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Les balades qui font du bien: invitation à la méditation minérale

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:59

Cabane du Trient. Face au glacier, le sculpteur Zaric a posé ses créatures mi-humaines mi-animales. Elles densifient le mystère de ce décor radical.

Soyons clairs: aimer la sculpture ne suffit pas. Pour goûter à ce haut moment-là, il faut aussi avoir le mollet vigoureux et un minimum d’entraînement à l’altitude. Alors, on peut se lancer, à partir du terminus du télésiège de la Breya, à Champex: d’abord à flanc de coteau dans un concert en verts majeurs. Puis en remontant les névés, jusqu’au glacier du Trient et sa cabane 1, 3170 mètres au pays bleu-blanc-gris de l’épure minérale.

Assise sur le mur de pierre du balcon, la «femlièvre» vous accueille. Elle est vaste et nue comme une mère primordiale, dorée comme un bouddha. Ses longues oreilles au repos de tout affût, elle contemple l’immensité et vous invite à faire de même. N’hésitez pas. Choisissez de préférence le moment où le soleil déclinant met le feu aux aiguilles dorées, là, juste en face de vous. Respirez l’entre-ciel et terre.

C’est Zaric qui a mis là cette créature entre les mondes, à la fois humaine, animale et mythologique. Zaric le sculpteur habite Lausanne mais la nature l’habite 2. Un peu Serbe par son père, un peu Valaisan par sa mère, il pourrait, comme dit Sonia Zoran dans un film consacré à l’aventure de ces sculptures en haute montagne, «enfiler la peau d’un cerf pour courir plus vite entre les mélèzes». Toute l’œuvre de Zaric invite à l’exploration de notre sublime bâtardise, mais dans ce décor radical, ses créatures palpitantes et pétrifiées, immenses et minuscules vibrent d’un plus dense mystère.

Joyeusement informelle

Il l’a mise là, enfin, facile à dire. Il a d’abord fallu la chimie de l’amitié et de l’inspiration pour que mijote la décision. Autour du chaudron magique: François Roduit, guide et ami de Zaric, Olivier et Mélanie Genet, les jeunes gardiens de la cabane dotés d’une énergie à déplacer les montagnes. Réalisées à Lausanne, les créatures en ciment sont montées là-haut en hélicoptère, comme le cornalin, les boîtes de tomates pelées et tout le reste. C’était en juin 2014. Jusqu’à quand durera l’expo extrême? «Jusqu’à ce que l’érosion ait effacé les œuvres», plaisante Olivier Genet. «On verra bien», élude Zaric, venu ce jour-là rendre visite à ses créatures «en cure de méditation». On l’aura compris: rien n’est planifié dans cette aventure joyeusement informelle.

Autour de la cabane, trois autres sculptures jouent à cache-silhouette dans ce cirque d’aiguilles de pierre. La plus grande et grave se dresse face au glacier au milieu d’un éboulis vieux comme la certitude de l’impermanence: c’est un «anehom» doté d’une seule aile, demi-Icare aspirant à l’envol mais cloué au sol de son impossible ambition. La roche de la vie est aussi pétrie de deuils, semble-t-il dire au visiteur qui prend la peine d’aller jusqu’à lui. 

A quelques pas de son silence, ce soir de juin, le dîner bat son plein dans la cabane qui affiche complet. Passage obligé sur la Haute Route (Chamonix-Zermatt), destination d’entraînement très courue pour les touristes des cimes qui «achètent le Mont-Blanc», comme disent ironiquement les gens du coin, ce relais du Club alpin est aussi un haut lieu de la démocratisation de la montagne.

Demain matin, la «femlièvre» et l’«anehom» regarderont les humains rapetisser, fourmis noires cheminant sur la nappe blanche du glacier. Puis disparaître sous leurs yeux pétrifiés.

1 La cabane du Trient est ouverte cet été jusqu’au 19 septembre. Réservation (indispensable) et renseignements sur le site du Club alpin suisse, www.cas-diablerets.ch
2 «Zaric, face au glacier» Film de Thomas Wüthrich, textes de Sonia Zoran. A commander par mail (25 fr.) echo.zaric@vtx.ch. Quelques œuvres de Zaric sont visibles en permanence à la Galerie de l’Univers à Lausanne. 

Retrouvez chaque semaine nos nouvelles propositionsde balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacundes itinéraires sur heb.do/balades

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L’éducation aux médias en péril

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:59

Pour les élèves, l’acquisition et l’approfondissement de compétences médiatiques relèvent toujours de la chance et du hasard. La mission de l’école publique de réduire les disparités entre les jeunes provenant de milieux sociaux différents est compromise. Le recours à des prestataires extérieurs intervenant directement dans les classes serait-il la solution?

L’école publique romande reconnaît l’importance de l’enseignement des médias, des images et des technologies de l’information et de la communication (MITIC) dans le cursus de formation des élèves tout au long de leur scolarité obligatoire. Depuis la rentrée 2013, le Plan d’études romand (PER) s’applique à toutes les classes de tous les cantons. L’ensemble du corps enseignant est appelé à mettre en œuvre, en situation, des aspects d’éducation aux médias ainsi qu’à encadrer l’utilisation des outils multimédias.

Le développement de l’esprit critique des élèves et leur capacité à décoder la mise en scène des contenus médiatiques sont au cœur du programme. Des objectifs d’apprentissages précis accompagnés d’indications pédagogiques ont été définis pour les trois cycles de la scolarité obligatoire.

La capacité d’assurer cet enseignement par les enseignants et les enseignantes est un enjeu crucial. Des référentiels de compétences ont été élaborés tant au niveau fédéral (recommandations de la CDIP) que dans les cantons (signalons parmi les nombreux documents disponibles le référentiel de compétences MITIC à l’usage des enseignants du canton de Genève qui incorpore dans ses cinq domaines de compétences la culture des médias, de l’image et des TIC).

Une offre de cours de formation continue, souvent foisonnante, est proposée par les institutions cantonales en charge de la formation du corps enseignant. Cependant, un cours «ouvert» (tous les cours proposés ne le sont pas) ne concerne qu’une partie infime du corps enseignant. La Semaine des médias, l’événement pédagogique de loin le plus important concernant l’éducation aux médias de Suisse romande, ne touche chaque année que 5% des classes.

Problème, la formation continue est envisagée sur le modèle d’un marché soumis à l’offre et à la demande. C’est ainsi qu’un cours essentiel qui n’a pas eu de «succès» sera supprimé du catalogue l’année suivante! L’offre de cours est élaborée en fonction des besoins supposés du corps enseignant, de la disponibilité de personnes susceptibles de dispenser ces cours, ainsi que de contraintes administratives. Les enseignants s’inscrivent en fonction de leurs besoins et de leurs envies.

Cependant, reconnaître ses besoins de formation ne va pas de soi. Un récent sondage a montré que la moitié des étudiants d’une haute école pédagogique n’avait pas encore pris conscience du caractère construit et fabriqué des images en première année (lire sur mon blog l’article du 7 juillet «Faut-il apprendre à lire les images? Sondage révélateur»). Si un cours à option leur était offert, ils ne s’y inscriraient probablement pas!

La mise en œuvre du volet MITIC du PER nécessiterait un recyclage de l’ensemble du corps enseignant requérant un personnel nombreux et bien formé pour assurer cette formation. Rien n’a été prévu.

La situation doit préoccuper les autorités de l’école publique romande, car la CIIP met depuis peu à disposition de prestataires extérieurs un formulaire leur permettant de présenter leur offre MITIC à destination des classes sous forme standardisée. Ce document, indique la CIIP, est destiné à faciliter l’évaluation par les autorités scolaires (chefs de service, directions, responsables d’établissement) des sollicitations qu’elles reçoivent d’organismes pas toujours bien identifiables.

Ainsi, l’organe faîtier de coordination des départements de l’instruction publique de Romandie souhaite développer et faciliter l’intervention de tiers extérieurs à l’école auprès des élèves pour assurer la formation aux MITIC que les titulaires peinent à leur donner. Cela peut être interprété comme un aveu d’échec du déploiement de cette réforme essentielle. De nombreuses questions se posent, notamment quant aux compétences pédagogiques et professionnelles de ces prestataires et à la qualité de leurs prestations.

Des titres seront-ils exigés? Les personnes appelées à intervenir dans les classes disposeront-elles des compétences spécifiées dans les référentiels officiels de la CDIP et de ceux élaborés dans les cantons? Les documents fournis ne formulent pas d’exigence à cet égard. Par ailleurs, la multiplication des interventions disparates de tiers dans les classes ne permettra pas d’assurer à tous les élèves l’acquisition et l’approfondissement de compétences médiatiques égales puisque les autorités cantonales, les directions d’établissement et les enseignants pourront décider d’intégrer ou non des problématiques MITIC à leur enseignement.

Faut-il interpréter cette nouveauté comme une volonté politique de la CIIP d’ouvrir davantage les classes à des organismes offrant des prestations éducatives?

Retrouvez les billets de Jean-Claude Domenjoz dans son blog Éducation et médias

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Staccato: le polymariage pour tous

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 05:59

En langue marxiste, on l’appellerait un allié objectif. Sauf que là, ce n’est pas de la bourgeoisie, mais du polyamour.

Hamza Roberto Piccardo, citoyen italien converti à l’islam, est un musulman tout ce qu’il y a de plus aligné. Fondateur de l’Union des communautés et organisations islamiques italiennes (UCOII), il a publié la traduction du Coran reconnue par l’Arabie saoudite comme texte de référence en italien. Autant dire que monsieur Piccardo reste chez lui le jour de la gay pride.

C’est plutôt dans un esprit de parfaite obéissance à la tradition überpatriarcale des tribus d’origine que l’homme mène ses combats. Ainsi, l’autre jour, sur sa page Facebook, il a réagi à la célébration des premières unions homosexuelles conformes à la nouvelle législation transalpine avec ce slogan d’avenir: «La polygamie aussi est un droit civil.»

Oui, ça surprend, comme ça, à brûle-pourpoint. Mais, à y bien réfléchir, l’affirmation ne manque pas de logique. Puisque la norme hétéro-familiale occidentale est dépassée, l’égalité des citoyens devant la loi, comme dit Hamza, n’exige-t-elle pas de permettre également les unions multiples?

Sur la Toile, le débat est nourri. Les amis de Piccardo lui font remarquer que l’égalité des citoyens est aussi, en Italie, celle des citoyennes. Que s’il réclame une loi autorisant les hommes à prendre plusieurs femmes, il récoltera une loi autorisant également les femmes à prendre plusieurs hommes, ou femmes, ou les deux. Après tout, dans «polygamie», il y a «poly» et «gámos», qui veut dire «union»: la racine du terme est parfaitement épicène.

L’homme de foi ne recule pas devant ces objections. Il précise que les amours multiples ne sont pas prévues au programme de préparation au paradis pour les femmes musulmanes, mais il accepte l’idée que si une telle loi était promue, chacun serait libre de l’appliquer selon ses convictions. Et c’est ainsi que le meilleur ami des Saoudiens en Italie se transforme en cheval de Troie de l’avant-garde occidentale en matière d’expérimentation amoureuse.

Voyons. Qui seront les militants du polymariage pour tous? Hamza Roberto Piccardo, s’il tient parole. Mais, paradoxalement, je crains une défection massive du côté des polyamoureux. En confidence, et d’après ce que j’en sais (L’Hebdo No 29) : ils sont un brin législophobes.

anna.lietti@hebdo.ch /  @AnnaLietti

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Marché du sexe: dans l’univers du porno en ligne

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 06:00

Marie Maurisse

Enquête. En diffusant gratuitement des milliers de vidéos pornographiques, le site YouPorn a révolutionné l’industrie du sexe et fait plier les plus grands studios. Qui se cache derrière ce géant du divertissement pour adultes? Qui se vend sur ce portail, l’un des plus consultés du monde? La Genevoise Caroline Tosca y déploie ses charmes. Elle nous a invités à la suivre dans son quotidien.

Tapez «Suisse» dans le moteur de recherche de YouPorn, et vous trouverez un patchwork visuel des plus surprenants. Des brunes, des blondes, des coïts, de la peau. Partout, sans fard. Parmi les premiers résultats se trouve la prestation d’Anabelle, de Besançon, qui vient apparemment faire son «premier casting en Suisse». Elle sonne à la porte. Son hôte pose son livre de Roald Dahl sur la table basse, vient lui ouvrir et s’extasie sur sa minijupe. Le script est sommaire. «Tu as déjà fait des photos de nu?» «Jamais.» «Pourquoi tu veux faire du X?» «Parce que j’adore le sexe.» La jeune brunette, piercing sur le nez, montre alors sa poitrine. Sous la vidéo, il est précisé qu’elle ira jusqu’à la sodomie.

Avec le mot-clé «Suisse», YouPorn n’affiche que trois pages de résultats, ce qui est peu comparé aux centaines de vidéos liées au mot «Française». Après une exploration avisée, l’une des seules authentiques Romandes est une brune aux grands yeux, décrite comme une «cougar», dont les «exploits» sont largement commentés. Mais depuis que son appétence pour le porno amateur a été révélée par la presse et qu’elle a de ce fait perdu son emploi, elle s’est faite plus discrète.

Un peu plus loin sur la page, c’est une Suissesse «MILF» (mother I’d like to fuck, soit littéralement «mère que j’aimerais baiser»), que l’on voit s’amuser avec son godemiché. Devant la webcam, ses seins généreux sortent presque de sa nuisette. Ou alors il y a Judith, une «secrétaire suisse» qui se masturbe dans le noir. Elle porte une alliance à son annulaire gauche. Qui est cette femme? On ne sait évidemment rien de son identité et elle est strictement impossible à joindre.

La vérité, c’est que Judith n’est certainement pas Suissesse, mais Tchèque, Russe ou Espagnole, qui sait? Au royaume de YouPorn, l’orgasme d’un éphèbe espagnol peut être référencé comme celui d’un père de famille allemand, et ses mots sous-titrés en chinois ou en hébreu. Apparu il y a une dizaine d’années, le site est devenu un gigantesque supermarché du sexe dans les rayons duquel il y en a pour tous les goûts, pour tous les fantasmes.

En quelques minutes, et sans rien débourser, l’onaniste y trouvera son bonheur. YouPorn, le fast-food de l’orgasme. Et il n’est pas réservé qu’aux consommateurs traditionnels de pornographie: son usage s’est désormais banalisé à toutes les couches de la population. Chaque seconde, dans le monde, 28 258 personnes, selon le diffuseur PornHub, regardent de la pornographie sur le web, dont 90% sur des chaînes en ligne telles que YouPorn. Le site recense 20 millions d’utilisateurs par jour.

YouPorn n’est plus le leader du marché. Depuis son lancement, des dizaines d’autres plateformes sont apparues sur la Toile, fonctionnant sur le même principe de scènes crues, visionnables en un clic. Cette galaxie du streaming porno se nourrit de vidéos très différentes: extraits de films érotiques des années 70, tournages dans des soirées libertines, scènes sadomasochistes, etc. La catégorie «amateur» est parmi les plus prisées. Oubliez les divas pomponnées et inaccessibles qui faisaient rêver nos grands-pères.

Aujourd’hui, ce qui excite le plus la libido des internautes, c’est l’idée de faire l’amour avec sa voisine. La «girl next door». Une fille banale, normale, dans une situation du quotidien, qui offrirait son corps tout naturellement. A genoux, en une seconde. Alors que la génération de nos parents regardait des vidéos très léchées et formatées sur des cassettes VHS, les consommateurs d’aujourd’hui se contentent de quelques minutes au son haché et à l’image brouillée. Ceux-là ne paieraient pas pour ces courts instants de spectacle, ils veulent du gratuit.

Pour les contenter s’est développée toute une petite industrie du «faux amateur» (aussi appelé le «pro amateur»), de petites productions, tournant avec une caméra premier prix, ou même un téléphone, des scènes qui finiront sur YouPorn et ses sites cousins. Et au lieu des majestueuses stars du porno des années 80, ce sont des amatrices qui sont recherchées, des femmes de tous âges, de tous les physiques, qui ont souvent peu d’expérience. Le porno en ligne a bouleversé les codes du métier.

Une carrière lancée par YouPorn

Dans certains cas, ces plateformes sont un tremplin pour faire carrière dans le domaine. C’est notamment le cas pour Caroline Tosca, une Genevoise de 41 ans, brune aux grands yeux, qui s’expose sans gêne sur la Toile. En joue, même. On peut la voir notamment sur PornHub se déshabiller en pleine balade en forêt ou se toucher tout en faisant marcher son sèche-linge. Aimable et décomplexée, elle nous reçoit dans le village où elle vit, La Croix-de-Rozon, aux abords de Genève, un sourire collé sur ses lèvres ourlées au crayon. S’il fallait trouver une ambassadrice pour promouvoir la pornographie joyeuse et sans tabou, Caroline serait le casting idéal.

Tout a commencé par sa rencontre avec Olivier Sauty, il y a près de vingt ans. Avec lui, elle se met à explorer la sexualité sous toutes ses formes. Après une longue période de découvertes à deux, ils se mettent à l’échangisme. Puis Caroline en vient à tourner un film pornographique qui a connu son petit succès dans le milieu, Sexe et scandale au Parlement. Le scénario s’inspire de la vie quotidienne du couple, car à l’époque, en 2012, Olivier Sauty est élu du Mouvement citoyens genevois (MCG) au Grand Conseil. Si lui ne tourne pas, Caroline est très exposée, et autour d’elle commence à se créer une petite communauté de fans.

Désormais connue des amateurs de porno, elle devient indépendante et gagne sa vie en faisant des shows privés sur un site francophone de camgirls (sorte de service de peep-shows par webcams interposées), tandis que son compagnon, lui, gère sa carrière et les plateformes qui mettent Caroline en valeur. Elle dit naturellement: «J’aime ce que je fais. C’est mon travail. Et si ça marche, c’est que les clients savent que je suis vraie, je suis authentique. Je jouis vraiment!»

Pour elle, comme pour lui, le porno est une passion, mais aussi un business. Xvideos et YouPorn sont un moyen simple de se faire connaître. Elle y est référencée notamment comme «MILF», étant donné son âge. Caroline ne se choque pas d’être ainsi cataloguée, car ce sont les lois du marketing viral. Quand la Genevoise a démarré sa carrière dans le porno, ces plateformes existaient déjà et, dès le début, elle savait qu’il fallait faire avec.

«Le but est avant tout d’emmener les gens sur notre propre site, www.hotlinexxx.com», explique Olivier Sauty, une fine chaînette autour du cou. Il l’a lancé il y a quelques années mais travaille actuellement à le développer avec l’aide de son fils Guillaume – chez les Sauty, on aborde le sujet en famille, sans complexe et en toute décontraction. «Il n’y a rien de mal à vouloir s’envoyer en l’air», lance le jeune homme en finissant son coca-cola. Il a déjà vu des vidéos de sa belle-mère, cela ne le choque pas.

Pour les indépendants nés avec l’internet, les tubes sont une aubaine. Tandis que les musiciens en herbe postent leurs morceaux folks a capella sur YouTube, les petits producteurs de porno cherchent à se faire connaître en publiant sur PornHub des scènes «hard». Mais tout comme Uber pose la question du droit du travail dans un monde dérégulé, où les chauffeurs ne sont pas soumis aux mêmes lois que les taxis (lire l'interview de Stephen Des Aulnois), YouPorn a contribué à péjorer les conditions de tournage pour toute une profession.

Durant les belles années, les grands studios faisaient de leurs actrices des stars, l’argent et le champagne coulaient à flots et les brigades de police savaient exactement qui était qui et où se rendre afin de veiller au respect des lois, notamment sur la santé et l’hygiène. Avec le web, tout un chacun peut tourner un film pornographique avec son portable, en payant ses acteurs bien moins que ne l’exigerait sa position. L’explosion de l’esthétique «amateur» est la porte ouverte aux abus.

Une puissante machine à cash

Comme les nouveaux visages sont sans cesse recherchés, la Toile regorge de petites annonces recrutant des «débutants» du porno. Les rémunérations sont impossibles à connaître. Mais selon tous les professionnels, le budget des tournages a considérablement chuté depuis dix ans et, parmi les actrices, la concurrence est devenue plus rude. Dans ce contexte, les contrôles sont devenus plus difficiles. C’est à qui acceptera la scène coquine pour le meilleur tarif. En Suisse romande, beaucoup de Françaises dans le besoin viennent désormais tourner pour quelques dizaines d’euros. Pour la sociologue américaine Chauntelle Tibbals, spécialisée sur le sujet, les porno-tubes ont favorisé l’émergence d’une «zone grise».

Face à cette concurrence bestiale, l’industrie de la pornographie a bien peu de moyens. La plupart des vidéos des grands studios français et américains sont piratées par des plateformes comme YouPorn et les studios ont beaucoup de peine à limiter les dégâts, perdant ainsi chaque jour des milliers de francs en droit d’auteur (lire YouPorn: l'impuissance des grands studios).

De l’autre côté, les sites de streaming pornographiques ne cessent de s’enrichir. Leurs revenus ne sont pas connus, mais celui de MindGeek, qui possède notamment PornHub, et donc YouPorn, est estimé à 400 millions de dollars. Aucune de ces entreprises n’est cotée en Bourse. Ces multinationales très discrètes ont en outre tissé une toile bien épaisse par le biais d’un réseau de filiales basées dans les paradis fiscaux du monde entier. Le fondateur de MindGeek, Fabian Thylmann, a été inculpé pour fraude fiscale en 2013.

YouPorn est une formidable machine à générer du cash, en premier lieu par le biais de ses revenus publicitaires. A Genève, DAgency est une filiale d’un groupe international spécialisé dans le divertissement et les services internet, surtout grâce à son site de webcams xcams.com. «Les sites comme YouPorn ont des millions de visiteurs uniques chaque jour, partout dans le monde. Nous y achetons donc du trafic (bannières, etc.) pour faire la promotion de différents produits, ce qui nous garantit une bonne visibilité», explique Romain Hoefferlin, responsable de la partie «affiliation» de DAgency.

L’autre source de revenus des porno-tubes est le pourcentage prélevé chez leur fournisseurs de contenu. Si Caroline Tosca devient un jour partenaire commerciale de YouPorn, elle s’engagera à leur fournir des vidéos exclusives. Ce qui apportera à ses réalisations une visibilité accrue et par conséquent de nombreux clics. En échange, le site lui prélèvera au moins 40% des revenus engrangés grâce à ses vidéos – par exemple si un internaute lui achète une prestation privée par la suite, sur son site personnel. Ces pratiques sont décrites par tous les producteurs interrogés, mais ne sont jamais rendues publiques.

Chris Jackson, porte-parole de PornHub, contourne la question en précisant que le groupe voit ses fournisseurs de contenu comme des «partenaires» qui, lorsqu’ils mettent une vidéo en ligne, gagnent un espace publicitaire gratuit pour rediriger les internautes vers leur propre site. D’argent, le communicant ne parle jamais vraiment.

Pour Chauntelle Tibbals, les sites de streaming pornographiques ne sont rien d’autres que des «mafias». D’après elle, les studios n’ont guère le choix que de travailler avec Xvideos ou PornHub dans la mesure où leurs vidéos se retrouvent souvent illégalement sur ces sites. Chris Jackson dément formellement: «C’est absolument faux. Nous prenons très au sérieux la protection des droits d’auteur et suivons attentivement la loi.»

La suprématie des tubes pousse de plus en plus de petits producteurs à vouloir s’en affranchir en en retirant leurs vidéos et en refusant de leur payer quoi que ce soit. A Genève, Caroline Tosca a désormais fait ce choix: avec hotlinexxx.com, elle compte bien gérer elle-même sa communauté de fans, sans rien devoir aux tubes, ni à FrancoLive, le site de webcams sur lequel elle exerce comme «animatrice». «Nous ne voulons pas dépendre des autres», explique Olivier Sauty qui conçoit leur site comme un «réseau social adulte», où les internautes peuvent poster leurs vidéos, discuter entre eux et même vendre leurs produits coquins, le tout avec un système de jetons en guise de monnaie. Près de 3000 personnes en sont déjà membres. Développer sa propre marque: le pari est risqué. Mais de plus en plus de personnes tentent l’aventure.

L’un des meilleurs exemples de cette nouvelle tendance est le parcours d’Erika Lust, une réalisatrice suédoise qui s’est fait connaître par une pornographie féministe et érotique, à rebours des scènes à la va-vite très masturbatoires de YouPorn. Le paradoxe, c’est que si elle a acquis cette belle notoriété depuis dix ans, c’est justement grâce à YouPorn et à d’autres tubes avec lesquels elle travaille de près, leur fournissant du contenu original en échange d’une partie de ses revenus. En 2015, Erika Lust a déclaré un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros et compte arriver au double en 2016. Sa dernière création s’appelle Horny Beasts («bêtes en chaleur»), une rêverie érotique où des danseurs affublés de masques se font honorer par une fille vaporeuse qui perd la raison…

Depuis Barcelone où il gère cette petite entreprise, Pablo Dobner, son compagnon et le père de ses deux filles, annonce que dès cet automne, les vidéos d’Erika Lust ne seront plus visibles sur YouPorn. «Ces sites sont des mafias, dit-il lui aussi, reprenant sans le savoir le terme de Chauntelle Tibbals. Ils font de l’argent avec du contenu illégal. Les publicités qu’ils affichent sont de plus en plus glauques. Et puis nous nous sommes rendu compte que le taux de conversion était très faible, c’est-à-dire que très peu de gens cliquent sur les vidéos pour acheter du contenu payant. Il n’y a donc plus aucun intérêt à s’y trouver.»

Une pornographie éthique

La bataille sera âpre et longue, Pablo Dobner le sait. Il a d’ores et déjà mandaté une entreprise à Barcelone qui se chargera de faire retirer de ces plateformes chaque vidéo qui leur appartient. Aujourd’hui, Pablo Dobner n’a qu’un seul mot à la bouche: «traçabilité». «Chaque consommateur doit se demander qui a tourné la scène qu’il regarde, quelles sont les règles que cette entreprise doit respecter, si les acteurs montrent leur visage ou pas, d’où ils viennent… Comme on le fait lorsqu’on achète des habits ou de la nourriture, on doit le faire aussi lorsqu’il s’agit de pornographie.» Dans l’alimentation comme dans le sexe, il faudrait donc avoir un certificat d’origine garanti.

Aux Etats-Unis, Chauntelle Tibbals prône aussi une pornographie éthique et responsable. Le seul moyen d’y parvenir, pour elle, c’est de payer. «Il ne faut pas consommer de porno gratuitement. Si vous aimez des scènes, il faut se renseigner sur le réalisateur, aller voir le site des producteurs et acheter son travail.» Une utopie? Aujourd’hui, moins de 5% des amateurs de pornographie ont déjà payé pour en consommer. 

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Fred Merz / Lundi13
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Mireya de Sagarra
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Les balades qui font du bien: balade aromatique avec deux fées

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Jeudi, 11 Août, 2016 - 06:00

Lac de Tseuzier. Situé au-dessus d’Ayent, le plan d’eau est d’un bleu turquoise et en faire le tour se révèle enchanteur. Surtout lorsqu’on est guidé par deux sympathiques herboristes connaissant tout des plantes, notamment leurs vertus médicinales.

Marlène Galletti et Rose Panchard sont des fées, cela ne fait aucun doute. Elles ont la gentillesse de communiquer avec nous de manière à peu près normale, mais au détour d’un sentier, en passant à côté d’un mélèze ou en se penchant vers l’ombelle d’une impératoire, on se rend bien compte qu’elles vivent dans un autre monde.

Elles ont une relation intime avec les plantes et les paysages, savent y déceler des énergies originelles. Mais comme ce sont de bonnes fées, elles aiment partager leurs connaissances et faire découvrir leur extraordinaire univers. Officiellement accompagnatrices en montagne et herboristes, elles proposent toute une série d’activités en lien avec la flore alpine.

Aujourd’hui, elles nous emmènent en balade aromatique autour du lac de Tseuzier. Pour y arriver, il faut quitter Sion, tourner le dos au val d’Hérens et monter en direction des douze villages qui forment la commune d’Ayent. A Saint-Romain, on prend la route qui mène au barrage de Tseuzier – appelé aussi barrage du Rawyl. Après une vingtaine de minutes, voilà le lac. Une superbe étendue d’eau turquoise d’un kilomètre carré, formée artificiellement par le barrage construit dans les années 50 sur la Lienne, au pied du col du Rawyl, à 1777 mètres d’altitude.

La balade autour du lac est facile, elle peut être accomplie en famille. La boucle fait 4,5 kilomètres et le dénivelé n’est que de 135 mètres. La parcourir prend environ une heure, quatre lorsqu’on est en compagnie de Rose Panchard et Marlène Galletti et que l’on fait de nombreuses pauses pour examiner les plantes.

A peine avons-nous commencé de marcher que nous voilà devant les grappes jaune pâle d’un aconit tue-loup. «On l’appelle ainsi parce que, dans le temps, on mélangeait cette plante avec de la viande pour empoisonner les loups», témoigne Rose. Elle contient en effet de l’aconitine, un poison mortel également pour l’homme. «Avec les plantes, on peut tout aussi bien se soigner que se suicider», précise Marlène.

Savoir ancestral

Comment les deux femmes ont-elles acquis leurs connaissances? «J’ai grandi dans un chalet isolé, au-dessus de Salins. Plutôt que d’aller chez le médecin, on se soignait avec les plantes. J’ai aussi beaucoup appris en observant ce que mangeaient les vaches et les chèvres durant mes dix ans d’alpage. Et puis, quand on est là-haut, on manque de légumes. J’avais donc décidé d’apprendre à cuisiner deux ou trois plantes par année», raconte Marlène.

Ensuite, elle suivra les cours de l’Ecole lyonnaise de plantes médicinales et des savoirs naturels. Comme Rose. Qui elle aussi a d’abord été initiée aux plantes par la transmission d’un savoir ancestral. «J’ai grandi dans une tribu de filles. Ma grand-mère paternelle connaissait bien les plantes et ma mère aussi, qui venait de la vallée du Trient. On y passait nos étés, dans un mayen au bord du torrent, avec des chèvres. Nous avons appris comme ça; il n’y a pas de raison pour que les enfants d’aujourd’hui n’apprennent pas.» Les enfants, et aussi les adultes.

Le sentier qui fait le tour du lac est charmant. Il croise le bisse de Sion et la Lienne. Là où elle sort de la montagne, la rivière fait une belle chute. Puis, impétueuse, elle court se jeter dans le lac, traversant des pâturages où paissent des vaches d’Hérens. Le paysage est fait de roches et d’herbes, de mélèzes aussi. «Le mélèze, c’est une histoire d’amour entre le soleil et la roche, il n’aime pas l’humus», explique Marlène, qui précise, frondeuse, que c’est un arbre féminin, malgré le fait que «les hommes ont décidé de mettre tous les noms d’arbres au masculin».

A propos d’homme, voilà une plante qui leur est spécialement destinée: l’épilobe. Un aphrodisiaque? «Non, rit Rose. Elle soigne les troubles de la prostate. On l’a testée sur les maris et les copains, c’est efficace. Les messieurs devraient faire une ou deux cures par année.»

Durant la promenade, nous avons aussi dégusté le délicieux sirop de thym confectionné par Marlène et appris à reconnaître la gentiane et le tussilage, l’oseille et le serpolet, la sarriette, la berce… et l’impératoire. «Une plante puissante», s’enthousiasme Marlène. «C’est l’antibiotique du pauvre, la panacée des Alpes», acquiesce Rose.

Pommades, tisanes et huiles

Ce petit aperçu de la richesse botanique des montagnes valaisannes a été enchanteur mais ne permet pas de vraiment faire de la cueillette. Les plantes peuvent être dangereuses, il ne faut pas les consommer sans connaissances. D’où l’utilité et l’intérêt des divers ateliers et balades organisés par Rose Panchard et Marlène Galletti, qui, lorsqu’elle ne parcourt pas la montagne, fabrique des pommades, prépare des tisanes, des huiles… Quoi d’autre encore? Oh, elles ont disparu. Sans doute appelées par un lutin ou un esprit de la forêt. Pour en savoir plus, il vous faudra donc aller consulter leurs sites internet. Parce que ce sont des fées, oui, mais modernes.

Rose Panchard et Marlène Galletti, Balades aromatiques, www.baladaromatique.ch
Marlène Galletti, Aromalp, www.aromalp.ch

Parcours: boucle de 4,5 km autour du lac.
Durée: une heure ou quatre dans le cadre de cette balade accompagnée.


Nos adresses dans les environs

Pain de seigle

A la sortie d’Ayent, en direction de Saint-Romain, le magasin d’alimentation PKB vend de quoi composer un bon pique-nique de produits régionaux. Leur pain de seigle, confectionné selon une ancienne recette, est délicieux. On l’accompagnera de fromages locaux, de sérac et de viande séchée…

PKB, route de Botyre 2, 1966 Ayent, 027 398 12 38
www.mafee.ch/magasinpkb

Musée des bisses

Une dizaine de salles réparties sur trois étages, présentant tout ce qu’il faut savoir sur ces formidables constructions que sont les bisses. Le 4 septembre et le 16 octobre auront lieu, à Botyre, les 5e et 6e marchés du Bisse, sur des thèmes liés à la nature et aux plantes.

Musée des Bisses, Maison Peinte, rue du Pissieu 1, 1966 Botyre-Ayent, 027 398 41 47
www.musee-des-bisses.ch

Sérac d’alpage

A la fin de la balade, si la marche vous a ouvert l’appétit, le Restaurant du lac de Tseuzier vous offre de quoi le combler. Avec du délicieux sérac d’alpage, mais aussi fondue, raclette, croûtes au fromage, röstis, viande séchée ou broche au feu de bois et, en saison, de la chasse. On peut également y dormir.

Restaurant du lac, barrage du Tseuzier, 027 398 26 97
www.rda-sa.ch

Chambre d’hôte

Dans sa typique maison valaisanne de 1820, Marlène Galletti propose de jolies chambres d’hôte, été comme hiver. Nuit avec petit-déjeuner: 60 fr. par personne.

Route de Villa 40, 1966 Ayent, 027 455 59 73 ou 079 771 41 03
www.aromalp.ch

Pause sympa

A peu près au milieu de la balade autour du lac de Tseuzier, le Gîte de Lourantze offre une halte agréable. On peut y boire de l’excellente bière artisanale, déguster fondue, raclette, röstis ou planchettes de produits locaux et bios. On peut aussi y dormir, dans le gîte ou sous un tipi.

Gîte de Lourantze, 079 686 73 89
www.gitedelourantze.ch

Retrouvez chaque semaine nos nouvelles propositionsde balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacundes itinéraires sur heb.do/balades

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Patrick Morier-Genoud
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Les attentats commentés depuis la bagnole

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:48

Décodage. Nouveau genre vidéo à succès: les coups de gueule sur le terrorisme, derrière le volant, dans la voiture. Particularité: zéro complexe.

Les attentats, en France, ont trouvé leurs moralistes, lesquels exercent en cabinet, en l’occurrence leur voiture. Assis sur le siège conducteur, ils se filment, smartphone posé sur le tableau de bord, enregistrent en format vidéo ce qu’ils ont à dire, publient leurs réflexions sur les réseaux sociaux.

Carton plein pour certains, des millions de vues parfois, cela dépend du sujet et de la qualité de la prestation. Ces ignorés des «médias traditionnels» ont un créneau, l’antisystème, et un credo, la vérité, la leur, qui peut varier radicalement en fonction des auteurs. Dans leur studio automobile, à l’arrêt au moment du tournage, ils réagissent généralement à chaud à une actualité tragique touchant l’Hexagone. Celle du terrorisme islamiste, depuis Charlie et l’Hyper Cacher en janvier 2015, leur a fourni jusqu’ici de nombreuses occasions de le faire.

Justement, Franck Renda n’apprécie pas le qualificatif «islamiste» désignant les forfaits commis par des individus se réclamant de l’Etat islamique ou d’autres chapelles djihadistes. «Je trouve ça vexant et stigmatisant pour les musulmans», dit cet homme de 50 ans, habitant l’agglomération lyonnaise, à son compte dans l’industrie métallurgique. Le 15 juillet, au lendemain de l’attentat de Nice qui a fait 85 morts, fauchés par un camion tueur, il a mis en ligne sur son profil Facebook une vidéo réalisée par ses soins dans sa BMW X5.

Reprise entre-temps par le site Planete-Buzz, lequel attribue faussement à Franck Renda la qualité de témoin de la tuerie, ce que lui-même reconnaît, elle totalisait mi-août près de 8 millions de clics. Une performance exceptionnelle pour un «coup de gueule», genre prisé de l’expression citoyenne sur le Net. Semblant très affecté sur les images, Franck Renda rend le gouvernement, traité de troupeau de «pingouins», responsable du drame: «Comment un poids lourd peut entrer en ville comme ça, sans être arrêté, alors qu’on est en état d’urgence?», fulmine-t-il. S’adressant aux vidéospectateurs, il ponctue sa diatribe de 5,25 minutes par un «Réveillez-vous!» des plus anxiogènes.

Certaines de ses interventions sur sa page Facebook ont un ton complotiste. Il y a des références au geste de la quenelle popularisé par Dieudonné – «l’expression d’un ras-le-bol, non le salut nazi inversé», assure-t-il, au téléphone, à L’Hebdo.

Il reproche au premier ministre Manuel Valls de ne pas avoir déclaré «le même attachement indéfectible à la France qu’à Israël», voudrait que «les églises bénéficient d’une même protection que les synagogues», omettant de préciser que des mosquées sont elles aussi protégées par les forces de l’ordre. Franck Renda, dont l’aura grandit sur les réseaux sociaux, dit ne pas aimer Alain Soral, le polémiste français connu pour des déclarations antisémites, mais ses sous-entendus sur les juifs donnent l’impression d’une attention particulière portée à cette partie de la population.

D’une rive à l’autre

D’autres coups de gueule vidéo poussés depuis une bagnole, posture dont il faut peut-être chercher l’origine du côté du rap, sont en train d’installer ce mode oratoire dans l’univers du web. Aldo Sterone (pseudonyme tiré d’une molécule chimique) n’a rien du rappeur et beaucoup du dandy. Lui aussi roule en BMW, modèle 320, année 1997. Son record d’audience est un petit film d’une douzaine de minutes, tourné avec son «iPhone 6,64 gigaoctets», après l’attentat des frères Kouachi au siège de Charlie Hebdo: 960 000 vues.

Né en Algérie, qu’il a quittée peu avant le début de la guerre civile des années 90 pour venir étudier la chimie en Suisse, à l’EPFL, dit-il, résidant aujourd’hui dans le Grand Londres, indéfectiblement chaussé de Ray-Ban, Aldo Sterone, 42 ans, Maghrébin de culture musulmane, méprise les «islamistes». «La France devrait les expulser avec les réserves d’eau nécessaires pour qu’ils ne meurent pas de soif», soutient-il, mi-sérieux, mi-pince-sans-rire. «Ni d’extrême droite ni d’extrême gauche, je vais d’une rive à l’autre», précise-t-il à propos de son pedigree idéologique, toutefois plus droitier que gauchiste, à bien tendre l’oreille.

Comme Franck Renda, mais dans un registre intellectuel et à rebours de toute idée de plaire à ses coreligionnaires musulmans qu’il invite à se détourner du «sunnisme», synonyme selon lui de «wahhabisme», il appelle, de derrière le volant de sa voiture, à un sursaut, et craint en même temps, d’un air désolé et plein d’un gros soupir, l’avènement de la guerre civile.

Voilà des pensées graves, affolantes, effrayantes, rivières souterraines irriguant la société. La production gore n’a jamais coûté si peu d’argent. Comme s’il suffisait de se nourrir sur la bête: la réalité. 

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Le wwoofing: un partage de vie paysanne

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:49

Anaelle Vallat

Reportage. A Bonvillars comme à L’Etivaz, dans le canton de Vaud, des familles d’agriculteurs bios accueillent des citadins venant offrir leur force de travail en échange d’une bonne bouffée d’air.

Bienvenue à La Sauvageraie, domaine agricole de Bonvillars, à quelques kilomètres d’Yverdon. Dès l’aube, toute la maison est déjà en mouvement. Nourrir les cochons d’Engadine, cueillir les fruits, récolter les pommes de terre, écorcer les plantes médicinales et les mettre en sachet, le travail ne manque pas chez Annie Ryter et Frank Siffert. Pour pouvoir tenir le rythme d’une ferme aux activités si variées, ils accueillent à l’année de nombreux aides.

Entre les amis fermiers, les apprentis et les civilistes viennent parfois se glisser des wwoofers, ces personnes n’ayant à la base aucun lien avec l’agriculture, mais qui, pour le plaisir et par conviction, passent plusieurs jours, semaines ou mois dans un domaine agricole bio. Ils n’y perçoivent aucun salaire mais sont nourris, logés, blanchis pour paiement de leur labeur. «Nous avons toujours plein de choses à faire mais pas assez régulièrement pour engager des personnes fixes. Ainsi, le wwoofing nous est d’une grande utilité pour l’appui occasionnel dont nous avons besoin», explique Annie Ryter au milieu de ses marmites de chutney à la cerise.

Plus qu’un acronyme canin, le wwoofing (World-Wide Opportunities on Organic Farms – offres d’emploi mondiales dans des fermes) est un réseau de fermes biologiques, des exploitations agricoles familiales ou regroupant des associés. Elles accueillent donc des wwoofers, de tous âges et nationalités, sans véritables connaissances du travail qui les attend, pour partager leur quotidien. Les buts poursuivis par chacun sont multiples. Certains ont un fort intérêt pour l’agriculture biologique, d’autres pour des domaines plus techniques comme la permaculture, l’agroforesterie ou le pastoralisme, d’autres encore pour le jardinage bio à usage personnel. Et il y a ceux qui sont à la recherche d’évasion, de voyage et d’échanges humains.

Lancé dans les années 70 par une employée de bureau britannique, Sue Coppard, qui se languissait de ses escapades d’enfance à la campagne, le wwoofing est aujourd’hui un mouvement international qui compte plus de 12 000 membres dans une centaine de pays. Le volontaire s’inscrit sur le site internet de wwoofing du pays où il souhaite se rendre et recherche une ferme dans la liste. Il effectuera alors un séjour dans l’exploitation de son choix.

Moins exotique que nourrir des kangourous en Australie ou cueillir des papayes au Brésil, la paysannerie helvétique est pourtant tout à fait prisée. Membre de ce réseau depuis 1990, la Suisse compte 120 domaines biologiques prêts à accueillir des curieux de l’agriculture. Chaque année, Wwoof Suisse reçoit une moyenne de 250 wwoofers.

Chez les Mottier, à l’étivaz

Dans son alpage biodynamique de L’Etivaz, village des Préalpes vaudoises réputé pour son célèbre fromage à pâte dure, la famille Mottier loge pour la première fois des wwoofers. «Le wwoofing est une façon pour nous de voyager et de rencontrer de nouvelles cultures à travers les gens qui viennent passer quelques semaines ici. C’est une ouverture sur d’autres pays et d’autres connaissances», expliquent Esther et Nicolas Mottier, propriétaires des lieux.

Cet été, ils sont accompagnés de Carla, 26 ans, infirmière à Zurich, et de Brandon, 24 ans, un Texan qui enseigne l’anglais en Russie. Tous deux ont déjà pratiqué le wwoofing en Europe et ont adoré l’expérience. «Je suis allé en Italie, en Irlande et en France. Et, comme je suis aussi écrivain, me retrouver dans un environnement comme celui-ci me permet de connaître plein de nouveaux noms de plantes, de techniques, et c’est toujours très utile pour créer une ambiance dans mes livres», confie Brandon.

Le calme de la Suisse et le sourire des habitants lui offrent une parenthèse bienvenue dans la froide Russie… C’est pour se «ressourcer» qu’il passe deux mois et demi dans la ferme des Mottier. «C’est aussi le seul moyen pour moi de voyager en Suisse, vu le coût de la vie», avoue-t-il en souriant. Traire les vaches, faucher l’herbe, s’occuper des écuries et fabriquer du fromage sont devenus son quotidien.

Carla, elle, parvient à oublier pendant quelques semaines la vision des urgences hospitalières. Arrivée début juillet, elle a redécouvert une vie rythmée par la météo et la nature. «Quand je me lève, je prépare le petit-déjeuner. Ensuite, j’accompagne Laurent, l’aîné des deux enfants du couple Mottier, à son cours à la piscine. En rentrant, j’aide à changer la vingtaine de vaches de pâturage. Ensuite, je confectionne le repas de midi avec Nicolas et Brandon. Après, je range l’intérieur de la maison puis j’effectue différentes tâches dehors. En fin de journée, je suis libre. J’ai le temps d’aller marcher dans la montagne avant que le soleil ne se couche et que nous mangions tous ensemble.» Carla partira à la fin de la semaine en France, dans une autre ferme bio, pour y partager un nouveau quotidien.

Le wwoofing, du personnel bon marché? Non, car tel n’est pas vraiment l’enjeu de ce troc travail contre nourriture, logement et lessive. Bien sûr, des abus existent, mais le wwoofing est avant tout un échange de bons procédés et un moyen d’échapper provisoirement à une société de bureaux, d’usines et de supermarchés. Si l’argent n’a pas sa place ici, un plafond d’heures de travail est en revanche fixé par le mouvement wwoofing. Il se situe entre 4 et 6 heures par jour. En cas d’abus signalé, l’organisation enquête sur la ferme présumée fautive et, si la plainte est justifiée, cette dernière sera retirée de la liste des accueillants.

Transmission d’un savoir

Le recours à des volontaires offre aux agriculteurs une meilleure qualité de vie. «Le wwoofing, ce n’est pas de la main-d’œuvre gratuite, tient à préciser Esther Mottier. Cela nous permet de souffler un peu et de consacrer du temps au développement de nouvelles idées d’exploitation. Sans cette aide, nous n’aurions pas pu progresser autant.»

Le wwoofing, c’est aussi la transmission par les agriculteurs de valeurs éveillant à un autre mode de consommation. Dans une société fatiguée par la sur-consommation et essorée par des prix élevés, la demande est forte de formes de vie différentes. Il y a l’envie d’un retour aux sources et on tient à savoir d’où vient sa salade, son fromage, sa nourriture sous vide achetée en supermarché. «Les gens ressentent du non-sens dans la vie actuelle, ils commencent à en avoir assez», observe Esther Mottier.

Le wwoofing leur laisse entrevoir sinon une autre vie possible, du moins leur ménage une pause dans la leur. «Il y a cinq ans, les seules personnes à porter intérêt au bio et aux produits de la ferme étaient des marginaux en chaussettes et sandales, constate Esther Mottier en riant. Aujourd’hui, tout le monde s’y intéresse, les gens modernes, les personnes âgés, les jeunes.»

Le wwoofing pour la suite? «Nous souhaitons l’élargir à l’accueil de familles, annonce l’agricultrice. J’aimerais que ce soit accessible à tous, car tout le monde peut s’enrichir de cette façon de travailler et de voyager.» 

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Mazarine Pingeot: «Se montrer tout le temps sur les réseaux sociaux, c’est risquer d’effacer la frontière entre privé et public. Une frontière vitale pour préserver notre citoyenneté.»

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:50

Interview. La philosophe et écrivaine française analyse la soif de transparence de notre époque, qui prétend tout montrer et se montrer en permanence. Quitte à bafouer la démocratie.

Nous vivons entourés d’écrans qui nous offrent une vision immédiate du monde. Mais nous avons oublié leur ambivalence car, loin d’offrir une image prétendument transparente de la société, ils peuvent aussi littéralement faire écran et masquer les objets mêmes qu’ils prétendent dévoiler. Dans son essai La dictature de la transparence, paru chez Robert Laffont, Mazarine Pingeot réinterroge notre fascination pour le règne de l’image. Son ouvrage figure dans la sélection du Prix des lecteurs de L’Hebdo 2016, catégorie essais.

Quel est le danger de vouloir tout montrer et tout voir, notamment sur les réseaux sociaux?

Le danger, c’est que l’on n’interroge pas cette notion même de transparence et sa mythologie. On a l’impression que cela va de soi, et qu’en plus cela va de concert avec la démocratie. Pis, on croit que c’est une arme démocratique. Mais cette présupposition n’est jamais interrogée. Or, il faut la questionner.

La transparence n’est-elle pas une preuve de démocratie?

L’accès à l’information s’est démocratisé, et c’est une chose formidable. Mais quelle est la nature de cette information? Ce n’est pas parce que le citoyen est de plus en plus informé qu’il est de plus en plus connaissant. Il ne faut pas confondre information et savoir. Avoir accès à l’information ne fait pas de nous des citoyens réfléchissant sur la citoyenneté, ou à leur place dans la cité. Par ailleurs, on discrédite la frontière entre le public et le privé. Par exemple, les hommes publics doivent livrer plus d’informations sur leur vie privée. Je ne suis pas certaine que cet empiétement du public sur le privé soit un progrès.

Quel est le risque?

La démocratie, fondée sur la république, s’articule sur la distinction entre les espaces privé et public. On ne se comporte pas chez soi de la même manière qu’à l’extérieur. Nous ne devrions pas avoir de comptes à rendre sur notre intimité, à moins de transgresser la loi. Passer outre la frontière entre intimité et espace public est très dommageable pour la démocratie. Cette limite est de plus en plus brouillée dans les médias et sur les réseaux sociaux. Or, un citoyen doit savoir distinguer ses intérêts privés des intérêts collectifs. Sinon, comment mettre ses intérêts égoïstes entre parenthèses et être capable d’œuvrer pour le bien collectif? S’il ne fait plus la distinction, c’est qu’il n’est plus un citoyen.

En philosophie, pourtant, on a souvent associé clairvoyance et transparence. Cette dernière a été valorisée…

Cette métaphore de la transparence s’inscrit dans une tradition qui tend à fonder le discours rationnel. Pensez aux Lumières. Mais beaucoup de philosophes se sont également méfiés de nos sens. Ils savaient qu’on ne perçoit jamais les choses telles qu’elles sont. Le soleil a l’air de se lever et de se coucher à l’horizon, et pourtant c’est la terre qui tourne autour de lui… Autrement dit, nos sens nous induisent en erreur. Et l’idéal des Lumières, qui prônaient la clarté intellectuelle, a été détourné par des volontés de contrôle absolu.

Rendre visible pour mieux contrôler. Je pense au panopticon, ce modèle d’architecture carcérale mis au point au XVIIIe siècle en Angleterre, qui permettait une meilleure surveillance des individus. Aujourd’hui, nous vivons tous dans un panopticon, mais immatériel. Via la traçabilité des nouvelles technologies, on peut être tout le temps visible, et donc surveillé. Brancher son GPS, c’est accepter d’être géolocalisé. Tout cela se fait avec notre participation. Nous nous mettons en position d’être regardés tout le temps et partout.

Le philosophe genevois Jean-Jacques Rousseau serait responsable de cette confusion sur la transparence?

Rousseau est un immense philosophe. Je pense notamment à son chef-d’œuvre, Le contrat social. Mais ses livres plus autobiographiques sont ambivalents. Il y a chez lui ce fantasme que l’on peut lire dans le cœur de l’autre, que les âmes sont transparentes. Ce qui, pour moi, est un modèle angoissant! Je ne vois pas d’intérêt à lire dans l’âme de l’autre. Ce qui est beau, c’est l’opacité, car ce qui intrigue suscite le désir. Rousseau est le premier qui livre un récit intime, Les confessions.

C’est une entreprise passionnante, dans laquelle il promet de se montrer totalement au lecteur. Mais cela ne peut pas tenir. Pour dire le vrai, il faut parfois trouver des détours et mentir. C’est le propre de la fiction. La transparence, chez Rousseau, est au service d’une revendication, d’une diatribe, qui n’est pas du tout transparente. C’est une arme. Plus Rousseau prétend se livrer tel qu’il est, plus il construit son image.

Aujourd’hui, la transparence est plus que jamais une arme…

C’est un outil de combat dans l’arène politique. Plus on affirme être transparent, plus on corrompt cette notion. Celui qui nous dit, en substance, comme Rousseau, «Je vais me livrer à vous et être parfaitement transparent» cesse déjà de l’être. Aujourd’hui, plutôt que de se connaître soi-même, il faut se montrer. Se faire voir prime sur le voir.

La téléréalité est-elle une autre dérive de cette idéologie?

Oui. On affirme filmer les vraies gens, rendre visible le peuple tel qu’il est, alors qu’on en fait une caricature. On fabrique le peuple que l’on prétend montrer dans sa pire manifestation et sa nullité. Paradoxalement, on invisibilise le peuple. Beaucoup d’électeurs, dans cette société de la transparence, ne se sentent plus vus, plus entendus. Et se tournent vers les extrêmes.

Vous préféreriez plus d’opacité dans les affaires publiques?

Non, bien entendu. Mais il y a un autre moyen que la transparence pour régler les abus: la justice. Le secret de l’instruction doit toutefois être assuré. Cela n’a pas été le cas, par exemple, lors du scandale DSK, à New York. Ce dernier a été jugé par l’opinion avant même de l’être par ses juges. Faire advenir la vérité nécessite un travail d’enquête long, de terrain. Un travail qui comporte des bulles d’opacité, notamment la protection des sources. La quête de la vérité n’a pas besoin de la transparence. Au contraire, elle a besoin de temps, alors que l’injonction à la visibilité est liée à un flux constant et immédiat.

C’est devenu difficile, avec une information qui fonctionne en flux continu…

Lorsqu’on parle d’information continue ou de temps réel, on omet de se rappeler qu’une image est toujours construite, qu’elle est le fruit d’une médiation. Ce n’est pas parce qu’on voit quelque chose que c’est la vérité. On devrait apprendre à lire les images et à les décrypter à l’école. D’autant plus à une époque où nous assistons à une guerre des images. Les terroristes l’ont bien compris…

L’information a pris le pas sur le savoir?

Oui, très clairement. On pense que l’information vaut le savoir. Mais le savoir nécessite lui aussi du temps. Le temps de comprendre, d’analyser, d’intégrer… Aujourd’hui, de plus, l’image est devenue plus importante que l’expérience même. On prend les choses en photo avant même de les regarder. On se prend sans cesse en selfie… L’image est devenue une attestation de l’existence, comme si nous étions en déficit d’existence.

Ce n’est pas un hasard si vous parlez de la transparence, vous qui avez, dans votre vie, passé du secret à l’hypermédiatisation… Votre lien avec le président François Mitterrand, votre père, est demeuré caché au public jusqu’en 1994…

Oui, si ce sujet m’intéresse, c’est parce que je l’ai côtoyé de près. Mon travail a été de dépasser le côté affectif pour interroger le plus authentiquement possible cette problématique. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont on peut transformer quelque chose que l’on a vécu en objet théorique.

Etes-vous pessimiste sur notre capacité à préserver notre intimité à l’avenir?

Nous sommes dans un moment de mutation. Il y aura une autorégulation. La sphère de l’intime va se déplacer, le privé aura peut-être moins de valeur, mais l’intime récupérera une part de privé, une fonction de rempart. Il faut cependant être vigilant avec les jeunes, avec nos enfants, notamment en leur expliquant comment l’image est fabriquée et diffusée.

Un des moyens de renouer avec le réel, ce serait l’art, en particulier la fiction?

En littérature, on ne peut pas tricher, on doit aller au plus profond de l’intime. Tout poète, tout écrivain a besoin de l’obscur pour travailler sa matière. Tout art fonctionne ainsi. La lumière a besoin d’ombre et inversement. Surtout, l’art casse notre fascination pour l’image, il la remet en jeu et nous amène à la repenser. A réapprendre à voir, à mettre le monde en perspective et en relief, à sortir de l’écran et de l’image glacée. 

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Point final: cadenas d’amour

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:53

Paris cherche à s’en débarrasser, sans grand succès. Partout, sur les ponts des villes, les cadenas d’amour fleurissent et enlaidissent les équipements urbains. De plus en plus de couples cèdent à ce rituel qui se voudrait intime mais se répète à la chaîne: symboliser son union en accrochant un cadenas à une barrière, puis jeter la clé dans un cours d’eau.

Souvent, ces morceaux de métal comportent des initiales et une date gravées. Leur amoncellement produit un effet effrayant: on dirait une sorte de cimetière.

Le cadenas ne dit pas l’inclusion mais la possession. La peur du vol, la soumission et le cachot. Un amour immobilisé qui s’entrave lui-même. Comme si le couple était mortifère. N’est-il pas plutôt mouvement, ouverture à l’autre, à soi et, par-là, à la vie et au collectif? Pourquoi cet engouement? Peut-être parce que nous vivons dans une société dans laquelle on peut facilement se passer de nous.

L’effroi de se savoir si aisément remplaçable, professionnellement ou dans les amitiés en réseau, produit en contre-partie ce désir de symbiose. Mais vivre l’un à l’autre scellés entraîne paradoxalement la disparition tant redoutée. Car plus l’autre est présent et moins on le voit. C’est aussi la fin du désir. Etre là, c’est désactiver sa présence et finir par disparaître, comme l’explique le philosophe François Jullien dans Vivre en existant.

En voyant tous les jours le ciel, on devient insensible à ses merveilles, écrivait quant à lui Lucrèce. Question de bonne distance, non de verrou. 

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Meapasculpa: la burqa version mâle

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:54

Le problème avec la burqa, ce n’est pas la burqa, c’est le type à côté. Les versions que nous avons à Genève, Zurich ou Lugano se baladent en short et t-shirt ou chemise à manches courtes bâillant sur le ventre, mollets à l’air, grosse montre – un concentré de banalité estivale. Le problème de la burqa, c’est ce que cet homme à côté affiche à la face du monde: sa fierté de mâle dominant, sa jubilation de propriétaire, sa paranoïa, son incompréhension du monde occidental, sa vision manichéenne du bien et du mal, du propre et du sale, de l’érotisme et de la famille, son mépris pour les femmes sans burqa qu’il prend toutes pour des putes, sa manière de les regarder parce que, enfin, il a quelque chose à se mettre sous la dent.

On dirait un banquier suisse qui cache son argent pour ne pas susciter la convoitise, comme s’il suffisait de mettre un gros secret bancaire en drap brun ou noir devant ce qu’on veut cacher pour que cette chose passe inaperçue.

Dire cela, j’en conviens, c’est déresponsabiliser les femmes sous la burqa, estimer qu’elles sont moins responsables de cette burqa que l’homme qui les accompagne. C’est le cas. Ce sont leurs hommes qu’il faut éduquer, apprivoiser, convaincre. Parce qu’ils ont l’autorité, dans les pays à burqa, parce qu’ils ont le pouvoir de lapider, vitrioler, emprisonner, répudier, violer. Ce sont les hommes qu’il faut amender chez nous.

Surtout, c’est la révolution des hommes qui doit se faire. Aux hommes de ce pays qui croisent des congénères accompagnés d’une burqa de les interpeller, leur faire éprouver de la honte, leur prouver que l’on peut être aussi fier de se balader avec sa femme si elle va tête nue en robe d’été, que l’on tient autant à sa femme avec ou sans burqa, qu’on peut être fidèle ou infidèle avec ou sans burqa, qu’en Occident, on peut être un homme et se promener dans la rue sans bander tous les 2 mètres ou désirer toutes les femmes qui passent simplement parce qu’elles ne cachent pas leurs jambes, leurs bras, leurs cheveux, leurs chevilles sous un drap.

Les hommes à burqa ont peur d’eux-mêmes et de leurs congénères: aux hommes de Genève, Lugano ou Zurich de leur montrer qu’être un homme, c’est simple aussi, parfois. Comment dit-on féminisme en version masculine? Hominisme? Les femmes ont fait leur part de révolution sociale, intime, mentale, sexuelle. Sur la moitié de la planète, aux hommes de faire leur révolution. Le Manifeste hoministe existe, il date de 2006, mais vient du Québec, et non d’Arabie ou du Pakistan. Se retrouver à interdire la burqa nous placerait dans une logique autoritaire peu conforme au respect des libertés individuelles que nous chérissons. Nous ne voulons pas interdire, nous voulons convaincre. Au travail.

isabelle.falconnier@hebdo.ch

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Livetrotters: ma caméra, mon porte-voix

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:56

Nina Seddik

Reportage. Rencontre avec Bassam, Yara et Walida, trois jeunes Syriens exilés en Allemagne motivés à percer dans le monde des médias.

Dix minutes avant le début de la présentation, la petite salle de classe de l’Université des arts de Berlin (UdK Berlin) où elle va avoir lieu est déjà bien remplie. Une vingtaine de participants sont sagement assis sur les chaises en bois. Ils se jaugent en silence, personne n’a l’air de se connaître. Une musique d’ambiance détend un peu l’atmosphère tandis que les plus audacieux s’aventurent vers la table des rafraîchissements et petits gâteaux.

Nous attendons tous le discours de bienvenue de la présidente et de la responsable des relations publiques de l’université. Cette allocution marquera le début d’une semaine de séminaires et de visites organisés conjointement par l’UdK Berlin et l’Université du film de Babelsberg, l’une des plus réputées en Allemagne. Le but? Donner une image plus précise du paysage cinématographique allemand à ces nouveaux venus, majoritairement originaires de Syrie. Réalisateurs, scénaristes, journalistes (en herbe ou confirmés), ils ont tous la même envie: s’intégrer sur ce marché très compétitif et faire entendre leur voix.

«Tu vas parler de quoi dans ton article?»

C’est par exemple le cas de Bassam, Syrien d’une trentaine d’années avec qui je discuterai souvent pendant les trois jours passés au sein du petit groupe. «Tu vas parler de quoi dans ton reportage?» Je lui explique que je m’intéresse à ce qui est mis en place pour les aider à s’intégrer et à continuer de travailler dans leur domaine en Allemagne. Et aussi que j’ai envie de comprendre ce qui les anime. «Dans ce cas, je veux bien discuter. J’en ai un peu marre de l’image qu’on donne de nous dans les médias. Ils montrent toujours notre faiblesse, jamais notre force. Des ressources et du talent, on en a!»

Quel est son parcours?«J’ai étudié le management à Damas et puis… tu connais l’histoire. Je suis parti au Liban, où je suis resté quelques mois. J’y ai trouvé un petit boulot d’assistant casting, un peu par hasard. Mais c’est devenu aussi très difficile là-bas, alors je suis allé en Turquie, d’où j’ai pris le bateau pour l’Europe. Et je suis arrivé en Allemagne en novembre 2015, avec mon ami Youssef, qui est chanteur. Depuis, je vis dans un foyer d’accueil dans la région de Berlin. Je veux devenir réalisateur. Pouvoir être libre, dire et montrer ce que je veux. Pas comme en Syrie. Avec mes films, j’aimerais donner une voix à ceux qui n’en ont pas, et aussi faire passer un message positif au sujet des Syriens. Le pathos, ça ne m’intéresse pas.»

En début de semaine, My Escape a été projeté en classe. Un documentaire qui suit des réfugiés syriens, érythréens et afghans dans leur dangereux périple pour rejoindre l’Europe. Périple qu’ils ont filmé à l’aide de leur smartphone. Qu’en a pensé Bassam? «Je n’ai pas du tout aimé. Je n’ai plus envie de voir ces images, ça me rappelle ce que j’ai vécu. Non, franchement, je ne veux plus regarder ça.»

Son regard est devenu brillant, il change de sujet et sort son téléphone portable. «Tu veux voir le clip que j’ai réalisé à Berlin avec Youssef?» La musique est entraînante et ce n’est pas mal réalisé pour une vidéo tournée avec un smartphone. Je suis surtout touchée de voir à quel point Bassam est fier de me la montrer. «Dans ce clip, on parle des difficultés qu’on rencontre ici en Allemagne. Ce n’est pas facile d’arriver dans un nouveau pays, dont on ne connaît ni la langue ni la culture. Parfois, il y a des regards qui me font sentir que je ne suis pas le bienvenu. Et ça ne vient pas forcément des Allemands.»

Yara, elle aussi originaire de Syrie, me confirme, dans un allemand impeccable, les difficultés signalées par Bassam. «Quand on est arrivés ici avec ma famille, ça a été difficile, on a tous déprimé. Nous sommes bien sûr contents d’être en Allemagne, mais c’est tellement différent, on doit tout recommencer de zéro. Et puis les gens sont quand même plus froids, on n’est pas habitués.» La jeune Syrienne de 21 ans, qui n’a de frêle que son apparence, est arrivée à Berlin il y a environ deux ans, après avoir obtenu un visa depuis la Turquie. «J’ai réalisé un court métrage sur la dépression à laquelle sont confrontés certains réfugiés à leur arrivée à Berlin. Le film est muet, parce que je voulais que le silence accentue ce sentiment de mal-être.»

«Je veux montrer la vérité»

Avec une mère issue du milieu politique et un père réalisateur, la jeune femme a rapidement acquis une conscience sociale. «Grâce au cinéma, je veux montrer la vérité. Je veux que mes films soulèvent des débats et poussent les jeunes Syriens à se poser des questions, à se réveiller.» Peut-on voir son court métrage? «Pas encore, je suis en train d’essayer de le monter. Ça me prend pas mal de temps, il me manque beaucoup de matériel. Je te l’enverrai quand il sera terminé.»

En discutant avec ces jeunes déracinés, artistes en devenir, je comprends vite que le manque de moyens et de contacts dans le milieu du cinéma allemand représente une barrière qui leur semble infranchissable. «J’ai terminé d’écrire un script et j’ai besoin de fonds pour commencer le tournage. Comment puis-je obtenir des aides financières?» «J’ai tourné un court métrage et j’aimerais maintenant tenter de le distribuer. A qui dois-je m’adresser?» «J’ai besoin d’avoir accès à certains endroits pour tourner ma fiction, mais on ne m’en donne pas l’autorisation. Comment faire?» Autant de questions qui reviennent régulièrement sur le tapis durant ces quelques jours.

Walida, jeune journaliste de 29 ans originaire de Syrie, est particulièrement intéressée par les débouchés qui existent dans la branche en Allemagne. Durant notre visite de la chaîne de télévision Deutsche Welle, elle me confie: «Je vais commencer un stage de trois mois au sein de la rédaction de Bonn. J’espère qu’ils me garderont, même si je préfère Berlin.» Le courant passe vraiment bien entre la jeune femme et moi, et on rit beaucoup. J’admire son côté positif et la flamme qui l’anime malgré les épreuves qu’elle a vécues. «Je suis arrivée ici il y a un an. Avant ça, j’étais en Turquie, où je m’étais réfugiée et d’où je continuais à travailler comme journaliste.

Mais, lors d’un reportage à la frontière syrienne, on m’a tiré dessus et je n’ai plus pu marcher pendant de nombreux mois.» Elle m’explique également qu’elle est arrivée ici seule et qu’elle a perdu la trace de nombreux membres de sa famille. Son visage a complètement changé d’expression et j’essaie de lui changer les idées en lui demandant si travailler dans le cinéma la tenterait. «On verra, j’ai toujours eu envie d’écrire et de réaliser. Donc, si le stage à Bonn ne débouche pas sur un emploi, je me lancerai peut-être.»

La volonté de s’intégrer

Bassam, Yara, Walida et les autres. Une vingtaine de participants et autant d’histoires à raconter. Il est vraiment touchant de voir à quel point ces jeunes gens, issus de milieux sociaux variés et aux parcours très différents, ont en commun cette rage au ventre. Le cinéma est leur porte-voix et leur exutoire. C’est également une fierté pour eux de montrer qu’ils ont du talent et beaucoup de choses à apporter à leur patrie d’accueil.

Cette fierté, je la vois par exemple lorsque Bassam accepte de poser devant mon objectif. Changement de position face à l’appareil, torse bombé, il affiche clairement sa force et son ambition. Et il me dit: «Je suis fier de ce que tu fais. Tu leur montreras, en Suisse, qu’on n’est pas juste des réfugiés, qu’on sait faire beaucoup de choses et qu’on veut s’intégrer. Tu me promets, hein? Et n’oublie pas de m’envoyer les photos, je ne me trouve pas trop mal dessus.»

Suivez le journal de bord des Livetrotters, interagissez avec eux sur les réseaux sociaux sur www.hebdo.ch/livetrotters. Ou envoyez-leur un message, des idées ou des conseils sur Livetrotters@hebdo.ch


Où sont les autres livetrotters? que font-ils?

Copenhague
Marie Romanens

Au Danemark, le coworking est bien plus développé qu’en Suisse. Marie a visité des coentreprises, des espaces où l’on partage non seulement bureaux et connexion internet mais aussi machines très onéreuses et autres engins industriels. Elle est conquise par cette démarche avant-gardiste. Elle se dirige maintenant vers la Suède. 

Budapest
Raphaël Surmont

Dans la capitale hongroise, notre spécialiste du nomadisme numérique a rencontré Geoff et Katie, un couple qui a réalisé son rêve: quitté le train-train quotidien pour vivre de son business. Raphaël s’en ira ensuite à la rencontre de femmes parties découvrir le monde en solo. 

Région de Prague
Aude Haenni

La voilà en République tchèque où elle a rencontré Barbara et Peter, un couple suisse vivant depuis dix ans loin de l’agitation de la capitale. Sont-ils contents de leur choix? Avec le recul, ils feraient les choses différemment, expliquent-ils, même s’ils voient aussi les bons côtés de l’expatriation. Prochaine étape: à la rencontre des Suisses de Londres. 

Liège
Jacqueline Pirszel

Dans la capitale wallonne, elle a interviewé une urbaniste spécialiste de la nuit qui lui a expliqué en quoi consiste son métier. Et le rôle central que joue l’éclairage dans l’organisation de la vie nocturne, avec des aspects surprenants. Elle se rend ensuite à Prague. 

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Régis Colombo
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Les balades qui font du bien: où la frontière est partout et nulle part

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:56

Chancy. A l’extrémité ouest de la Suisse, le long du grand fleuve, les promenades forestières donnent le sens du relatif. Précieux!

C’est une balade symbolique sur une frange extrême de la Suisse, dans son coin le plus occidental, d’une importance littéralement cardinale. La région est bornée par tant de petits monolithes de toutes tailles, dates et appartenances qu’on se demande si elle n’est pas complètement à l’ouest, au propre comme au figuré. Un état limite, c’est toujours une expérience.

Dernier village sur le cours du Rhône avant la frontière française, Chancy a l’une des trois principales forêts du canton de Genève, avec Jussy et Versoix. C’est un petit massif qui propose de multiples promenades pédestres, d’une à trois heures environ. Le fleuve, chargé de limon, a beau être caché la plupart du temps, on le sent et on l’entend (les pelles excavatrices): il est là, massif, omniprésent.

C’est au bord du Rhône que l’on découvre une petite borne plantée à deux ou trois mètres de l’eau, près d’une station de mesure du débit fluvial. Elle marque, cette petite chose grise, le point le plus à l’ouest de Suisse. Enfin, sur la terre ferme, car la vraie frontière avec la France est au milieu du Rhône, sur une ligne qui n’a d’autre consistance que cette eau pressée de rejoindre la Méditerranée. Une métaphore du changement, comme pour rappeler le constat du vieil Héraclite: «Tout passe, tout coule, on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.»

Le changement, il y en a également à foison dans les bois de Chancy. Voici une borne de 1816, marquée d’un côté par l’aigle du royaume de Sardaigne, alors rattaché à la Savoie, de l’autre par l’écusson de Genève, qui venait l’année précédente d’entrer dans la Confédération helvétique. Voici des bornes de 1898, d’autres de 1946. Ces ponctuations multiples rythment l’histoire mouvementée des lieux, entre cessions et rétrocessions, invasions et résistances, réformes et contre-réformes. Mais aussi de la longueur surprenante de la frontière franco-genevoise, d’une centaine de kilomètres au total, en raison de la forme enclavée de la République et Canton.

Les bois sont à l’avenant, eux qui ont été abondamment exploités avant d’être replantés puis protégés, en particulier par des réserves naturelles. Comme celle du vallon du Longet, dans le bois de Fargout. Amorcée depuis le parking situé à proximité de la douane, en direction de Valleiry, la balade est magnifique bien qu’accidentée. On ne tarde pas à descendre le long d’une pente abrupte vers une belle passerelle qui enjambe la rivière du Longet, pour aussitôt remonter de l’autre côté du val ombragé. La végétation est hirsute, dense, avec des arbres géants, des prêles préhistoriques, les vestiges d’une tuilerie romaine.

Du chêne au pin, du tilleul au cormier, les essences sont si nombreuses qu’on croirait être dans un arboretum. Plus bas, vers le Rhône, les saulaies prospèrent. C’est le bout de la Suisse, un peu le bout du monde, un far-west à géométrie variable. Un ouest sauvage qui n’oublie pas d’être aimable. On ne s’y perd jamais longtemps, vite remis dans le droit chemin par les panneaux indicateurs. Ou la vue du fleuve, garde-fou, malgré ses méandres, de toutes les divagations de Chancy.

Parcours: multiples circuits à partir de Chancy. Durée: d’une à trois heures.


Nos adresses dans les environs

Mairie de Chancy

On y trouve pour 5 francs le guide des bois de Chancy (bois de Fargout et bois des Bouchets). Il propose de nombreux renseignements sur la flore et la faune de la région, ainsi que sur sa géographie particulière. Les textes et illustrations sont de l’artiste Nikola Zaric.
Rte de Valleiry 4

Café de la Place, Chancy

Viandes, poissons et crustacés, sans oublier la longeole fondante à la sauce moutarde. Terrasse.
Rte de Bellegarde 55 
Tél. 022 757 02 00
laplacechancy.ch

Restaurant Le Virage, Chancy

Belle terrasse ombragée et point de départ de sentiers pédestres le long du Rhône, y compris du côté français.
Rte de Bellegarde 82
Tél. 022 756 00 56

Retrouvez chaque semaine nos nouvelles propositionsde balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades

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Luc Debraine
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Nicolas Sadirac: «L’école classique a failli à reconnaître les talents de demain»

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:57

Propos recueillis par Mehdi Atmani

Interview. A Paris, Nicolas Sadirac dirige l’école 42. Une formation gratuite aux métiers techniques du numérique. Le directeur remet en question «un système éducatif qui n’a pas su donner leur chance à certains».

C’est le pari fou de Xavier Niel. Le 26 mars 2013, l’homme d’affaires français, géant des télécommunications, propriétaire en Suisse de l’opérateur Salt, cofonde l’école 42 avec Nicolas Sadirac, alors directeur de l’école privée pour l’informatique et les nouvelles technologies Epitech. Un projet de formation à 70 millions d’euros entièrement gratuit, car totalement financé par des fonds privés, dédié à la programmation et aux métiers techniques du numérique.

Ouverte il y a donc plus de trois ans, l’école 42 a élu domicile entre la place Clichy et Saint-Ouen, à Paris. Son ambition? Incarner l’envers de la France qui craque, en ouvrant une brèche dans un système éducatif français coupé des réalités et des besoins de l’économie numérique. Depuis sa création, cet établissement est un îlot numérique dans la capitale française. Ses 3000 étudiants âgés de 18 à 30 ans sont recrutés hors du système scolaire classique, sur la base de tests.

L’école 42 ne dispense pas une scolarité classique. Les élèves n’ont ni profs ni cours magistraux. La formation, qui dure de deux à quatre ans, s’effectue sur la base de projets à réaliser. Ceux-ci vont du niveau de base (code informatique, développement d’applications sur l’internet) aux spécialités les plus pointues des métiers numériques. A la fin de ce cursus, l’embauche par l’une des start-up. En 2015, il s’en est créé une cinquantaine. L’école vient d’ailleurs d’inaugurer un site dans la Silicon Valley. Elle lorgne déjà sur l’Asie ces prochaines années.

Directeur de l’école 42 depuis son inauguration, Nicolas Sadirac remet en question le système éducatif français, «miné par son incapacité à dénicher les talents de demain». Et d’expliquer pourquoi l’économie numérique a besoin d’innovation et de créativité plutôt que de diplômés. Une nécessité, selon lui, pour la création d’emploi et de valeur ajoutée.

Avec l’école 42, vous défiez l’éducation nationale qui peine, selon vous, à former les talents de demain. Quels sont vos rapports avec les filières académiques classiques?

Nous dialoguons beaucoup ensemble, ce qui nous a permis de nouer déjà une trentaine de partenariats avec des écoles. Nous n’avons juste pas les mêmes objectifs et les mêmes problématiques. Ce sont deux systèmes qui évoluent en parallèle et ne sont pas concurrents.

Vous n’avez pas l’ambition de convertir les universités à de nouvelles méthodes de formation?

Non. Nous entretenons de très bons rapports avec nos partenaires académiques. Nous leur apportons de la valeur ajoutée et entreprenons ensemble des projets qui font sens dans l’économie numérique. Les universités amènent certaines compétences. Nous d’autres. Les deux se mêleront en entreprise.

Les résultats au bac sont sans appel. Au mois de juin dernier, plus de 80% des lycéens français ont obtenu ce diplôme. A-t-il toujours de la valeur?

Le bac ne sert à rien. C’est une commodité. Avec lui, les étudiants viendront gonfler les effectifs d’un système académique qui normalise et discipline. Celui-ci n’a pour but que de venir nourrir un système en place depuis longtemps. L’époque et l’économie ont besoin de créativité et de valeur ajoutée. On ne peut pas innover si l’on suit un cursus établi depuis plusieurs générations. Le bac, c’est donc l’archétype de la normalité. A 42, nous apportons de la valeur créative à l’économie numérique.

La grande majorité de vos étudiants n’ont pas le bac. Plusieurs mauvaises langues vous ont qualifié d’école de la deuxième chance.

Oui, car l’école classique n’a pas su donner la chance à certains. Elle a failli à reconnaître les talents de demain. L’éducation nationale identifie les talents du passé. 42 s’immisce là où le système classique n’arrive pas à fonctionner. Il faut souligner que les critères de sélection classiques ne sont pas adaptés à l’ère numérique et aux besoins de l’économie. Il y a une parfaite disjonction entre les deux. A 42, nous essayons de la combler.

D’autres estiment que 42 dispense un apprentissage modernisé.

L’apprentissage est une transmission d’un savoir-faire et d’un métier. Nous ne sommes pas dans cette logique. Pour créer, il faut apprendre du nouveau. A 42, chaque étudiant sera libre et évoluera en fonction de son propre moteur. Nous pensons que la collaboration et le travail collectif sont plus importants que l’individuel. A ce titre, 42 s’approche davantage d’une école artistique que technique. Nous fabriquons de la diversité, car aucun de nos étudiants ne se ressemble. Nous sommes dans une logique de différenciation et de valeur ajoutée. Pas dans la transmission.

Concrètement, à quoi ressemble un cursus type à 42?

C’est comme un jeu vidéo. L’étudiant aura le choix parmi plusieurs projets (le développement d’un logiciel, d’une application). A lui de choisir. Chaque projet se réalise en équipe. L’étudiant devra donc trouver les cinq à six personnes compétentes pour y parvenir. Ensemble, ils vont mener ce projet, surmonter les difficultés, aller chercher de la connaissance et des conseils à l’extérieur des murs de l’école, mais aussi en ligne.

Une fois le projet réalisé, l’équipe le soumet à un jury d’étudiants. Ce dernier le note. Pour les projets plus aboutis, nous dispensons également un programme d’accélérateur. Nous aiderons les étudiants à définir le projet, l’accompagner et lever des fonds pour leur start-up. A 42, nous travaillons avec des conseillers en HEC, des entrepreneurs. Notre rôle est de susciter l’envie et l’énergie d’entreprendre.

Les pays européens peinent à retenir les start-up créatives. Comment la France peut-elle créer un écosystème favorable pour garder ses jeunes pousses?

A 42, les projets doivent se penser au niveau mondial. C’est très sain d’aller passer quelques années à l’étranger. C’est pour cela que nous avons inauguré un campus à la Silicon Valley et que l’on pense à faire de même en Asie. A Paris, l’innovation numérique se développe très fortement. C’est un milieu foisonnant d’idées qui ne ressemble en rien à la Californie. En France, nous avons une façon moins procédurière de penser l’innovation. Nous sommes une société pluriculturelle intégrée. C’est un avantage concurrentiel. Aujourd’hui, la France reprend confiance en elle. Elle ne se calque plus sur le modèle américain. Techniquement, si l’on essaie de copier la Silicon Valley, cela ne marchera pas.

Samsung, Coding Academy, Simplon.co, WebForce3, 3W Academy… Les écoles de code se multiplient en France. Gratuites, elles se calquent sur le modèle de 42. Quel rapport entretenez-vous avec cette concurrence?

42 n’est pas une école du code. Le langage informatique, c’est facile. Il s’apprend à tous les âges. L’enjeu n’est pas là. Nous, nous apprenons aux étudiants à innover et à collaborer. Dans l’éducation classique, la collaboration entre élèves ou le fait de s’inspirer d’un travail s’appelle tricher. Un adulte formé dans ce cadre rigide aura beaucoup de peine à innover dans son travail. Il faut casser cette normalisation. L’éducation nationale demande aux élèves de répondre à des questions déjà acceptées.

Il y a le juste et le faux. Tout ce qui se trouve entre les deux n’a pas lieu d’être. C’est donc difficile d’inventer dans ce système. Les jeunes sont naturellement inventifs. Il faut développer cet aspect-là, car les entreprises d’aujourd’hui ont besoin de collaborateurs capables de faire fonctionner le cerveau collectif de l’entreprise. En d’autres termes, il ne sert à rien de faire 42 pour apprendre à coder. Par contre, si vous désirez inventer les produits de demain, vous êtes à la bonne adresse. 

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Sebastien Muylaert / Wostok Press
Olivier Ezratty
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Les balades qui font du bien: dans la commanderie de l’Ordre de Malte

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:57

Compesières. Sur une terre autrefois savoyarde, une église et un musée cultivent l’esprit d’un ordre fondé à Jérusalem au temps des croisades.

L’église de Compesières est un charmant sanctuaire rural édifié au pied du Salève, dans l’une des plus accueillantes régions de la campagne genevoise. Vu de l’extérieur, elle ne semble pas se distinguer des autres édifices religieux du canton. Mais son histoire est à nulle autre pareille. Pendant des siècles, elle a été le point de chute d’un ordre religieux né au temps des croisades, les chevaliers de Malte, et continue d’en cultiver activement le souvenir.

La maison forte, appelée commanderie, qui voisine avec l’église est le témoin le plus visible de cette présence pluriséculaire. Ses tours rondes, ses fenêtres gothiques racontent le passé à la fois militaire et hospitalier, convoquant des siècles d’engagement envers les pauvres et les malades de la part de religieux qui se sont également distingués dans l’art de la guerre. En Terre sainte, contre l’Empire ottoman, et à l’échelle locale, dans les escarmouches qui ont opposé, au XVIe siècle, les ducs de Savoie à la Genève protestante.

Un petit musée cultive aujourd’hui le souvenir de cette aventure presque millénaire. «Etre membre de notre ordre aujourd’hui, cela devrait être une façon de vivre, un état d’esprit: voir l’autre comme le Christ», avance sa conservatrice, Michèle Zanetta. L’unique pièce de la commanderie qui lui est consacrée expose quelques costumes, figurines et images. Sa richesse est enfermée dans une multitude de tiroirs: ce sont d’innombrables documents, vieux parfois de quelques siècles, qui racontent le volet local de cette aventure internationale.

C’est en 1270 qu’un évêque de Genève, Aymon de Menthonay, donne l’église du hameau de Compesières, largement disparu depuis lors, à l’ordre qui s’intitulait alors de Saint-Jean de Jérusalem. Fondé deux siècles plus tôt dans la ville sainte par des marchands italiens pour tenir un hôpital, ce dernier s’était converti à la défense des Lieux saints face aux armées musulmanes. A Compesières, pas de sarrasins à combattre, non, mais des gens à soigner et des pèlerins à héberger. C’est dans ce but que la commanderie est édifiée au XVe siècle.

Repris par des privés puis par la commune

L’irruption de la Révolution française dans la région de Genève en 1792 marque la fin du pouvoir de l’ordre. L’église, la commanderie et les terres sont saisies avant d’être revendues à des privés. Elles sont rachetées par la commune de Compesières – Bardonnex aujourd’hui – en 1828, et servent respectivement d’église paroissiale et de mairie. Mais l’ordre, qui ne possède plus aucune de ses 19 commanderies suisses depuis le milieu du XIXe siècle, continue d’imprimer sa marque par la célébration de cérémonies et par son musée. Et aussi les armoiries communales, qui arborent les branches pointues de la croix de Malte. «Enfin, pas exactement, précise Michèle Zanetta. Elles reproduisent la version d’où l’ordre était basé à Rhodes.»

Visite: l’église est ouverte au public mais pas la commanderie, qui sert de mairie. Le musée n’est accessible que sur rendez-vous pris avec sa conservatrice au 079 202 55 64.
Accès: l’église et sa commanderie se situent sur le territoire de la commune de Bardonnex, près du hameau de Charrot.


Nos adresses dans les environs

Auberge de Compesières

Cet établissement, le plus proche de l’église et de la commanderie, est spécialisé dans les viandes.
Route de Cugny 75, 022 771 50 30.

Café Babel, Bardonnex

Le village abrite ce lieu historique où il est servi une cuisine traditionnelle de qualité.
Place de Brunes 17 022 771 04 03

Auberge de la Croix de Rozon

Sur son élégante terrasse ombragée, au menu, notamment, foie gras et pâtes comme il faut les apprécier.
Route d’Annecy 214, 022 771 02 30
www.lacroixderozon.ch

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Laurent Guiraud / Tamedia publications
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Pour rattraper les Etats-Unis, les hautes écoles européennes ont besoin d’un électrochoc

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:58

Mehdi Atmani

Analyse. Aux Etats-Unis, toutes les universités proposent un enseignement en sciences informatiques. Plus des trois quarts des universitaires le suivent. En Europe, ce domaine crucial se cantonne à certaines écoles. Résultat: les besoins de la nouvelle économie ne sont pas assez  pourvus.

L’Europe n’a pas compris l’importance de l’innovation dans les domaines des technologies de l’information et de la communication. Par conséquent, elle ne propose pas de cursus académique en phase avec les besoins du marché du travail de demain. Cette critique est formulée par Martin Vetterli, le futur président de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2017.

Dans les colonnes de L’Hebdo, en mai dernier, l’actuel président du Conseil national de la recherche du Fonds national suisse (FNS) et professeur ordinaire en systèmes de communication citait en exemple un modèle à suivre: celui des universités américaines, qui dispensent toutes un cursus de sciences informatiques (Computer Sciences). «A Stanford ou à Berkeley, 80% des étudiants suivent un tel cours en parallèle à leurs études de philosophie ou d’histoire, car ils savent que c’est là que ça se passe. C’est dans les sciences informatiques que se nichent beaucoup des emplois de demain.»

Les universités et grandes écoles suisses et européennes ont-elles alors tout faux? «En partie du moins, puisqu’elles ne forment pas les cerveaux pouvant faire face à la société actuelle dominée par les algorithmes», réagit Philippe Cudré-Mauroux, professeur en informatique à l’Université de Fribourg et grand spécialiste du big data. «Tous les types d’enseignements supérieurs doivent s’ouvrir à l’informatique. C’est un mauvais message que de cantonner cette formation à certaines écoles.» Philippe Cudré-Mauroux note à ce propos, en Suisse, un «flou artistique entre les écoles polytechniques fédérales, les universités et les hautes écoles spécialisées». Du coup, ajoute-t-il, «on ne sait plus trop quelle est la mission de chaque type d’école».

Face aux bouleversements numériques en cours, l’enseignement supérieur européen a besoin d’un électrochoc. A cette fin, il peut s’inspirer de la méthode américaine. S’il a tant de mal à suivre cet exemple, c’est aussi pour des questions culturelles et sociales.

«Aux Etats-Unis, il y a une conception plus généraliste, fondamentale et théorique de l’université, explique Philippe Cudré-Mauroux. Le savoir doit servir l’économie. C’est une des raisons du succès des cours de Computer Sciences. Les étudiants ont compris qu’ils avaient besoin de ce bagage minimal en informatique pour les emplois du futur. En Suisse, par exemple, on ne donne pas la possibilité à un lettreux de suivre une branche informatique. Outre-Atlantique, la structure des cours et cursus académiques laisse davantage de souplesse aux étudiants pour combiner des matières.»

«Banlieue numérique»

Pour le spécialiste fribourgeois en big data, il y a un enjeu sociétal et économique à réformer les études supérieures.

«Nous devons former des citoyens qui puissent être en mesure de réfléchir aux enjeux numériques. Sans cela, nous prenons le risque de nuire à notre compétitivité économique, prévient-il. En Suisse comme en Europe, on engage ces compétences à l’étranger. Nous subissons l’innovation américaine et asiatique plutôt que de la créer. Nous ne devons pas devenir une banlieue numérique.» Selon le professeur en informatique, ce changement de paradigme doit s’opérer par le lancement de nouveaux programmes d’enseignement. Mais, là encore, «personne n’est prêt à lâcher du lest et à privilégier une matière plutôt qu’une autre. Comment inverser la tendance? C’est une question politique.»

Aux Etats-Unis, Barack Obama a pris des mesures phares pour développer l’enseignement des sciences informatiques à l’université, mais aussi dès le primaire. Au mois de janvier 2016, le président américain a dévoilé son programme Computer Science for All (la science informatique pour tous). Soit un fonds de 4 milliards de dollars alloué aux Etats, dont 100 millions de dollars injectés directement dans les caisses des districts locaux afin d’y créer un cursus de qualité dans les technologies de l’information et de la communication. Mais dans le but aussi de sensibiliser des enseignants et de mettre sur pied des partenariats stratégiques.

Nouveau socle de compétences

Lors de son discours sur l’état de l’Union devant les sénateurs et représentants américains, Barack Obama défendait son programme: «Il est temps de passer à la prochaine étape. Notre économie est en train de changer rapidement. Les professeurs et chefs d’entreprise reconnaissent tous que les sciences informatiques (programmation, codage) constituent le nouveau socle de compétences nécessaire pour l’économie et la mobilité sociale.»

Les Etats-Unis n’ont pas attendu Barack Obama pour mettre l’enseignement supérieur en ordre de marche informatique. Depuis plusieurs années, ils sont, par exemple, à l’origine du mouvement Boot Camp en sciences des données, programmation et code informatique. Il s’agit d’un programme d’enseignement intensif payant (12 000 dollars en moyenne), dispensé pendant trois mois aux diplômés universitaires. Le prix à payer pour devenir des acteurs de la nouvelle économie. 

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Les balades qui font du bien: romantisme dans un poumon de verdure

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:58

Vallon de l’Allondon. Tout à l’ouest du canton de Genève, une rivière encore sauvage parcourt un vallon boisé servant d’écrin à une chapelle échappant au temps.

Dans la lumière mordorée de la fin de la journée, elle se dresse seule, encadrée par quelques arbres, cernée par son petit cimetière. La chapelle de Malval, modeste édifice issu du Moyen Age, est la perle dans cet écrin qu’est le vallon de l’Allondon, ultime zone réellement sauvage du canton de Genève. Adieu la ville et ses banlieues, adieu la campagne systématisée. Bienvenue dans un autre monde, fait de verdure, d’histoire, de poésie et de mystère.

Le vallon est une tranchée, un boulevard de nature qui court du pied du Jura, dans le Pays de Gex, jusqu’au Rhône, dans son tronçon entièrement genevois. La rivière n’a jamais été canalisée ni même maîtrisée, si ce n’est pour assurer le passage des quelques ponts qui la franchissent.

Le filet d’eau estival semble bien modeste par rapport à la largeur du lit, marqué par les gros galets ronds et blancs roulant depuis les pentes jurassiennes. Mais y a-t-il un meilleur indicateur des crues soudaines que le cours d’eau peut manifester à la suite des orages parfois violents survenant sur les montagnes? «C’est la force de cette rivière: n’étant pas canalisée, elle peut s’étaler lors de chaque crue, qui lui permet de réinventer son lit», souligne la biologiste Delia Fontaine, de Pro Natura Genève. Aussi les sentiers sont-ils multiples, assurant un large accès au site, pour la grande joie des randonneurs et l’inquiétude des protecteurs de la nature.

Paradis des orchidées, des lézards verts, des cincles plongeurs et des écrevisses à pattes blanches, le vallon a aussi offert la tranquillité à une communauté de moines à la recherche de recueillement. Ces derniers ont créé un prieuré clunisien autour de la chapelle, dont les fondations avaient été posées au Xe siècle. Las, dès 1300, la communauté disparaît, ne laissant plus que la petite chapelle enchanteresse et son cimetière. Celle-ci s’était vue complétée, entre-temps, d’un chœur. Son petit clocher emblématique n’a pourtant été édifié qu’en 1938 pour remplacer une autre structure en bois.

Les idées n’ont pas manqué pour exploiter les ressources de la rivière. Ainsi, dans les années 30, les Services industriels genevois ont même très sérieusement envisagé la construction d’un barrage destiné à alimenter une usine hydroélectrique, qui aurait eu pour conséquence de noyer toute la partie supérieure de la vallée. Les vives oppositions que ce projet a suscitées ont provoqué son abandon au lendemain de la guerre.

Ce n’est qu’en 1968 que le vallon a obtenu une première protection officielle, sous la forme d’un plan de site. Depuis, les garanties se sont multipliées: il est notamment classé zone humide internationale et inscrit à l’Inventaire fédéral des paysages et à celui des zones alluviales. «Mais il n’est toujours pas considéré comme une réserve naturelle, regrette Delia Fontaine. On n’a pas encore trouvé le consensus nécessaire pour concilier tous les intérêts dans la zone.»

Parcours: Dardagny - Malval (chapelle) - Les Granges - Moulin Fabry - Choully.
Durée: 2 heures.


Nos adresses dans les environs

Auberge de Dardagny

Une halte à la cuisine traditionnelle.
Rte du Mandement 504, 022 754 14 72
www.auberge-dardagny.ch

Le Vignoble Doré, Russin

De l’autre côté de la vallée, ce restaurant à la carte soignée et de saison.
Rte du Mandement 332, 022 754 11 13
www.vignobledore.com

Centre Nature du Vallon de l’Allondon

Pro Natura a acquis le domaine des Granges pour y aménager un lieu d’informations et d’activités. Il y est également possible de s’y restaurer sur une jolie terrasse où sont servis des mets locaux et de saison.
Rte de l’Allondon 150, Dardagny.
www.pronatura-ge.ch
www.restaurantlesgranges.ch

Camping cantonal du val de l’Allondon

Au cœur même du vallon, l’unique endroit où l’on peut planter sa tente ou stationner son camping-car. Les prix y sont modiques (9 fr. pour un camping-car, 7 fr. par grande tente ou caravane).
Rte de l’Allondon 106, Satigny, 022 753 15 15
www.camping-allondon.ch

Retrouvez chaque semaine nos nouvelles propositionsde balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades

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Rio 2016: objectif atteint pour la Suisse

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:58

Lionel Pittet

Aux Jeux olympiques de Rio, la Suisse a envoyé 106 athlètes avec pour mission de décrocher cinq médailles. Il n’aura fallu qu’une semaine et un jour de compétition pour remplir le contrat. Dimanche, Giulia Steingruber réussissait ses deux passages en finale du saut de cheval et s’emparait du bronze. La première médaille suisse en gymnastique depuis vingt ans. La cinquième médaille suisse au Brésil.

Avant celle-ci, il y avait déjà eu quatre belles histoires, bien différentes les unes des autres. Celle de la mère de famille de 47 ans, Heidi Diethelm Gerber, ravivant la tradition nationale du tir avec une médaille de bronze au pistolet à 25 mètres. Celle de la star au crépuscule de sa carrière, Fabian Cancellara, qui n’avait d’abord pas pensé aller aux Jeux de Rio mais en revient champion olympique du contre-la-montre.

Celle d’un quatuor de choc – Mario Gyr, Simon Niepmann, Simon Schürch et Lucas Tramèr – que tout le monde attendait en or en aviron et qui n’a pas déçu. Celle, enfin, de deux joueuses de tennis associées au pied levé, Martina Hingis et Timea Bacsinszky, parées d’argent après une semaine en osmose. Dans les derniers jours de compétition, la délégation suisse peut encore rêver d’or, d’argent, de bronze. L’objectif est atteint; restent à écrire d’autres belles histoires.

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Informatique à l’école: le manuel manquant

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:59

Une fondation française vient d’éditer le premier livre adapté à l’apprentissage de l’informatique de la maternelle au primaire.

L’informatique doit être enseignée comme une science, au même titre que l’histoire, la physique ou la géographie. C’est l’idée qui a guidé les auteurs du manuel 1, 2, 3… Codez!, édité en juillet dernier par la fondation française La main à la pâte. Jusqu’ici, il n’existait pas de manuel francophone aussi complet adapté aux élèves de la maternelle jusqu’à la dernière année avant le collège. Sa sortie tombe à pic, puisqu’en 2016, pour la première fois, la science informatique fera son apparition dans les programmes scolaires français, pour l’école et le collège.

L’ouvrage, destiné autant aux enseignants qu’aux élèves, propose à la fois des activités «branchées», nécessitant un ordinateur, une tablette ou un robot, et des activités dites «débranchées», donnant la possibilité d’aborder les notions de base de la science informatique telles que les algorithmes, les langages ou la représentation de l’information. Une partie des exercices se base sur un petit robot pédagogique conçu par l’EPFL et l’ECAL, le Thymio II, qui permet de développer l’approche scientifique par l’observation et l’apprentissage de la programmation.

«1, 2, 3… Codez!», par Mathieu Hirtzig, Claire Calmet et David Wilgenbus, 21 euros.
Le robot Thymio II est disponible sur www.thymio.org, 179 francs.


Quatre exercices de «1, 2, 3... codez!»

La boucle, un programme facile

Un lutin doit se rendre de case en case jusqu’à l’arrivée, en suivant les instructions. Lorsque le parcours devient long et complexe, les élèves prennent conscience de l’importance de simplifier l’écriture du «programme». Ils découvrent les boucles, qui permettent d’éviter les répétitions.

Les instructions, bases de l’algorithme

Un héros doit rejoindre la clairière au pied de la montagne. Pour l’aider, les élèves doivent écrire une succession d’instructions sous la forme de «si, alors». Cet algorithme permet de résoudre un problème en disant quelle action effectuer si une condition est vérifiée.

Le post-it, grand-père du pixel

Les élèves découvrent comment réaliser une image en pixels (de l’anglais pictures elements), à l’aide de post-it. Ils apprennent que plus on utilise de post-it et plus l’image est précise.

Découvrir les robots

Les écoliers découvrent le robot Thymio en explorant ses modes préprogrammés. Un logiciel permet de composer de nouveaux programmes. Les élèves découvrent que les robots ne font qu’exécuter des ordres et qu’il est possible de leur donner des instructions dans un «langage de programmation» compréhensible à la fois par l’homme et par la machine.

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Les balades qui font du bien: le Mamco, du brut de décoffrage

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:59

Musée d’art moderne et contemporain. Une visite du lieu n’est pas qu’une découverte d’œuvres. C’est une expérience de dépouillement, d’hyperurbanité et d’odeurs industrielles.

La tendance muséale est à l’architecture de prestige. Déjà, dans le hall d’entrée de l’édifice, ce caractère doit s’affirmer. Et les visiteurs ne sauraient en ressortir sans une visite à la boutique. Rien de tout cela au Musée d’art moderne et contemporain. Situé au cœur de Plainpalais, à Genève, le Mamco accueille ses visiteurs dans le cadre minimaliste d’un ancien bâtiment industriel et ne dispose d’aucune possibilité d’achat à la sortie, tout juste celle de prendre un café à la machine.

Mais, entre ces deux étapes, que d’expériences contrastées! Loin de se limiter à la contemplation d’un assortiment d’œuvres, la visite est une immersion hyperurbaine, où les créations d’artistes contemporains exposées dans de vastes et longues halles renvoient aux échappées sur le dense bâti du centre de Genève que permettent fenêtres et vastes baies. Même l’odorat est convoqué, par la présence rémanente de relents d’huile, héritage du passé industriel du bâtiment du musée. Une sorte de traduction helvétique du MoMA, le musée d’art contemporain new-yorkais, tant la présence du béton, de l’acier et de la peinture acrylique est puissante, permettant une évasion de l’âme moins calibrée que celle des halles d’exposition standard.

«Le contenu du musée est en accord avec le bâtiment. Sa rénovation, en 1993, a été conçue dans un esprit minimaliste et avait même coûté très peu: moins d’un million de francs», reconnaît le directeur du musée, Lionel Bovier. Les sols, d’origine, portent encore les marques des emplacements des machines que fabriquait l’ancienne SIP. Ascenseurs et monte-charges livrent toujours l’ambiance qui devait y régner dès l’achèvement du bâtiment en 1958.

La visite débute généralement au 4e étage, le niveau le plus élevé. Pièces de collection et œuvres empruntées sont exposées sur des murs nus mais dont le passé industriel que l’on imagine aisément gris a fait place à une blancheur immaculée. Comme un tableau, une petite fenêtre permet l’une de ces échappées urbaines dont la Suisse a le secret, à la fois sur la forêt de béton du quartier de Plainpalais, sur le clocher contemporain de l’église Saint-Boniface et sur les Alpes. Trois images, trois niveaux de lecture du paysage dans un seul cadre.

La cage d’escalier réserve aussi ses surprises, comme ces œuvres lumineuses affichées là, parfois depuis l’ouverture du musée en 1994. «Le but de ce musée est aussi de sortir du cadre des accrochages classiques dans des salles préparées à cet effet», poursuit Lionel Bovier. Certaines alcôves peuvent également réserver leur lot d’étonnements, comme cette œuvre en forme de grotte que le visiteur est invité à explorer jusqu’au plus profond de son antre. Ou cette pièce aveugle emplie de colonnes de feutre, œuvre intitulée La forêt. «C’est un endroit qu’adorent les enfants… et les amoureux», sourit le directeur.

A la fin de la visite apparaît un compteur numérique qui tourne sans s’arrêter. «Il calcule le temps qui nous reste jusqu’à la fin du monde», sourit Lionel Bovier. Le nombre d’heures, mois, années, siècles est si étendu que le Mamco a encore de beaux jours devant lui.

Le musée se situe au numéro 10 de la rue des Vieux-Grenadiers. L’entrée ne se trouve pas sur la chaussée mais dans une cour intérieure. Il est ouvert de 12 heures à 18 heures, jusqu’à 21 heures le premier mercredi du mois. Et de 11 heures à 18 heures le samedi et le dimanche.

www.mamco.ch


Nos adresses dans les environs

Café des Bains

L’adresse la plus connue du quartier et aussi la plus hype.
Rue des Bains 26, 022 320 21 22
www.cafedesbains.com

Restaurant Nyala-Barka

Spécialités éthiopiennes. Rue Gourgas 4, o22 328 50 66
www.nyalabarka.ch

Café le Nyamuk

Cuisine thaïlandaise.
Rue des Bains 52, 022 328 50 52
nyamuk.ch

Le Kraken

Non loin de la rue des Vieux-Grenadiers, un bar jeune et vintage.
Rue de l’Ecole-deMédecine 8, 022 321 59 41
www.lekrakenbar.ch

Café Restaurant du Parc des Bastions

Idéal pour une fin d’après-midi, ce lieu classique et calme de par son environnement.
Promenade des Bastions 1, 022 310 86 66
www.bastions.ch

Visiter

L’immeuble du Mamco abrite aussi le Centre d’art contemporain et le Centre de la photographie (entrée: rue des Bains 28).
A quelques pas, le Patek Philippe Museum (rue des Vieux-Grenadiers 7) et le Musée d’ethnographie (boulevard Carl-Vogt 65-67).
Le quartier abrite encore de nombreuses galeries, notamment à la rue des Bains.

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Ilmari Kalkkinen
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Staccato: aaah, «Belle du Seigneur»!

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Jeudi, 18 Août, 2016 - 05:59

Dans «Camping 3», Patrick Chirac, le play-beauf ontologique incarné par Franck Dubosc, se promène avec Belle du Seigneur sous le bras. Ce n’est pas pour lire, précise-t-il avec une confondante honnêteté, juste pour «avoir l’air intelligent».

OK pour le plan frime, mais pourquoi précisément Belle du Seigneur? Certes, le roman d’Albert Cohen fait 1109 pages en édition de poche. Mais, de La recherche aux Bienveillantes, les pavés qui en jettent, ce n’est pas ce qui manque.

Le critique de cinéma Eric Neuhoff livre son interprétation dans l’émission Le masque et la plume, sur France Culture, le 7 août dernier: «Belle du Seigneur, dit-il, c’est l’outil du dragueur parce que c’est aussi le roman préféré des filles.»

Ça me parle. Non, je n’ai pas adoooré Belle du Seigneur à 15 ans. Je l’ai lu à 40, j’ai savouré l’humour atomique des premiers chapitres et n’ai pas sauté une ligne des kilométriques monologues d’Ariane dans son bain. Je range ce livre parmi les chefs-d’œuvre de la littérature mondiale.

Mais, pour autant, je ne peux pas me joindre au chœur des filles en extase qui donnent raison à Eric Neuhoff en répétant les yeux au ciel que, aaah, Belle du Seigneur, c’est LE roman d’amour par excellence, la bible de la passion pure, le romantisme fait livre.

Ça me parle parce que le malentendu m’a toujours frappée: Belle du Seigneur est un livre d’une noirceur abyssale dont les personnages finissent emmurés dans leur échec. Un livre où l’héroïne, fascinée, dépendante et soumise, ne cesse de donner raison à la misogynie du héros. Un livre, surtout, qui traduit la conviction de son auteur: l’amour romantique et fusionnel à l’occidentale est une mystification. Le seul véritable amour est fraternel, éventuellement raisonnablement conjugal. Mais c’est d’abord et surtout celui de la mère pour son enfant.

En somme, Belle du Seigneur est un anti-roman d’amour. Comment expliquer cette aura rose bonbon dont il est bizarrement affublé? Deux hypothèses. La première: la fille qui adooore Belle du Seigneur sait que ça finira mal et elle aime ça. Car elle a assimilé le message gravement maso dont notre culture est imprégnée: il n’y a pas de passion véritable sans issue tragique. La seconde: la fille qui adooore Belle du Seigneur fait comme son dragueur: elle hume le livre, elle le tâte, elle en entend parler. Mais elle ne le lit pas vraiment. Je lui pardonne: je préfère ça.

anna.lietti@hebdo.ch /  @AnnaLietti

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