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Penser la révolution numérique

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 06:00

À peine avions-nous bouclé notre dossier sur la création d’une génération d’analphabètes informatiques, la semaine passée, que nous recevions en service de presse un essai virulent sur le même sujet, mais en totale contradiction avec nos arguments. Pour les auteurs du Désastre de l’école numérique: plaidoyer pour une école sans écrans (Ed. Seuil), l’initiation au codage et la distribution d’ordinateurs et de tablettes dès le primaire sont une aberration. Pire, elles conduiraient notre société tout droit vers la barbarie (lire Plaidoyer pour un retour à l'école du passé).

Cet ouvrage procède d’abord d’une confusion entre l’apprentissage des langages de programmation et celui des outils informatiques. Il faut bien entendu doter les classes des équipements nécessaires. Mais l’essentiel n’est pas là. La science informatique devrait désormais avoir le même statut que les autres branches fondamentales comme les maths ou le français. En perpétuant le malentendu, en criant à l’aliénation numérique, on en vient tout naturellement à nourrir la crainte d’une cyberdépendance généralisée des enfants comme si les parents et les enseignants n’étaient pas capables d’imposer certaines règles d’utilisation de ces gadgets.

Ce pamphlet, comme d’autres publications, révèle de plus un malaise croissant et plus général vis-à-vis de la révolution numérique. On mentionnera ainsi un autre livre qui ne donne pas non plus dans la nuance: L’homme nu: la dictature invisible du numérique, de Marc Dugain et Christophe Labbé (Ed. Plon). L’avènement des big data, c’est, pour les auteurs, l’avènement d’une Big Mother encore plus terrifiante que Big Brother. Et de dénoncer la collusion des Google, Apple, Facebook ou Amazon et des services de renseignement américains pour qui l’idée même de démocratie serait obsolète.

Il est vrai que les agissements de la NSA donnent corps à ces craintes, comme d’ailleurs les déclarations de l’un des pères de l’internet et collaborateur de Google, Vinton Cerf, pour qui «la vie privée est une anomalie». Dans le même temps, on sait que la numérisation de la société est sans doute irréversible et qu’elle touche tous les secteurs de l’économie. Un exemple parmi tant d’autres: La Poste, avec ses 62 000 collaborateurs, qui ne rime pourtant pas a priori avec high-tech. «L’avenir appartient  à la numérisation, explique sa directrice générale, Susanne Ruoff, une ancienne d’IBM. Depuis quatre ans, je poursuis ce but avec détermination.» (Lire son interview.)

Des compétences de base en informatique seront à l’avenir indispensables dans la plupart des métiers. On devra au fil des mois et des années revoir les codes d’organisation du travail, nos règles de politesse… en fonction de cette révolution. Plus fondamentalement, il faudra aussi mieux comprendre les méandres de son histoire technique et économique. Et se frotter aux enjeux politiques et philosophiques qu’elle entraîne. On cherche encore les grands esprits capables de penser la mutation numérique dans toutes ses dimensions et sa complexité. Mais pour avancer dans la connaissance et combattre les risques d’une nouvelle forme de dictature, le rejet a priori ou le déni restent les plus absurdes des réponses. 

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Les nouveaux clients de la chirurgie esthétique

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 06:00

Céline Bilardo et Julien Calligaro

Enquête. Le secteur se démocratise pour toucher une population toujours plus jeune, plus masculine, et de moins en moins riche. Le marché progresse par ailleurs grâce à des techniques toujours moins invasives. Le nombre d’interventions sur les zones intimes féminines connaît une forte croissance, tout comme les réductions mammaires chez les hommes.

«J’étais très complexé par mon torse et je n’osais pas enlever mon t-shirt à la plage.» Fabrice Mazenauer a alors subi une réduction mammaire l’an dernier. Aujourd’hui, ce Vaudois de 24 ans  se sent «beaucoup mieux dans [son] corps». Sa démarche est représentative de l’évolution des pratiques: la chirurgie esthétique touche une population de plus en plus jeune et masculine (lire Les hommes aussi ont des seins). «Lorsque j’ai commencé ce métier il y a une dizaine d’années, un patient sur dix était un homme, dit le chirurgien genevois Alexander Cuno. Aujourd’hui, c’est le double, et la tendance est clairement à la hausse.»

A part la réduction mammaire, les interventions les plus courantes pour la clientèle masculine sont les injections de botox ou d’acide hyaluronique, le raffermissement des paupières, la liposuccion, les greffes de cheveux ou de barbe.

L’ouverture de cliniques réservées aux hommes illustre l’augmentation de la demande masculine. Après Zurich en 2014, le groupe The Gentlemen’s Clinic a inauguré une succursale à Genève en avril dernier. La clientèle type de l’établissement va de l’ouvrier au chef d’entreprise, et 80% ont moins de 40 ans.

«Les hommes avec un revenu modeste me demandent d’ailleurs davantage d’interventions que les autres, et ce afin d’être plus compétitifs sur le marché du travail», précise Alexander Cuno, qui opère à la Gentlemen’s Clinic. Chloé Gaden, responsable de la succursale genevoise, estime que la chirurgie esthétique est aussi davantage acceptée socialement aujourd’hui: «Les hommes se sentent moins complexés d’y avoir recours, d’autant que les résultats sont beaucoup plus discrets.»

En 2015, 54 000 interventions de chirurgie esthétique ont été pratiquées en Suisse, selon Acredis, groupe de centres spécialisés dans la chirurgie esthétique en Suisse et en Allemagne. Cela représente 65 interventions pour 10 000 habitants, un chiffre qui place le pays en deuxième position sur le podium des nations, juste derrière le Brésil (66 opérations). Ce chiffre s’explique par l’importante clientèle étrangère, souligne Pierre Quinodoz, président de la Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique. «La Suisse jouit d’une très bonne réputation, même si les prix des interventions y sont plus élevés.» Dans certaines cliniques de l’arc lémanique, comme celle de Genolier, la proportion d’étrangers représente le tiers de la clientèle.

Des jeunes sous influence

La chirurgie esthétique, dont le marché croît de près de 4% par an, séduit également une clientèle de plus en plus jeune. «Beaucoup d’adolescentes consultent pour les augmentations mammaires et les garçons pour des cas de gynécomastie», confirme Françoise Narring, responsable de l’unité Santé Jeunes des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), qui accueille les patients âgés de 12 à 25 ans.

Elle rappelle que l’adolescence représente une période d’adaptation durant laquelle les jeunes se questionnent sur leur adéquation à une certaine «normalité». Ils sont aussi plus confrontés à des images pornographiques ou à celles de silhouettes parfaites dans les publicités. «Submergés par ce bain d’images qui exposent le corps dans ses moindres coutures et auxquelles ils ont tous accès facilement aujourd’hui, les adolescents s’identifient davantage à des corps déjà retouchés.»

Michal Yaron, spécialiste en gynécologie pédiatrique et adolescente aux HUG, note une hausse des demandes au sujet des interventions intimes (lire Les demandes d'interventions intimes explosent), plus particulièrement pour la labiaplastie. Un phénomène qui a pris une ampleur sans précédent aux Etats-Unis où les demandes émanant des adolescentes pour cette chirurgie plastique des petites lèvres du vagin a doublé entre 2014 et 2015.

La gynécologue constate souvent une méconnaissance des jeunes filles de leur organe génital et que leur gêne émane fréquemment de pressions extérieures, des envies de leur petit copain ou d’un effet de mode. «Mais elles ne comprennent pas que leur sexe peut être différent de celui d’une autre et être tout à fait normal! Les conséquences d’une telle opération ne sont pas anodines pour leur vie intime. Nous essayons toujours d’ajourner ces demandes, au moins jusqu’à la majorité.»

Radiofréquence, lumière pulsée et cryolipolyse

Comment expliquer cette tendance? «Les jeunes patients cherchent souvent à corriger un complexe pour améliorer leur estime de soi, explique Pierre Quinodoz. La raison est différente pour les personnes âgées, chez qui un sentiment d’inadéquation domine: elles se sentent jeunes, mais voient que leur corps ne suit pas forcément.» Un constat partagé par Francesco Panese, sociologue des sciences et de la médecine à l’Université de Lausanne. «La chirurgie esthétique prend les habits d’une chirurgie de l’accomplissement de soi. Elle en devient une chirurgie psychique.» Pour le sociologue, cela s’inscrit même dans une tendance plus globale: «Le corps est devenu un critère de différenciation. La société se réalise de plus en plus à travers lui.»

«Les chirurgiens esthétiques pratiquent de moins en moins la chirurgie», constate Pierre Quinodoz. Aujourd’hui, 35% de ses interventions concernent la chirurgie non invasive, appelée aussi médecine esthétique. Un chiffre qui se montait à 20% il y a dix ans. «Certains chirurgiens ne réalisaient pas d’opérations de médecine esthétique à cette époque. Aujourd’hui, la demande est telle que je n’en connais plus aucun qui ne la pratique pas.»

«Les techniques non invasives se sont massivement développées ces dix dernières années», confirme le chirurgien Sabri Derder. A l’image de la radiofréquence, permettant notamment de raffermir les tissus du visage, ou encore de la lumière pulsée, grâce à laquelle les spécialistes peuvent atténuer les vergetures ou les taches sur le visage. La cryolipolyse est également à la mode: substitut à la liposuccion, ce procédé permet de faire «fondre» la graisse par le froid.

Abus et assurances

Moins récentes mais aussi très prisées: les injections de botox (une toxine qui paralyse les rides actives) et d’acide hyaluronique (un gel qui comble les rides permanentes). Des procédés qui comportent néanmoins des risques (lire Le botox ne fige pas que les rides) et dont les effets ne sont pas aussi durables que ceux de la chirurgie esthétique classique. Il faut par exemple répéter les injections d’acide hyaluronique une à deux fois par année pour obtenir un résultat visible. Une habitude qu’a prise Patricia*, 47 ans, Genevoise adepte du botox et de l’acide hyaluronique depuis ses 40 ans. «J’y pensais depuis des années, je trouvais que la peau de mes paupières était lourde. Je me suis lancée après avoir appris que mes copines avaient déjà reçu des injections. On a davantage de recul sur ces produits aujourd’hui.»

La fréquence des piqûres ne dérange pas cette mère de deux enfants qui en fait usage sur les paupières et sur le front pour masquer quelques ridules. «Parce que les effets de ces produits se résorbent, on a le contrôle, on peut choisir de ne pas y retourner. Mais souvent, après six mois, on ne se reconnaît plus, alors on recommence.» Le prix de ces injections (400 francs environ) est aussi raisonnable pour la jeune femme, qui dit pouvoir facilement mettre ce montant de côté.

Pierre Quinodoz met pourtant en garde contre la croissance de l’offre en matière de médecine et de chirurgie esthétiques. Selon le chirurgien, n’importe quel médecin peut effectuer une opération de chirurgie esthétique aujourd’hui, ce qui se solde par une hausse des complications liées aux interventions chirurgicales et aux injections. Son conseil: vérifier que le médecin est certifié par la Société suisse de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique avant de franchir le pas.

Il convient aussi de se renseigner auprès de son assurance avant l’opération: toutes les interventions ne sont pas couvertes. Une distinction est faite entre les opérations de confort (lifting, opération esthétique du nez, botox, etc.) et les opérations de nécessité résultant d’un accident ou d’une pathologie (brûlures, cancers du sein, etc.). Dans le second cas, les frais sont pris en charge, soit par l’assurance accident, soit par l’assurance maladie. Seules certaines interventions de chirurgie plastique, une réduction mammaire par exemple, peuvent être remboursées par l’assurance maladie, mais selon des critères stricts.

Une start-up dans la course

La tendance ne faiblissant pas, de nouveaux procédés en médecine esthétique ne cessent de voir le jour. Exemple avec la start-up lausannoise PB&B, qui veut révolutionner le marché avec un produit biocompatible permettant de réduire – voire d’éliminer – les rides, qui apparaissent avec l’âge lorsque les tissus graisseux perdent en volume.

«Des microsphères constituées d’acide oléique (un acide gras présent notamment dans l’huile d’olive, ndlr) sont injectées localement, explique Sergio Klinke, cofondateur. Grâce à l’eau présente dans le corps, ces petites billes vont fondre et ainsi relâcher la graisse qu’elles contiennent. Cela permet au corps de restaurer par lui-même les tissus graisseux vieillis ou endommagés, en augmentant localement la taille des cellules.»

La technique de la start-up se démarque des produits existants dans la mesure où la substance injectée reforme les plaques de graisse naturellement présentes dans le visage, tandis que l’acide hyaluronique ne fait que «remplir» temporairement les rides. Les premiers tests effectués sur des souris se sont montrés concluants. Des essais cliniques sur les êtres humains sont prévus pour 2017 et la commercialisation du produit est attendue pour 2019. A terme, la start-up espère pouvoir étendre l’utilisation de son produit à la poitrine, afin de remplacer l’implantation de prothèses mammaires, un geste que Sergio Klinke considère comme «barbare».

* Nom connu de la rédaction


Quelques chiffres

188

Le nombre de chirurgiens plasticiens FMH exerçant en Suisse en 2015

20 millions

Le nombre d’interventions invasives et non invasives réalisées dans le monde en 2014

27 milliards

La valeur du marché de la chirurgie esthétique estimée d’ici à 2019

Coûts des interventions les plus courantes en Suisse pour l’année 2015

Liposuccion De 3000 à 5000 francs

Chirurgie des paupières De 3000 à 6000 francs

Augmentation mammaire De 10 000 à 14 000 francs

Rhinoplastie De 6000 à 10 000 francs

Réduction mammaire De 9000 à 13 000 francs

Sources: Fédération des médecins suisses FMH, PRnewswire, ISAPS, Acredis
 

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Burqa-burkini: un débat piégé mais il est trop tard pour ne pas le mener

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 06:00

Même si les porteuses de ces vêtements restent en nombre très limité, on ne peut pas refuser d’argumenter. Car le débat public porte sur l’intégration, sur le droit à la différence, sur l’islam, comporte sa part de fantasme et de nervosité. Et ne faudrait-il pas travailler à comment partager des valeurs, comment vivre ensemble, comment mettre dans toute religion la priorité sur l’esprit plutôt que sur la lettre?

Burqa, burkini, chacun et chacune y va de son commentaire, voire de son interdit. Dans les partis politiques, le débat est lancé; des conseillers d’Etat et non des moindres s’y sont mis. L’on s’enflamme sur des principes pas toujours réfléchis jusqu’au bout, alors même que les seules porteuses de burqas aperçues en Suisse sont des touristes de passage et quelques converties particulièrement fortes en surenchère; quant aux burkinis, on les cherche également à la loupe, ou plutôt à la longue-vue...

Burqa: inconscience ou provocation?

Mais même si les porteuses de ces vêtements restent en nombre très limité, on ne peut pas refuser d’argumenter. Car le débat public porte sur l’intégration, sur le droit à la différence, sur l’islam, comporte sa part de fantasme et de nervosité. Il est en effet piégé – mais ce n’est pas en l’évitant qu’on avancera. Alors, cherchons à y voir plus clair, la question étant de savoir en quoi nous sommes concernés. Il me semble qu’il y a trois points d’achoppement.

1. Dans toute société, il y a des codes vestimentaires. Nous nous attendons à un certain habillement lors de cérémonies, au restaurant, chez des amis, au travail, à la plage, dans la nature, selon les situations, fonctions, métiers... Ces codes se sont nettement assouplis au cours du XXe siècle, mais ils existent. L’apparition de toute nouvelle tenue rompant le consensus fait débat. Ce fut le cas, voici septante ans, du bikini. C’est le cas aujourd’hui du burkini et de la burqa.

2. Porter en Europe de son propre chef le masque intégral appelé burqa ne peut que manifester une acception particulièrement rigoureuse de sa foi, alors que cette tenue n’est aucunement une exigence de la religion. C’est bien plutôt sa prise d’otage par un concept patriarcal qui impose aux femmes de se cacher afin d’épargner aux hommes tout effort comportemental... Alors, inconscience ou provocation?

3. Choisir ici librement une tenue qu’ailleurs de nombreuses femmes n’ont pas la liberté de ne pas porter peut parfaitement être perçu par des femmes musulmanes comme une menace, une injonction peu rassurante: voici ce que tu devrais porter si tu étais une vraie croyante, rentre à la maison et va te rhabiller!

Réglementer les consciences ou leurs effets sur autrui?

Malgré cela, une interdiction de la burqa sur un argument d’ordre religieux ou général me semble contraire à la liberté individuelle et nous mettrait au niveau précisément des pays où le libre choix de son vêtement est entravé pour des motifs de ce type. Pour le législateur – qui n’a pas la même perspective que l’individu, qui peut se contenter d’aimer ou de ne pas aimer quelque chose –, ce qui est en jeu est moins la burqa en elle-même que ses conséquences sur la vie en société.

Qui postule d’avoir un contact normal dans l’espace public, de converser en regardant les personnes dans les yeux, d’assurer une conduite automobile sans danger, de ne pas entraver artificiellement ses possibilités de se mouvoir, d’avoir des relations sereines entre les diverses catégories de la population et, en l’occurrence, entre femmes et hommes, de savoir à qui on a affaire...

On ne régit pas les consciences, on régit les effets sur autrui de certains choix, en l’occurrence vestimentaires. De même qu’on interdit de se masquer lors de défilés ou d’événements sportifs (les hooligans et les casseurs s’encagoulant comme les braqueurs de banques des bandes dessinées), de même il est légitime d’exiger que chaque personne participe à la vie sociale à visage découvert. Ce n’est ainsi pas la burqa spécifiquement qui est en cause – bien que le message politique qu’elle véhicule soit des plus problématiques –, mais les différentes façons de se cacher aux yeux des autres.

Le Burkini: une relation brouillée au corps

Maintenant, que dire du burkini? En Occident, durant toute l’Antiquité et au début du Moyen Age, la relation au corps était largement décrispée et fonctionnelle. Puis, peu à peu, on a commencé à se couvrir, à craindre le contact du soleil, de l’air, même de l’eau, à édicter maintes ordonnances sur qui avait le droit – ou le devoir – de porter tel ou tel tissu, vêtement, ornement. Etre bronzé était craint, car stigmatisait la personne comme de condition modeste, devant travailler dehors. A la cour de Louis XIV, on ne se lavait guère, préférant le saupoudrage régulier de diverses substances odorantes...

Durant l’ère victorienne, impossible de paraître en public autrement que couvert de la tête aux pieds – corset pour les dames, costume trois pièces pour les messieurs, couvre-chef pour tous... Même les explorateurs de l’Amazonie s’y rendaient en tenue de ville. Puis, durant tout le XXe siècle, l’Occident a réappris à exposer le corps au soleil, à l’eau, à la vie, à la vue, sans qu’il en résulte de désordre social particulier.

Fait culturel que tout cela. En quoi le fait que des personnes ne suivent pas cette tendance est-il problématique? A la piscine, à juste titre, un vêtement spécifique de natation est exigé. On n’entre pas dans l’eau avec l’habit qu’on a porté dans la rue. Mais si cette règle d’hygiène est respectée, peut-on être davantage critique face à un burkini que, par exemple, à des seins nus? Ni l’une ni l’autre de ces tenues n’est ni ne sera en quoi que ce soit imposée à quiconque.

Bien sûr, il est regrettable que d’aucunes croient devoir couvrir leur corps ainsi, alors même qu’aux bains, une tenue minimaliste pour les femmes comme pour les hommes est reconnue très largement comme appropriée aux activités qui s’y déroulent; il n’y a rien de honteux à la porter en ces lieux, et on a envie de le leur dire haut et fort... Mais, en 1930 encore, il pouvait être punissable pour un homme de faire trempette en slip de bain. Voici une génération à peine, des femmes en régions rurales, traditionnellement patriarcales, de Grèce, Sicile ou Espagne n’allaient que de noir vêtues et s’avançaient dans la mer tout habillées. Très inconfortable certainement, mais c’était ainsi. Puis les mœurs ont évolué – heureusement.

La lettre ou l’esprit?

Aux JO de Rio, qui n’a pas vu ces sportives de pays musulmans admises au sein des sélections nationales à condition de respecter de strictes règles vestimentaires? Espérons que ce début d’ouverture permette de trouver, peu à peu, dans cette région du monde aussi, une relation moins stressée au corps humain, et spécifiquement au corps féminin.

Et si l’on mettait nos énergies à profit, plutôt que de se focaliser sur ces deux habits en effet peu engageants, pour agir à la source: à travailler à comment partager des valeurs, comment vivre ensemble, comment objectiver le rapport au corps – et comment mettre dans toute religion la priorité sur l’esprit plutôt que sur la lettre? Il est temps de se rappeler que les devoirs essentiels de tout croyant ne sont pas le suivi jusqu’à l’absurde d’une liste d’obligations tout à fait périphériques et, en l’occurrence, instrumentalisées, mais l’amour du prochain et le respect de la Création. Tout le reste n’est que parodie, voire usurpation. 

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Elliot Giauque, 13 ans, et Rémy Giauque, 11 ans: «On a passé une année sabbatique au Canada»

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 06:00

Et vous, comment ça va?

Elliot:«Ça va bien. On est rentrés du Canada il y a deux semaines. Papa avait une année sabbatique; il est prof à l’uni. Il a travaillé, il a écrit un livre. Mes parents ont décidé d’aller vivre à Victoria, une ville sur une île, en Colombie-Britannique. Il y a trois ans, ils nous avaient un peu parlé de leur projet, une fois, à souper. Ils nous avaient dit: «Peut-être qu’on ira au Canada.»

Je pensais que c’était de la rigolade, mais trois ou quatre mois avant le départ, ils nous ont dit qu’on allait déménager. J’étais plutôt choqué. Au final, j’ai eu peur de partir presque à l’autre bout du monde durant une année. Ils nous ont montré sur Google Maps où l’on allait habiter. Et le 28 juin 2015: «Youhou!»

Rémy:«On est partis avec quatre valises et chacun un sac à dos. On a aussi envoyé quelques cartons de jouets. Au début, je ne voulais pas y aller. Après, je me réjouissais. J’aime bien prendre l’avion. Notre nouvelle maison me plaisait. On a logé chez des gens qui sont partis faire le tour du monde. Ils ont un garçon, Jake, 8 ans, et une fille, Abby, 10 ans. Il y avait des Lego et des livres. On s’est tous vus un jour, puis ils sont partis.»

Elliot:«Quand on est arrivés dans notre nouveau quartier, je me suis dit: «C’est un coin un peu paumé.» C’était un cul-de-sac et, au bout, il y avait une forêt. Nos parents nous avaient dit qu’il y avait des ours sur l’île, alors c’était la parano! Dans la maison, il y avait deux étages.

Ça veut dire que moi, le grand frère, j’allais avoir la paix! Rémy a pris la chambre de Jake, Salomé, qui avait 6 ans, a pris celle d’Abby et moi j’étais dans une chambre au rez-de-chaussée. Pas besoin de jouets, c’est Rémy qui les stocke! Pour m’amuser, je suis plutôt sur les réseaux sociaux. J’ai gardé contact avec cinq ou six copains valaisans grâce à Snapchat, Viber et Instagram. Notre appartement à Martigny, c’est un Québécois et sa famille qui l’occupaient. Mes parents ont enlevé tout ce qui était personnel.»

Rémy:«En septembre, l’école a recommencé. J’étais en 6e, j’ai continué en 7e. C’était plus facile et les horaires, c’était mieux. On commençait à 8 h 50. On avait une pause d’une heure à midi, et on reprenait jusqu’à 14 h 50. Vers 15 h 30, on était à la maison. Surtout, il n’y avait pas beaucoup de devoirs. On avait une feuille par semaine, alors que, ici à Martigny, on a une feuille par jour. En classe, au début, je n’avais que deux amis: Olivier et Charlotte. Elle aussi était nouvelle. Olivier ma demandé si je voulais jouer avec lui et les autres. C’est comme ça que j’ai pu commencer à avoir des copains. En classe, on devait parler français. Mais, comme la moitié des enfants étaient bilingues, entre eux, ils parlaient anglais.»

Elliot:«Moi, j’ai commencé la 9e. Quand je suis entré dans la classe, trois garçons m’ont proposé de m’assoir avec eux. En Valais, j’avais de bonnes notes; là-bas, j’en ai eu de très bonnes. On continuait de faire de l’allemand avec maman.

Si un Canadien venait ici, je ne sais pas si les Valaisans lui diraient: «Viens t’asseoir à côté de nous.» Ce que j’ai aimé au Canada? La nature, l’océan et les gens. Les Canadiens sont cool, tranquilles, plus zen, surtout dans leur façon de conduire. Ce qui m’a manqué, c’est le ski. Là-bas, il n’y avait pas de neige. En hiver, il pleuvait.

Après une année, j’ai fait des progrès en anglais: je comprends les films, mais je me gêne de parler. Dans ma classe, ils se moquaient de mon accent, alors que dans la classe de Rémy, ils s’en fichaient et faisaient moins de comparaisons. Ce qui est bien, c’est que j’ai osé aller vers les gens, parce qu’ils étaient plus accueillants qu’ici.

Mais au Canada ils n’offrent pas l’apéro comme en Valais. Les Canadiens sont très curieux, rentrent très facilement en contact, parlent d’invitations en disant peut-être, mais peut-être ça veut dire non chez eux. En fait, on a surtout eu des contacts avec des collègues de papa, des politologues. Les gens qui nous ont invités étaient nos voisins québécois, un Australien et un Français. Un seul copain m’a invité chez lui, c’était Jack. Son père est dans la finance et il a vécu cinq ou six ans en Suisse.»

Rémy:«On a vécu une expérience géniale. A la fin, je n’avais pas envie de repartir. Ce que j’ai appris? Qu’on peut se faire des amis en peu de temps. Je pensais que c’était plus dur de partir comme ça. On pourrait refaire ça...»

sabine.pirolt@ringier.ch / Blog Et vous, comment ça va?

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Sabine Pirolt
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Les balades qui font du bien: sur les traces des soldats anglais

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Jeudi, 25 Août, 2016 - 06:00

Marie Maurisse

Château-d’Œx. Il y a cent ans, le village accueillait 700 prisonniers de guerre britanniques. Aujourd’hui encore, le chemin qui mène au Pays-d’Enhaut fleure la rédemption et la paix.

Fin mai 1916. La «sale guerre» fait rage. Dans les tranchées, les hommes tombent comme des mouches. Les obus déciment villes et campagnes, faisant des millions et des millions de morts. Partout le sang, partout le chaos. Sauf en Suisse, pays qui parvient à rester à l’écart des combats. Pour prouver sa bonne foi auprès des deux parties et insister sur son rôle humanitaire après l’affaire des colonels, qui a entaché sa réputation de pays neutre, le Conseil fédéral valide un programme d’accueil des prisonniers de guerre d’Allemagne, de France, de Russie, de Grande-Bretagne et de Belgique. Au total, ils seront 68 000 à être reçus et pris en charge par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), dans plus de 200 villages.

Le 30 mai 1916, après avoir passé des mois dans des geôles en Allemagne, 700 soldats britanniques débarquent donc la fleur au fusil à Château-d’Œx. Une cérémonie de bienvenue est organisée. Sur les photos de l’époque, les hommes sont en uniforme, l’air fatigué. Beaucoup ont des béquilles, des jambes coupées. Le Times retranscrit le moment en ces termes: «En arrivant, nos hommes étaient ébahis, beaucoup pleuraient comme des enfants, quelques-uns se sont même évanouis d’émotion. Comme l’un d’entre eux l’a dit au premier ministre: «Que Dieu vous bénisse. C’est comme passer directement de l’enfer au paradis.»

«Un splendide voyage»

La Grande Guerre est loin derrière nous. Mais en montant dans le train qui, depuis Montreux, nous emmène à La Tine, on imagine bien à quel point le Pays-d’Enhaut a pu être salvateur pour ces gueules cassées. Le chemin de fer, mis en service au début du XXe siècle, a permis aux soldats de découvrir la région. Il y a cent ans, lorsqu’ils arrivent, le printemps resplendit sur les hauts du Léman. Le lac est un miroir, et au bord des voies les fleurs font exploser leurs couleurs. Le sergent William McGilvray, qui a fait partie des premiers internés, écrit son émerveillement dans la gazette de son régiment, en juin 1916.

«Quand nous avons franchi la frontière suisse, des gens nous attendaient pour nous recevoir. Ce fut le début du plus incroyable accueil que j’ai jamais vu, note-t-il. Tout au long du voyage, les habitants des villages étaient dans les gares pour nous encourager, en chantant et en agitant des drapeaux et en nous lançant des cadeaux à travers les vitres. […] A Montreux nous sommes sortis et allés au Palace prendre un petit-déjeuner face au lac. […] Puis nous sommes montés dans le train électrique et sommes arrivés à Château-d’Œx deux heures plus tard, après un splendide voyage dans les montagnes avec un panorama merveilleux.»

Le panorama est le même aujourd’hui. Après Les Avants, le train s’enfonce dans les montagnes, les premiers nuages sont accrochés aux sommets, et plonge ensuite en Gruyère avant de remonter vers le Pays-d’Enhaut.

Prochain arrêt: La Tine. Je descends au milieu des arbres. Le chemin est balisé, la marche est facile. Première halte au barrage de Rossinière, où un petit lac baigne les prés. Sur la rive, des oiseaux s’ébattent. Si ce n’est la grue métallique qui barre le paysage à l’ouest, le chemin est tranquille, semblable certainement à ce qu’il était il y a cent ans: un passage étroit, bordé de fermes en bois. Il faut compter une heure pour atteindre Rossinière. De là, on emprunte un «sentier balcon», d’accès plutôt facile, pour atteindre Château-d’Œx. Au total, la balade dure environ deux heures, si l’on marche prestement. En arrivant aux abords de Château-d’Œx, le corps se sent tout à coup soulagé. La campagne, si calme, est un havre.

Un passé envolé

Le premier réflexe est de monter au sommet de la colline qui surplombe le village, où est perchée son église. A nos pieds, les fantômes des soldats blessés déambulent dans la Grand Rue, mais dans les commerces, sur la place de jeu, personne ne connaît leur histoire. Le chalet Richemont, construit en 1907, a-t-il hébergé ces hommes épuisés, assombris, cassés par la guerre? A l’accueil, la jeune fille sourit et confesse qu’elle n’en sait rien. A l’office du tourisme, l’innocence est la même.

Le village ne propose pas de brochure, pas de signe rappelant l’événement. Dommage, les traces du passé semblent s’être envolées. Seule l’église anglicane, à quelques pas de là, porte le souvenir de ces internés et de leur détresse. «A l’intérieur s’y trouve une plaque commémorative», explique le pasteur Clive Atkinson. L’église St. Peter’s a beaucoup fait pour célébrer les cent ans de l’arrivée des soldats britanniques, organisant une cérémonie de grande ampleur au printemps dernier.

Parmi les portraits de soldats, on retrouve dans les documents celui du lieutenant-colonel Maxwell Earle DSO, issu du régiment des grenadiers, né en 1871. Sa photo montre un visage doux, des yeux enfoncés par la fatigue et des lèvres pleines. Le colonel Earle est blessé à la tête et à la jambe en 1914 puis fait prisonnier. Sa demande de rapatriement est refusée, il fera donc partie des premiers internés anglais à arriver en Suisse.

Son grade étant élevé, il a l’autorisation de louer la villa Myosotis à Château-d’Œx, avec sa femme et ses deux filles jusqu’en septembre 1917. Sur place, il aide à la construction d’une cantine où les soldats pouvaient se rencontrer et proposer des soirées ainsi que des animations. A partir de 1917, le médecin en charge des soldats n’était autre que le psychiatre Carl Gustav Jung.

La balade à Château-d’Œx s’achève alors que je monte dans le train du retour vers Montreux. Aujourd’hui encore, les Anglais sont nombreux à fréquenter Château-d’Œx. Plusieurs internés ne quitteront jamais le village. Soit qu’ils ont souhaité s’y installer, soit qu’ils ont succombé à leurs blessures ou à l’épidémie de grippe sévissant à cette époque. Le cimetière de Vevey, construit en 1923, abrite encore 88 de leurs sépultures.

Parcours: La Tine (gare) – lac du Vernex – Rossinière – La Chaudanne – Le Chêne – Château-d’Œx.
Durée: 2 heures.


Nos adresses dans les environs

Pays-d’Enhaut Tourisme, Château-d’Œx

L’office du tourisme propose sept balades pour tous les niveaux, dont la balade des lutins, qui part de Château-d’Œx jusqu’à Rougemont, en passant par le pont Turrian, plus vieux pont suspendu de Suisse romande, construit en 1883…

Place du village 6, 026 924 25 25,
www.chateau-doex.ch

Eglise anglicane, Château-d’Œx

Le lieu a réalisé un travail remarquable en collectant et en analysant les témoignages des internés anglais sur un site très complet: www.interned-in-switzerland-1916.ch. Pour visiter le lieu en dehors des heures d’ouverture, il faut s’adresser à la bijouterie en face, qui en possède les clés.

Grand Rue 49
www.stpeters.ch

Brasserie de l’Ours, Château-d’Œx
Des bières brassées sur place, au beau milieu du village.

Place Centrale, 026 924 28 28

Early Beck, Château-d’Œx

Pour se remettre, rien de tel que des bonnes truffes de la pâtisserie Early Beck, qui possède plusieurs boutiques dans la région. Sur place ou à emporter.
Grand Rue 78, 026 924 72 30

www.earlybeck.ch

La chapelle Balthus, Rossinière

L’espace abrite la tombe du peintre français d’origine polonaise, décédé en 2001 à Rossinière. Elle présente également des expositions et des projections sur l’œuvre de l’artiste.

Du lundi au dimanche de 10 h à 20 h, 026 924 42 42
www.fondation-balthus.com

Le Grand Chalet, Rossinière

Construite entre 1752 et 1756, cette magnifique bâtisse aux 113 fenêtres et aux façades gravées a été acquise par Balthus en 1977. Il s’y installe avec sa femme et leur fille et y demeurera jusqu’à la fin de sa vie. Aujourd’hui, ce lieu est à la fois la résidence familiale et héberge la Fondation Balthus. 

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L’oreille cassée, version «girly»

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:52

Enquête. Arborer un lobe troué devient une mode prisée des ados. Pourtant, au moment de chercher du travail, ces derniers s’aperçoivent qu’elle n’est ni si banalisée ni si réversible que ça.

Le plateau labial de Raoni le chef indien, vous visualisez? En voici la version auriculaire. Quand le bijou est plein, on l’appelle «plug» et quand il est vide, «tunnel», ce dernier étant le plus vendu car, comme dit le pierceur lausannois Hervé Sorrenti: «Si on se fait un trou, autant que ça se voie.» Ledit trou s’obtient en écartant progressivement un simple percement du lobe, à l’aide de bijoux ad hoc. La béance peut atteindre jusqu’à 5 centimètres de diamètre. Au final, on dit que l’oreille est «stretchée».

Florence Sorrenti, la femme d’Hervé et propriétaire de la boutique My Deadly Shop, à Lausanne, est une pionnière de cette pratique de modification corporelle. «C’était à la fin des années 90, j’étais étudiante aux Beaux-Arts à Avignon, je découvrais le body art. Le stretching, c’était une manière de se différencier, un acte marginal et contestataire.»

Aujourd’hui, ce serait presque le contraire. «Des gamines de 14-15 ans viennent réclamer leur plug simplement parce que c’est à la mode», s’agace Richard Anex, fondateur de la vénérable boutique de piercing genevoise Red Light District. Les professionnels exigent l’autorisation des parents, mais une ado n’a besoin de personne pour élargir le trou de ses boucles d’oreilles. C’est ce qu’a fait Jade à 16 ans, quand elle était au gymnase à Lausanne: «Mes parents ont un peu râlé, mais bon. Je trouve ça joli, une manière de s’approprier son corps.»

Même évolution de la clientèle chez Ethno Tattoo, à Lausanne, où œuvre Hervé Sorrenti. «Ces deux dernières années, la demande a doublé et débordé la tribu underground et masculine des débuts. Il y a plus d’ados, étudiants comme apprentis, et autant de filles que de garçons.» Après le tatouage et le piercing, le stretching perd donc de sa noirceur: c’était tribal, ça vire girly. Sur YouTube, les tutoriels foisonnent, volontiers intitulés «Comment convaincre vos parents». Sur les forums, les copines s’échangent des tuyaux: «Salut les filles! Comment fait-on pour porter un tunnel à ses oreilles?» «Hahahahahaha. La chose la plus simple au monde…»

Pas si banal que ça

Pas aussi simple, en fait. La preuve: si le marché du plug est en plein boom, celui de la reconstruction des lobes aussi. «De plus en plus de jeunes viennent nous demander conseil pour reboucher le trou, dit Méloé, collaboratrice chez Tribehole, à Genève. Ce sont les mêmes qui se sont fait poser un tunnel deux ans plus tôt: entre-temps, ils sont arrivés sur le marché du travail.»
Grand écart. Entre le look vécu comme normal par les ados et celui toléré par l’employeur potentiel, la marge peut faire mal.

Jean-Luc Fornallaz, qui aide les jeunes à accéder à leur premier emploi au sein de la fondation Jeunes@Work, section Genève: «Je me souviens d’un candidat, détenteur d’un CFC d’employé de commerce, qui cherchait un emploi dans une fiduciaire. Sauf qu’il avait des tatouages jusque sur les mains et le haut du cou, plus des plugs aux oreilles: rédhibitoire. Du coup, il allait aux entretiens d’embauche avec les lobes scotchés par-derrière et une épaisse couche de maquillage sur la peau… Les adolescents n’ont pas conscience que, dans le monde du travail, les codes ne sont pas les mêmes qu’entre amis.»

Quand ils s’en rendent compte et qu’il suffit d’enlever un anneau de piercing pour devenir job-compatible, tout va bien. Mais un trou dans l’oreille, une fois le bijou retiré, c’est franchement moche et ça ne se répare pas du jour au lendemain. Richard Anex évoque cette cliente, «stretchée à plus de 25 millimètres, qui a raté son engagement à HSBC parce qu’elle n’avait pas réussi à se faire réparer à temps».

Certes, le seuil de tolérance des employeurs s’est élevé. Un minibrillant sur l’aile du nez, un discret tatouage, ça passe désormais sans problème dans nombre de contextes professionnels, du supermarché à l’école. Certains employeurs affichent fièrement une politique d’engagement particulièrement «inclusive et libérale»: chez Ikea, tatouages et hijabs cohabitent à la caisse, et la maison compte plusieurs apprentis stretchés dans ses magasins suisses. Pourtant, «la plupart des employeurs, dès qu’il y a contact avec la clientèle, ne veulent pas prendre de risques, soutient Jean-Luc Fornallaz. Un trou dans l’oreille, c’est impressionnant. ça dépend de sa taille, bien sûr, mais, potentiellement, c’est un frein considérable pour décrocher d’un emploi.»

Pas si réversible que ça

Chez Tribehole comme chez Ethno Tattoo, les clients privilégient les trous relativement petits. «Nous conseillons de ne pas dépasser 6 millimètres, dit Méloé. Jusqu’à cette taille, on est sûr que le trou se refermera tout seul si on enlève le bijou.» Vraiment? Wassim Raffoul, chef du service de chirurgie plastique au CHUV, corrige: «Même un trou de piercing ne se referme jamais tout seul. Il peut devenir presque invisible, mais pour une cicatrisation complète il faut opérer.»

Deuxième grand écart. Chez ses jeunes adeptes, le stretching est perçu comme parfaitement réversible. «Je ne me suis pas projetée dans l’avenir, dit Jade, mais de toute façon, si je veux, demain, j’efface tout.» Une réversibilité en grande partie illusoire. «L’oreille est une zone à risques, le geste de réparation délicat, il laisse une cicatrice et, souvent, un lobe biscornu», avertit Wassim Raffoul, inquiet de la banalisation de «tous ces piercings» plus risqués qu’il n’y paraît, également en matière d’infections et de cicatrisations pathologiques.

Le chirurgien a vu les demandes de réparation de lobes augmenter depuis deux ans et estime à une quinzaine les opérations annuelles dans son service; les patients sont en général des jeunes en quête de travail, confirme-t-il.

Au CHUV, une réparation du lobe coûte de 1000 à 1500 francs, non remboursés. Il y a aussi un marché parallèle de la reconstruction, tenu par des pierceurs. Jade en connaît un en France voisine, Méloé ajoute que les plus réputés font des tournées et passent en Suisse. Et Wassim Raffoul frémit: «C’est une opération chirurgicale, qui nécessite la stérilité, une anesthésie. Il me paraît dangereux de faire ça hors contexte médical.»

Richard Anex, lui, a beau être un pionnier du piercing en Suisse, il refuse carrément de stretcher des oreilles. «Il me reste un stock de plugs, j’accepte de les vendre. Mais les gens n’ont qu’à se les poser tout seuls…» Agacé par l’effet de mode? Pas seulement. «Le problème du stretching, c’est l’odeur! Le trou sécrète une sorte de liquide plein de bactéries et sent très mauvais. Je ne veux pas de cette puanteur dans mon atelier…» En fait, Richard Anex est un repenti du piercing et des modifications corporelles en général. «Quand je vois que la nouvelle mode, c’est de se noircir le blanc des yeux ou de se fendre la langue en deux, je trouve ça vraiment con…»

Le coup de la langue, ça s’appelle le «splitting». Ames sensibles s’abstenir. Wassim Raffoul garde son flegme: «Vous savez, une langue, c’est plus facile à recoudre qu’une oreille…» 

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Point final: Lucy n’est plus dans le ciel

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:52

«Lucy in the sky with diamonds»,écoutaient les chercheurs qui, en 1974, ont découvert en Ethiopie les restes d’une australopithèque, aussitôt considérée comme la mère de l’humanité. Du coup, le nom du fossile était tout trouvé. Mais cette histoire en recèle d’autres, de fameux coups, même brutaux. Des scientifiques américains affirment dans la revue Nature que Lucy est morte il y a 3,2 millions d’années à la suite d’une chute accidentelle d’un arbre. Les nombreuses fractures aiguës de ses os résulteraient d’un violent choc.

Les chercheurs sont précis: la hauteur de la chute aurait été de plus de 12 mètres, la vitesse à l’impact de 60 km/h et Lucy aurait frappé le sol d’abord avec le pied droit avant d’étendre les bras pour tenter en vain d’amortir sa chute.

Ce n’était pas la dernière. Un temps positionnée au sommet de notre arbre généalogique, Lucy a depuis lors été délogée de ce poste en surplomb: elle n’aurait été qu’une lointaine cousine du genre homo. Longtemps présentée comme à la fois bipède et arboricole, parfaitement à l’aise au sol et dans les arbres, l’australopithèque n’était peut-être pas aussi habile que cela dans les branches. Celles de la savane comme celles de l’évolution, puisque les hypothèses d’hier sont aujourd’hui remises en question.

Lucy n’est plus dans le ciel et les diamants qui bordaient sa légende disparaissent les uns après les autres. D’ailleurs, réécoutons John Lennon, l’auteur de la célèbre chanson: «Look for the girl with the sun in her eyes /And she’s gone.» 

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Le succès jusqu’au bout des ongles

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:53

Trajectoire. Ils ne connaissaient rien aux ongles et ont lancé leur entreprise dans un marché saturé. Ils ont gagné un prix et ouvrent leur onzième enseigne. Portrait des rois de la manucure-pédicure.

Un marché saturé et zéro connaissance dans le domaine. Quand Florence et Daniel Stumpe se sont lancés dans les bars à ongles, en 2010, leurs amis ne donnaient pas cher de leur peau. «Vous êtes fous!» commentait leur entourage. Eh bien pas tant que ça, peut-on répondre aujourd’hui. C’est qu’ils en ont fait, du chemin, les Stumpe. En juin, les deux Lausannois ont gagné le Swiss Economic Award, catégorie services, en septembre, ils ouvriront leur dixième bar à ongles à Monthey et, en octobre, ils s’approcheront de la Suisse alémanique en installant leur onzième enseigne à Bienne.

Tout a commencé par un voyage à New York, où les bars à ongles sont légion; les clientes s’y rendent d’ailleurs sans rendez-vous. De retour en Suisse, Florence, qui s’offre alors régulièrement des manucures, son mari et un ami, professeur d’économie, se demandent pourquoi le concept du «sans rendez-vous» ne marche pas en terre helvétique. Il y a peut-être un marché à prendre, se dit le couple, qui décide de se lancer et de créer The Nail Company.

Daniel Stumpe: «Nous avons ouvert notre boîte en pensant que cela ne durerait que six mois. C’était une sorte de gag, mais en même temps nous avons beaucoup travaillé…» Florence Stumpe complète: «Et puis nous nous sommes dit: si nous nous lançons, l’un des deux doit arrêter son job.»

S’est alors posée une question: qui peut retrouver du travail le plus facilement si ça ne marche pas? Criminologue de formation et détentrice d’un postgrade en lutte contre la criminalité économique, elle travaille alors à 60% à l’antenne lausannoise de la police fédérale. Lui a fait HEC (Hautes études commerciales) et est senior product manager chez Orange. C’est elle qui donnera sa démission.

Sa première réflexion? «Je vais quand même pas faire les ongles.» Et pourtant. Au contact des clientes, l’universitaire se prend au jeu. Après quelques jours de formation dans une école, six mois durant, elle lime, vernit, apprend et observe. «C’est loin d’être simple», constate-t-elle. Sa journée terminée et les deux enfants couchés, son mari se remet au travail, pour s’occuper de la partie marketing et financière de la petite entreprise, sa femme à ses côtés. Florence Stumpe: «Deux heures durant, je ne lui transmettais que les problèmes, alors que pendant une journée dans l’entreprise il se passe aussi de jolies choses, mais il n’avait pas l’occasion de les voir.»

Le Lausannois finira par quitter Orange début 2013 pour se lancer dans l’aventure à plein temps. «Je m’occupe des RH, de la finance, de la stratégie, alors que mon épouse, qui est une femme de terrain, se charge de l’opérationnel, des services, de la fonctionnalité des magasins et de la recherche de nouveaux produits.» Complémentaires, les époux, qui passent la journée dans les mêmes locaux, ne se croisent pas souvent, occupés qu’ils sont à des tâches différentes. Et bonne nouvelle: même s’ils se coupent souvent la parole, les Stumpe ne s’engueulent plus.

Leur concept? La manucure avec ou sans rendez-vous, sur des ongles naturels uniquement, à des prix abordables, soit de 19 fr. 90 à 79 fr. 90, boissons à volonté comprises. Le programme, qui se présente comme un menu écrit sur un grand tableau noir, est le même dans toutes les enseignes, qui se reconnaissent grâce à la couleur violette: pas moins de quinze soins différents, aux dénominations originales, allant du simple retrait des cuticules-limage-polissage à la pose de vernis semi-permanent censé rester quelques semaines. La durée des soins est indiquée pour toutes les variantes et la palette est la même pour les pieds.

Daniel Stumpe: «Nous avons voulu démocratiser la manucure. Beaucoup de femmes ne s’offraient pas ce soin, car c’était trop cher. A Genève, c’était 100 francs pour une heure. Le mot le plus important de notre enseigne est celui de «bar». L’idée est d’aller se faire les ongles comme si on allait boire un café.» Un petit noir un peu chérot, tout de même.

Protocole et formation

Quatre cents couleurs au choix, même service, même nombre de minutes selon le soin choisi et même ordre dans les gestes: le couple met en place un protocole et une formation, de quelques jours à deux semaines. Apprendre la politesse en fait aussi partie pour certaines jeunes femmes. Les «Est-ce que vous désirez boire quelque chose?» remplacent les «Vous voulez boire quelque chose?». Les stylistes ongulaires apprennent également à décrire ce qu’elles sont en train de faire à leur cliente.

Florence Stumpe: «Certaines dames n’ont jamais fait de manucure, c’est important de leur donner des explications.» Particulièrement à cheval sur l’hygiène, le couple lausannois a même adopté des produits, fabriqués en Suisse, qui désinfectent les surfaces en 30 secondes.

Si les employées à la marque violette sont en majorité des Suissesses et des Françaises, beaucoup sont originaires d’Espagne, du Portugal ou d’ex-Yougoslavie. Certaines ont suivi une école d’esthétique, soit de six mois à une année de cours, d’autres ont obtenu un CFC d’esthéticienne. Lorsque les Stumpe commencent à recruter et à découvrir les pratiques salariales et les usages dans le domaine, ils déchantent.

Beaucoup d’employées, qui travaillent pour la concurrence, n’ont pas de contrat et sont payées au lance-pierre, soit 2500 francs par mois pour un plein temps. Florence Stumpe: «Certains employeurs font miroiter un emploi fixe et, au bout de trois mois, une fois la haute saison passée et le temps d’essai terminé, ils licencient. D’autres offrent de longs stages non rémunérés et, finalement, n’embauchent pas la personne. Au début, les collaboratrices ne nous faisaient pas confiance.»

Parallèlement, le couple vaudois découvre qu’être patron, ce n’est pas toujours une sinécure. La plupart du temps jeune et célibataire, la population qu’ils emploient est fragile. «Dès qu’elles ont un problème dans leur vie privée, elles sont malades ou, du jour au lendemain, ne viennent plus. C’est une nouvelle génération qui a beaucoup moins peur du chômage que nous.» Forts de leurs découvertes, les Stumpe décident que de bonnes conditions de travail seront l’une de leurs priorités. Car ils le savent bien: une employée heureuse, c’est la garantie d’une bonne ambiance et donc d’une cliente heureuse.

65 employés

Si les salaires sont adaptés à chaque canton, les Stumpe offrent un salaire minimal de 3750 francs pour 42,5 heures par semaine et garantissent un samedi de congé par mois. Les responsables des bars à ongles, elles, ont des objectifs mensuels à atteindre. Daniel Stumpe: «Si elles y arrivent, elles peuvent compter sur un treizième salaire. Mais ce n’est pas toujours facile.» Car, qui l’eût cru, le business des ongles dépend lui aussi de la météo.

La haute saison? Ce sont les mois de juin, juillet et août. Daniel Stumpe: «Il y a deux ans, l’été était moche et il a beaucoup plu en juillet. Et en cas de pluie, les clientes vont moins en ville, n’enfilent pas de tongs et ne viennent donc pas faire de pédicure.» Florence Stumpe complète: «C’est un peu le même principe que dans le domaine agricole. Le grain récolté en été permet de vivre en hiver. Durant les mauvais jours, nous faisons des pertes sèches, mais nous devons tout de même verser les salaires à nos 65 employées.»

Concept innovant, succès économique et politique RH respectueuse: le Swiss Economic Award vient récompenser un beau parcours. Et qui des deux Stumpe a eu l’idée de s’inscrire? «Nous aimerions bien savoir qui a soumis notre nom. Nous ne connaissions même pas l’existence d’un tel prix, célèbre outre-Sarine. Aujourd’hui, il nous ouvre des portes en Suisse alémanique.» 

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Meapasculpa: le chien est l’ennemi du joggeur

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:53

J’ai passé l’étéà tenter de concrétiser une bonne résolution: me (re)mettre à la course à pied. A quelques centaines de mètres de chez moi, il y a un pré idéal, bordé d’un sentier parfait pour qui veut tournicoter quelques menus kilomètres. Bref, un zeste de verdure à portée de main du peuple des citadins dont je fais partie.

Las. J’ai passé l’été à tenter de partager ledit sentier avec des chiens. Quelle que soit l’heure à laquelle je chaussais mes baskets, matin, midi ou soir, ils étaient là avant moi. Il n’y avait, miracle, qu’à l’heure du sacro-saint téléjournal de Darius – merci Darius – que la voie était libre. Des petits, des gros, des poilus, des moches, des beaux, des maigres. Et jamais, au grand jamais, tenus au bout d’une laisse.

Animée par une généreuse bonne volonté, j’ai tenté de partager le sentier avec eux. J’ai tout essayé: ralentir, marcher, les contourner, penser à autre chose, regarder ailleurs, courir avec des lunettes de soleil. Mais la conclusion s’est imposée douloureusement: c’était eux ou moi. Eux tenaient bien moins que moi à partager leur sentier. Je n’ai pas croisé un seul chien qui n’ait pas fait mine de, à choix, sauter sur moi, me suivre, me renifler, me lécher, grogner, gronder, m’attaquer. Et je n’ai pas croisé un seul maître qui ne m’ait pas lancé sur un ton condescendant et goguenard, en retenant à peine son toutou, que je ne devais pas m’inquiéter, que son animal était gentil et voulait juste jouer. Ben voyons.

Chers amis des chats et des chiens dits de compagnie, inutile de me tomber dessus en argumentant que tout cela est normal, le chien sentant mon peu d’empathie pour lui réagit en conséquence: si un chien ne comprend pas qu’une fille en sueur et en baskets, même si elle court, n’est pas en train de l’attaquer, si un chien pense que le danger vient de moi, c’est qu’il est idiot et donc, par bêtise ou ignorance, capable de tout. Et mérite au minimum d’être attaché.

En France, on appelle zones de non-droit des banlieues abandonnées par la police et les autorités car tombées aux mains de mafias ethniques ou extrémistes. En Suisse, nous avons des prés où les chiens font la loi. C’est insupportable. Samedi à Genève, 700 activistes antispécisme défilaient à l’invitation de l’association Pour l’égalité animale (PEA) afin de demander les mêmes droits pour les animaux que pour les humains au son de «les êtres humains ont oublié leurs semblables». Malgré tous mes instincts végétariens, les chiens, qui sont des chiens et se comportent comme tels où qu’ils soient, malgré les pathétiques tentatives d’anthropomorphisation de leurs maîtres, ne sont pas mes semblables. Leurs maîtres, oui.

Avant, j’avais peur des chiens. Désormais, je déteste leurs maîtres. 

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Ils ne sont ni soldats ni policiers, mais ils veulent servir la France

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:56

Reportage. Face au terrorisme, les forces de l’ordre ont besoin de renforts, a dit le président de la République. Au camp de Beynes, dans les Yvelines, 200 volontaires viennent de réussir leur examen d’entrée dans la réserve de la gendarmerie. Constat préoccupant: le nombre de candidats musulmans est en forte baisse.

«A chaque anniversaire de l’un de nous, on fait des pompes», rigolent les copains, en pantalon de treillis et t-shirt noir, debout sous un arbre, à l’abri de la canicule, rangers aux pieds. Aymeric a eu 19 ans durant la formation de gendarmes réservistes qui s’est achevée samedi 27 août au camp de Beynes, dans les Yvelines. La totalité des stagiaires, 203 volontaires, dont 77 femmes, en ont donc été quittes pour dix-neuf «pompes», effectuées en cadence militaire. Dans la famille d’Aymeric, un Parisien, on a visiblement le culte de la gendarmerie: tant son père que son grand-père ont été réservistes. «J’envisageais de l’être déjà avant les attentats. Ils ont précipité ma décision», explique le jeune homme, à la veille de la clôture d’un stage éclair de quinze jours.

Lui et ses camarades sont-ils désormais opérationnels? Il le faut. Peut-être pas fin prêts, mais aptes, en principe, et autorisés, le cas échéant, à faire usage de leur arme, notamment un Sig-Sauer SP 2022 – pistolet semi-automatique 9 mm germano-suisse en dotation chez les forces de l’ordre françaises. En mission, une balle sera en permanence engagée dans la chambre de l’arme, prête à être tirée. Pas uniquement en cas de légitime défense mais aussi, après sommations, lorsque par exemple un barrage de sécurité est forcé. La formation initiale est appelée à être complétée au sein des unités, un réserviste étant toujours accompagné d’un professionnel.

Face aux risques d’attentats, le besoin de renforts, fussent-ils inexpérimentés, est urgent. Il s’agit de soulager les effectifs réguliers de la gendarmerie, de la police et de l’armée, soumis aux flux tendus – à la longue insupportables – de l’opération Sentinelle, un plan Vigipirate renforcé, en vigueur depuis les attentats de janvier 2015 contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher. Le président de la République, François Hollande, avait à cette époque dit la nécessité de recourir aux réservistes et d’en augmenter la quantité.

La formation de la deuxième quinzaine d’août, à Beynes comme en d’autres lieux du territoire français, n’était pas prévue au programme. Elle a été décidée après le tragique attentat de Nice du 14 juillet dernier. Pour ratisser plus large, l’âge limite des participants à la formation, récemment porté de 30 à 37 ans, a été étendu à 40 ans, l’âge minimum requis étant de 17 ans. La France compte aujourd’hui 58 500 réservistes, dont 26 000 dans la seule gendarmerie, où ils devront être 40 000 en 2018.

Retour du service national?

Se dessine ici l’esquisse de la future garde nationale souhaitée par le chef de l’Etat pour faire face à une sorte d’insécurité permanente, que certains politiques, principalement de droite, comparent à la situation d’Israël, dont il faudrait s’inspirer des méthodes de lutte antiterroriste, préconisent-ils. La montée en puissance de la réserve pourrait également préfigurer le rétablissement d’un service national, supprimé dans son acception militaire en 1997 par Jacques Chirac.

Le républicain Nicolas Sarkozy, le centriste François Bayrou et le socialiste Arnaud Montebourg, notamment, souhaitent sa restauration dans une version mi-armée, mi-civile. Dans l’immédiat, les forces réservistes d’appoint pourront être affectées à la surveillance routière ou, en cette période de rentrée, à la protection des écoles, le gouvernement redoutant des attentats contre des établissements scolaires.

«Bonjour Monsieur… Coupez la clé de contact… Donnez la clé… Bras sur la tête… Croisés sur la tête…» Vendredi 26 août avait lieu à Beynes la «journée des évaluations». Sous l’œil des moniteurs – des sous-officiers, pour partie réservistes aussi – les futurs supplétifs de la gendarmerie restituent ce qu’ils ont appris. Là, l’interpellation d’un individu et son extraction d’un véhicule, suivie d’un placage contre la portière et d’une palpation. Menottage, démenottage. Progression en milieu hostile, en binôme, arme au poing. Rudiments d’arts martiaux. Montage, démontage du pistolet, son maniement, base de tout. En deux semaines, il aura fallu «imprimer» le b. a.-ba du pandore.

Une vie coupée du monde extérieur, dans un camp de 250 hectares dédiés à l’entraînement militaire, à 45 km de Paris, en pleine campagne, où le GIGN, l’unité d’élite de la gendarmerie, vient roder ses opérations héliportées. «Pendant deux semaines, régime strict d’internat, déplacement en ordre serré, huit heures de cours quotidiennes sans accès au téléphone portable, aucun jour de repos, pas d’alcool, solde journalière de 50 euros», énumère le commandant Jean-Yves*, le «patron» de la formation, lui-même officier de réserve de gendarmerie, cadre supérieur dans une collectivité locale. Comme tous ses collègues, dit-il, il a pris sur ses congés civils pour assurer l’encadrement du stage d’août.

La foi du patriote

Les réservistes formés à Beynes ont des profils variés mais tous la foi du patriote. Sans compter que ce stage peut aider à décrocher plus tard un emploi dans la gendarmerie. Pour Jérôme, 30 ans, chauffeur VTC (voiture de tourisme avec chauffeur) à Châteauroux, dans l’Indre – «pas pour le compte d’Uber», précise-t-il –, servir son pays était «un rêve d’enfant». L’attentat contre Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, l’a particulièrement marqué.

«Quand j’ai vu la vidéo montrant le policier (Ahmed Merabet, ndlr) se faire abattre sèchement, je me suis dit qu’il fallait réagir, pour la vie de nos enfants.» Bras croisés derrière le dos, dans une position de repos après un garde-à-vous, Jérôme exprime des choses plus intimes: «J’ai été adopté, je viens du Brésil, de Fortaleza. Je veux rendre à ma mère adoptive, à ma France, tout l’amour qu’elles m’ont donné. La France, c’est pas les favelas. Ici, on a tout, la santé, le logement. Quand j’entends certains la critiquer, il y a des risques que je devienne désagréable.»

De douze ans le cadet de Jérôme, droit comme un i à ses côtés, Benjamin, étudiant en histoire à Tours, tient des propos tout aussi imprégnés d’esprit de sacrifice. «J’ai vu qu’il y avait une PMG (préparation militaire gendarmerie) à Beynes, je m’y suis inscrit. Pour pouvoir rendre un peu de ce qu’on m’a donné depuis dix-huit ans.» Le jeune homme, à peine majeur, qui souhaite désormais entamer des études de droit et peut-être un jour tenter l’ENA, l’Ecole nationale d’administration, et pourquoi pas intégrer plus tard l’armée de terre, loue la «cohésion» du groupe et ses «chefs», qu’il trouve «très bons».

Mieux que Facebook

Donner, servir, payer de sa personne: une manière d’altruisme qui permet d’échapper au confinement un brin étouffant des réseaux sociaux. «Après les attentats, je ne voulais pas rester à rien faire. C’est bien, de dire sur Facebook qu’on soutient les familles de victimes, mais moi je veux soutenir un pays», confie Elisa, 19 ans, étudiante en langues à Caen, en Normandie. Comme beaucoup d’autres stagiaires réservistes de Beynes, la jeune femme idéalisait la gendarmerie. Les attentats djihadistes ont renforcé son processus d’adhésion à un métier «aimé» des Français dans les sondages.

«Des gens qui habitent dans les banlieues veulent servir la France, mais d’autres ne veulent pas qu’ils servent la France.» C’est un officier de gendarmerie qui tient ces propos gros de sous-entendus. Sujet électrique, sur fond d’attentats islamistes et d’arrêtés municipaux interdisant le port du burkini. Le commandant Jean-Yves parle, lui, de «clivage» dans la société, aggravé par le terrorisme et ses répercussions.

«Les stagiaires réservistes de confession musulmane, d’origine maghrébine ou subsaharienne, sont de deux tiers moins nombreux qu’avant les attentats, a-t-il observé. En 2013, il y avait moins de stagiaires, mais les gens des banlieues étaient davantage représentés. Cette année-là, ils avaient demandé à pouvoir disposer d’une salle de prière. Cela leur avait été accordé, dans un sous-sol. Cette fois-ci, ils sont dix ou quinze et aucune requête de la sorte ne nous est parvenue. La source des gendarmes réservistes musulmans va à mon avis se tarir.»

C’est parfois en catimini que certains d’entre eux se sont inscrits à la PMG de Beynes. «L’un n’a rien dit à ses frères et sœurs, et ses parents ignorent également sa présence ici, explique le commandant Jean-Yves. Il fuit les médias et ne veut surtout pas être pris en photo, sinon, dit-il, c’est foutu pour lui.» La peur du qu’en-dira-t-on et d’éventuelles représailles, comme la crainte d’être mal accueilli par les gendarmes et les stagiaires réservistes ou, pire, soupçonné d’intentions louches, peuvent expliquer la désaffection constatée par l’officier.

Sentiment de rejet

Les publications des candidats réservistes sur les réseaux sociaux sont bien entendu passées au crible par la gendarmerie… Un enseignant, musulman, professeur dans un collège en banlieue parisienne, évoque, lui, une «cassure». «La non-sélection de Karim Benzema, et plus encore celle de Hatem Ben Arfa, dans l’équipe de France de football qui a disputé l’Euro en juin a été très mal vécue par beaucoup de Franco-Maghrébins, qui se sont sentis rejetés par le pays», relève-t-il.

C’est peut-être, entre autres raisons, parce qu’il n’est pas né en France que Nassim** se sent plus libre de ses actes, moins tributaire de l’histoire houleuse et douloureuse des banlieues, souvent vécue comme un combat par ses protagonistes. Il est né au Maroc de parents marocains, habite un quartier pavillonnaire en périphérie parisienne. En intégrant le stage de Beynes, cet informaticien de 33 ans, naturalisé Français il y a cinq ans, entendait montrer qu’on peut être «musulman, Français et réserviste». Il voulait rejoindre la réserve de la gendarmerie après la tuerie de Charlie Hebdo, affirme-t-il, mais il était trop âgé à l’époque. L’âge limite ayant été repoussé, il l’a fait après l’attentat de Nice.

«Mon but, explique-t-il, est de servir la nation.» On lui avait dit qu’il y aurait de la nourriture halal lors du stage, mais «cela n’a pas vraiment été le cas, note-t-il. Qu’importe, je n’allais pas en faire une histoire, la formation était courte, j’ai mangé du poisson quand il y en avait et n’ai pas pris de viande le reste du temps», rapporte-t-il. L’affaire du burkini est «un sujet qui ajoute au débat en place, c’est dommage, alors qu’en ce moment on apprend la cohésion au-delà des différences», commente-t-il en termes mesurés.

Samedi 27 août à Beynes, jour de remise des insignes et brevets de gendarmes réservistes, en présence de «plusieurs généraux», Nassim a enfilé, comme l’ensemble de ses camarades et pour la première fois depuis le début du stage, l’uniforme des réservistes, pantalon et casquette bleu foncé, polo bleu ciel. Sa femme, son fils de 3 ans, son beau-frère et sa belle-sœur étaient présents à la cérémonie. «Mes parents ne pouvaient y assister, mais ils sont très fiers de moi, tout comme mon fils. Baba, me disait-il en arabe, montre-moi tes collègues. Il voulait que je les lui présente.» Nassim serait «ravi» de remplir dès que possible une première mission de réserviste.

* Pour préserver un certain anonymat, seuls les prénoms des instructeurs et élèves sont communiqués.
** Prénom modifié.


De la réserve à la garde nationale

58 500 L’effectif actuel de la réserve opérationnelle, toutes armes et forces confondues (armée et gendarmerie, police).

28 000 L’effectif de la réserve dans l’armée (rattaché au Ministère de la défense).

26 000 L’effectif de la réserve dans la gendarmerie (à disposition du Ministère de l’intérieur).

4500 L’effectif de la réserve dans la police (contrats signés par d’anciens policiers réservistes volontaires, rattachés au Ministère de l’intérieur).

17 à 40 L’âge pour être admis dans la réserve opérationnelle. Il faut être de nationalité française ou être ancien militaire engagé à titre étranger volontaire.

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Les balades qui font du bien: voyage au cœur du chocolat

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:56

Marie Maurisse

Broc. Située en pleine Gruyère, la fabrique Cailler est un hit touristique de la Suisse romande. Le lieu cultive sa féerie en promettant aux visiteurs une expérience sensorielle.

Il suffit de sortir du train pour, déjà, sentir l’odeur amère des fèves de cacao. Je suis à la gare de Broc et je me dirige vers la Maison Cailler. Cette visite, je l’ai déjà faite en famille. A chaque fois, l’émotion est la même. Dans le train qui m’a emmenée de Bulle à Broc, une petite Japonaise collait son nez à la vitre du wagon en trépignant d’impatience. Sous ses yeux s’étendait un paysage de carte postale: la Gruyère, avec ses prés, ses vaches et son château.

Ce jour-là, il fait près de 30 degrés et, tandis que je pousse la porte de la fabrique-musée, je repense évidemment à la chocolaterie de Roald Dahl, dont les mystérieux atours ont bercé mon enfance. «Deux fois par jour, sur le chemin de l’école, puis au retour, le petit Charlie Bucket passait devant les portes de la chocolaterie. Et, à chaque fois, il se mettait à marcher très lentement, le nez en l’air, pour mieux respirer cette délicieuse odeur de chocolat qui flottait autour de lui. Oh, comme il aimait cette odeur!» Nul doute que les spécialistes de Cailler, en concevant le parcours, se sont inspirés de cet imaginaire.

Dans l’ascenseur, l’odeur du cacao se fait plus entêtante, presque addictive. Un enchaînement de salles, plongées dans l’obscurité, explique la découverte de ce fruit euphorisant, considéré comme sacré par les Aztèques. Du temps du conquistador Hernán Cortés, un esclave valait 1000 graines de cacao. Au XVIe siècle en Europe, il se consomme sous forme liquide, par exemple après un rendez-vous galant. La «boisson de Vénus» est aussi la dernière chose réclamée par Marie-Antoinette. Autour de moi, la foule est collée à son audioguide.

Entre ganache et praliné

Après cette introduction historique, Nestlé, le propriétaire de la Maison Cailler, en vient aux pionniers suisses et à l’histoire de son usine. Un fabuleux outil de communication pour la marque. Les explications techniques sur la transformation des fèves en chocolat sont sommaires: l’endroit mise avant tout sur le sensoriel. Il faut toucher les grains, le beurre de cacao, sentir les amandes, voir les branches brillantes sur leurs tapis roulants. La Maison Cailler n’est pas un musée du chocolat, c’est d’abord une entreprise qui se raconte. Mais la recette est rentable: avec plus de 38 600 visiteurs en 2015, le lieu est le premier hit touristique de Suisse romande, devant le château de Chillon.

J’ai réservé un atelier de fabrication de chocolat. Pour la première fois, j’entre dans la grande cuisine ripolinée. Le chocolatier Patrick Schneider, charlotte sur la tête, est aux commandes. En une heure quinze, nous allons confectionner nos propres tablettes avec les ingrédients à notre disposition: chocolat fondu, épices, noisettes… A ma droite, deux petites filles venues de Hong Kong observent meringues et paillettes avec délectation. A ma gauche, un groupe éclate de rire. Il s’agit d’une dizaine de Montreusiennes, venues fêter les 50 ans de leur amie Christine. «On part à Rougemont pour le week-end; venir chez Cailler était une étape naturelle. Le chocolat, c’est un pur plaisir!»

Tout en apprenant la différence entre la ganache et le praliné, je choisis du caramel salé, le mélange à du chocolat au lait, et verse le tout dans un moule. Dans le train du retour, je goûte mon chocolat avant qu’il ne fonde. Je sais que ce n’est pas vrai, mais j’ai 10 ans…

Retrouvez nos propositions de balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades


Nos adresses dans les environs

Chez Boudji, Broc

Jolie buvette d’alpage à la carte simple, avec une terrasse avec vue.

Gîte d’Avau 1, 026 921 90 50
www.boudji.ch

Boulangerie Angélo Rime, Botterens

Pour acheter à la source les meringues les plus célèbres.

Route de Botterens 147
026 921 15 64, www.meringue.ch

Les Bains de la Gruyère, Charmey

Bassins, spa, sauna ou encore hammam: tout pour une remise en forme en profitant d’un endroit charmant et d’une terrasse panoramique.

Gros Plan 30, 026 927 67 67
www.bainsdelagruyere.ch

Gorges de la Jogne

A la sortie de Broc, à quelques pas de la fabrique Cailler, un sentier forestier remonte le courant de la Jogne jusqu’au barrage de Montsalvens. Sur le chemin: ponts de bois, tunnels et galeries rocheuses.

Temps de marche: 1 h 15.

Hôtel Cailler, Charmey

Un établissement des plus confortables, au caractère affirmé et à la cuisine de qualité.

Gros-Plan 28, 026 927 62 62
www.hotel-cailler.ch

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Livetrotters: ce que racontent les murs de Lisbonne

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:57

Jacqueline Pirszel

Reportage. A la découverte des graffitis qui ornent la capitale portugaise. Pour certains, il s’agit de vandalisme, pour d’autres, d’art urbain. Ce qui est certain, c’est que leurs couleurs égaient la grisaille des murs, dont certains sont mis à la disposition des graffeurs par la mairie. 

Je n’y connais rien en graffitis. Certains les qualifient d’art urbain, d’autres de vandalisme. Beaucoup les trouvent cools, mais autant les trouvent moches.

Qui ne s’est jamais demandé ce que voulaient dire ces combinaisons de lettres? Les graffeurs sont-ils des voyous? Au fond, pourquoi les graffitis existent-ils?

Lisbonne est une destination très prisée par les artistes et amateurs du monde entier pour sprayer, peindre et orner les murs de cette ville. La capitale portugaise figure d’ailleurs en bonne place sur la carte du street art. Au sein du département du patrimoine culturel de la mairie existe même la Galeria de Arte Urbana, à l’origine de nombreux événements et projets liés à l’art des rues.

J’ai commencé mes recherches en marchant longuement dans les rues de la ville. Par hasard, j’entre dans un magasin de peintures en aérosol. Lorsque j’interroge F., un des vendeurs qui est aussi graffeur, il souhaite garder l’anonymat. «Une fois, j’ai dû payer une amende de 200 euros. Donc, oui, j’ai souvent eu des problèmes avec la police et la justice. Mais maintenant moins… Je sais où graffer. Quand j’étais gamin, je sprayais où je pouvais. Aujourd’hui, je respecte les propriétés privées, je me rends uniquement dans des lieux publics abandonnés, mais ça demeure illégal.» Si les graffitis ne font pas l’unanimité auprès de la population, c’est certainement à cause de la connotation qu’on leur attribue. Pourtant, illégal ne veut pas dire vandalisme.

Tags? Graffitis? Street art? Si les trois modes d’expressions sont illégaux, il importe tout de même de différencier les tags, les graffitis et le street art. Les tags représentent une simple signature dans la rue pour marquer un territoire. Les graffitis expriment plutôt un message écrit ou dessiné. Le street art est, quant à lui, l’évolution des graffitis, en ce sens qu’il regroupe des techniques illimitées, comprenant aujourd’hui graffitis, peinture, sculpture ou l’usage de pochoirs, d’autocollants, voire d’objets qu’on colle pour donner un effet 3D.

Le mur n’est plus une surface, mais un support d’art aux formes multiples. Le street art peut devenir tout à fait légal lorsque les autorités, comme la mairie de Lisbonne, mettent des murs à disposition en vue de les transformer en œuvres d’art.

«Il y a quelque chose d’égoïste dans les graffitis. Ce que je cherche personnellement, c’est tester de nouvelles typographies, carrées ou bulleuses, jusqu’à devenir bon. Tout le monde peut voir le résultat mais, au fond, je graffe pour moi», affirme F.

J’imaginais les graffitis plutôt comme une activité de bandes, mais je comprends bien la démarche personnelle et solitaire de F. La suite de mon exploration à la recherche des plus beaux murs de Lisbonne m’a fait découvrir un univers tantôt engagé, tantôt poétique, avec une grande préoccupation communautaire.

Une palette de couleurs dans la grisaille urbaine

J’ai rendez-vous à l’auberge de jeunesse Destination avec un jeune homme qui exerce comme guide à côté de ses études. Il fait partie des quelques personnes qui proposent un style de visite très particulier: le street art tour. Concrètement, Zé fait découvrir sa ville aux touristes à travers le street art. Je monte dans sa camionnette et, comme nous ne sommes que tous les deux, je m’assieds à l’avant avec lui. «C’est bien, ça fait moins taxi, comme ça», s’amuse-t-il. Avec son style surfeur et ses lunettes noires, Zé semble bien connaître le sujet. «Je connais certains artistes locaux personnellement. J’adore leur parler, je leur pose des questions sur ce qu’ils ont dessiné, et ils me racontent des anecdotes, parfois.»

Direction la vieille ville, où d’étonnantes façades sont commentées par le jeune homme. «La ville de Lisbonne a su rebondir sur l’essor du street art made in Portugal pour redynamiser ses quartiers. Au centre-ville d’abord, puis dans la périphérie, chaque année de nouveaux murs sont sélectionnés pour laisser libre cours à l’expression du street art.»

L’exemple des fresques réalisées par EIME, le Portrait de la poétesse Sophia de Mello Breyner Andresen, et Violant, dont le travail s’intitule L’arbre de la connaissance, font partie d’une série d’œuvres commandées par la Galeria de Arte Urbana. La seule exigence consistait à ce que le thème général demeure celui de la littérature. Le premier travail représente un portrait géant de la célèbre écrivaine nationale, tandis que le second rend hommage à la littérature en général.

Même à l’extérieur du centre-ville, il existe d’autres projets lancés par la même entité. Le lieu est fascinant: «La plupart de mes graffs préférés sont ici, c’est une vraie mine d’or!» s’exclame Zé. Nous nous tenons devant le Blue Wall, un mur de couleur bleue et de plus d’un kilomètre de long derrière lequel s’érige le bâtiment de l’Institut psychiatrique de Lisbonne. Chaque morceau du mur est personnalisé par un artiste qui a dû postuler pour obtenir la permission de peindre.

Nous nous arrêtons devant une œuvre de Smile, qui a reproduit de manière hyperréaliste le portrait, façon fisheye, d’une patiente de l’établissement. «Je crois vraiment que le street art est une réponse colorée au gris oppressant des villes. Un établissement comme celui-ci, ça fout les boules mais, avec ces portraits et ces couleurs, au moins les gens viennent voir les œuvres, ça apporte de la vie!»

Un geste politique

Lors de la demi-journée que j’ai passée en compagnie de Zé, nous avons discuté sur la fresque qui nous avait le plus plu, celle qui avait dû être la plus longue à réaliser ou encore sur combien de litres de peinture avaient été utilisés. En arrivant dans le quartier de la Quinta do Mocho, nos analyses et appréciations ont pris un tour plus sérieux. Sur chaque îlot d’immeubles type HLM figurent une ou deux énormes fresques.

Le soleil nous éblouit chaque fois que nous levons les yeux, mais ce que nous voyons nous interpelle invariablement. Parmi la vingtaine d’œuvres géantes que j’ai aperçues, trois ont retenu mon attention.

La première représente Angela Merkel en train de jouer avec des réfugiés en forme de pions au-dessus d’une pieuvre tueuse géante. La deuxième est l’installation de Bordalo II, un artiste local connu pour assembler et coller des déchets récupérés, leur donnant ainsi une seconde vie. Ici, en prenant de la distance, le vulgaire tas de déchets collés prend une magnifique forme d’oiseau. Enfin, la troisième, plus symbolique que belle, dénonce les quartiers comme celui-ci, bâtis pour loger massivement une population pauvre, sans se soucier du fonctionnement interne.

L’artiste MTO a volontairement peint tout l’immeuble en brun carton avec toutes les inscriptions d’un colis de poste à l’envers, puisque «nous créons des boîtes où vivent des gens, sans se soucier de savoir si tout fonctionne comme il faut à l’intérieur. S’il est sens dessus dessous, on s’en fout.»

Les questions soulevées par ces illustrations sont complexes. Certains murs nous offrent la lecture de choses que personne n’ose dire, d’autres provoquent ou stimulent la réflexion tout en rendant la ville moins terne.

Zé me raconte à quel point la transformation d’un mur aussi haut que ceux-ci peut être difficile. Mais il me raconte aussi cette histoire, qui résume la richesse que dissimulent parfois ces œuvres: «Tu vois la fresque du garçon en train de dessiner sur un mur? C’est l’artiste Adres. Il a peint ce mur avec l’aide des enfants du quartier, et même les figures abstraites proviennent d’un vrai dessin d’enfant.»

Suivez le journal de bord des Livetrotters, interagissez avec eux sur les réseaux sociaux sur www.hebdo.ch/livetrotters. Ou envoyez-leur un message, des idées ou des conseils sur Livetrotters@hebdo.ch


Où sont les autres livetrotters? que font-ils?

Stockholm
Marie Romanens

A Stockholm, Marie va rencontrer l’une des principales structures d’aide pour les entrepreneurs. Elle commence à comprendre que la Suisse a beaucoup à apprendre de ses voisins et elle est plus que jamais convaincue de l’apport des micro-entrepreneurs à notre société! 

Göteborg
Nina Seddik

Quel rôle l’activité physique peut-elle jouer dans le processus d’intégration? C’est à cette question que Nina va tenter de répondre dans son dernier reportage, à Göteborg. En attendant, vous pouvez découvrir la drôle d’expérience qu’elle a vécue à Malmö, dans un charmant restaurant syrien. 

Porto
Raphaël Surmont

Pour cette dernière semaine à la poursuite des digital nomads, Raphaël partage son séjour au Portugal entre Porto et Lisbonne pour découvrir un concept qui fait de nombreux adeptes dans le monde des travailleurs sans bureau fixe: les retraites en coliving. La forme ultime de partage et de vie en communauté. 

Rome
Aude Haenni

Après avoir entendu le pour et le contre d’une vie d’expatrié à Stockholm, Aude s’en va rencontrer un ancien garde suisse toujours établi à Rome. Puis, dernière étape et non des moindres: Château Montlau, où elle s’impatiente de découvrir le domaine de M. Armand Schuster de Ballwil.

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Jacqueline Pirszel
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Régis Colombo
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Les balades qui font du bien: méditer sur le chemin de Saint-Jacques

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:57

Via Jacobi. Cette fameuse route guide les pèlerins jusqu’à Compostelle. Rencontres sur une étape incontournable.

Saint-Jacques est, avec Jérusalem et Rome, l’un des trois grands pèlerinages de la chrétienté. On chuchote même qu’il aurait été inventé pour décharger la Ville éternelle de ses pèlerins. Quoi qu’il en soit, la coutume veut qu’on l’entame devant sa porte, raison pour laquelle on ne compte plus, en Europe, les chemins qui mènent au tombeau de l’apôtre en Galice. La traversée de la Suisse s’amorce à Rorschach ou à Constance, en Allemagne, mais, quelle que soit l’option choisie, notre étape reliant Romont à Moudon est incontournable.

La Via Jacobi attire de plus en plus de marcheurs, même si cette année les pèlerins sont moins nombreux que les précédentes, comme a pu le constater Sœur Marie-Samuel à l’abbaye cistercienne de la Fille-Dieu, à Romont. Leur itinéraire s’y arrête forcément, puisqu’ils viennent y chercher un hébergement dans les environs et y faire tamponner leur crédential, le carnet témoignant de leur passage. Il est loin, le temps où rentrer avec l’une des fameuses coquilles dans son bagage suffisait à prouver que l’on avait atteint son but. Raison de plus pour aborder cette balade en montant dans la vieille ville, perchée sur la colline.

Là, on se fie aux indications du tourisme pédestre qui nous emmènent vers Billens, en traversant un faubourg anonyme puis une zone industrielle. A l’arrière-plan, le bourg médiéval veille, comme une invitation à méditer sur la notion de progrès. Heureusement, l’itinéraire se faufile rapidement dans un bois et le chant des oiseaux remplace le brouhaha de la civilisation. Une bucolique petite chapelle entourée de bancs nous accueille. On rejoint la route un peu plus loin et on arrive chez Marie-Thérèse Sugnaux.

Depuis le décès de son mari, elle accueille les pèlerins pour la nuit, en demi-pension. «J’avais envie de m’ouvrir aux autres», confie-t-elle, précisant qu’elle s’est même mise à l’allemand pour converser avec ses visiteurs d’un soir, la plupart originaires d’Allemagne, d’Autriche ou d’outre-Sarine. Le temps d’apprécier une bonne douche, la superbe vue sur le Moléson, le Vanil noir et la dentelle des Gastlosen dont on profite depuis le salon et le jardin, et les voilà déjà repartis. C’est que 2000 kilomètres les séparent encore de leur but, soit trois mois de voyage.

Jeunes, couples, marcheurs solitaires ou retraités, difficile de tracer un portrait-robot du pèlerin. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne se lance pas sans raison sur cette route: «Beaucoup ont traversé une épreuve – deuil, licenciement, divorce», constate Marie-Thérèse Sugnaux. Comme le résumait l’un de ces «coquillards»: «Bétonné, tortueux et caillouteux, ce chemin ressemble à la vie.»

Heureusement, celui qui nous emmène hors du village est lisse, et sa douce pente nous conduit sur une crête où l’on passe de Fribourg en Pays de Vaud. On redescend ensuite pour trouver le joli hameau de Curtilles, où l’on rejoint Marianne Luder. Elle-même a suivi la Via Jacobi entre Moudon et Genève il y a quelques années et a conservé un souvenir ébloui des paysages lémaniques et de ces rencontres très fortes que l’on fait en route. «J’aime cuisiner, accueillir les gens», résume-t-elle en vous tendant un verre de thé froid maison bien frais et une part de tarte. C’est ce qui l’a amenée à ouvrir sa porte et son magnifique jardin aux pèlerins après la mort de son mari.

La balade peut s’achever à quinze minutes de là, à Lucens, dont le château joue à cache-cache entre les épis de maïs, sur la colline d’en face. Officiellement, cette étape se poursuit le long de la Broye. On rejoint Moudon par un chemin ombragé en une petite heure, voire davantage si l’on préfère en profiter pour méditer un peu en laissant le glouglou des flots bercer son esprit.

Parcours: Romont – Billens – Lovatens – Curtilles – Lucens pour la variante courte; pour l’étape complète, poursuivre direction Moudon.
Durée: 3 h 45 pour la variante complète.

Retrouvez nos propositions de balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades


Nos adresses dans les environs

Boucherie Deillon, Romont

Une véritable institution. Et la charcuterie est parfaite à glisser dans un sandwich.

Grand-Rue 29, 026 652 22 29
www.boucherie-deillon.ch

Marché de proximité de Billens

Parfait pour acheter un pique-nique. On y trouve du pain frais, du fromage du village et d’autres produits régionaux. Ouvert tous les jours (fermé entre 12 h 30 et 16 h).

Ch. des Pales 1, 026 652 07 47.

Place de pique-nique, Lovatens

A l’entrée du village. Sur une petite butte, des bancs à l’ombre permettent de profiter au frais d’un joli coup d’œil sur les champs et les hameaux environnants.

Café Fédéral, Curtilles

Ce restaurant propose des plats simples et un buffet de salades, à déguster sur une petite terrasse, si la météo le permet.

Route Cantonale, 021 906 73 03
www.cafefederalcurtilles.ch

Le Sarrasin, Lucens

Dans cette excellente boulangerie, il faut absolument goûter les flûtes au beurre et les salées à la crème, parfaites pour récupérer après l’effort!

Grand-Rue 7, 021 906 88 58
www.le-sarrasin.ch

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Sylvie Ulmann
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Place scientifique suisse: l’écueil des vases communicants

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:58

C’est le jeu des vases communicants. Le 9 février 2014, le peuple suisse a approuvé l’initiative de l’UDC pour limiter l’immigration, décision qui a incité le Conseil fédéral à ne pas ratifier le protocole sur l’extension de l’Accord sur la libre circulation des personnes avec la Croatie. Très fâchée, l’Union européenne a d’abord gelé toute négociation sur le programme Horizon 2020, puis approuvé une solution transitoire valable jusqu’à fin 2016. Elle exige de la Suisse qu’elle tienne ses engagements sur la Croatie si elle veut regagner son statut d’associé à ce programme européen doté de 79 milliards d’euros.

En juin dernier, l’Assemblée fédérale a encore compliqué la donne. Le Parlement a conditionné la ratification du protocole sur la Croatie à une solution concertée entre la Suisse et l’UE sur la mise en application de l’initiative de l’UDC. Voyant le danger, le ministre de la recherche, Johann Schneider-Ammann, s’est battu pour éviter cet écueil supplémentaire, en vain. 

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La chronique de Thomas Wiesel: homophobie et UDCphobie

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:58

Thomas Wiesel

Cette semaine, il y a eu un débat sur l’homophobie à Infrarouge, sur la RTS. Oui, en 2016. Comme si on pouvait être pour ou contre. Comme si c’était les chaussettes dans les sandales ou le ketchup dans les pâtes. D’ailleurs, je me réjouis qu’ils fassent un Infrarouge sur les chaussettes dans les sandales, pour une fois ils pourront inviter des politiciens suisses allemands.

Non, là, évidemment, personne n’était pour l’homophobie. Mais pas tout le monde était d’accord sur la façon de la combattre. Y avait plein de bonnes idées, étayées par des études scientifiques, des expériences personnelles, du bon sens et des valeurs humaines, et dans le rôle du contradicteur, Cyrille Fauchère, président de l’UDC Valais romand: «J’accepterai d’inscrire l’homophobie [dans la loi antiraciste] le jour où on inscrira l’UDCphobie à côté.»

Je crois que je peux difficilement mieux répondre à ça que l’a fait Manuel Tornare, ancien maire de Genève: «J’ai rarement vu un jeune de 18 ans se suicider parce qu’il était UDC.» En un instant, on est passé d’Infrarouge à 8 Mile.

L’argument de M. Fauchère n’est pas nouveau, mais toujours aussi bancal. On oppose les luttes, comme si elles pouvaient pas toutes se mener simultanément. Et on arrive à faire croire aux gens que l’égalité, ça consiste à leur enlever des droits, alors qu’il s’agit d’en donner à ceux qui en ont moins.

Un gouvernement, c’est pas un Tamagotchi, il est capable de faire plusieurs choses à la fois. On peut dire qu’on lutte contre le réchauffement climatique et en même temps produire des 4x4 par milliers, comme les Etats-Unis. Ou on peut prôner le vivre-ensemble et stigmatiser systématiquement les gens d’une même religion, comme en France. On peut être un pays neutre et simultanément cacher le fric des dictateurs, comme nous! Les gouvernements sont vachement multitask!

L’UDC n’a pas le monopole des boulettes sur l’homophobie mais les dérapages y sont fréquents. Oskar Freysinger se «demande si l’homophobie n’est pas créée par les homosexuels eux-mêmes», Grégory Logean parle de «comportement déviant», Toni Bortoluzzi de gens qui ont «le cerveau à l’envers», l’UDC Genève de «pacsés inféconds et aisés», tandis que Christoph Mörgeli disait: à quand l’adoption pour les animaux domestiques?

Ils utilisent des diversions pour cacher que ça les met mal à l’aise, deux hommes qui se montent dessus en s’arrachant la culotte, sauf quand c’est dans un rond de sciure. Non, c’était pour rire, faites-moi pas mal, Monsieur le roi de la lutte, posez cette pierre d’Unspunnen, s’il vous plaît.

L’homophobie, c’est un jeune homosexuel sur cinq qui tente de se suicider.

L’homophobie, c’est avoir quatre fois plus de risques de se faire péter la gueule qu’un hétéro, simplement parce qu’on a l’imprudence d’être gay sur la voie publique.

L’UDCphobie, c’est crier à la chasse aux sorcières parce que tel ou tel journaliste ou artiste n’est pas souvent du même avis que toi. Ça doit être tellement difficile de faire partie du premier parti du pays, le plus riche et le plus puissant, qui gagne les trois quarts des initiatives qu’il lance. Le système est vraiment biaisé contre eux. Les pauvres UDC, ils sont tellement isolés. Ils devraient faire un défilé genre l’UDC Pride, ils ont déjà les chars.

Et je tire pas mon chapeau à certains autres partis qui sont bien silencieux sur le sujet, de peur de s’attirer les foudres de leur électorat religieux, ou qui pensent que l’Etat n’a pas à se mêler du bien-être de ses sujets, même les plus opprimés. C’est pas en tournant le dos à l’homophobie qu’elle va disparaître, sans mauvais jeu de mots.

On ne choisit pas d’être homosexuel, mais on choisit d’être intolérant.

Je suis pas UDCphobe, je suis intolérantophobe. Malheureusement, bien trop souvent, cela revient au même.

Retrouvez la version vidéo sur heb.do/wiesel

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Les balades qui font du bien: les riches heures du gruyère

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:58

Vias du fromage. De Montbovon au col de Jaman, sur les traces des «industrieux» armaillis de l’Intyamon.

«Pour reconnaître la qualité des fromages de Gruyère, on les soumet à l’essai d’une sonde. Ses yeux, ou pores, doivent être clairsemés; le sondage ne doit en présenter que trois ou quatre au plus, du volume et de la forme d’un gros pois. Sa pâte, riche en principes nutritifs, est d’un blanc jaunâtre; elle est moelleuse, délicate, et se fond dans la bouche sans effort.» De tous les fromages suisses, Adolphe Blanqui, frère aîné du révolutionnaire français Auguste Blanqui, ne cachait pas sa préférence pour le gruyère. Mais pour l’économiste, fasciné par les progrès de l’industrie et du commerce, l’onctuosité salée de ce trésor caillé n’était pas son seul intérêt. «Tous les navires de la marine française s’approvisionnent de ces fromages, notait-il en 1837 dans son Dictionnaire du commerce et des marchandises, particulièrement ceux qui font des voyages de long cours.»

Pas si vite. Avant d’améliorer la pitance des marins français, les meules de gruyère avaient quelques obstacles à franchir, et pas des moindres. Le premier d’entre eux, avant de rallier Vevey où elles pouvaient commencer leur navigation vers Genève, trône à 1512 mètres. On l’oublie, mais le col de Jaman a été un lieu de passage important, aux XVIIe et XVIIIe siècles, pour les paysans de l’Intyamon et du Pays-d’Enhaut qui transportaient le gruyère.

Il est possible de suivre leurs traces par une série de chemins pédestres en une douzaine d’étapes, appelée les Vias du fromage, de Charmey aux Avants. Nous avons suivi l’avant-dernier, qui relie Montbovon et Les Cases, dernière halte du MOB avant le tunnel.

Suer sur les chemins creux qui remontent le cours de l’Hongrin n’est qu’un modeste hommage à ceux qui portaient sur leur dos ces meules de 25 à 40 kilos. On se rassurera un peu en se disant que leur calvaire en valait la chandelle: «Ces fromages, à bon marché dans le pays, sont cependant vendus assez chèrement au loin», observait Adolphe Blanqui. Il estimait ainsi qu’au mitan du XIXe siècle la vente annuelle de 30 000 quintaux de fromage rapportait un million de francs au pays de Gruyère.

Le pont du Pontet, érigé au XIIe siècle, était un point stratégique de commerce. Datant de 1661 dans sa forme actuelle, il a été restauré en 1993, ce qui a permis de dégager le pavage original, rendant visibles les anciennes ornières des chars. Il permet de franchir l’Hongrin et de reprendre l’ascension sur la rive gauche jusqu’aux Allières. A quoi pensaient les armaillis qui l’empruntaient en amorçant l’ascension du col de Jaman? Leurs préoccupations n’étaient peut-être pas si éloignées de celles qui occupent nos esprits à l’heure de la mondialisation.

«Lorsque la ville de Gruyères était le seul dépôt des fromages de la contrée, elle percevait son droit de balance, racontait Adolphe Blanqui en 1837. Mais depuis que l’expérience a fait reconnaître qu’avec de bons pâturages et en suivant les mêmes procédés il était possible de fabriquer ailleurs des fromages que l’on distingue difficilement du pays de Gruyère, les industrieux habitants ont une double concurrence à soutenir: celle de Berne et de Lucerne, et la seconde des vallées du Léman, du Jura, des Vosges et de la Savoie, dont les productions sont confondues sur les marchés étrangers avec celles du pays de Gruyère.»

Parcours: de Montbovon, la promenade suit des chemins creux jusqu’aux pâturages de Vers les Jordan pour redescendre vers l’Hongrin et le pont du Pontet. De là, la montée vers Les Allières et Les Cases passe par une route goudronnée. Pour ceux que le bitume décourage, il est possible de poursuivre sur la rive droite, en traversant les magnifiques pâturages de La Cuvignette.

Durée: 2 h jusqu’aux Cases, 4 h 30 jusqu’au col de Jaman.

Retrouvez nos propositions de balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades


Nos adresses dans les environs

Epicerie de Montbovon

Une halte indispensable, tant pour ceux qui amorcent l’ascension que pour ceux qui terminent le parcours. Outre des fromages de la région, le magasin propose des glaces artisanales au bon lait de Rossinière. Ouvert samedi et dimanche.

Route de l’Intyamon 324, 026 928 11 43
www.fromageriemontbovon.ch

Le Manoïre, col de Jaman

L’un des plus beaux restaurants d’alpage de la région.

Accessible en voiture, il est ouvert du mardi au dimanche de 10 h à 19 h.
Col de Jaman, 021 964 63 30

Hôtel de la Croix de fer, Les Allières

Sur la route entre Les Allières et Les Cases, ce restaurant propose ses spécialités de fromage, un jambon à l’os de la borne et des filets de truite de Neirivue.

Ouvert du mardi au dimanche.
026 928 16 06
www.lacroixdeferallieres.ch

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François Pilet
François Pilet
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Lorsque la mode met le bon goût entre parenthèses

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:58

La dernière tendance en matière de mode? Le mashup. Ce terme, inventé pour décrire les morceaux de musique composés en superposant deux titres issus d’époques et de styles différents, a trouvé son pendant vestimentaire.

Les podiums des défilés et les rues des grandes villes sont remplis de mélanges incongrus: un sweat-shirt à capuche porté sur une jupe ornée de sequins, un petit haut en dentelle associé à un pantalon militaire trop large, un T-shirt informe glissé sous une jolie robe cintrée.

Pour le New York Times, il s’agirait de la suite logique du mouvement normcore, qui a mis à la mode, le temps d’un été, les habits les plus banals et ringards qui soient, à l’image du jeans délavé à la forme carotte ou du pull en laine gris avec un col en V. Cette nouvelle tendance qui fait la part belle aux hybridations mélange les marques de luxe avec les vêtements trouvés dans les chaînes bon marché et les magasins de seconde main, l’élégant avec le décontracté et le sobre avec le scintillant. «Il n’y a qu’une seule règle: briser toutes les règles», livre le journal américain. 

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Place scientifique suisse: sept exemples de projets affectés

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:59

Yvan Martin
«En Suisse uniquement, il serait impossible de trouver un tel financement.»
Directeur de recherche à l’Hôpital universitaire de Bâle

BIO-CHIP

Budget total: 5,1 millions d’euros, dont 1,5 million pour l’Université et l’Hôpital universitaire de Bâle
Durée: 2015-2019
Nombre de partenaires: 6

Etude clinique sur un traitement innovant des blessures du cartilage afin d’améliorer la qualité de vie des patients jeunes et de retarder ou d’éliminer le besoin de recourir à un remplacement articulaire chez les personnes âgées. Elle se fait sur 108 patients dans les cliniques de Bâle, Milan, Fribourg-en-Brisgau et Zagreb.


Blaise Genton
«Ce n’est pas seulement une question d’argent, mais de collaboration scientifique. Nous sommes plus innovants en travaillant avec plusieurs partenaires.»
Médecin-chef au Service des maladies infectieuses du CHUV/PMU

EBOLAVAC

Budget total: 20 millions d’euros dont 1,4 million pour le CHUV à Lausanne.
Durée: 2014-2017
Nombre de partenaires: 4

Développement d’un vaccin contre le virus Ebola pour faire face à l’épidémie qui ravage plusieurs pays africains. Phases I et II du développement du vaccin, testé sur 120 personnes en Suisse d’octobre 2014 à juillet 2015. Jusqu’à la fin de cette année, le CHUV procède à des analyses immunologiques plus poussées pour mieux connaître la réponse au vaccin.


Christophe Ballif
«En 2015, le CSEM a vu la somme de ses projets dans le cadre d’Horizon 2020 se réduire de 9 à 6 millions environ à la suite des problèmes avec l’UE.»
Professeur à l’EPFL et directeur du Centre de photovoltaïque du CSEM à Neuchâtel

CHEOPS

Budget total:  5 millions d’euros, dont 1,5 million pour le CSEM et l’EPFL
Durée: 2016-2019
Nombre de partenaires: 12

Développement d’une nouvelle génération de cellules solaires ayant un rendement approchant 30%, au lieu de 20 à 23% jusqu’ici. Ces cellules utiliseront des technologies de type pérovskite, un matériau qui, combiné avec le silicium, pourrait permettre d’être plus efficient et moins cher qu’aujourd’hui. Le CSEM a obtenu la coordination du projet.


Eric Bush
«Horizon 2020 permet des collaborations géniales pour les chercheurs européens. En ne participant plus à ce programme, la Suisse s’isolerait.»
Physicien, CEO de Bush Energie

TOPTEN ACT

Budget total: 2 millions d’euros
Durée: 2015-2018
Nombre de partenaires: 17

Développement d’un site internet constamment actualisé recensant plus de 3000 articles de consommation à grande efficacité énergétique, des appareils ménagers aux voitures. Né en Suisse en 2000, le projet s’étend désormais à une quinzaine de pays européens qui offrent ce service gratuitement pour lutter contre le gaspillage énergétique. Les sites européens topten.eu reçoivent 2 millions de visites par an.


Adrian Jäggi
«La recherche est bonne en Suisse, mais nous devenons encore meilleurs en travaillant ensemble. C’est un travail d’équipe.»
Directeur de l’Institut d’astronomie de l’Université de Berne
 

EGSIEM (European Gravity Service for Improved Emergency Management)

Budget total: 2,5 millions d’euros, dont 900 000 francs pour l’Université de Berne
Durée: 2015-2017
Nombre de partenaires: 8

Premier projet d’Horizon 2020 coordonné par l’Université de Berne. Son but est de produire de nouvelles données concernant l’observation de la Terre par satellite afin de mieux prévenir les catastrophes naturelles.


Sybille Grad
«Le but de ce projet est aussi d’offrir à de jeunes chercheurs une formation exhaustive dans plusieurs pays européens.»
Cheffe d’un groupe de recherche à l’AO Research Institute, à Davos

TARGETCARE

Budget total: 4 millions d’euros
Durée: 2015-2019
Nombre de partenaires: 13

Développement d’un nouveau système thérapeutique contre la dégénérescence chez les personnes âgées en combinant diverses expertises, notamment dans les techniques d’imagerie médicale à la pointe de la modernité et la délivrance des médicaments. Quinze jeunes scientifiques y sont formés dans cinq pays différents.


Carmine Senatore
«C’est à travers ce genre de collaborations internationales que la Suisse attire des cerveaux.»
Professeur au Département de physique de la matière quantique à l’Université de Genève

EUROCIRCOL

Budget total:  11 millions d’euros, dont 3 financés par l’UE (210 000 francs pour l’Université de Genève)
Durée: 2015-2019
Nombre de partenaires: 16

Projet coordonné par le CERN afin de produire une conception de collisionneur hadronique de haute énergie, environ 8 fois plus élevée que le LHC, pour tenter de percer les mystères qui subsistent dans notre compréhension de l’univers. L’Université de Genève travaille en particulier au développement de fils supra-conducteurs pour les aimants du prochain accélérateur de particules.

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Les balades qui font du bien: une bouffée d’exotisme en pleine Broye

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:59

Gletterens. Sable blanc et eau bleu turquoise, la plage du Port offre le plus ravissant des dépaysements.

On dirait le Sud. Ou mieux encore. Avec un brin d’imagination, on dirait une de ces plages paradisiaques que l’on peut admirer dans les catalogues ou sur les sites de certains voyagistes. Et pourtant, la plage du Port ne borde ni le Pacifique ni l’océan Indien. Elle se trouve à Gletterens, dans la Broye, au bord du lac de Neuchâtel, accessible en voiture puis à pied.

Sable fin et presque blanc, eau bleu canard près du rivage et bleu saphir à l’horizon, le tableau est idyllique. Au loin, on aperçoit les rivages de Neuchâtel et la chaîne du Jura. A l’arrière, une passerelle en bois permet de longer la végétation du plus grand marais lacustre de suisse. La plage de Gletterens est située dans la Grande Cariçaie, ce qui rend le paysage environnant encore plus exceptionnel. A l’est, deux cabines bleues décorées de raies blanches – elles permettent de se changer en toute discrétion – finissent de dépayser vacanciers et autres amateurs de baignade qui n’auraient pas de peine à croire qu’ils ont atterri sur une plage au nord de l’Europe.

Au fait, quel est le secret de ce sable blanc? Artisan-bijoutier et syndic de Gletterens, Nicolas Savoy explique: «C’est du sable de la région. Il provient d’une carrière de Neuchâtel et est transporté par voie lacustre. C’est un grand travail de l’amener jusqu’ici.» De fait, cette touche d’exotisme bienvenue est due à la restructuration du port en 2008. «La plage ayant été déplacée d’une centaine de mètres sur la gauche, il a fallu rajouter du sable sur le terre-plein.»

Une tâche qui s’apparente au travail de Sisyphe, puisque l’opération est amenée à se répéter. «Lors des fortes pluies de l’an dernier, la plage a été nivelée, car le sable est parti avec les crues. De plus, comme la plage est située très en avant dans le lac, quand le joran ou la bise soufflent, des vagues se forment et provoquent de l’érosion.» Nicolas Savoy avoue fuir la plage de Gletterens en pleine saison, du 15 juillet au 15 août. «En été, nous sommes victimes de notre succès. J’ai l’impression d’être sur la Côte d’Azur.»

Écouter le chant de la mésange

Le déferlement estival terminé, l’endroit retrouve l’entier de sa magie. D’autant plus que, à quelques pas du sable blanc, il est possible de découvrir des traces de castors, en empruntant le ponton en bois en direction de l’ouest, un chemin qui emmène les curieux à travers la réserve naturelle des Grèves d’Ostende, l’une des plus riches et des plus vastes de la Grande Cariçaie, avec ses 500 hectares.

Biologiste travaillant à l’Association de la Grande Cariçaie, Christophe Le Nédic conseille aux visiteurs et autres baigneurs de tendre l’oreille pour entendre le chant de la panure à moustache, une espèce d’oiseaux emblématique de la région. Cette mésange a fait de l’endroit son principal site de nidification. «Elles font «ping ping ping» et sont souvent 10 à 20 à boutiquer ensemble.» Se baigner dans un endroit magnifique, à deux pas d’un jardin extraordinaire, si ce n’est pas le paradis…

Retrouvez nos propositions de balades, d’adresses originales et davantage de photos pour chacun des itinéraires sur heb.do/balades


Nos adresses dans les environs

Village lacustre, Gletterens

Ce lieu permet aux visiteurs de se plonger dans la préhistoire et de découvrir les activités des lacustres. Animations (Championnat de tir préhistorique les 3 et 4 septembre) et diverses démonstrations (coulée de bronze, confection de bourses en cuir ou de couteaux avec lame de silex).

www.village-lacustre.ch

La Salamandre, Portalban

Avec ses 13 points au GaultMillau et sa belle terrasse à la vue imprenable loin à la ronde, ce restaurant vaut le détour. Spécialité de la maison: le poisson.

Route du Port 94, 026 677 15 43
www.la-salamandre.ch

Grande Cariçaie

A partir de Gletterens, un sentier didactique avec des panneaux explicatifs sur la faune, la flore et le patrimoine archéologique traverse la réserve naturelle.

Compter 30 minutes.
www.grande-caricaie.ch

Ferme de la Corbière, Estavayer-le-Lac

Cette ferme offre toutes sortes de logis insolites: péniche, cabane sur pilotis ou tente dans le maïs.

La Corbière 2, 026 663 36 19
www.corbiere.ch

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Les idiots utiles

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Jeudi, 1 Septembre, 2016 - 05:59

L’interdiction du burkini sur les plages françaises ne va en rien permettre de lutter contre le terrorisme. Au contraire. Depuis les attentats commis en Belgique, en France et en Allemagne, les Européens, qui n’allaient plus à la messe, se découvrent très chrétiens et suspectent ceux qui ne le sont pas d’être des terroristes en puissance. Exactement ce que souhaitent les vrais djihadistes.

Pour nos lecteurs qui ignoreraient cette expression d’«idiots utiles», je rappelle qu’elle servit à Lénine pour désigner les adversaires du communisme qui, par inadvertance, lui rendaient service, tels que les intellectuels «compagnons de route» en Europe et les entrepreneurs capitalistes qui vendaient du blé à l’Union soviétique affamée. Toute chose étant comparable et rien ne l’étant tout à fait, cette expression léniniste me paraît éclairer, en ce moment, certaines réactions occidentales aux attentats djihadistes. Nombre de nos politiciens et commentateurs se sont embarqués dans une surenchère belliqueuse et métaphorique dont il ressort, à les écouter, que l’Occident serait engagé dans une sorte de Troisième Guerre mondiale contre l’islamisme.

Ces amateurs d’amphigouris nous appellent à une mobilisation générale contre un ennemi insaisissable et ils dénoncent des «cinquièmes colonnes», des djihadistes de l’intérieur que l’on devrait sans doute repérer à leur faciès ou au maillot de bain intégral, dit burkini, que leurs femmes portent à la plage. A suivre les nouvelles règles édictées par des maires de France au bord de la Méditerranée, il est républicain de s’exhiber les seins nus, mais une provocation, un quasi-acte de guerre de cacher son corps, comme le faisaient nos grands-mères à la plage.

Essayons de nous mettre un instant dans la peau de ces quelques millions de musulmans, Turcs, Arabes ou Bangladais, qui vivent en Europe et aux Etats-Unis depuis plusieurs générations et n’aspirent en général qu’à la tranquillité. Leur vie quotidienne tourne à l’enfer: contre eux, la discrimination est un fait permanent, à l’école, dans l’affectation de logements sociaux, au travail. Pour peu que ces musulmans – qu’on a fait venir à une époque où notre industrie manquait de main-d’œuvre – s’aventurent à pratiquer leur religion, il est improbable qu’ils trouvent une mosquée décente dans leur quartier ni un imam qualifié.

Avant de les diaboliser collectivement, efforçons-nous de sympathiser, car eux aussi sont des victimes du djihadisme. Les djihadistes autoproclamés dans le monde tuent plus de musulmans que de non-musulmans.

Depuis les horribles attentats commis en Belgique, en Allemagne, en France, les Européens, qui n’allaient plus à la messe depuis des âges, se découvrent soudain très chrétiens et suspectent tous ceux qui ne le sont pas d’être des djihadistes en puissance. Eh bien c’est exactement ce que souhaitent les vrais djihadistes: passer pour plus importants et plus nombreux qu’ils ne le sont et obliger les Européens à se déclarer chrétiens et islamophobes.

L’idiot utile est précisément celui qui tombe dans ce piège grossier, qui ne veut pas entendre que les terroristes sont, en vérité, une poignée de malfaiteurs désaxés en quête de légitimité. L’idiot utile voit partout des djihadistes, ce qui lui évite de s’interroger sur les causes profondes du terrorisme prétendument islamique.

Car il n’y a pas de Troisième Guerre mondiale. Si guerre il y a, elle oppose entre elles, au Proche-Orient et en Afrique du Nord, des tribus en conflit depuis mille ans pour le contrôle de La Mecque et, plus récemment, des puits de pétrole: dans ces conflits, les Occidentaux ne sont que des supplétifs, englués depuis l’invasion de l’Irak, en 2003, et qui ne savent plus pour qui prendre parti. On devrait plutôt se demander d’où surgissent ces voyous terroristes qui, en Europe, assassinent en criant «Allah akbar», la seule chose qu’ils savent dire en arabe, ignorant tout le reste de la religion dont ils se réclament.

Ces djihadistes de banlieues ne sont pas de Syrie, d’Irak ou de Libye, mais bien de chez nous. Ils ne sont pas les rejetons d’écoles coraniques, mais des «paumés» fabriqués par le chômage héréditaire, des écoles républicaines déglinguées, des logements sociaux indécents; rarement religieux au départ, ils ne le deviennent et ne se radicalisent que pour se singulariser dans nos sociétés où l’islam est devenu le mal, comme au temps des croisades. L’idiot utile refuse de voir cela, qui l’obligerait à réfléchir sur notre incapacité à intégrer des millions d’entre nous, qui sont, nolens volens, nos concitoyens.

Des solutions existent, qui seraient plus efficaces que de faire patrouiller les militaires dans les rues de Paris ou de Nice. Elles exigeraient sang-froid, réflexion et continuité: par exemple, libérer l’accès au marché du travail pour que chacun trouve un emploi, reconnaître que nos cultures sont métisses au lieu d’en exclure la diversité, accepter l’édification de mosquées, instaurer des quotas d’accès aux fonctions publiques, en particulier dans la police, comme aux Etats-Unis (affirmative action), sanctionner toutes les discriminations et respecter toutes les différences.

La Troisième Guerre mondiale, qui n’en est pas une, ne peut se gagner que dans nos banlieues et dans nos esprits, pas par des rodomontades haineuses pour la consommation politique intérieure, et inutilement belliqueuses à l’extérieur.

Sans doute l’émotion est-elle encore trop intense pour faire entendre un discours de raison: il paraît malheureusement plus confortable de se comporter en idiot utile et en pompier pyromane. Les djihadistes gagnent quand notre veulerie progresse. 

retrouvez les billets de guy sorman dans son blog Le futur, c’est tout de suite

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