la salle, une bannière somme ces sportifs en herbe de «travailler ensemble pour la gloire du plongeon chinois».

Dérapages fréquents

La pression pour obtenir des résultats est forte. «Les gymnastes de l’équipe nationale qui ne progressaient pas assez vite étaient aussitôt rétrogradés au niveau provincial», se remémore Liang Cheng, qui a dû renoncer à sa carrière à 22 ans, juste avant les Jeux olympiques de 1996 à Atlanta, à cause d’une blessure. Moins de 1% des élèves enrôlés dans les académies sportives atteignent les JO.

Dans ce climat, les dérapages sont fréquents. En 2006, l’académie sportive de Liaoning a été condamnée pour avoir régulièrement injecté des stéroïdes à ses élèves. Lorsqu’un nouveau test antidopage portant sur l’érythropoïétine a été annoncé juste avant les JO de Sydney, l’équipe chinoise a subitement perdu 10% de ses membres.

Les soupçons de dopage sont particulièrement forts dans la natation. A Londres en 2012, la nageuse Ye Shiwen (16 ans) a battu un record mondial et obtenu deux médailles d’or, effectuant sa dernière traversée plus rapidement que le prodige américain Ryan Lochte. «Incroyable, dérangeant et suspicieux», a commenté John Leonard, le directeur de l’Association américaine des coachs de natation.

Le calvaire des sportifs chinois ne s’arrête pas là. Yang Wenjun avait 19 ans lorsque le coach de canoë Marek Ploch l’a rencontré. «Il n’était que le numéro 6 chinois, mais son talent exceptionnel était déjà évident», se souvient le Polonais. Ses efforts étaient toutefois freinés par une hépatite qui l’affectait depuis l’enfance. «Cela le fatiguait beaucoup et l’empêchait de forcer sur les entraînements», se remémore son ancien coach. Qu’importe, il persévère. En 2004, il obtient l’or aux Jeux olympiques d’Athènes, en duo avec son partenaire.

Epuisé, il veut prendre sa retraite. Mais les autorités sportives chinoises ne l’entendent pas de cette oreille. Elles iront jusqu’à le menacer de lui enlever l’appartement offert quelques années plus tôt – dans lequel vit toute sa famille – ainsi que les emplois de fonctionnaires fournis à ses parents. Ce fils de paysans choisit de continuer et remporte de nouveau l’or en 2008 à Pékin. En 2010, on l’autorise enfin à arrêter la compétition.

Même à la retraite, le sort des athlètes n’est pas assuré. «Ils se font en général promettre un emploi dans une entreprise publique ou au sein d’une fédération sportive, mais ces engagements ne sont pas toujours tenus et leur manque d’éducation rend toute reconversion difficile», relève Susan Brownell.

Zhou Chunlan, une ancienne haltérophile, s’est retrouvée à travailler dans un bain public pour 10 centimes de l’heure. La marathonienne Ai Dongmei a revendu toutes ses médailles et s’est mise à vendre du popcorn le long de la route. Le gymnaste Liang Cheng, après sa blessure, a pour sa part émigré au Canada et est devenu coach dans un club de gymnastique de l’Alberta.

Si les académies sportives et leurs entraînements stakhanovistes restent au cœur de la machine olympique chinoise, le pays a commencé une lente évolution. «Les parents issus des nouvelles classes moyennes n’ont plus envie d’envoyer leurs enfants dans l’une de ces écoles brutales», fait remarquer Susan Brownell.

En parallèle, l’Etat a pris conscience de l’importance de promouvoir la pratique du sport auprès de la population. Une partie des fonds autrefois consacrés à la quête de médailles aux JO est désormais attribuée à des campagnes de santé publique et au développement d’une infrastructure sportive dans les écoles.

Au Canada, Liang Cheng a été frappé de constater que la gymnastique n’était pas réservée aux sportifs d’élite. «Tout le monde en faisait pour le plaisir, les enfants comme les adultes», sourit-il. En 2010, il a décidé de transposer cette idée en Chine avec Jeff Thomson.

Les deux hommes ont créé leur premier club de gymnastique, Inspire Sports, en 2011 non loin de Shanghai. Le succès a été immédiat. Trois autres ont vu le jour depuis. Pour distinguer leur initiative des austères académies de gymnastique, ils ont dû modifier le nom de la discipline. Ils l’ont renommée happy gymnastics. 

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Les balades qui font du bien: mon premier 4000

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:56

Florian Fischbacher

Zermatt. Expérience faite, le Breithorn, 4164 mètres d’altitude, tient sa promesse de sommet le plus accessible des Alpes pour qui veut franchir la limite symbolique.

Il est là, à quelques pas. Le temps d’équiper ses chaussures de crampons, de s’encorder, de régler ses bâtons de marche, et l’ascension peut commencer. En un peu moins de deux heures, le sommet sera atteint, la limite des 4000 mètres enfin franchie.

Cette impatience se manifeste dès la sortie de la station du téléphérique au Petit-Cervin, à 3820 mètres, où le tracé menant au sommet du Breithorn tant convoité apparaît. On distingue alors facilement le parcours à emprunter, ces 344 mètres de dénivelé qui commencent par une sorte de combe et se poursuivent par l’ascension sur le versant sud.

Rapidement, le souffle se fait court, les pulsations s’affolent à la moindre accélération, au moindre changement de déclivité. Pause, le temps de boire un peu d’eau. Le soleil matinal est déjà puissant, la neige éblouissante. Et le paysage s’élargit à chaque pas.

Encore quelques lacets sur la pente gelée, et le plus «dur» sera fait. Il ne reste plus qu’à longer la crête. Des rafales de vent chargé de cristaux de glace fouettent le visage. Le froid se fait hivernal. Contraste indéniable avec les prémices d’une chaude journée d’été ressenties en plaine au moment du départ, bien avant le lever du soleil.

Enfin le sommet, avec ses 4164 mètres d’altitude. Le plaisir se révèle intense. Et tant pis si ce moment d’émotion se partage avec des dizaines d’autres grimpeurs du dimanche. D’ailleurs, l’affluence est vite oubliée devant le spectacle: la vue sur les Alpes suisses, italiennes et françaises est infinie.

Impression de dominer le paysage

A l’est, Castor et Pollux annoncent le massif du Mont-Rose. Son point culminant, la Pointe-Dufour, plus haut sommet de Suisse avec ses 4634 mètres, semble tout proche. De l’autre côté, à l’ouest, le Cervin exhibe un profil moins célèbre que sur les cartes postales. On aperçoit au loin le Mont-Blanc. En face, d’autres 4000, comme le Zinalrothorn ou encore le Weisshorn. A nos pieds, tout en bas dans la vallée, le village de Zermatt et ses minuscules toits gris. Après une petite collation, quelques photos, puis un dernier regard, retour au téléphérique par le même chemin.

Gravi pour la première fois en août 1813, à pied depuis Zermatt, le Breithorn n’a plus rien d’une montagne inabordable depuis longtemps. Mais peu importe que son ascension n’exige aucune expérience technique, ne nécessite aucun dépassement de soi, le sommet s’élevant à plus de 4000 mètres, le symbole reste, lui, intact.

Parcours: station du téléphérique du Petit-Cervin – Breithorn. L’accompagnement d’un guide est fortement conseillé aux personnes peu aguerries à la haute montagne.
Durée: de 3 h 30 à 4 h (de 1 h 30 à 2 h de montée). Remontées mécaniques: l’aller-retour entre Zermatt et le Petit-Cervin coûte 100 francs (50 pour les détenteurs d’un abonnement général ou demi-tarif). Premier départ à 6 h 30.


Nos adresses dans les environs

Bergrestaurant Furri, Furi

D’excellents röstis et tartes aux fruits servis sur une terrasse abritée. A proximité, d’autres buvettes et restaurants.

(027 966 27 77)
www.bergrestaurantfurri.cha

Restaurant Zum See, Zum See

Dans un ravissant hameau situé entre Furi et Zermatt, cet établissement de charme, réputé, propose une cuisine savoureuse, authentique. Et bien sûr les indispensables tartes d’après-balade

(027 967 20 45)
www.chalet-altesserestaurant-zumsee.ch

Cimetière des alpinistes, Zermatt 

La visite de ce lieu reste toujours un moment émouvant. Gravés sur des pierres tombales, des noms d’alpinistes du monde entier et ceux de guides du village. Depuis 2015, centenaire de la première ascension du Cervin, il abrite aussi la «tombe de l’alpiniste inconnu», dédiée à la mémoire des quelque 500 personnes qui ont perdu la vie sur ses pentes.

Englischer Viertel 8

Petit-Cervin

Le sommet (3883 m) est accessible depuis la station homonyme. Un ascenseur permet d’approcher sans peine la plateforme qui offre un panorama sur les montagnes avoisinantes, dont le Breithorn. Possibilité de visiter le Palais de Glace creusé à 15 mètres sous la surface du glacier. (entrée 8 et 4 francs).

Retrouvez chaque semaine nos nouvelles propositionsde balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacundes itinéraires sur heb.do/balades

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Meapasculpa: Justin et George aiment les filles

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:56

Il y a quelque temps, on apprenait que le chanteur Justin Bieber, en quête de reconnaissance par le milieu du cinéma, refusait de tourner un film dans lequel le chanteur qu’il aurait incarné avait une relation érotique avec un autre homme. Si, dans le cas particulier de Justin Bieber, cela prouve qu’il n’a définitivement pas l’étoffe d’un comédien, la question soulève un champ d’ambiguïtés lié au désir et au cinéma absolument passionnant.

Moi-même, je m’interroge: si George Clooney était gay, et que son mariage avec la brillantissime Amal Alamuddin n’était qu’une simple couverture pour mieux le lancer dans une carrière politique, comme de persistantes rumeurs ne cessent de l’affirmer, l’aimerais-je autant au cinéma? Serais-je autant séduite, prise, emballée, lorsque ses personnages tombent amoureux de filles auxquelles je m’identifie forcément en tant que spectatrice? Nous avons beau savoir que c’est du cinéma, nous avons aussi besoin d’y croire.

Le monde des fans de Twilight s’est écroulé lorsqu’ils ont appris que le couple fabuleux et mythique formé par Kristen Stewart (ci-contre) et Robert Pattinson ne durerait pas plus que le temps de la saga, et que Bella préférait finalement les filles comme Soko ou Alicia Cargile, car cela prouvait aux malheureux que tout ceci n’était réellement que du cinéma.

Justin Bieber n’a évidemment rien contre les gays mais une peur bleue qu’un rôle de gay au cinéma atténue l’hystérie de ses fans filles, qui se sentiraient trahies par leur idole. Aucune d’entre elles, ou presque, ne va un jour réellement avoir une relation avec Justin. Mais c’est comme au cinéma: il faut croire à la possible réalisation du désir pour éprouver le désir – et acheter son ticket de cinéma ou sa place de concert.

Justin a hélas raison: c’est plus grave pour les hommes. Les garçons adorent regarder des scènes érotiques de filles entre elles, genre Naomi Watts et Laura Harring dans Mulholland Drive ou Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos dans La vie d’Adèle. Ils s’imaginent très bien inclure leur propre personne dans le jeu – un effet sans doute de la suffisance mâle à se juger irremplaçable. En tous les cas, ils ne voient pas comme un obstacle à leur propre libido l’apparente préférence de la demoiselle pour une autre demoiselle. Et les exemples de femmes stars qui passent d’un sexe à l’autre, genre Madonna ou Amber Heard, abondent. Contrairement aux hommes, dont aucun n’est officiellement revenu du gay pays pour celui de Barbie.

Donc, cher George, messieurs les acteurs, moins on en sait sur votre vie privée et sexuelle, mieux c’est. Vous êtes au service de nos fantasmes. Restez vierges, pages blanches sur lesquelles nous écrivons nos jours, et nos nuits.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Livetrotters: Ariane et Bassel, «digital couple»

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:57

Raphaël Surmont

Reportage. Elle est Française, il est Egyptien, ils se sont connus il y a seize ans au Caire. Travailleurs numériques indépendants, ils parcourent le monde. Raphaël les a rencontrés à Rouen, en Normandie.

Le climat suffocant d’Athènes est un lointain souvenir lorsque je débarque, un peu par hasard, à Rouen. C’est ma première fois dans cette belle région de Normandie. Les mouettes – la mer n’est pas loin –, les rues désertes, des églises gothiques de taille pharaonique et des bâtisses boisées, à colombages, pleines de couleurs. Un prêtre catholique a été assassiné en son église le 26 juillet, à Saint-Etienne-du-Rouvray, dans la banlieue rouennaise, attentat revendiqué par l’Etat islamique. Pour autant, je ne ressens aucune tension particulière dans les rues du chef-lieu de la Seine-Maritime. L’armée et la police ne se signalent pas par leur omniprésence. Comme si rien ne s’était passé.

Je suis en ville pour quelques jours, le temps de rencontrer Ariane et Bassel, un couple proprement atypique: lui est Egyptien, parle arabe, anglais et français; elle est Française, parle français, anglais et espagnol. Ils parcourent le monde tout en travaillant comme digital nomads depuis plus de quinze ans. J’ai découvert ce couple via leur page Facebook, 2Digitalnomads, lorsque j’étais dans l’une des périodes les plus difficiles de mon voyage.

La désillusion était bien réelle, je n’arrivais pas à trouver de «migrants numériques» dans les espaces de coworking berlinois et je me désespérais. Je songeais à changer de stratégie mais, dans un subit élan d’esprit positif, je suis reparti à la recherche de couples ou de groupes qui voyagent et travaillent ensemble pour aller les questionner sur cette vie d’itinérance.

Après quelques messages échangés avec 2Digitalnomads, nous convenons d’un rendez-vous pour un premier contact par vidéoconférence. Des plus concluants. Ariane et Bassel, je m’en rendrai compte, ont tout d’un couple passionné et passionnel, animé d’un même enthousiasme pour le voyage et la liberté. A mon retour d’Athènes, je pars à leur rencontre. C’est aussi ça, être digital nomad, une flexibilité géographique qui n’a de limites que ses envies, son moral et son budget… Me voici donc à Rouen, où la Française et l’Egyptien sont pour l’instant établis.

Toronto, 25 novembre 2010

Direction le Now Coworking, logé dans les anciens locaux d’une grande marque de production de yogourts, complètement rénovés par les deux associés et fondateurs du lieu: Pascal Givon et Edouard Laubiès. Cet espace dédié au cotravail est le plus grand de Rouen. J’y suis accueilli chaleureusement par Chris, gestionnaire des lieux. L’endroit comprend de nombreux espaces de travail plus originaux les uns que les autres ainsi qu’une grande surface commune bénéficiant de la lumière naturelle diffusée par un toit vitré. C’est là qu’a lieu l’entretien avec les fondateurs de 2Digitalnomads.

Bassel est user experience, UX dans le riche et fourni jargon numérique. Designer indépendant, il s’occupe, entre autres activités, d’optimiser le parcours des utilisateurs sur un site web. Ariane, quant à elle, est prof de FLE (français langue étrangère). C’est grâce à ses activités liées à l’internet que ce couple finance ses voyages sans relâche depuis plus de dix ans. Tout a commencé, entre eux, par une rencontre, il y a seize ans, au Caire, en Egypte. Un ami suisse de Bassel avait facilité les choses. En 2001, au début de leur histoire, donc, Ariane et Bassel sont des employés lambda, avec des horaires standard, «9 to 5», comme on l’entend dire en anglais. L’envie de changement les taraude fortement.

Saisissant une occasion professionnelle qui s’offre à eux au Canada, et bien qu’ayant tous deux la quarantaine à l’époque, ils se lancent dans la grande aventure, créent 2Digitalnomads et partent d’Egypte pour rejoindre le continent américain. Bassel a entre-temps quitté son emploi salarié d’UX, devient indépendant dans le même secteur. Et comme, de son côté, Ariane peut enseigner par internet, plus rien ne les retient en Egypte.

Arrivés au Canada, à Toronto, le 25 novembre 2010, pensant rester deux ans dans le pays, ils commencent par le sillonner d’un bout à l’autre tout en menant de front leurs activités professionnelles. Souhaitant partager leurs expériences de la route, nos deux néonomades tiennent un blog. Leur carnet de voyage se transforme progressivement en véritable «guide du routard», suivi par plusieurs centaines de personnes. Le succès aidant, ils parviennent à générer un petit revenu, grâce à des affiliations (promotions commerciales).

Google maps ou café?

Le couple étend ses voyages au reste du continent américain. Ils pratiquent un slow travel, un tourisme qui prend son temps, visitent les Etats-Unis et l’Amérique du Sud, alimentent leurs réseaux sociaux et deviennent, sans le savoir, de véritables précurseurs du nomadisme numérique, qu’ils pratiquent maintenant depuis quinze ans. Quand on les écoute, on aperçoit leur côté fusionnel: chacun complète la phrase de l’autre, de mêmes idées surgissent dans leur tête au même moment.

Les inévitables défis et obstacles rencontrés en chemin ont mis leur couple à rude épreuve. Ariane et Bassel ont appris à vivre ensemble jour et nuit, à se prêter mutuellement attention, à mener la barque à tour de rôle, à faire des concessions, à prendre des décisions et à travailler main dans la main. En Amérique du Sud, c’est Ariane qui, comme elle parle l’espagnol, a pris la direction des opérations, le «lead», dit-elle. Voyager n’est pas que du bonheur, c’est aussi du stress.

Dès l’arrivée dans un lieu déterminé, il faut s’assurer des besoins fondamentaux (se nourrir, se loger) et, surtout, trouver un lieu connecté au réseau pour travailler – les affres de la logistique. N’allez pas croire que ce sont là des vacances, c’est un style de vie où l’indépendance contient, on s’en doute, des contraintes.

Question travail, Ariane et Bassel ne sont pas des usagers assidus des espaces de coworking, hélas un peu trop chers pour eux. Ils préfèrent travailler depuis leur Airbnb ou leur chambre d’hôtel.

Quand on voyage seul, Bassel recommande d’utiliser les réseaux ou groupes de digital nomads sur Facebook pour se créer des contacts. C’est même la première démarche à entreprendre. Le couple n’est pas branché boulot uniquement. Nouer des liens, fussent-ils éphémères, avec les gens des pays traversés, c’est essentiel. «La meilleure façon d’y arriver, ce n’est pas en gardant son nez collé à Google Maps, mais en entrant dans un café», rappelle Ariane. Fréquenter les mêmes endroits durant plusieurs jours permet de créer une routine et, l’air de rien, de faire partie de la vie locale. Ariane et Bassel ne rencontrent pas à tous les coups des nomades numériques sur la route.

Néanmoins, c’est souvent chez ces derniers qu’ils trouvent où se loger, via la plateforme Couchsurfing ou, bien sûr, Airbnb. Après l’Egypte, le Canada, les Etats-Unis, l’Equateur, la Bolivie, la Thaïlande, le Laos, la Malaisie, l’Espagne et d’autres pays d’Europe, Ariane et Bassel visent l’Afrique dès 2017. Comme toujours, ils partageront aventures et conseils sur leurs réseaux sociaux à l’adresse 2Digitalnomads.

C’est avec un petit pincement au cœur que je les quitte au terme de deux merveilleuses journées passées à visiter le centre historique de Rouen aux côtés de ces deux experts du voyage, sans me douter qu’un des soirs mêmes de ma présence dans cette ville un nouveau drame la frappait: vendredi 5 août, treize jeunes de ma génération perdaient la vie dans le terrible incendie du sous-sol d’un bar.


Où sont les autres livetrotters? que font-ils?

Bilbao
Jacqueline Pirszel

Elle a quitté le bord de la Baltique pour une façade maritime plus au sud: Bilbao. Au Pays basque, la concurrence asiatique a fait un mal fou à l’activité navale, à l’industrie du fer en général, dont le musée Guggenheim, appelé familièrement ici la Niche du chien, est un témoignage.

Catane
Nina Seddik

Elle nous entraîne dans un néoréalisme sicilien, fait de rapports ambigus et parfois malsains entre locaux et migrants érythréens. D’autres réfugiés s’adonnent à un commerce humain qui ne dit pas son nom. A Catane, comme dans beaucoup d’endroits du monde, place aux règles rudes de la survie. 

Athènes
Marie Romanens

La semaine dernière dans les Cyclades, la voici à Athènes, où elle fait la connaissance de Giannis. Cet ovni de 31 ans a gardé foi en son pays frappé par la crise et soumis à une sévère cure d’austérité. Il travaille, de chez ses parents, à un projet de jardin potager en ville, appelé Urban Hydroponics. 

Madrid
Aude Haenni

Marlène est partie de Saint-Imier, dans le Jura bernois, il y a trente ans, et vit depuis lors avec Mariano à Madrid. Ils ont deux enfants et tiennent La Fondue de Tell, un restaurant suisse qui fait moins recette par 35 degrés l’été en terre castillane, mais a déjà vingt ans d’existence et de nombreux habitués. Le récit d'Aude. 

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Les balades qui font du bien: le dernier chemin muletier des Alpes

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:57

Col de la Gemmi. Situé au-dessus de Loèche, le passage reliant le Valais au canton de Berne permet au randonneur de marcher sur les traces de l’histoire dans un cadre qui évoque le Grand Nord scandinave.

Juché à 2314 mètres d’altitude, le col de la Gemmi offre deux faces très contrastées. Au sud, un gouffre vertigineux plonge vers le village de Loèche, qui se devine au travers des nuages remontant de la vallée. Au nord, un plateau sauvage, doucement incliné, par paliers, descend vers le village bernois de Kandersteg. Pendant des siècles, les marchands et leurs mulets se sont croisés sur cette voie reliant le plateau suisse au Valais.

Aujourd’hui, les randonneurs les ont remplacés, mais le chemin est demeuré à l’identique puisque aucune route n’a été construite.
Témoin de cette époque révolue, l’hôtel Schwarenbach, solide maison de pierres de taille édifiée à 2060 mètres d’altitude sur un contrefort de la Felshore du côté nord du col, se propose aujourd’hui comme étape à mi-parcours. Les randonneurs y sont nombreux à prendre un verre, à dévorer le plat du jour ou même à passer la nuit dans la paix d’une des régions les plus isolées de Suisse.

Mais il n’en a pas toujours été ainsi. «Lors de son édification en 1742, l’immeuble servait de douane. Il est aujourd’hui l’un des plus anciens hôtels des Alpes», soutient son propriétaire, Peter Stoller. Cette douane permettait au Valais de prélever ses droits d’entrée auprès des voyageurs provenant du canton de Berne, la frontière, évitant les crêtes, passant quelque peu en aval du col côté Kandersteg. Après la suppression des barrières intérieures en Suisse, c’est l’essor du tourisme qui a conféré une nouvelle vie à la vénérable bâtisse.

Avant de mériter la terrasse avec vue sur les torrents et les marmottes, le randonneur doit livrer sa part d’effort. En premier lieu, s’il part de Loèche-les-Bains, il doit accéder au col même de la Gemmi avant de redescendre de l’autre côté. Deux voies s’offrent à lui: l’éprouvante ascension (trois heures) par le vertigineux sentier historique aux marches taillées dans la roche. Ou, plus facile, embarquer dans le téléphérique.

Moments d’intimité

Au sommet, il lui suffit de se laisser entraîner par la pente douce sur un large sentier si rassurant qu’il est emprunté par les personnes âgées, les familles avec jeunes enfants et poussettes et par les cyclistes à VTT. Sentiment de solitude exclu. Puis le randonneur passe en deux heures du décor glaciaire à celui des verts pâturages, via les rives du Daubensee, vaste lac de montagne. Sa course se termine à la station sommitale du téléphérique de Sunnbüel qui le ramène à Kandersteg. A moins qu’il ne choisisse de suivre un extraordinaire balcon dominant le val sauvage de la Kander, et donc de faire le reste du trajet à pied.

«Ce col est le seul des Alpes suisses à être accessible l’hiver aux randonneurs, même ceux qui ne sont pas munis de raquettes», affirme Peter Stoller. Mais ce que cet hôtelier aime tout particulièrement dans le cadre sauvage et isolé de son établissement, c’est le silence de la nuit hivernale. «J’aime faire une promenade à la lampe frontale dans la neige. Ou observer les évolutions du temps, absolument pas comparable à celui de la vallée en contrebas.» La Gemmi, passage très fréquenté depuis des siècles, sait réserver des moments d’intimité à qui sait les saisir.

Parcours: col de la Gemmi (téléphérique) – Schwarenbach – Sunnbüel (téléphérique) – Stock – Kandersteg.
Durée: d’un téléphérique à l’autre, compter 2 h de marche à la descente, 2 h 30 à la montée, sur un chemin très facile. Il est possible de varier les parcours, comme faire le tour du Daubensee (1 h 30, avec remontée au col de la Gemmi par une petite télécabine), par exemple. Du col à Kandersteg, 4 h 15.


Nos adresses dans les environs

Hôtel-restaurant Wildstrubel

Au col même, ce restaurant panoramique est relié à l’arrivée du téléphérique par un tunnel.
(027 470 12 01)

Lämmerenhütte

Perchée à 2501 mètres, à 1 h 30 de marche du col en direction du Wildstrubel et de son glacier, la cabane en bois du Club alpin sera malheureusement fermée dès le 21 août pour travaux. 
(027 470 25 15)

Hôtel Schwarenbach

Situé à mi-parcours, l’établissement offre une cinquantaine de lits hôteliers et une centaine de lits en dortoir. 
(031 675 12 72)

Stockhüttli

Au lieu-dit Stock, en contrebas de la station de Sunnbüel, il est possible de dormir dans ce chalet de la section Seeland du Club alpin suisse. 
(031 991 43 70)

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YouPorn: l’impuissance des grands studios

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:58

Marie Maurisse

Crise. Les acteurs historiques du porno n’ont pas anticipé l’arrivée de l’internet. Concurrencés par les sites gratuits, contre lesquels ils ne peuvent pas se battre, ils sont contraints de changer radicalement leur modèle économique. Si certains semblent résignés, d’autres investissent dans la haute qualité pour garder leurs clients.

«Nous sommes en train de mourir. » A 60 ans, Peter Preissle ne se fait plus d’illusions. Avec l’arrivée de l’internet, quelques années ont suffi à mettre à genoux l’industrie pornographique suisse dans laquelle ce Zurichois a fait toute sa carrière avec passion et dévouement. L’homme dirige toujours, aux côtés du légendaire Edi Stöckli, la plus grosse société de production suisse spécialisée dans le porno, Mascotte Film SA, qui possède aussi les cinémas X de Genève, Lausanne, Bâle, Berne et Zurich. Mais tout ça, dit-il, c’est bientôt terminé. La programmation de ses salles obscures affiche désormais des séances pour les enfants ainsi que des documentaires.

La production de films pornos n’est plus ce qu’elle était. Finis, les vingt films réalisés par mois, les tournages pharaoniques. Envolée, l’époque où les stars du porno étaient riches et glamours. «Aujourd’hui, le budget est descendu à 5000 euros pour un film de nonante minutes, les actrices sont payées au lance-pierre, explique-t-il. Le porno est devenu mainstream, banal. On trouve sur des sites des scènes qui durent quinze minutes. Vous pouvez voir de tout, sans dépenser un seul centime. » Peter Preissle n’a pas d’espoir, pas de stratégie de lutte, pas de plan B: son métier va mourir, pense-t-il. Et c’est tout.

Tous ne sont pas aussi pessimistes. Mais personne ne peut nier que les producteurs historiques, au modèle économique basé sur les ventes de DVD et de cassettes vidéos, se sont pris l’explosion des tubes de plein fouet. En dix ans, le chiffre d’affaires de l’industrie pornographique traditionnelle a été divisé par deux, estiment les spécialistes. «L’impact du téléchargement illégal est beaucoup plus fort dans le divertissement pour adultes, qui offre des marges plus réduites que dans le cas d’un film grand public, par exemple, estime Chauntelle Tibbals, sociologue américaine spécialisée dans l’étude du champ pornographique. Depuis 2011, les boîtes de production ferment les unes après les autres.»

Algorithmes redoutables

En France, le studio JTC vient à peine d’être revendu. Son activité sera largement réduite. L’industrie classique se meurt pour une raison simple: au lieu d’acheter ou de louer des DVD, les consommateurs trouvent aujourd’hui leur bonheur gratuitement, sur la Toile.

«Tout le contenu se trouvant sur ces sites est volé », affirme Chauntelle Tibbals. Le droit du copyright datant de plus de dix ans, la loi est bien impuissante à faire condamner les propriétaires de ces plateformes. Pour sauver leurs productions, les grandes maisons n’ont qu’un seul moyen: payer des fortunes à des sociétés spécialisées dans le tracking. Grâce à des algorithmes puissants, elles bombardent quotidiennement les porno-tubes de demandes de retraits de vidéos volées.

Mais une fois celles-ci retirées, elles réapparaissent souvent en ligne quelques heures plus tard… Chez Marc Dorcel, maison de production mythique basée à Paris, 8000 à 10 000 demandes de retrait sont envoyées chaque jour. Un combat qui s’apparente à celui de Sisyphe, le sexe en plus…

«Si vous tapez sur Google le nom d’un de nos films, vous tomberez d’abord sur des tubes qui le proposent illégalement», regrette le vice-président médias de Marc Dorcel, Ghislain Faribeault. Et porter plainte? «Nous l’avons déjà fait, mais les procédures sont longues, et à moins de s’appeler Universal, le dossier n’avance pas. Aucun politique n’est prêt à défendre notre industrie, alors que, comme dans les autres secteurs, c’est l’emploi qui est en jeu.»

Alors que la pornographie a longtemps été à la pointe de l’innovation technologique – pensez au minitel –, les grands groupes ont complètement raté le virage numérique. «Les choses ont évolué tellement rapidement que les industriels n’ont pas su comment réagir, estime Chauntelle Tibbals. Ils ont fermé les yeux.» Ce n’est que depuis quelques années que ceux qui en ont les moyens investissent pour contrer la vague du «tout gratuit», en améliorant leur offre. Le groupe Dorcel mise ainsi sur des contenus de qualité, en proposant des vidéos en haute définition, des services après-vente personnalisés ou des expériences en réalité virtuelle, avec des lunettes à 360 degrés et en 3D.

Chez Dorcel, «le créneau reste le porno chic à histoire et à forte valeur ajoutée, estime Ghislain Faribeault. Le public ne cherche pas de gonzo, tourné en vitesse. Le «porno kleenex» n’est pas ce que nous voulons faire.» Le studio produit encore deux films par mois. Le dernier en date s’appelle La sexologue. En octobre prochain sortira L’héritière, au budget de 150 000 euros. Son tournage a nécessité la location d’hôtels particuliers, de chalets à la montagne et d’hélicoptères.

Mais les films ne suffisent plus à assurer la rentabilité. Comme le dit Ghislain Faribeault, «la survie du groupe ne tient que par le développement de nouvelles activités », comme la vente de sex-toys. Le Français se montre optimiste: le chiffre d’affaires du groupe Marc Dorcel est en augmentation, avec 35 millions d’euros en 2015. Voilà de quoi contredire le producteur zurichois Peter Preissle, résigné à disparaître… 

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Les balades qui font du bien: un pèlerinage émouvant pour ne jamais oublier

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:58

Mattmark. Au fond de la vallée de Saas, le plus grand barrage naturel d’Europe offre un spectacle unique et impressionnant.

Epoustouflant et intrigant. Voilà les deux adjectifs qui viennent à l’esprit du promeneur lorsqu’il découvre le barrage de Mattmark. La marche d’approche est magnifique, entre les mélèzes, les sapins et les blocs de granit. Elle dure quelque deux heures en pente douce et constante.

Arrivé au pied de cette gigantesque construction élaborée à partir de matériaux morianiques, le promeneur ouvre de grands yeux. Non loin du chemin coule l’impétueuse Viège de Saas qui se dépêche de rejoindre la plaine. Encore quelques centaines de mètres et c’est la récompense. L’Allalinhorn, le Rimpfischhorn, le Strahlhorn, le Sprechhorn et le Stellihorn forment un écrin féerique pour le lac de Mattmark, tantôt vert opalin, tantôt vert émeraude. On peut en faire le tour, en moins de deux heures, par un chemin plat et accessible à tous.

Qui pourrait deviner que ce bel endroit a été fatal à 88 ouvriers qui construisaient le barrage, le 30 août 1965? Ce jour-là en effet, vers 17 h 15, 750 personnes travaillaient sur ce chantier à plus de 2200 mètres d’altitude. Une équipe qui venait de terminer son labeur mangeait à la cantine, dans un des baraquements situés sous le glacier de l’Allalin. Un grondement assourdissant, et c’est soudain la catastrophe. Une partie du glacier s’est détachée 200 mètres plus haut. Une masse de 2 millions de mètres cubes s’abat sur les bâtiments.

Président du comité de la commémoration du cinquantième anniversaire de la catastrophe de Mattmark, Domenico Mesiano raconte: «Il y avait eu des signes. D’énormes rochers étaient tombés les jours précédents, mais les travaux avaient déjà du retard. Il n’était pas question d’arrêter le chantier. La catastrophe aurait pu être encore plus grande. Un bus rempli d’ouvriers était descendu en direction des dortoirs et un autre, qui amenait d’autres travailleurs, n’était pas encore arrivé.»

Aujourd’hui, une stèle, qui est facilement accessible depuis le parking, rend hommage aux ouvriers tués. Parmi eux se trouvaient notamment 56 Italiens – issus de la vague migratoire des années 60 –, 23 Suisses, des Autrichiens, des Espagnols et des Allemands.

«Ces ouvriers étaient des titans pour construire ce barrage. Ils sont morts, mais ils ont gagné. Ils ont édifié une construction qui est restée dans le temps et qui est devenue incontournable. Et, après cette tragédie, on a commencé à développer toute une législation concernant la prévention d’accidents sur les chantiers en montagne et haute montagne.» Chaque année, à la fin du mois d’août, une centaine de personnes montent au barrage pour participer à une cérémonie du souvenir en l’honneur des victimes. «Mattmark est un bel endroit dans les montagnes, comme beaucoup de régions en Valais et en Suisse. Mais il a une dimension en plus: c’est un lieu de communion pour toute la Suisse et l’Europe entière.»

Mattmark est atteignable à pied (compter environ deux heures depuis Saas-Almagell à partir du grand parking du village, situé sur la droite de la route principale; il suffit de suivre les panneaux jaunes des Sentiers pédestres), en voiture ou en car postal.


Nos adresses dans les environs

Hôtel Wellness Spa Pirmin Zurbriggen

Tenu par la sœur de l’ex-champion olympique de ski et son mari, cet hôtel quatre étoiles plus est doté d’un grand espace wellness et d’une piscine. Les chambres sont spacieuses et décorées avec goût, la salle à manger, au mobilier design, est installée dans une immense et belle véranda.

www.wellnesshotel-zurbriggen.ch

Chapelle de Zermeiggern

A gauche de la route qui monte à Mattmark, elle a été reconstruite en 1963. Les noms des 88 victimes de la catastrophe y figurent, gravés sur d’épaisses plaques de marbre. Sur les parois rocheuses à gauche de la chapelle, on peut encore apercevoir les baraquements où dormaient les ouvriers qui ont construit le barrage.

Restaurant Mattmark

Croûte au fromage, soupe de pommes de terre au saucisson fumé, röstis ou fondue, la cuisine est simple mais bonne. Exposition sur le barrage et l’histoire de la région, au premier étage. Sur la couronne du barrage, de petits textes apposés sur des présentoirs en pierre permettent de découvrir l’histoire de la région. Ouvert tous les jours de juin à octobre.

www.restaurantmattmark.ch

Télésiège Furggstalden

Pour ceux qui veulent découvrir sans effort les environs depuis la terrasse d’un des deux restaurants de l’endroit.

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Sabine Pirolt
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Stephen Des Aulnois: «Il y a une «ubérisation» du porno» 

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:59

Marie Maurisse

Interview. Pour Stephen des Aulnois, spécialiste de la pornographie en ligne, les sites tels que YouPorn font à l’industrie du X ce qu’Uber a fait au taxi, c’est-à-dire imposer une concurrence radicale à un secteur forcé de se réinventer. Pour le meilleur, mais parfois aussi pour le pire.

Quelle est la catégorie la plus regardée sur YouPorn ?

Contrairement à ce que l’on pense, les vidéos de domination ou de partouzes ne sont pas les plus populaires. La catégorie «amateur» est parmi les plus plébiscitées. Elle comprend des scènes du genre «l’équipe de volleyball sous la douche», «un couple dans l’intimité» ou «19 ans et elle se donne du plaisir». La qualité des vidéos est souvent plus que moyenne dans la mesure où c’est Monsieur Tout-le-Monde qui est censé être derrière la caméra.

Qui sont les «amateurs» qui font ces vidéos? Des couples libertins, des Suisses qui ont envie de filmer leurs ébats?

Pas du tout ! Le public s’imagine que c’est sa voisine ou sa boulangère qui tient à exhiber son corps. Et c’est le but: tout l’intérêt des gens qui font ces vidéos est de faire croire que tout est vrai, que c’est la «fille d’à côté» qui enlève le haut en pleine rue… En réalité, rares sont les personnes qui ont envie de dévoiler leur intimité à une audience aussi large. Donc, toutes ces vidéos sont tournées par des professionnels, réalisateurs, comédiens et comédiennes, qui simulent ces situations banales.

Les sites comme YouPorn ne sont pas les seuls à proposer cela. Jacquie et Michel sont aujourd’hui devenus les rois du «pro-amat», comme on l’appelle, c’est-à-dire du style amateur mais qui ne l’est pas. Avec succès: leur chiffre d’affaires se monte à plusieurs millions.
YouPorn héberge aujourd’hui

363 000 vidéos. Donc, beaucoup sont volées…

Tout va très vite avec internet. Si vous êtes un petit producteur de films pour adultes, votre dernier tournage n’est pas sur votre site depuis une semaine qu’il peut se retrouver déjà sur Xvideos, sans qu’aucun droit d’auteur ne soit payé. Ces pratiques sont illégales, mais une grande partie du contenu des sites de streaming pornos gratuits vient de vidéos volées. L’émergence de ces plateformes a fait perdre à la VOD (vidéo à la demande) porno 75% de sa valeur en dix ans.

Quel impact cette crise a-t-elle eu sur les conditions de travail dans l’industrie pornographique?

L’âge d’or du porno est bel et bien terminé. Aujourd’hui, les cachets des acteurs ne cessent de diminuer, leur statut est plus précaire. Lors des tournages, il faut faire plus de scènes pour moins d’argent. Un des moyens de compenser leur perte de revenus est de faire des shows sur internet, des «cams», sur des sites comme LiveJasmin ou Chaturbate, qui permettent à certaines filles de gagner jusqu’à 100 000 euros par mois. En France, c’est Victoria Alouqua qui est la mieux placée sur Chaturbate. 

Comment l’industrie pornographique lutte-t-elle contre ce piratage?

Les gros studios suivent le dicton «Tu t’adaptes ou tu crèves». D’abord, ils paient très cher des entreprises spécialisées dans la recherche de vol de contenu pour faire la guerre aux tubes. Tous les jours, des centaines de personnes surfent pour eux sur YouPorn, repèrent les vidéos chipées et envoient un courrier au site en exigeant leur retrait immédiat. En général, leur vœu est exaucé, mais il est possible que quelques jours plus tard, la vidéo réapparaisse gratuitement… C’est une tâche infinie.

xHamster et PornHub sont devenus plus respectueux ces derniers temps: ils retirent les vidéos volées de leur plateforme dans la mesure où leurs propriétaires deviennent leurs partenaires commerciaux, en payant pour des bannières publicitaires ou en postant gratuitement des clips ou des extraits de films. Les studios n’ont pas vraiment le choix de travailler avec eux. C’est un système de racket: tu bosses avec moi ou tes vidéos seront piratées.

Le même problème s’est posé dans l’industrie cinématographique, notamment, qui a souffert de l’arrivée de YouTube. Mais les firmes se sont battues pour faire respecter leurs droits. Qu’en est-il du porno?

Il faut comprendre que le divertissement pour adultes est totalement ghettoïsé. Impossible, pour les producteurs de porno, de faire du lobbying auprès du Parlement ou des institutions officielles culturelles! Le milieu est isolé, ne bénéficie d’aucune aide et ne parvient pas à se faire entendre afin d’améliorer la législation. Donc, il se prend de plein fouet la concurrence des tubes comme PornHub ou xHamster…

Certaines personnes arrivent-elles à se servir de ces plateformes pour commencer leur carrière ?

Quand quelqu’un pleure, il y a forcément quelqu’un qui sourit. Tout n’est pas négatif dans cette révolution technique, car ces sites ont provoqué une «ubérisation» de la pornographie. Certains producteurs ont disparu, mais ils ne faisaient pas forcément des choses intéressantes. Ça a fait le ménage. Et la qualité n’a pas forcément baissé car, d’un autre côté, il y a plein d’indépendants qui ont pu émerger avec de belles propositions sans avoir aucun contact avec les studios historiques.

Aujourd’hui, on peut tourner avec son téléphone, donc les coûts ont diminué. Des filles seules ou des petits studios font des vidéos et les postent sur ces sites pour se faire connaître, comme Erika Lust, qui propose une approche plus féministe de la pornographie. Ça, c’est une bonne chose. 

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