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Jeu vidéo: le benjamin des développeurs en mode turbo

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:55

Adrià Budry Carbó

Le plus jeune développeur de la Swiss Game Academy n’avait pas 12 ans, mais il codait comme les grands. Rencontre avec Rostom Boumaref.

Contrairement au reste des développeurs, Rostom Boumaref n’a pas eu beaucoup de temps pour jouer aux jeux vidéo. Il faut dire que, même s’il code comme un grand, Rostom n’a pas encore 12 ans. «C’est mon père qui m’a trouvé cette place. Il travaille ici, à l’école d’ingénieurs», explique simplement le Genevois, qui a obtenu une dérogation pour participer à la Swiss Game Academy, normalement ouverte dès 14 ans.

Inscrit dans le «normal track» de l’académie (le programme de cinq jours) utilisant les logiciels les plus développés, Rostom était chargé de l’animation des personnages du jeu Super Smash Troll (en hommage à Super Smash Bros.), un jeu de bagarre en 2D développé par la plus jeune des équipes.

D’origines algérienne et espagnole, le jeune polyglotte est plus bavard sur YouTube que face aux questions du journaliste. Il possède déjà sa propre chaîne sur la plateforme de partage de vidéos où, de sa voix d’enfant, il explique les rudiments de la création de jeux vidéo et fait le point sur ses projets en développement, notamment un jeu de tir à la première personne (FPS) dans une île infestée de zombies. Les ennemis ne sont encore que des capsules, mais Rostom a déjà l’air de maîtriser les logiciels de programmation ou de modélisme.

C’est en jouant au jeu Daxter sur sa console portable PSP que Rostom s’est intéressé à la programmation. «Je me suis dit que ce serait sympa d’aller dans le jeu et de modifier des trucs», explique celui qui finit son école primaire. Son père architecte lui a trouvé des livres de code et lui a mis son ordinateur à disposition. «Quand je ne comprenais pas, je lui demandais.» Pour le reste, «tout est sur YouTube», avance-t-il, avant de regretter de pas avoir le niveau suffisant en anglais pour tirer le maximum des tutoriels.

Son avenir, Rostom le conçoit comme game designer. Il aimerait faire ses études «à la HEIA ou aux Etats-Unis». Il se donne quelques années pour améliorer son niveau d’anglais. 

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Guillaume Perret / Lundi13
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Parlez-vous jeu vidéo?

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:56

Adrià Budry Carbó

Le monde des jeux vidéo possède son propre langage. Petit guide à destination des profanes.

Hard gamer

C’est le joueur de l’extrême. Celui qui a fini Resident Evil dans tous les modes imaginables et qui possède une collection de Pokémon de niveau 40 quand votre Pikachu dépasse à peine le niveau 5.

Gameplay

Parfois traduit par «jouabilité», ce terme anglophone regroupe tous les ressentis du joueur face à sa manette.

FPS

First person shooter ou jeu de tir «à la première personne». Un genre très commun dans l’industrie, souvent décliné sur des cibles mouvantes zombies ou nazies.

Sprites

Eléments graphiques animés qui composent un jeu vidéo: personnages, objets ou certains éléments du décor.

One-touch game

Jeu basé sur une seule action (tir depuis un poste fixe, écrasement de gouttes, etc.). Ce type de titre – souvent addictif – est généralement destiné à des plateformes mobiles comme des smartphones.

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Comment j’ai créé mon jeu vidéo

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:57

TESTEZ DEUX JEUX LAURÉATS DU CONCOURS EN BAS DE CET ARTICLE

Adrià Budry Carbó

Reportage. Les concours de développement de jeux vidéo se multiplient en Suisse romande, réunissant informaticiens, étudiants et jeunes surdoués. A Fribourg, une de ces «game jams» s’est transformée en académie. J’ai passé une semaine à l’école des geeks.

La communauté des jeux vidéo n’a jamais été aussi dynamique. Autour des grands studios, une constellation de petits développeurs prend forme. La Suisse romande n’est pas épargnée. Pour certains, le plaisir de jouer ne suffit pas. De simples consommateurs, les gamers veulent devenir créateurs.

Jonathan est l’un d’entre eux. Devant son écran, 50 lignes de code informatique qui permettent à notre jeu mobile Smash Color de fonctionner. Dans moins de deux heures, il sera testé par une dizaine de développeurs et graphistes réunis à l’occasion de la Swiss Game Academy. Jonathan annonce calmement: «On a encore plein de trucs à faire. On va se concentrer sur ce qui nous donnera des points face au jury.» C’est vendredi matin et ma plus grosse contribution de la semaine – une collection de trophées distribuée en fonction de l’habileté du joueur – s’apprête à passer à la trappe. C’est le métier qui rentre.

L’école des geeks

Créer votre propre jeu vidéo en une semaine. L’énoncé de la Swiss Game Academy a de quoi faire froncer les sourcils. Ouvert aux cancres des réseaux comme aux premiers de classe numériques, le programme combine initiation aux métiers vidéoludiques et un concours de création de jeux par équipes sur le modèle des game jams qui pullulent depuis deux ans et demi.

Immatriculé à l’école des geeks, j’ai squatté les bancs de la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg (HEIA) du 22 au 26 août, largement inoccupés en raison des vacances scolaires.

Ce lundi matin a pourtant des allures de rentrée des classes. Une quinzaine de participants de la première édition sont passées dans l’équipe d’encadrement. En réalité, peu de développeurs en sont à leur ballon d’essai. Les game jams, ces séances de créativité numérique, ont le mérite d’avoir permis à la petite communauté romande du jeu vidéo de se rencontrer.

Tu sais faire quoi, toi?

Une quarantaine de participants – dont quatre femmes – se pressent dans le hall de la HEIA. Ils sont informaticiens, graphistes ou étudiants. A 28 ans, je pointe parmi les doyens de ces natifs numériques. Deux développeurs sont âgés de 11 ans et demi (lire Jeu vidéo: le benjamin des développeurs en mode turbo).

«Tu sais faire quoi, toi?» La première question de la semaine me renvoie à ma triste réalité de lettreux. Sur une table, à l’entrée de l’auditoire, les académiciens sont amenés à préciser leur profil: développeur, designer, concepteur de son ou de niveaux. C’est Tiago Pinto Monteiro – 25 ans, quatre game jams à son actif – qui m’oriente pour mes premiers pas dans les métiers du jeu vidéo. «Le développeur conçoit les scripts du jeu, il met en place les mécanismes des actions grâce à des algorithmes. Le designer dessine les personnages et les décors. Et le concepteur de niveaux récupère les ressources du designer pour concevoir l’univers dans lequel évolueront les personnages», explique l’étudiant en informatique.

La mission de Tiago, qui a rejoint le staff cette année, c’est de constituer des équipes de quatre ou cinq personnes les plus équilibrées possible. Autour de moi, les premiers groupes se forment timidement. Ceux qui sont venus seuls rejoignent des noyaux déjà formés. Avec mon profil, je sens bien que je ne suis pas le participant le plus coté de ce petit marché.

Un jeu où il faut exploser de la peinture

Je trouve finalement grâce auprès de Nathan Jordan et Jonathan Bongard, âgés respectivement de 19 et 20 ans. Huit ans nous séparent, une éternité dans le monde numérique, mais les deux compères sont déjà rompus à l’exercice du game design. Ensemble, «pour faire un peu d’argent», ils ont lancé un guide Pokémon Go destiné au public francophone. Il a été téléchargé 6000 fois.

Leur partenariat est déjà bien établi. Jonathan s’occupe de la programmation. A 14 ans, ce fils d’informaticien finissait quatrième d’un concours de freebots: des robots à animer. La fierté du jeune apprenti? «Finir devant bon nombre d’ingénieurs.» Nathan, graffeur à ses heures perdues, s’occupe des aspects plus artistiques: c’est lui qui dessine les sprites (lire Parlez-vous jeu vidéo?) et les décors.

Contrairement à moi, les «jumeaux» ne sont pas venus à la Swiss Game Academy les mains vides. Ils ont déjà un concept de jeu bien défini, tiré de leur boîte à idées. Il s’agit d’un one-touch game pour smartphone, dont le but est d’exploser des gouttes colorées avant qu’elles ne touchent le sol et remplissent l’écran de peinture.

Mon idée de Pacman en réalité augmentée (façon Pokémon Go) est balayée. Trop compliquée en raison des imprécisions du système GPS. Maurizio Rigamonti, cofondateur de la Swiss Game Academy, souligne: «Le but de la semaine n’est pas d’inventer le nouveau Call of Duty, mais d’arriver avec un prototype jouable.»

A l’école des geeks, les matinées sont réservées aux cours théoriques et les après-midi à la création, entendez par là: programmation et dessin sur ordinateur. Tous les jours, des développeurs reconnus viennent partager leurs expériences. Parmi eux, Jérémy Wuthrer, organisateur de l’Epic Game Jam, à Neuchâtel, qui livre ses astuces pour «partir du bon pied» dans un tel concours. «La bonne idée, c’est celle qui en fait germer des dizaines d’autres. N’ayez pas peur de parler de vos projets autour de vous. Sans ça, on finit avec une princesse qu’il faut sauver dans un château. C’est chiant», lance ce développeur indépendant qui peaufine son très onirique Don’t Kill Her, un jeu qui se démarque par son iconographie fantastique.

Maurizio Rigamonti, président du Swiss Game Center et coorganisateur de l’académie, présente les fondamentaux du game design: le cadre et les règles qui régiront le jeu. Pour lui, tout est question de «trouver l’équilibre entre frustration stimulant le joueur et le sens d’achèvement que lui procure la progression dans la partie».

Très vite, la discussion s’oriente vers Dark Souls, un jeu d’aventure connu pour son impitoyable niveau de difficulté poussant le joueur à retenter sa chance jusqu’à trouver sa voie. Les hard gamers acquiescent à l’évocation de ce titre. Le long de la semaine, toutes les références seront vidéoludiques. Assassin’s Creed, Metal Gear Solid, Final Fantasy: mieux vaut connaître ses classiques pour suivre une conversation au sein de cette communauté.

La culture de l’«open source» a enrichi le jeu vidéo

Le cours suivant est consacré aux moteurs de jeu, ces logiciels permettant d’intégrer et de mettre en mouvement les différents éléments. Contrairement aux facultés classiques, seuls quelques ordinateurs portables Mac trônent dans la salle, dont le mien. Les vrais pros ont tous opté pour des machines plus puissantes et solides. Certains ont même amené leur tour PC dans de gros sacs Ikea.

Les logiciels tournent tant bien que mal sur mon ordinateur. Avec sa prise en main rapide et sa version en libre accès, Unity 5 est devenu le chouchou des développeurs indépendants, explique Yann Piller, qui donne le cours de programmation. Agé de 27 ans, cet ingénieur en informatique garde une certaine nostalgie pour ses premières expériences numériques. «L’éditeur de Starcraft (un jeu de stratégie sorti à la fin des années 1990, ndlr) était l’un des premiers à permettre aux gamers de toucher au gameplay. Quand les logiciels n’étaient pas gratuits, c’est comme ça qu’on apprenait à modifier les mécanismes du jeu.» Une évolution qui a conduit à l’arrivée d’une marée de développeurs indépendants.

Prendre une place sur le podium

Jonathan en a aussi bénéficié. Il a acquis une telle maîtrise du programme qu’il a codé les mécanismes de notre jeu Smash Color – les gouttes qui tombent et leur destruction – en deux après-midi. En attente des sprites, les éléments graphiques sont encore de grossiers carrés, mais le cœur du système est déjà en place. Pendant ce temps, son collègue dessine les gouttes sur son ordinateur et prépare les fonds d’écran du jeu. Nous sommes en avance et Nathan – quatrième lors de la dernière édition – vise déjà le podium.

Pas facile de trouver sa place dans une équipe qui gagne. Je m’occupe comme je peux en me lançant sur la création de ces trophées – achievements dans le jargon – destinés aux joueurs les plus habiles. En remplissant certains objectifs, ceux-ci auront la possibilité de débloquer des contenus additionnels. J’imagine un trophée «sobriété» pour cinq minutes de partie sans laisser passer une goutte, ou un trophée «tequila sunrise» pour le joueur qui parviendrait à laisser passer uniquement des gouttes rouges, orange et jaunes (dans cet ordre-là). Il paraît que c’est ce genre de plus qui fait la différence auprès du jury.

Autre élément qui prend toujours plus d’importance dans le monde du jeu vidéo: la sonorisation. Les grosses productions vidéoludiques y consacrent un budget similaire à ceux du cinéma hollywoodien. Dans le jeu Uncharted 4, chaque roue de la jeep produit un son différent, en fonction de la matière sur laquelle elle roule, souligne Julien Matthey, ingénieur du son romand qui est venu donner un cours sur la conception sonore.

Des «splash» addictifs

Les productions de la Swiss Game Academy s’inscrivent dans une tout autre catégorie, mais des solutions artisanales existent: bibliothèques de sons gratuits ou trucages. «Les ingénieurs du son utilisent des trucs simples pour les jeux de zombies. Une tête qui explose peut, par exemple, être reproduite avec un coup de marteau sur une pastèque», explique celui qui a travaillé sur plusieurs jeux vidéo.

Sur la table voisine, un groupe concurrent prépare un bruitage entièrement fait à la bouche pour son jeu de plateforme Larbin. Notre one-touch game a aussi besoin d’une bonne sonorisation. Nous consacrons une demi-journée à concevoir les «splash» et les «plop» les plus défouloirs possible. Pour ceux qui testeront le jeu, c’est à moi que vous devrez le fond sonore entêtant (pardon), récupéré sur une bibliothèque gratuite.

Pourtant, les contretemps se multiplient. Nathan passe un bon moment à concevoir des gouttes en forme de personnages avant de laisser tomber et d’opter pour un modèle plus épuré. Jonathan planche de nouveau sur ses codes pour les simplifier. Les jeux mobiles doivent éviter les calculs inutiles pour ne pas faire chauffer le smartphone.

Le moment fatidique

L’expiration du délai approche et on craint déjà que certaines équipes ne parviennent pas à aboutir. «Le plus gros danger, c’est les perfectionnistes, prévient le coach Joël Herter, dont la mission est de s’assurer que les gens travaillent bien ensemble. En passant trop de temps sur un dessin, un graphiste peut finir par bloquer toute son équipe. Mieux vaut avoir quelque chose de simple que pas animé du tout.»

Même si nous avons tout de suite fait le pari de la simplicité, nous devons tout de même renoncer à certaines idées. Nous n’aurons finalement pas eu le temps de compléter le tutoriel du jeu et de programmer mes trophées. La création d’un classement universel de tous les joueurs, via les services de Google, nous aurait pris trop de temps. Nathan et Jonathan compléteront le jeu, avant de le mettre à disposition dans le Play Center de Google.

14 h 30: expiration du délai pour rendre les projets. Des équipes planchent sur les derniers bugs. Un jeu manque encore à l’appel. Je parviens à me glisser discrètement dans la salle des testeurs. Notre Smash Color se révèle tout de suite addictif. Joël Herter passe au moins dix bonnes minutes à tenter d’atteindre les 1000 gouttes.

Le travail des jeunes développeurs du «fast track» (un programme de trois jours) est également apprécié. Leur jeu Gallinacé Fight, avec sa cohérence graphique 2D et son gameplay original, finira troisième. La deuxième place revient à Suicide Cat, un jeu de poursuite complètement délirant entre une grand-mère et son chat dépressif. Fruit du travail acharné de mes deux camarades, Smash Color remporte le premier prix… quand bien même il n’offre aucun trophée.

 

Notre jeu Smash Color, au gameplay simple et addictif, a remporté le premier prix:

Le très délirant Suicide Cats a également conquis le jury:

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«Health Valley»: l’invention cartographiée

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:57

Telle la Silicon Valley, la «Health Valley», ou vallée de la santé, regroupe l’un des ensembles les plus denses de sociétés innovantes dans une région donnée, en Suisse occidentale en l’occurrence. Et quel meilleur outil qu’une carte pour rassembler les quelque 980 entreprises qui la constituent?

C’est l’exercice auquel s’est livrée la fondation Inartis à Renens, dont la vocation principale est la promotion de l’innovation, particulièrement dans les sciences de la vie. Pendant quatre ans, quatre personnes ont réuni toutes les informations disponibles sur ce vibrant secteur d’activité, pour publier une première carte en 2014. Deux ans de travail supplémentaires ont été nécessaires pour présenter l’édition actuelle, revue, augmentée et précisée.

Accessible en plein format sur le site internet de la «Health Valley», www.healthvalley.ch:

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Fondation Inartis
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Médecine chinoise: les Suisses en raffolent

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:58

Eclairage. La médecine chinoise est très populaire en Suisse. Certains apprécient son caractère naturel; d’autres y voient une solution de dernier recours.

Environ 5% des Suisses vont chez un acupuncteur et 2% ont recours à d’autres prestations de médecine chinoise, selon l’Office fédéral de la statistique. Et cette part ne cesse d’augmenter, surtout depuis que la médecine chinoise a été incluse dans les soins remboursés par l’assurance maladie obligatoire en 2012.

Le nombre de praticiens a lui aussi augmenté. «Dans les années 80, il n’y en avait que trois à cinq dans le canton de Vaud, relève Sylvie Wyler, une des représentantes romandes de l’Organisation professionnelle suisse de médecine traditionnelle chinoise. Aujourd’hui, il y en a plus de 100, et jusqu’à 350 sur l’ensemble du bassin lémanique.»

Certains sont des médecins qui ont ajouté une corde à leur arc en acquérant une formation d’acupuncteur, d’autres sont des thérapeutes indépendants, d’autres encore sont des praticiens chinois employés par des chaînes de cliniques comme ChinaSanté, Sinomed, China Clinic ou SinoSanté. «Ces derniers effectuent en général de courts séjours en Suisse, de deux à cinq ans, et œuvrent par l’entremise d’un traducteur», précise la thérapeute. Cas à part, Sinomedica est une chaîne, mais elle emploie surtout des thérapeutes occidentaux.

Il existe plusieurs écoles proposant des formations de médecine chinoise et un nouveau diplôme fédéral de médecine alternative a vu le jour en 2015. Mais il n’est pas obligatoire d’obtenir une certification pour la pratiquer en Suisse.

Quand les Helvètes se tournent vers cette forme de soins, ils choisissent presque exclusivement l’acupuncture. «La pharmacopée chinoise est très peu utilisée en Suisse, relève Arnaud Marbezy, secrétaire de l’Association suisse des praticiens de médecine traditionnelle chinoise. Il n’est pas facile de mettre la main sur les recettes et les ingrédients nécessaires.» Le massage à l’aide de coupelles de verres, sortes de ventouses qui laissent de disgracieuses traces rouges sur le dos, n’est pas non plus prisé des patients.

Les adeptes occidentaux de la médecine chinoise se divisent en plusieurs catégories. «Il y a ceux qui rêvent de revenir à une médecine plus naturelle et douce, avec moins de médicaments et d’effets secondaires», souligne Arnaud Marbezy. En cas de sinusite ou de grippe, ils vont d’abord tenter la médecine chinoise avant d’aller voir un médecin. Ces patients apprécient aussi le cadre philosophique qui accompagne cette forme de soins.

«Nous voyons aussi des gens qui ont tout essayé et voient la médecine chinoise comme une solution de dernier recours», note Sylvie Wyler. Ce sont surtout des personnes souffrant de mal de dos, d’arthrose, de problèmes gastriques ou de fatigue chronique, des affections pour lesquelles la médecine occidentale n’a que peu de solutions à proposer. Une dernière catégorie est composée des personnes qui se tournent vers l’acupuncture pour soulager les douleurs et nausées provoquées par une chimiothérapie. 


«J’ai retrouvé des sensations dans mes jambes»
Le témoignage d’un Genevois qui a retrouvé l’usage de ses jambes – perdu à la suite d’une rupture d’anévrisme – grâce à l’acupuncture.

La vie d’Eric Thierstein a basculé en 2002, lorsqu’il a fait une rupture d’anévrisme à l’âge de 50 ans. «Je ne savais plus parler, ni lire, ni marcher, raconte-t-il, la parole toujours entravée par la maladie. J’ai dû tout réapprendre, comme s’il s’agissait d’une seconde naissance.» Au fil des ans, il a retrouvé l’usage de ses jambes, mais continuait à se déplacer avec peine. «Je ne sentais pas mes membres, je tombais tout le temps dans la rue», dit-il.

En 2014, il a décidé d’aller voir un acupuncteur, une forme de médecine qu’il n’avait pratiquée qu’une seule fois dans le passé, pour une hernie. «Au début, il me plantait 50 aiguilles dans la cuisse et je ne sentais rien, mais peu à peu j’ai commencé à retrouver des sensations dans mes pieds, mes chevilles, mes genoux», raconte-t-il. Aujourd’hui, il peut marcher, monter et descendre des escaliers. «J’ai retrouvé mon autonomie, c’est génial», s’enthousiasme-t-il. Il est convaincu que c’est grâce à son acupuncteur. «Il écoute mon corps, il ne se contente pas de me donner des pilules», glisse-t-il. 

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La chronique de Thomas Wiesel: heureux événement

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:58

Cette semaine, on a appris la nouvelle de la naissance du quatrième enfant de Christophe Darbellay. Et sa femme aussi.

Alors que tout le monde lui tombe dessus, moi je veux le défendre, et le féliciter, pour plein de raisons. Déjà, alors que la plupart des gens publient un petit encart dans un journal local pour annoncer une naissance, lui fait les choses en grand: entretien sur deux pages dans le SonntagsBlick, repris par tous les journaux du pays, la grande classe. Bon, il a aussi dit «j’ai fait une grave erreur», mais je pense que c’est l’émotion; ce qu’il voulait dire, c’est: j’ai fait une magnifique petite fille.

Bravo pour votre honnêteté, vous avez assumé cette histoire devant votre famille et les médias. Bon, c’était au dernier moment, mais c’est parce que, tel un vrai politicien, vous avez su garder la tête froide. Je vous comprends, pourquoi se mettre en péril tant que ce n’est pas absolument nécessaire, on sait jamais, avec un peu de chance, elle aurait fait une fausse couche.

Bravo, M. Darbellay, alors que le PDC perd des sièges depuis vingt ans, vous devez séduire de nouveaux électeurs, vous avez peut-être juste mal compris.

Bravo, M. Darbellay, même dans la tourmente, vous avez su rester fidèle à vos valeurs catholiques et ne pas porter de préservatif.

Bravo, M. Darbellay, vous ne laissez pas cette affaire entacher votre avenir politique et restez dans la course au Conseil d’Etat, car si y a un truc qu’on a appris cette semaine, c’est que Christophe Darbellay n’est pas du genre à se retirer.

Eh oui, je sais qu’on vous a traité d’hypocrite car ça fait vingt ans que vous nous faites la morale avec vos valeurs familiales, votre vision de la famille parfaite, mais c’est notre faute, on avait juste pas compris que c’était la famille Clinton.

Et bravo aussi pour la vigueur de votre semence, car vous n’avez trompé votre femme qu’une seule et unique fois et vous avez procréé. Quelle efficacité! Et quel manque de chance, comme les cyclistes qui gagnent des courses pendant quinze ans et quand ils se font contrôler positif disent que c’est la seule fois où ils étaient dopés.

Et félicitations de prendre votre travail autant au sérieux, quitte à passer la nuit à Berne, ça change de tous ces politiciens absentéistes qui n’y viennent même pas la journée. Et peut-être que cette histoire vous poussera à améliorer les liaisons CFF entre les régions limitrophes et la capitale.

Bravo, M. Darbellay, vous qui êtes opposé au mariage gay; en fait, c’est uniquement pour les protéger de la tentation de l’adultère, tellement altruiste de votre part. Et vous êtes aussi contre l’adoption pour les couples homosexuels parce que «pour engendrer un enfant, il faut un homme et une femme. Pour son orientation, l’enfant a besoin d’un père et d’une mère.» Ouais, non, là, je sais pas quoi dire pour votre défense, vous avez juste l’air con.

J’aimerais aussi féliciter tous les gens qui s’offusquent que les médias s’intéressent à cette histoire, que ça nous concerne pas, que c’est de la presse poubelle; c’est vrai, c’est pas à nous de juger de la vie privée des gens. Ça, c’est le rôle du PDC depuis cent cinquante ans.

Non mais c’est pas si compliqué, vous faites ce que vous voulez dans votre vie privée tant que c’est pas exactement le contraire de ce que vous prônez dans votre vie publique. Faites votre boulot et foutez-vous pas de notre gueule, c’est pas si compliqué. Personnellement, je m’en fous pas mal de qui les politiciens enfilent, tant que c’est pas leurs électeurs.

Et quant à nous, s’il doit nous rester une leçon de cette histoire, c’est d’être plus sceptiques face aux plans com de nos politiciens et puissants, personne n’est parfait, et sans doute encore moins celui qui essaie de nous faire croire qu’il l’est.

Car celui qui se mettait en scène dans les médias comme le père exemplaire et le mari parfait est finalement l’image parfaite du prince charmant, sauf que c’est celui de Monaco. 

Retrouvez la version vidéo sur heb.do/wiesel

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Ars electronica: la technologie autrement

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:58

Florian Fischbacher

Etrange rassemblement d’ingénieurs, d’artistes et de geeks en tout genre, le festival Ars electronica célèbre chaque été depuis 1979 l’exploration technologique libre à Linz, en Autriche. Cette année, les visiteurs ont ainsi pu découvrir parmi les 850 exposants des propositions aussi diverses que des courses de drones, un concours de films d’animation, des habits réagissant à l’activité physique ou encore l’impression en 3D de structures en béton.

Célébrant les «alchimistes de notre temps», l’édition 2016 du festival présentait dans le musée Ars electronica une sélection fascinante de projets développés au MIT sous la direction du professeur Hiroshi Ishii. L’exposition, encore visible durant quelques mois, explore de nouvelles formes d’inter­action entre l’humain et la machine, à l’image d’inForm, dispositif modélisant en temps réel et en 3D les mouvements d’une personne distante.

Le clou du festival, qui a rassemblé pendant cinq jours quelque 85 000 curieux, fut sans conteste un ballet aérien nocturne au-dessus du Danube: sur une musique de Beethoven, 100 drones ont adopté des formations mouvantes et colorées, une prouesse technique d’une précision et d’une beauté saisissantes.

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Martin Hieslmair
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Médecine chinoise: une tradition vieille de plus de 2000 ans

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:59

Bien qu’elle soit arrivée en Europe dès le XVIe siècle, il a fallu attendre les années 70 pour que la médecine chinoise devienne réellement populaire en Occident.

La médecine chinoise est officiellement née il y a deux millénaires, avec la publication de deux ouvrages: Le classique interne de l’empereur Jaune et le Traité des attaques du froid, durant la dynastie Han (de 206 avant J.-C. à 220 après J.-C.). Très vite, elle a entamé son expansion par-delà les frontières chinoises. D’abord en Corée du Sud au VIe siècle, puis au Japon entre le VIIe et le Xe siècle. Elle a atteint l’Europe dès le XVIe siècle, dans le sillage des missionnaires néerlandais, allemands et polonais.

«En 1820, l’acupuncture a connu une vague de popularité en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Italie et en France», indique Paul Unschuld, qui a publié plusieurs ouvrages de référence sur la médecine chinoise. Les membres de la diaspora chinoise qui ont construit les chemins de fer de l’Ouest américain ou creusé les mines d’or d’Australie ont eux aussi contribué à amener ces pratiques en Occident.

Mais il a fallu attendre le récit dans le New York Times de James Reston, un journaliste américain qui s’est fait opérer d’une appendicite en 1971 à Pékin et dont les douleurs postopératoires ont été soulagées par de l’acupuncture, pour que la médecine chinoise devienne réellement populaire hors d’Asie.

Au même moment, en Chine, «le régime communiste a entrepris de standardiser la pratique de la médecine chinoise, de la «nettoyer» de tout élément de superstition et de publier une série de traités médicaux officiels», indique T. J. Hinrichs, une historienne de la médecine chinoise de l’université Cornell. Cela a débouché sur l’émergence d’un réseau de cliniques spécialisées, la création de départements de médecine chinoise dans les hôpitaux et la mise sur pied de cursus universitaires consacrés à ces pratiques. 

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Clément Bürge
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Airbnb: lutte contre la discrimination

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:59

Le site de location d’appartements entre particuliers a introduit une série de mesures pour lutter contre la discrimination.

Les hôtes doivent désormais s’engager à respecter une charte éthique: les photos de profil seront réduites et la fonction de réservation sans consultation du profil du locataire sera promue. Selon une étude, les Afro-Américains ont 16% de chances en moins d’y trouver un logement.

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Staccato: au touriste inconnu

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 05:59

Un jour, en banlieue du Caire (histoire vraie): un taxi, qui ramène deux paysannes dans leur oasis, passe devant les pyramides de Gizeh. La première femme lève les yeux et demande «C’est quoi?» La seconde répond: «Rien, un truc qu’ils ont mis là pour les touristes.»

La sagesse populaire, comme chacun sait, est souvent la seule voix qui s’élève pour dire que le roi est nu. Ainsi, nous savons tous que la planète Terre est parsemée de soi-disant merveilles sécu-millénaires, en réalité fabriquées de toutes pièces pour inciter les gens à dépenser leurs sous en billets d’avion, hôtels et restos avec vue. Mais tous, nous faisons semblant de croire à la fiction de l’objet touristique. Parce que le tourisme est un pilier de notre prospérité. Nous payons de notre personne, nous sommes bien braves. Ou bien dociles.

Heureusement, il y a tripadvisor. Sur le célèbre site où les touristes partagent leurs impressions, des audacieux dénoncent l’imposture. Le Daily Telegraph a recensé leurs cris de révolte face aux plus intouchables icônes du soi-disant patrimoine mondial. Je ne résiste pas au plaisir du partage.

Les pyramides de Gizeh? «Il n’y a rien à y faire.» Tout comme «il n’y a rien à l’intérieur» du Colisée de Rome, notent finement deux ennemis de la vacuité. Le Musée du Louvre «n’a vraiment rien d’intéressant», le Machu Picchu «ne vaut pas l’effort», le Taj Mahal relève de la «plaisanterie» et la statue de la Liberté, eh bien «ce n’est qu’une statue», ajoutent ceux qui ne s’en laissent pas conter.

Mais «le piège à touristes par excellence», c’est le site néolithique de Stonehenge: «Une perte totale de temps, pire, une perte d’argent: c’est juste un tas de pierres!» relève un esprit lucide. Sa fureur n’a d’égale que celle des visiteurs de la Sagrada Familia, cette verrue dans la skyline de Barcelone: «Si vous aimez les Kardashian (si vous n’avez ni goût ni classe), vous aimerez probablement cette monstruosité.»

Voilà, c’est dit, il fallait oser. Je vous laisse face à votre conscience quant à la décision à prendre pour vos vacances d’automne. Non sans avoir rendu hommage à un courageux précurseur, rencontré sur le site de Delphes il y a plus de vingt ans. Déjà, il s’écriait: «Jamais vu des ruines aussi dégueulasses, c’est tout par terre!»

Quand je pense. Tout cet argent, toute cette poussière, toutes ces Birkenstock usées. Tout ça pour quoi? Il faudra un jour ériger une statue à l’héroïque persévérance du touriste inconnu.

anna.lietti@hebdo.ch/ @AnnaLietti

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Comment la médecine chinoise se réinvente

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Jeudi, 15 Septembre, 2016 - 06:00

Enquête. Confrontée aux exigences du monde moderne, cette tradition millénaire a commencé à se renouveler en intégrant des éléments de la médecine occidentale et en modernisant ses traitements. Reportage en Chine, là où elle est née.

La grande bâtisse blanche de l’hôpital Clifford se dresse au milieu d’un entrelacs d’autoroutes et de centres commerciaux à moitié bâtis au sud de Canton, une cité de 13 millions d’habitants dans le sud de la Chine. A l’intérieur, une nuée de médecins en blouse blanche s’affairent, manipulant des équipements médicaux dernier cri. Mais on aperçoit aussi des patients couchés dans de petites salles éclairées par une lumière tamisée, le dos et les mollets recouverts d’aiguilles, un petit caisson rempli de bâtonnets d’armoise fumante posé sur les épaules.

Dans une chambre, Avigayil Louzoun, une Israélienne de 25 ans qui vient d’accoucher de son troisième enfant, se repose. «Hier soir, j’avais terriblement mal au dos, alors on m’a fait une compresse de gingembre et de myrrhe, et la douleur a miraculeusement disparu», sourit-elle. Un peu plus loin, une femme est couchée sur une banquette, reliée à une machine qui pompe son sang pour le lui réinjecter une fois qu’il aura été oxygéné. Sur le toit de l’établissement, des malades se promènent en pyjama dans un jardin rempli d’herbes médicinales.

L’hôpital Clifford, qui accueille près de 20% de patients étrangers, propose un mélange unique de médecine chinoise et de traitements occidentaux. Il est emblématique de la révolution que vit actuellement cette forme de soins née il y a plus de deux mille ans. Une transformation qui passe par une intégration plus poussée de la médecine occidentale et une modernisation des soins prodigués.

Il est midi. A la cafétéria de l’hôpital Clifford, le serveur pose un plat fumant sur la nappe blanche. Quelques légumes sont recouverts d’hippocampes séchés. «Ça, c’est le Viagra des Chinois, sourit le Dr Clifford Pang, le fondateur de l’établissement. Cela augmente la force vitale chez les hommes.» Le serveur revient, muni d’un bol rempli de glaçons dans lesquels ont été plantés des gombos crus. «C’est très bon pour le foie et contre le diabète», glisse le médecin.

La diététique est l’une des composantes essentielles de la médecine chinoise. Celle-ci comprend aussi l’acupuncture, soit la stimulation de points répartis sur le corps au moyen d’aiguilles, la consommation de décoctions aux herbes, animales ou minérales, le massage Tui Na ou encore le qi gong, un mélange d’art martial et de méditation.

«Toutes ces pratiques reposent sur deux concepts philosophiques, explique Lixing Lao, le directeur de l’Ecole de médecine chinoise de l’Université de Hong Kong. Le yin et le yang qui sont les deux facettes opposées de tout phénomène: le jour et la nuit, le froid et le chaud, etc. Et les cinq phases que chaque chose traverse successivement: le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau.»

Rétablir les flux de qi

La maladie survient lorsque cet équilibre est rompu. Un excès de feu va, par exemple, provoquer une inflammation des articulations, une sinusite ou une infection urinaire. Les traitements proposés par la médecine chinoise ont pour but de remédier à ce déséquilibre et de rétablir les flux de qi, l’énergie vitale qui traverse le corps. Le diagnostic se pose en observant la langue du malade, en tâtant son pouls, en sentant son odeur et en lui posant des questions sur son sommeil ou son appétit.

L’hôpital Clifford fait tout cela, et bien plus encore. «Nous proposons plus de 180 traitements», détaille Clifford Pang. Cela va de l’acupuncture à la thérapie musicale, en passant par la chélation (injection de produits détoxifiants), les bains de vapeur aux herbes médicinales ou les thérapies à base de piqûres d’abeille.

«Nous examinons chaque cas et choisissons le traitement qui convient le mieux», précise cet homme menu qui paraît bien plus jeune que ses 76 ans. Chaque mardi, une vingtaine de spécialistes issus à la fois de la médecine moderne et de la médecine chinoise se réunissent pour discuter des patients et se mettre d’accord sur un protocole de soins.

Il y a des évidences: «Pour diagnostiquer une maladie complexe, traiter une blessure ouverte ou stopper une infection, on va bien sûr utiliser la médecine occidentale», dit-il. Mais pour les maladies chroniques, les douleurs récurrentes ou les allergies, la médecine chinoise offre davantage de solutions, selon lui.

«Aujourd’hui, un patient qui souffre de problèmes cardiovasculaires se voit prescrire des médicaments qu’il doit prendre à vie, détaille le docteur. Or, la médecine chinoise permet de contrôler la pression sanguine de façon naturelle sans effets secondaires, au moyen de préparations aux herbes.»

L’équipe du Dr Pang n’hésite pas à s’attaquer aussi à des maladies plus graves. Elle a développé un traitement contre le cancer qui mêle soins modernes (chimiothérapie, radiation, chirurgie) et traditionnels. Les patients reçoivent notamment des décoctions aux herbes destinées à réduire la taille de leur tumeur, de l’acupuncture pour minimiser les effets secondaires de la chimio et des séances de qi gong pour favoriser la sécrétion de certaines hormones anticancéreuses.

Ils sont aussi soumis à une thérapie hyperthermique, censée tuer les cellules cancéreuses en les chauffant à 45 °C au moyen d’une plaque ronde ou d’un caisson chauffant, et à de la chélation pour leur injecter de l’éthylène diamine tétraacétique, des vitamines C et B17, des substances anticancéreuses.

Interaction entre les ingrédients

L’usine de Ling Nam Medicine se trouve à Tuen Mun, une petite cité en bordure de la baie de Hong Kong. Un mélange d’herbes est en train de chauffer dans une grande cuve en inox. Lorsque la préparation atteint 80 °C, elle se déverse dans des petits pots de verre ronds qui avancent sur un convoyeur. Les récipients remplis de ce liquide jaune pissenlit sont ensuite posés sur une table pour refroidir. Leur contenu se transforme alors en baume blanc crème. Une odeur de menthe poivrée et de camphre flotte dans la pièce.

Hong Kong est un hub mondial pour les préparations de médecine chinoise. La ville compte au moins 500 usines qui en fabriquent. «La plupart sont des petites entreprises familiales, comme la nôtre, qui se fondent sur des recettes transmises de génération en génération», note Timothy Tam, son volubile patron, en manipulant l’un des baumes antidouleur de sa firme.

Hong Kong héberge aussi 3200 pharmacies vendant les ingrédients utilisés en médecine chinoise. Le quartier de Sheung Wan, au cœur de la ville, compte des dizaines d’échoppes vendant des herbes, des vessies de poisson ou des champignons médicinaux dans de grands bocaux en verre. Le patient arrive avec sa prescription et le marchand pèse les composants de son traitement, avant de les emballer en vrac dans un sachet en plastique. Le malade doit alors les faire bouillir dans de l’eau chaude durant plusieurs heures, afin d’obtenir une réduction au goût amer qu’il consommera.

Chaque préparation contient entre 9 et 18 substances en moyenne. «La plupart des médicaments occidentaux comportent une seule substance active, alors qu’en médecine chinoise, c’est l’interaction entre les divers ingrédients du traitement qui produit un effet sur la maladie, détaille Timothy Tam. Le ginseng a 36 principes actifs à lui tout seul.»

Production modernisée

La plupart des 6000 ingrédients utilisés en médecine chinoise sont d’origine végétale, mais il y a aussi des matières plus exotiques – et parfois controversées – comme la bile d’ours, la corne de rhinocéros ou les os de tigre. La récolte de certaines de ces substances est illégale et alimente les réseaux de braconniers. D’autres sont très chères, comme le cordyceps, un champignon qui pousse à l’intérieur du cocon de certains papillons de nuit sur les hauts plateaux tibétains. Un tael (37 grammes) peut atteindre 5700 francs, ce qui génère un trafic de contrefaçons. D’autres encore sont dangereuses, comme le cinabre, un minerai chargé en mercure.

Tout cela a poussé les fabricants de traitements de médecine chinoise à moderniser leur processus de production. «Nous avons commencé à tester nos préparations pour vérifier qu’elles ne contenaient pas de métaux lourds ni de pesticides ou de microbes, détaille ce chimiste de formation. Nous procédons également à des analyses par chromatographie pour vérifier que chaque médicament contient bien les substances actives qu’il est censé avoir.»

De nouvelles formulations ont également vu le jour, comme des pilules, des granulés ou des poudres sur lesquelles il suffit de verser de l’eau chaude. «Elles correspondent mieux au mode de vie des jeunes travailleurs urbains qui n’ont pas le temps de passer trois heures dans leur cuisine à faire bouillir des herbes», note-t-il. Ling Nam a développé un pansement et un spray contenant ses préparations médicinales. L’acupuncture aussi a connu des avancées. «On peut désormais stimuler les aiguilles électriquement, ce qui augmente la précision et l’intensité du traitement», relève Lixing Lao.

Transition vers la pharmacopée moderne

La modernisation de la médecine chinoise ne passe pas que par une amélioration des techniques et substances utilisées. Une poignée de chercheurs se sont donné pour objectif d’en faire une science exacte. C’est le cas de Daniel Mok, un biologiste de l’Université polytechnique de Hong Kong. «Je me sers de la botanique moderne – notamment des analyses chimiques et d’ADN – pour étudier les végétaux utilisés en médecine chinoise et isoler leurs principes actifs», déclare cet homme au regard vif, assis dans son bureau rempli de piles de documents, de figurines de robots Transformers et de photos d’enfants.

Il répertorie ensuite les usages médicinaux que la littérature traditionnelle chinoise recommande pour ces herbes, et se fonde là-dessus pour mener des essais cliniques. «Nous avons commencé à tester un mélange contenant du piceatannol, une substance qu’on trouve dans le vin rouge, sur des souris souffrant de problèmes cardiovasculaires, détaille-t-il. Elles parviennent mieux à synthétiser le gras que les souris qui n’en ont pas reçu.» Il espère que cela débouchera sur le développement d’un nouveau médicament anticholestérol.

Daniel Mok n’est pas le seul à mener ce genre de recherche. Le laboratoire Shanghai Innovative Research Center (SIRC), fondé en 2000, s’intéresse lui aussi aux propriétés des herbes utilisées en médecine chinoise. L’un de ses plus grands succès est la découverte de S111, un métabolite du ginseng.

«Cette substance est à peu près aussi efficace contre la dépression que le Prozac», indique William Jia, son vice-président chargé de la recherche. En Chine, le ginseng est traditionnellement utilisé pour traiter les «troubles de l’humeur», précise-t-il. La licence du S111 a été vendue au groupe pharmaceutique chinois Taibao. La mise sur le marché d’un médicament devrait survenir d’ici à deux ou trois ans.

Parmi les autres transpositions réussies depuis la médecine chinoise vers la pharmacopée moderne figurent l’artémisinine, très efficace contre la malaria et dont la découverte a valu un prix Nobel de médecine à la chercheuse Tu Youyou, et le trioxyde d’arsenic, une substance minérale qui est désormais utilisée contre les leucémies. Le groupe pharmaceutique Hutchison Medi Pharma teste pour sa part un médicament dérivé de la chirette verte, une plante. Elle a montré des effets prometteurs contre la maladie de Crohn. 

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Chemin de croix pour les musulmans

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Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 05:57

Nathalie Versieux

Reportage. De nombreux réfugiés iraniens ou afghans veulent se convertir au christianisme. A Berlin, une église accepte de les baptiser, là où Eglises catholique et protestante, dominantes dans le pays, sont très réticentes.

Benjamin va bientôt pouvoir porter une croix autour du cou. Pour l’heure, il est assis sur l’un des durs bancs de bois du premier étage de l’église de la Trinité, un bâtiment moderne d’un quartier vert du sud-ouest de Berlin. Une centaine d’Iraniens et d’Afghans, tous réfugiés, sont assis à ses côtés face à l’immense croix de la nef.

Tous veulent quitter l’islam pour devenir chrétiens. Comme chaque samedi après-midi, ils sont venus assister au cours de préparation au baptême du pasteur Gottfried Martens. «En tant que chrétiens, vous ne serez plus soumis aux lois de l’islam, explique le pasteur à l’assemblée. Mais ça ne veut pas dire qu’on peut faire n’importe quoi ou tout ce qu’on veut! On doit vivre avec notre corps de façon à rendre hommage à Jésus.»

Debout à ses côtés, l’un des premiers convertis de la paroisse traduit en farsi les propos du prêtre. L’heure est réservée aux questions des futures ouailles. Un homme mince, très jeune, veut savoir pourquoi Dieu est qualifié de «roi» dans la Bible. «Comme un roi, Dieu ne se préoccupe pas de savoir ce que les gens pensent de ce qu’il fait. Mais on a beaucoup de chance: notre roi ne nous exploite pas. Notre roi fait tout pour qu’on aille bien.»

Au dernier rang, deux jeunes Iraniens, visiblement épuisés par le manque de sommeil dans leur foyer de réfugiés, bâillent, le regard perdu. De rares femmes et quelques enfants ont pris place dans l’assemblée.

Des Ouailles venues de toute l’Europe

Fahradars, 23 ans, crâne à moitié rasé et petite queue de cheval, fines lunettes sans monture, étudiait l’architecture à Téhéran dans une vie antérieure. Il était encore en Iran lorsqu’il a choisi son nom de baptême, Benjamin. Un long périple de dix mois l’a mené de son pays vers l’église de la Trinité, via un foyer de réfugiés de Halle, en ex-RDA.

«A Téhéran, je fréquentais les églises clandestines, qui se tiennent dans des appartements privés, raconte le jeune homme. Des amis m’avaient parlé de Jésus et de la Bible. Mais en Iran, si vous voulez vous convertir, vous risquez la peine de mort. C’est pourquoi je suis parti.

Quand je suis arrivé à Halle, je suis allé voir le prêtre de la paroisse proche du foyer. Je ne sais toujours pas pourquoi il a refusé de me convertir. Alors, quelqu’un m’a parlé du père Martens, m’a dit qu’il acceptait de convertir les Iraniens.» Le père Martens recueille de fait des ouailles venues de toute l’Europe.

La quarantaine, barbe légère et cheveu raide, Gottfried Martens n’en revient toujours pas de l’affluence nouvelle dans son église: 850 convertis font aujourd’hui partie de cette paroisse, en voie d’extinction voici encore cinq ans, 350 personnes sont inscrites aux cours de baptême. Lors du dernier examen que doivent passer les fidèles avant d’être déclarés chrétiens, 170 des 250 candidats ont obtenu le baptême.

«Beaucoup viennent de Norvège, car ce pays ne reconnaît pas la conversion au christianisme comme motif pour accorder l’asile. Plusieurs des personnes que j’ai recueillies et à qui j’ai accordé «l’asile d’église» étaient menacées d’être renvoyées en Iran, où elles risquaient la peine de mort.»

«L’Asile d’église»

Certains ont passé plusieurs années en Grèce ou en Turquie. D’autres comme Fahradars ont fui le foyer où ils étaient logés, à cause des néonazis et des prêtres qui refusent de convertir les musulmans. «La situation est terrible pour les minorités religieuses dans les foyers de réfugiés, dénonce Gottfried Martens. C’est un véritable scandale. Même dans les foyers tenus par les églises, on refuse de voir les discriminations dont sont victimes les convertis ou les yézidis.»

Le prêtre a donc décidé de faire usage du droit qui lui est accordé par la Constitution allemande d’accorder «l’asile d’église» aux personnes frappant à sa porte. Chaque jour, une vingtaine de personnes dorment sur les tables et les bancs de la salle de réunion, au rez-de-chaussée du bâtiment. Matelas et couvertures sont repliés le matin. La petite communauté se réunit alors pour un petit-déjeuner à base d’olives et de pain turc, de thé et de café. Dans un coin s’entassent les sacs à dos des réfugiés. Une douche a dû être construite dans l’urgence.

Il n’est pas facile de passer de l’islam au christianisme en Allemagne. Les Eglises catholique et protestante qui dominent le paysage religieux refusent de convertir les musulmans, au nom du dialogue interreligieux. «La rencontre avec les musulmans désireux de se convertir menace la paix au sein de la société et est en contradiction avec l’esprit et la mission de Jésus-Christ, estime ainsi l’Eglise évangélique de Rhénanie dans un document consacré à la question. C’est pourquoi il faut résolument rejeter une telle rencontre.»

Mêmes réticences du côté de l’Eglise catholique. En pleines tensions religieuses, catholiques et protestants ne veulent surtout pas passer pour missionnaires, laissant le terrain libre aux Eglises parallèles, comme l’Eglise évangélique luthérienne à laquelle appartient Gottfried Martens. Voire aux sectes. L’Eglise de la Trinité, une église «indépendante», compte 35 000 fidèles dans le pays. De tradition conservatrice, elle est plus proche par ses rites du catholicisme que du protestantisme.

Faciliter l’intégration

La plupart des musulmans qui veulent se convertir sont Iraniens. L’Iran compterait 500 000 à 1 million de chrétiens «clandestins» selon le père Martens. Certains des candidats à la chrétienté espèrent bien sûr augmenter leurs chances d’obtenir l’asile politique en Allemagne.

«Mais c’est une minorité, estime le prêtre. Pour devenir chrétien, il faut un véritable engagement personnel. Vous devez passer un examen. Vous serez ensuite de toute façon mis «sur le gril» par l’Office des migrations qui veut vérifier votre motivation… La véritable motivation de la plupart de ceux qui viennent me voir est le rejet d’une religion – l’islam chiite – vécue comme sinistre, noire, empreinte de tristesse et de violence. La plupart des convertis découvrent ici qu’une fête religieuse peut être quelque chose de gai. Ce message de joie et d’amour les fascine…»

D’autres encore espèrent tout simplement augmenter leurs chances d’intégration. Fahradars-Benjamin attend avec impatience la date de son prochain baptême. Son rêve: apprendre enfin suffisamment l’allemand pour reprendre à l’université ses études d’architecte. 
 

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Aérospatiale, le savoir-faire suisse en orbite

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Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 05:58

La Chine a lancé avec succès sa deuxième station spatiale, Tiangong-2, la semaine dernière. Fait exceptionnel, elle a autorisé d’autres pays à collaborer à son programme spatial.

En effet, sa station comporte un outil de mesure, Polar, élaboré en partie par l’Université de Genève. Ce dernier permettra d’étudier les sursauts gamma, ces explosions de lumière provenant d’autres galaxies. 

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Songdo, oser le futur

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Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 05:59

Reportage. Ville hyperconnectée, durable et surveillée, la construction de Songdo avance à grands pas dans la grande banlieue de Séoul, en Corée du Sud. 

Ville intelligente. Il y a quelque chose d’étrange dans ce terme: il présuppose que les autres villes sont bêtes comme des culs-de-sac. Il recouvre en fait un type d’expérimentation urbaine, un laboratoire dominé par les technologies de l’information et de la communication. La smart city est hyperconnectée, durable et sûre, autrement elle n’est pas.

La photographe genevoise Stéphanie Buret a récemment passé un mois dans une telle ville nouvelle: Songdo, en Corée du Sud. Elle aurait pu choisir Masdar à Abu Dhabi ou Fujisawa au Japon, mais Songdo est le projet de smart city le plus avancé. Amorcé en 2003, le chantier devrait s’achever en 2022, au prix faramineux de 35 milliards de dollars. La ville compte déjà 100 000 habitants, avec l’ambition d’en avoir le double à son achèvement. Elle est bâtie non loin de Séoul, au bord de la mer Jaune, à proximité du viaduc qui file vers l’aéroport international d’Incheon. Par sa position même, Songdo est déjà en réseau.

Elle l’est encore davantage grâce à ses technologies numériques. Un cerveau central gère le trafic et la surveillance des espaces publics. Les logements standardisés sont équipés d’un écran de contrôle. Il permet par exemple aux mères de famille de surveiller à distance leurs enfants. Des panneaux numériques attestent des consommations énergétiques des ménages. Un moyen de mesurer son empreinte environnementale, d’encourager à réduire consommations et coûts.

Pas ou peu de poubelles dans la ville nouvelle: depuis les appartements, les ordures rejoignent directement un système souterrain de traitement des déchets. Songdo compte aussi des espaces de détente, des universités et des sièges de grandes entreprises ou d’organisations internationales. Cette ville intelligente est largement financée par des groupes privés, à commencer par Cisco, qui peuvent y tester et promouvoir leurs technologies.

On aurait beau jeu d’ironiser sur le besoin de protection, de connexion, d’éducation de prestige des Coréens. Pour un géographe comme Jacques Lévy, professeur à l’EPFL, la donne n’est pas si simple. Selon ce penseur du territoire urbain, Songdo est d’abord l’émanation d’un pays asiatique qui ose imaginer son futur, alors que l’Europe est plutôt en panne de projets d’avenir. Elle s’inscrit dans une société technophile qui appréhende l’innovation avec bienveillance et confiance. Une société disciplinée, où la défiance envers l’autorité est moins marquée que par ici.

Mais Jacques Lévy n’est pas tout à fait à l’aise avec le terme smart city: «C’est surtout le «city» qui me gêne. Songdo appartient à la grande agglomération de Séoul et se rapproche de l’idée d’un écoquartier. Une vitrine où les milieux politiques et économiques montrent leur bonne volonté, mais qui encourage une population homogène, militante, convaincue d’avance par des avantages environnementaux ou technologiques.

Or, une ville, c’est le mélange, l’altérité, la surprise. Elle n’est ni bête ni intelligente, mais plus ou moins bien mise en œuvre pour que les gens aient l’envie d’y vivre. C’est un système ouvert, alors que Songdo est conçue comme un système fermé, alors même qu’elle s’inscrit dans le grand Séoul. Ce genre d’expérience pose plus de questions qu’elle n’amène de réponses. Est-ce bien de ce type de ville que nous voulons pour être heureux? Voulons-nous que les technologies numériques se substituent à notre monde ou qu’elles soient des aides complémentaires, toujours pour nous aider à mieux vivre ensemble? 

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Staccato: infertile polémique

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Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 05:59

22 septembre 2016. C’est le premier Fertility Day voulu par la ministre de la Santé italienne, Beatrice Lorenzin. Chiche qu’il n’y en aura pas de deuxième. 

Ratatata! Il y a eu tir de barrage contre la campagne «sexiste», «insultante» et «paternaliste» conçue à cette occasion. L’ombre de Mussolini et de Hitler réunis a plané sur la ministre quadragénaire, accusée de tenir un discours «digne des années 30» en renvoyant les femmes à la niche de la domesticité maternante. Nous ne sommes pas que des utérus, mais des personnes à part entière! Ont tweeté des bataillons d’insurgées.

Avant de voir la campagne elle-même, j’ai lu ces réactions. Et, ma parole, j’ai cru que le gouvernement de Matteo Renzi avait contracté la fièvre saoudienne.
Je suis rassurée. Que dit l’affiche la plus vilipendée? «La beauté n’a pas d’âge, la fertilité, oui.» Franchement: vous trouvez ça nazi? Il y a aussi cette autre: «La fertilité est un bien commun.» Ceux qui militent pour davantage de crèches ne disent pas autre chose.

Alors, justement: les Italiennes en colère ont expliqué que des enfants, elles rêvent d’en faire, mais que la précarité de la vie et le manque de structures d’accueil les obligent à renvoyer leur projet. Disons donc que vu le contexte social transalpin, la campagne a péché par maladresse: la fureur des jeunes couples est à la mesure de leur frustration.

N’empêche, il n’y a pas que ça. Après tout, la ministre n’a fait que rappeler une réalité crue: tout se prolonge – l’adolescence, la formation, la jeunesse du corps, l’espérance de vie – sauf la fertilité des femmes qui, à partir de 25 ans, amorce impitoyablement son déclin. Résultat: entre le temps social et le temps biologique, un décalage vertigineux. Insupportable. Scandaleux. Gare à celui qui le rappelle: un enfant si tu veux, quand tu veux? Ben non, justement, pas exactement quand tu veux. Grrr, des baffes…

Je suis effarée par cet argument des anti-Fertility Day: au lieu de nous traiter comme des lapines, le gouvernement ferait mieux de développer la recherche sur la reproduction assistée. La nature nous empêche de faire des enfants tardifs? Que la médecine s’en charge! Quand je pense qu’on est à l’ère du bio. Mais on dirait que la contradiction ne frappe personne.

Baudrillard s’étonnait: on est passé de la revendication d’un maximum de sexualité avec un minimum de reproduction à celle d’un maximum de reproduction avec un minimum de sexualité. Comment en est-on arrivé là? Vertigineux. Insupportable. Des baffes.

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E-inclusion: va-t-on y arriver?

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Jeudi, 22 Septembre, 2016 - 06:00

Plus de 4 millions de personnes ne disposent pas de connaissances suffisantes en informatique en Suisse. Pourtant, toute la population doit pouvoir utiliser le numérique avec compétence, selon le plan Stratégie «Suisse numérique» du Conseil fédéral. Comment combler ce fossé? En créant un réseau de lieux de proximité pour permettre à toutes et à tous de participer à la société de l’information selon leurs besoins. 

L’égalité des chances d’accès et d’usage de l’internet et du numérique est un des quatre objectifs principaux de la Stratégie «Suisse numérique» du Conseil fédéral présentée en avril 2016. Toute la population vivant en Suisse doit pouvoir accéder à des infrastructures de réseau, des contenus ainsi qu’à des applications et services de qualité. Par ailleurs, toutes et tous doivent savoir utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC) de manière compétente, sûre et responsable, annonce le Conseil fédéral.

C’est un très grand défi, car il est de notoriété publique, bien que les médias en parlent peu, qu’une grande partie de la population adulte ne dispose pas de compétences de base suffisantes pour utiliser les TIC et l’internet de manière appropriée dans son travail, ainsi que pour participer pleinement à la vie économique, sociale et culturelle. Pour communiquer avec les administrations, acheter des biens ou des services, participer à la vie politique et sociale, s’informer, il faut être connecté, savoir comment s’y prendre et évaluer l’information pour ne pas être trompé.

Bien que la Suisse soit un des pays les plus développés en matière d’équipements TIC et de connexion informatique, 17% de la population n’utilisent pas l’internet régulièrement et 12% ne l’utilisent pas. Une fracture numérique importante subsiste. L’utilisation de l’internet varie fortement selon l’âge, le revenu et la formation. En matière de savoir-faire, la situation est particulièrement problématique. L’Office suisse de la statistique (OFS) a conçu un indice de compétence internet qui est fonction du nombre d’activités réalisées en ligne parmi un choix de six usages de base.

Le pourcentage de personnes disposant d’expérience dans trois des six usages de base retenus (calculé à mon intention par l’OFS pour six classes d’âge), soit des «compétences internet moyennes», ne dépasse jamais 50% de la population, le pic étant atteint chez les 25-34 ans, pour décliner fortement chez les personnes âgées de 45 ans et plus. La courbe est encore plus marquée pour l’indice «compétences internet élevées» (cinq sur six usages de base): seule une personne sur cinq en disposerait dans la tranche d’âge 45-54 ans, puis on arrive rapidement vers zéro après 65 ans. 

Les jeunes en formation ou qui viennent d’entrer sur le marché du travail (15-24 ans), qualifiés volontiers de «natifs numériques», sont plus de la moitié à ne pas avoir atteint le niveau dans trois usages de base. Comment cela est-il possible dans un pays dont le système de formation est tant vanté?

Que faire pour s’assurer qu’une partie de la population ne soit pas exclue de la société de l’information? De nombreuses initiatives existent pour réduire les inégalités sociales dans les usages du numérique. Cependant, l’ampleur des besoins ne semble pas encore avoir été évaluée correctement.

Des millions de personnes sont concernées en Suisse, pas seulement les personnes peu formées en recherche d’emploi, les travailleurs et travailleuses plus âgés, les personnes handicapées et les migrants. Près de 60% de la population de plus de 15 ans ne disposeraient pas de «compétences internet moyennes» selon les projections de l’OFS. Soit 4 millions de personnes!

Encore faut-il tenir compte du fait que l’usage déclaré ne va pas forcément de pair avec la capacité à utiliser de manière adéquate les moyens disponibles. Par exemple, dans le domaine de la sécurité, des personnes insuffisamment formées s’exposeront davantage à des risques, tant dans la sphère privée que professionnelle. La diffusion de conseils, l’offre de cours proposée par une multitude d’organismes, de même que les mesures techniques et l’amélioration de l’ergonomie des interfaces, bien que nécessaires, ne me paraissent pas à la mesure des enjeux.

Il faut rechercher et imaginer de nouvelles solutions permettant de toucher une large partie de la population pour espérer atteindre effectivement les objectifs du Conseil fédéral dans un délai raisonnable. La création d’un réseau de lieux de proximité permettant à toutes et à tous de développer et de mettre à jour constamment leur culture numérique devrait être envisagée. Des espaces ouverts six jours sur sept offrant des moyens techniques (wifi, postes de travail, imprimantes, vidéo, etc.), cela va de soi, mais surtout la possibilité d’être accompagné par des personnes compétentes (médiateurs et médiatrices numériques) dans tous les usages de base du numérique et capables d’assurer des tâches de formation de différents publics.

Un partenariat public-privé entre les communes, des entreprises privées – en particulier celles présentes dans toute la Suisse, telles que La Poste, les CFF ou Swisscom – et le tissu associatif permettrait le maillage de l’ensemble du territoire sur la base d’un concept unique proposé partout. Des modèles existent, les Espaces publics numériques (EPN) en France, le réseau Community Resource Network en Australie. Inspirons-nous-en! 

Retrouvez les billets de Jean-Claude Domenjoz dans son blog Éducation et médias

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Dans les couloirs de la mort: épisode 1

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Jeudi, 29 Septembre, 2016 - 05:47

Épisode 1: le dernier coup de fil

«La peine de mort, c’est le miroir grossissant des problèmes non résolus aux Etats-Unis. A commencer par l’injustice sociale et la question raciale», insiste Patrick Chappatte. Le dessinateur du Temps sait de quoi il parle. Depuis 2014, année d’un long séjour outre-Atlantique, lui et sa femme, Anne-Frédérique Widmann, multiplient les projets collaboratifs* autour de la peine capitale, appliquée dans une vingtaine d’Etats américains.

Avec l’aide d’autres «cartoonistes», mais aussi de dessins fournis par les prisonniers qui croupissent dans les couloirs de la mort, à l’isolement. Une exposition itinérante, vue au printemps à Morges et à Genève, témoigne de cet effort conjoint, à l’intérieur et à l’extérieur des prisons, d’attirer l’attention de l’opinion internationale.

Patrick Chappatte a lui-même réalisé un remarquable reportage BD sur la peine de mort aux Etats-Unis, publié en mai dans le New York Times. Le voici en trois épisodes dans L’Hebdo, où Chappatte s’était lancé dans le journalisme dessiné en 1995, à l’occasion d’un voyage en Amérique du Sud.

Avec Joe Sacco ou Guy Delisle, il est un pionnier d’un genre qui renouvelle la narration journalistique, alliant la subjectivité du dessin à la précision factuelle. A la fois terrible et sensible, son reportage BD éclaire une situation carcérale intolérable, inconnue de la majorité des Américains. Le voici, à l’heure même où deux candidats aux vues divergentes sur la peine de mort se battent pour accéder au pouvoir à Washington.

* windowsondeathrow.com, plumes-croisees.com

La semaine prochaine «Episode 2: Comment ne pas devenir fou à l’isolement»  

Retrouvez la série sur www.heb.do/chappatte

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Patrick Chappatte
Laurence Rasti
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Arte, la foi européenne

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Jeudi, 29 Septembre, 2016 - 05:49

Reportage. Alors que l’idéal d’une Europe ouverte et pacifique semble appartenir au passé, la chaîne franco-allemande créée en 1991 se veut un antidote à l’esprit d’abandon et tente même l’élargissement.

Kady Adoum-Douass se souviendra longtemps de son arrivée à Arte, le 7 janvier 2015. Le matin, elle était encore chez elle, à Paris, boulevard Richard-Lenoir, bouclant ses bagages, quand les frères Kouachi donnèrent l’assaut meurtrier contre la rédaction de Charlie Hebdo, presque sous ses fenêtres. L’après-midi, la jeune femme montait dans le TGV de 14 h 30 pour Strasbourg. Douze jours plus tard, elle présentait son premier journal télévisé sur la chaîne franco-allemande.

De père tchadien et de mère martiniquaise, née à Amiens, en Picardie, la journaliste en avait assez de «l’infotainment», dit-elle, cette information mêlée de divertissement et d’ironie qu’elle avait pratiquée à Canal+. Arte la «sollicitait», elle avait dit oui. Bientôt, elle ferait la connaissance du cousin allemand, ce père la rigueur du journalisme. Tant mieux, la rigueur, le sérieux, c’est ce qu’elle était venue chercher sur les bords de l’Ill, un affluent du Rhin, paysage au demeurant très doux.

C’est là, au 4, quai du Chanoine-Winterer, à deux pas des institutions européennes, dans un environnement de villas arborisées, que s’élève le siège d’Arte, un grand bâtiment métallique et vitré inauguré en 2003, reposant en partie sur des colonnes. Temple cathodique de la réconciliation franco-allemande et, de facto, de l’«idéal européen». Cette chose un peu floue, un peu flasque mais non sans vigueur, est pareille à la méduse qui file des boutons, rouspètent les ennemis de l’Europe politique. Arte 2016, c’est l’anti-Brexit, le référendum par lequel les Britanniques ont décidé, le 24 juin dernier, de quitter l’Union. Un effet d’aubaine, pour la chaîne qui a vu le jour en 1991 sous l’impulsion du président François Mitterrand et du chancelier allemand Helmut Kohl.

Le 24 août à Paris, au Grand Palais, lors de la conférence de presse de la rentrée, la présidente d’Arte France, Véronique Cayla, rebondit sur le vote de défiance. «Poursuivre ce beau dessein européen, pour Arte, arrimée à son socle franco-allemand, est plus que jamais nécessaire pour contrer le désenchantement et l’atomisation de nos sociétés. Les errements du tout-économique et du communautarisme, le danger des replis identitaires et des fanatismes en tout genre, la violence des clivages sociaux et culturels fissurent l’unité de notre continent», affirme-t-elle, de concert avec son homologue allemand Peter Boudgoust, président d’Arte GEIE, l’entité strasbourgeoise proprement dite (lire l’encadré ci-dessous).

Le duo franco-allemand essaie au passage de contenter le plus de monde possible dans la famille démocrate: ceux qui combattent l’islamisme, ceux qui livrent bataille à l’extrême droite, pas toujours les mêmes personnes…

Directeur de l’information d’Arte depuis 2013, le journaliste franco-italien Marco Nassivera, gueule d’acteur de polar, rappelle ce qui, à ses yeux, ne fait aucun doute: «L’essence européenne d’Arte, elle est là, on ne se pose pas la question. Et elle est avant tout culturelle, peut-être le meilleur véhicule pour faire avancer les choses», dit-il, au frais dans son bureau. Ce mercredi de septembre, l’est de la France vit l’un de ses derniers jours de forte chaleur.

Plus qu’un relais des institutions européennes

Il est 10 h 40, la conférence de rédaction du matin est lancée. Aux commandes, l’Allemande Carolin Ollivier, la rédactrice en chef parfaitement bilingue d’Arte Journal, le JT de la chaîne, diffusé à 19 h 15 sur le canal allemand, à 19 h 45 sur le canal français, pour tenir compte des habitudes télévisuelles des deux pays. L’actualité qui fera l’ouverture est le plan de relance présenté le jour même devant le Parlement à Bruxelles par le président de la Commission européenne, le Luxembourgeois Jean-Claude Jun­cker. On s’attend à «un Ruck-Rede, un discours de changement de cap», prédit Carolin Ollivier, née à Bonn, passée par la chaîne allemande ARD, mariée à un Français.

«C’est quand même le président le plus pourri qu’on ait eu (à la tête de la Commission européenne, ndlr), c’est quand même le gars de LuxLeaks (scandale fiscal impliquant le Luxembourg, ndlr)», maugrée une voix autour de la table. Sourires polis de la douzaine de collègues présents. La rédactrice en chef passe à la suite: l’ancien premier ministre et président d’Israël Shimon Peres serait au plus mal. Un sujet sur la crise que traverse la direction du Staatsballett de Berlin fermera le journal du soir, suivi du talk-show 28 minutes, animé depuis Paris par la Française Elisabeth Quin.

Pas plus que son supérieur hiérarchique Marco Nassivera, Carolin Ollivier ne veut pas passer pour le petit télégraphiste des institutions européennes. «L’Europe, c’est bien sûr tout ce qui a trait à Bruxelles et à Strasbourg, mais c’est surtout la communauté des Etats, c’est la politique migratoire, ce sont les pays européens qui ne font pas partie de l’Union et auxquels nous nous intéressons, en mettant l’accent sur le reportage», explique-t-elle.

Pour 2017, très grosse année, présidentielle en France, législative en Allemagne, la patronne d’Arte Journal imagine un road movie à travers le continent européen pour demander à ses habitants comment ils voient ces deux pays, longtemps décrits comme les locomotives d’une intégration qui semble aujourd’hui privée de cap et de substance.

Deux sensibilités différentes

Les crises que connaît l’Europe ont ceci de pratique qu’elles relèguent les bisbilles franco-allemandes au second plan. A ce propos, Arte et sa vitrine de la parité parfaite – autant de programmes français que de programmes allemands, un nombre équivalent de collaborateurs de chaque pays, la présidence pour l’un, la vice-présidence pour l’autre, et inversement en cas d’alternance – ne présentent-elles donc aucun défaut? Des divergences, plutôt, des sensibilités différentes, parfois des tensions, qui renvoient aux deux cultures respectives. La dette grecque est un cas d’école. «La partie allemande de la rédaction d’Arte est sur une ligne plus dure que la partie française, qui est, elle, davantage sur la ligne des pays du Sud, a constaté Marco Nassivera.

Autre dossier touchy, le rapport que nous entretenons, nous, Français, aux anciennes colonies africaines. Nos collègues allemands ont par exemple interrogé le bien-fondé de l’intervention militaire française au Mali, alors que, pour nous, elle allait de soi face au danger djihadiste.» Un déjeuner à l’excellente cantine d’Arte – «le seul restaurant de Strasbourg qui possède une chaîne de télévision», dit un bon mot –, et tout désaccord trouve en principe une solution.

Mais il n’y a pas que l’info dans la vie de la chaîne. Avec quarante et une minutes quotidiennes produites sur place, sa part est même assez congrue, abstraction faite des documentaires, magazines et autres émissions de décryptage de l’actualité, comme Le dessous des cartes, un des piliers d’Arte avec le magazine culturel Metropolis. L’Allemand Markus Nievelstein est le directeur de l’unité Connaissance. La faune et la flore, le monde des volcans, c’est lui. L’histoire, souvent présentée sous un jour contemporain, c’est lui aussi. Une histoire si contemporaine qu’elle en est quelquefois immédiate: à partir du 4 octobre passeront Les années Obama, une série en quatre épisodes.

Coproductions suisses

L’espace européen reste toutefois la patrie d’Arte. Avec le souci clairement revendiqué de combattre les nationalismes et replis identitaires. «L’UE ne communique pas là-dessus, nous, si. On est engagés», affirme le directeur des programmes, le Français Alain Le Diberder. Un documentaire est en préparation sur «le parcours des extrêmes droites dans l’Europe d’aujourd’hui». Un autre, de huit épisodes, l’est également sur l’armistice de 1918 et ses suites.

Intitulé Le fracas des utopies, 20 chaînes le coproduisent, sans la RTS – «elle nous a dit qu’elle n’avait pas de case pour ça», rapporte Markus Nievel­stein. Absente sur ce projet-là, la RTS n’en coproduit par moins des sujets avec sa consœur strasbourgeoise. «Nous discutons actuellement avec les Suisses de la réalisation d’une série dont le titre de travail est «Là-haut sur la montagne», souffle le directeur de l’unité Connaissance.

Cosmopolite, Arte ne fait pas pour autant la promotion du volapük, cette langue artificielle forgée dans les utopies internationalistes du XIXe siècle. Directeur de l’unité Cinéma et fiction, l’Allemand Andreas Schreitmüller veut que les histoires racontées dans les films soient «rattachées et enracinées dans une culture, sinon les gens ne regardent pas». Le succès rencontré sur sa chaîne par la série Borgen, qui a su rendre excitante la politique danoise, lui donne raison. Oui, donc, aux coproductions internationales, mais au profit d’intrigues ancrées dans un paysage culturel identifié. Repli? Sans doute un peu, par nécessité narrative, mais cela ne saurait exclure l’ouverture à l’autre.

Génération quadra

Cet autre et en même temps semblable, la chaîne veut aller le chercher hors de sa sphère historique. Arte, diffusion modeste mais établie (1% de part de marché en Allemagne, 2,4% en France au meilleur de ses audiences), tente depuis un an d’attirer vers elle les publics britannique et espagnol sur des plateformes numériques dédiées, en leur proposant six cents heures de programmes sous-titrés dans leur langue respective. Génération ciblée, les quadras, quand l’âge moyen des téléspectateurs d’Arte se situe plutôt autour de 50 ou 60 ans. Mais de l’ambition aux résultats escomptés, il y a encore un grand pas. Au point que la chaîne ne souhaite pas communiquer sur des audiences pour l’heure «pas assez flatteuses».

Le bureau chargé de cet élargissement au sud, au nord et bientôt à l’est, en Pologne, dispose d’un budget annuel de 2 millions d’euros, dont la moitié est prise en charge par l’Union européenne. On perçoit ici un certain volontarisme.

Jürgen Biehle est indéniablement l’aîné de Kady Adoum-Douass. Entre eux, comme une complicité père-fille. Vingt ans de maison, dont dix-huit à la présentation du journal en allemand, Jürgen Biehle incarne l’esprit d’Arte. A la fois intello et terrien dans l’aspect, originaire de Stuttgart, marié à une Française, barbe blanche de fringant patriarche, il est le produit de cette Allemagne de l’Ouest d’avant la chute du Mur et de l’après-nazisme, programmée pour la démocratie et la tolérance. Homme de compromis, il pratique la litote.

«On peut dire très gentiment qu’il y a un léger déséquilibre dans la pratique du français et de l’allemand dans les rapports de travail», relève-t-il au terme de la conférence de rédaction menée en français par une Allemande. «Vivre toute une journée dans une langue de travail étrangère…» ajoute-t-il, ne terminant pas sa phrase. C’est ainsi, semble-t-il penser.

«Si la chaîne a perduré, on le doit à Jérôme Clément, le premier président d’Arte, un Français. Les Allemands, de leur côté, étaient très ouverts, alors que les politiques français, au début, étaient très fermés, comme d’habitude. Jack Lang, ministre de la Culture et de la Communication, n’avait ainsi pas compris qu’il y aurait des programmes en allemand», tacle une observatrice de ce temps-là. C’était l’époque où la France prenait encore de haut son voisin allemand, réunifié depuis peu. D’où, peut-être, ce «léger déséquilibre» dans un couple qui paraît cependant solide. 


Arte: qui, quoi, combien

Arte, c’est qui? Arte (qui signifie Association relative à la télévision européenne) est formée d’Arte GEIE (Groupement européen d’intérêt économique), dont le siège est à Strasbourg, d’Arte France et d’Arte Deutschland. Arte est le fruit d’un contrat passé par l’Etat français avec les länder allemands, qui ont autorité sur un audiovisuel fédéralisé.

Qui fournit les programmes? Arte France et Arte Deutschland apportent chacune 40% du contenu, les 20% restants étant produits par Arte GEIE.

Qui paie? Arte France est une structure propre, dotée de 264 millions d’euros par l’Etat français (budget 2016). Le financement allemand est davantage «en nature», sous forme de programmes livrés par les chaînes régionales d’ARD et de la ZDF, la base d’Arte Deutschland. Le budget spécifique d’Arte GEIE (siège et studios strasbourgeois) est de 130 millions d’euros: 5,5 millions générés par les recettes propres d’Arte GEIE, 124,5 millions fournis à parts égales par Arte France et Arte Deutschland. 

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Mario Botta: «C’est un bâtiment d’une stupidité incroyable»

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Jeudi, 29 Septembre, 2016 - 05:50

Eclairage. Mario Botta n’aime pas la nouvelle extension de son musée de San Francisco. Le signe, selon lui, d’une culture américaine qui privilégie le spectaculaire et «fait n’importe quoi».

«Cette extension est une catastrophe. On dirait une grosse armoire blanche. Elle est l’expression d’une culture américaine sans éthique qui fait n’importe quoi. Tout cela est d’une stupidité incroyable. D’une totale myopie urbaine.» Bang! Mario Botta ne cache pas sa colère devant l’extension du Museum of Modern Art de San Francisco (SFMOMA), qui a ouvert ses portes en mai dernier. La nouvelle construction blanche, signée par le bureau norvégien Snøhetta, se dresse derrière le bâtiment en briques ocre dessiné par Mario Botta, ouvert en 1995.

A l’époque, les responsables du musée californien voulaient un signe architectural fort. Ils avaient choisi un quartier ingrat de San Francisco, South of Market, où trônait une tour Art déco des années 1920. La proposition géométrique de l’architecte tessinois les avait convaincus, préférée à celles de Frank Gehry ou de Tadao Ando. Il y a vingt et un ans, Mario Botta inaugurait un musée qui allait remplir à merveille sa fonction iconique. «J’ai donné un logo à cette ville», se souvient aujourd’hui l’architecte, 73 ans.

Pourtant vaste, le bâtiment de cinq étages a été victime de son succès. Avec une fréquentation de 650 000 visiteurs par an, le SFMOMA étouffait. En 2006, le musée lançait un nouveau concours architectural dans le but de flanquer le bâtiment de Mario Botta d’une extension qui triplerait presque la surface d’exposition. Comme le terrain à disposition était de taille réduite, il fallait construire en hauteur, sur dix étages.

Comme un banc de brouillard

Les architectes norvégiens de Snøhetta, l’un des bureaux vedettes de notre époque, ont remporté la mise avec un bâtiment à l’esthétique atmosphérique, qui s’inspire des brumes régulières de San Francisco. Une architecture comme un banc de brouillard.

J’étais cet été dans la ville du nord de la Californie. Je me suis posté devant le nouveau SFMOMA pour tenter de comprendre la logique de la double construction. Il n’y en a pas. Difficile d’imaginer deux édifices plus dissemblables. L’un est symétrique, massif, postmoderne («postclassique», dirait Botta), ocreux, frappé d’un grand œil bordé de granit blanc et noir qui relie l’intérieur à l’extérieur. Autant ce musée est tangible, autant l’extension est intangible, laiteuse, ondulante, sans angle droit. Les deux ne font pas la paire, à l’évidence.

«J’aurais aimé participer au nouveau concours, note Mario Botta. J’aurais su comment faire. Mais voilà: ce sont les Etats-Unis, le pays qui dicte ses propres règles. Je n’ai pas été invité. Le résultat est pire que tout ce que j’aurais pu imaginer. Il ne tient aucun compte de la logique de construction de San Francisco, de sa stratigraphie urbaine particulière. Il impose bêtement son langage figuratif, cassant la qualité abstraite de son environnement, en particulier l’immeuble Art déco des années 1920. Peut-être qu’il s’améliorera avec le temps.

Ou pas: il faudra voir comment vieillira son revêtement extérieur synthétique!» L’extension est en effet couverte de panneaux en plastique renforcé de fibres, agrémentés de cristaux de silice pour changer d’apparence au fur et à mesure de la course du soleil.

Partenaire de danse

Craig Dykers, l’un des fondateurs du collectif Snøhetta, est plus diplomate que son collègue suisse. A l’inauguration du nouveau SFMOMA, comme la presse américaine le rapportait en mai dernier, Dykers louait l’impact identitaire du premier bâtiment, la manière dont il a transformé toute la ville, la simplicité et le calme parfaits de ses salles d’exposition. Dykers comparait le musée de Mario Botta à un «partenaire de danse. Si vous êtes comme lui, vous finissez par vous marcher sur les pieds. Un bon partenaire est quelqu’un qui a sa propre personnalité et qui peut se déplacer librement avec vous.»

Reste qu’il y a peu de chances que Craig Dykers et Mario Botta valsent un jour ensemble. Sacrilège supplémentaire, Snøhetta a remplacé dans le premier musée le grand escalier en granit noir par un autre plus clair, en bois, au grand dam du Tessinois.

A l’intérieur du SFMOMA, la transition entre les deux corps se fait sans heurt. Dans le nouvel édifice, les espaces sont bien conçus, lumineux. Les terrasses et jardins de sculptures abondent, le plus grand mur végétal des Etats-Unis renforce le côté organique de l’ensemble. C’est un grand geste architectural, immodeste comme les Etats-Unis, tournés vers l’avenir. C’est la Californie, le laboratoire dans lequel s’invente le monde de demain, faisant table rase de l’ancien.

C’est aussi l’enjeu plus large de la prolifération actuelle des extensions de musées. Ces derniers sont les temples de la culture enfin démocratisée, des moteurs économiques pour des villes à la recherche de nouveaux financements. Leur fonction est en plein bouleversement. Jadis élitaires, ils s’ouvrent à des publics bien plus larges. Quitte à consacrer plus de la moitié d’un nouveau bâtiment, comme la New Tate Modern de Herzog & de Meuron, à Londres, à des espaces de socialisation, d’apprentissage, d’événementiel.

Selon un calcul récent de The Art Newspaper, les institutions muséales dans le monde ont dépensé 8,9 milliards de dollars dans leurs projets d’agrandissement depuis 2007. Le SFMOMA a consacré 305 millions de dollars au sien. Plus au sud, à Los Angeles, le LACMA dédiera 600 millions de dollars à son extension dessinée par le Grison Peter Zumthor.

Profil bas

Le même architecte concevra le nouveau bâtiment de la Fondation Beyeler à Bâle. Le dessin n’a pas encore été révélé. Quelque chose nous dit qu’il n’entrera pas en rupture totale avec l’actuelle fondation, due à Renzo Piano. En Suisse, on préfère jouer profil bas, en respectant l’ancien, comme le suggèrent les nouvelles extensions du Kunstmuseum de Bâle et du Musée national de Zurich, toutes deux réalisées par le duo Christ & Gantenbein.

Leurs constructions grises multiplient les références, et même les révérences à celles qu’elles complètent. A l’instar du tuf des façades ou du terrazzo du sol pour le Landesmuseum zurichois. Ou des stries horizontales pour le Musée bâlois des beaux-arts. Le futur Kunsthaus de Zurich, créé par le Britannique David Chipperfield, sera une sobre boîte qui reprendra les structures verticales des façades d’origine.

En Suisse, on pense complémentarité, aux Etats-Unis… «On ne pense pas du tout! peste encore Mario Botta. Remarquez, la situation n’est pas meilleure chez nous. C’est peut-être une conséquence de la culture virtuelle, qui privilégie l’émotion immédiate. Nous ne sommes plus capables de regarder. Nous voyons les choses, mais ne nous les regardons plus. Au détriment des vraies valeurs, de celles qui comptent dans une vie d’être humain.» 

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Luc Debraine
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Le flexitarisme, pour un avenir plus vert

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Jeudi, 29 Septembre, 2016 - 05:51

Anaelle Vallat

Décodage. Consommer moins de viande, d’œufs ou de fromage et privilégier les produits locaux, mais sans dogmatisme. Le flexitarisme séduit une population préoccupée par son impact sur l’environnement.

Au début, il y avait les végétariens. Longtemps considérés comme des bobos écolos et souvent montrés du doigt, d’avant-gardistes ils sont petit à petit devenus à la mode. Une fois ces marginaux acceptés, surfant sur la vague sont arrivés, dans le désordre, véganes, paléos, végétaliens, pesco-végétariens, lacto-végétariens, crudivores, granivores et autres frugivores. Au XXIe siècle, définir sa façon de manger et, plus généralement, sa façon de consommer est devenu un must.

Nouvel arrivé: le flexitarien. Contraction de flexible et de végétarien, sa définition est très vaste. Réduire sa consommation de viande, de protéines animales, de gluten, ne pas acheter de produits carnés mais en manger à l’extérieur, ne manger qu’une fois par semaine des protéines animales, faire un jeudi sans viande… Il y a autant de définitions que de flexitariens. Sur le site flexitarisme.com, aucune table de loi pour les disciples de cette nouvelle tendance alimentaire.

«Le flexitarisme est un terme pour décrire un mode de consommation où le fait de manger moins de viande et de privilégier le local ou le bio est conscientisé. La consommation responsable se fait au quotidien», définit Régis Matthey, 29 ans, lui-même flexitarien.

Juste une mode?

Les mauvaises langues diront que ce n’est qu’une nouvelle mode, bientôt dépassée par le prochain «-isme». Valerio Rizzo, biologiste et nutritionniste à Lausanne, ne le voit pas d’un mauvais œil. «S’il n’y avait pas de mode, les gens ne sauraient pas que ça existe et n’auraient pas conscience qu’il existe une autre façon de faire.» Les démarches individuelles sont conscientisées. «Nous avons besoin de dénommer les choses. Cela permet de se reconnaître, de se retrouver, d’échanger commentaires et impressions. Ainsi, des niches deviennent de plus en plus importantes. Les gens changent petit à petit leur mentalité, on observe une certaine ouverture», ajoute-t-il.

Nombreux sont ceux qui se réclament du végétarisme alors qu’ils mangent du poisson, ou végétaliens et mangent des œufs de la ferme de temps en temps. Les mots n’ont que le sens qu’on leur donne, mais ils rendent les gens attentifs à leur assiette. «Au final, je ne me revendique pas flexitarien ou climatarien mais, si cela aide les gens à conceptualiser un mode de consommation plus responsable, c’est tant mieux!» soutient Régis Matthey.

Argument écologique

Cette tendance renvoie au débat plus large sur la façon de consommer dans notre société. La question des produits d’origine animale est indéniablement liée à celle d’un avenir plus vert. Selon une étude du WWF publiée en début d’année, un flexitarien dépenserait l’équivalent de 1495 kg de CO2 par année. C’est nettement moins que les 2326 kg d’un carnivore ou les 1837 kg de la moyenne suisse. «Quand on connaît les ressources nécessaires pour produire 1 kg de viande, on se dit que le monde ne tourne pas rond. Si chacun diminuait un peu sa consommation de viande, la planète s’en porterait mieux», défendent Aurore et Thomas, qui se disent à 70% végétariens, 25% véganes et 5% carnistes...

Miroir d’une société qui bouge et d’une évolution des mentalités, les flexitariens ne se contentent plus de trier l’alu, de séparer le compost ou de prendre le bus, mais ils font le lien entre alimentation et impact sur l’environnement. Le flexitarisme donne accès à cette conscientisation à tout le monde, loin de l’extrémisme de certains régimes trop stricts qui peuvent décourager. Pascale Stretti, blogueuse et auteure culinaire, est végétalienne. Elle accueille pourtant à bras ouverts les flexitariens. «Je suis ravie que ce mouvement gagne de l’ampleur. Dès qu’on prend conscience de ce qu’implique notre steak quotidien, on finit par ne plus avoir envie d’y toucher.»

Que ce soit le premier pas vers un arrêt de produits animaux ou simplement une consommation plus intelligente, le flexitarisme encourage la prise de conscience. Le végétarien qui mord dans un bout de jambon perdu au milieu d’une quiche lorraine ne sera plus un «assassin», mais un flexitarien. 

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